Fear and Loathing in Jump City [Jinx]

" Maxima, on a besoin de vous ! "

Les paroles venaient d'un inspecteur de police. Ses pensées de surface révélaient qu'il n'aurait jamais pensé devoir dire ça un jour, et ses pensées plus profondes révélaient qu'il aurait bien préféré avoir Superman, Wonder Woman, ou à peu près n'importe qui à l'exception d'Elastic Man plutôt que Maxima sous la main. Ce n'était pas qu'elle n'était pas qualifiée pour le job à faire, c'était qu'elle était ... spéciale.

Maxima l'excusait, car ses pensées plus profondes étaient typiquement humaines, et flattait son ego par leur indécence. Un curieux mélange de jalousie et de désir rageur refoulé. On aurait presque pu croire qu'elle buvait les larmes directement dans l'âme de ses "protégés".

" Je gage que cette menace saura être réglée par vos services, ou par l'un de ces trublions facétieux des Titans. Nous sommes à Jump City, après tout ! C'est la paix de cette cité et son absence de criminalité qui y a motivé cette journée sabbatique ! "

Le policier se massa les tempes, et Amazing Man, présent sous son identité civile de William Everett III, préféra intervenir en faveur du policier. Lui avait la chance d'avoir pu garder son identité secrète intacte.

" Je pense que tu devrais y aller, Maxima. Je vais m'occuper des papiers, de l'assurance, du constat, tout ça ... On retentera l'aventure un autre jour. "

Curieusement, il semblait même que sa couverture s'en était trouvé renforcée. Il fallait voir la grandiloquence grand-guignolesque de son accompagnatrice.

" Certes. " acquiesça-t-elle, " Ce genre d'attention est remarquée, William. La Couronne d'Almerac t'es reconnaissante pour le cas que tu fais de ces traditionnelles tractations terriennes d'un ennui navrant. "

Le grand pullover noir et le jean qu'elle avait mis en vue de paraître "parfaitement normale" disparurent pour se métamorphoser en tenue royale traditionnelle Almeracienne. La tenue "d'héroïne" de Maxima, qui n'avait pas mis longtemps à quitter cette fausse identité ... Si tant est qu'elle avait pu essayer de l'intégrer une seconde.

Elle arracha son crayon à papier des mains de l'officier de police, avant de le broyer dans l'une de ses mains. L'Impératrice se dirigea ensuite vers le patron du bar duquel elle et Amazing Man venait de sortir, et elle lui remet la poignée de diamants résultantes de son opération entre les mains.

" Tenez. Acceptez ces bibelots en guise d'excuses. En considérant l'importance puérile que votre économie primitive accorde à la graphite compressée, cela devrait vous permettre de rattraper cet incident et faire de vous un homme riche. Allez, et qu'il ne soit pas dit que l'Auguste Maxima d'Almerac n'est pas magnanime ! "

L'incident auquel Maxima faisait référence n'était en fait pas difficile à trouver : Il suffisait de trouver la moitié de bâtiment qu'il manquait au bar. Ce n'était pourtant pas de la faute de Maxima, à la base. Enfin, indirectement, si. Amazing Man avait beau avoir fait des efforts pour tenter de la sociabiliser, et Maxima promit elle-même de se policer ... Maxima était tout bonnement impossible à cacher. Même sans son armure, quand la titane était entrée en prenant soin de se baisser et de passer en biais pour ne pas défoncer la porte, cela avait suffit à ruiner sa couverture. Dans la communauté super-héroïque, il n'y avait qu'une femme de sa taille, apte à renvoyer n'importe quel m'as-tu vu de comptoir complexer.

Cela aurait pu pourtant se passer correctement, si elle n'avait accepté de "prendre part à ce défi d'adresse et de précision".

Elle avait joué aux fléchettes. Rien de bien méchant.

C'était bien la peine d'avoir strictement refusé tout ces concours de force entre brutes avinés !

Connaissant la fragilité des structures terriennes, Maxima avait emprisonné la cible dans un champ de force apte à résister à cette joute... Elle avait évidemment fait mouche en plein centre du premier coup, mais comment aurait-elle pu savoir que les vibrations seules produites par son lancée puissent venir à bout de la structure entière ? Comment pouvait-on construire des structures aussi faibles ?

Evidemment, la virée "détente" avait tourné court, et la police avait été appelé.

De retour dans le présent, Maxima venait de s'envoler vers le Centre-ville où des flashs lumineux contrastaient avec le soleil radieux de l'après-midi californien. L'endroit précis où un mal terrible semblait circonscrire toute intervention crédible de la Police ...

Et à l'Impératrice Galactique d'arriver dans son style bien à elle, à quelques dizaines de mètres de hauteur, clamant d'une voix claire et audible à plusieurs pâtés de maisons à la ronde :

" Cessez instamment cet acte malfaisant, vandales, et rendez-vous aux autorités, ou soyez prêts à subir les conséquences de vos errements malheureux aux mains de l'Impératrice d'Almerac ! "

Voilà qui était inattendu. Cette bourgade était-elle si peu défendue que les automates agricoles terriens traditionnels pouvaient la prendre d'assaut et capturer son centre-ville par capitulation sans le moindre affrontement digne de ce nom ?

Cela portait le nom d'outrage, dans le vocabulaire Almeracien. On ne se rebellait pas ainsi contre l'autorité, à plus forte raison si l'on était une machine ! La machine sert le maître sans discuter !

" Silence, félon ! " tonna-t-elle en direction de ce robot de paille, "  Prosterne-toi et repend-toi ! "

Mais il n'en fit évidemment rien.

Maxima, protectrice des humains, qui avait fait serment de ne pas tuer d'humains pour la Justice League - Sauf cas exceptionnel, et Maxima était bonne négociatrice pour ce qui était des "cas exceptionnels" - n'était pas tenu de se limiter pour ce qui était des machines babillardes. Celle-ci aurait mérité son sort.

Elle la fusilla donc d'un regard assassin comme l'insecte qu'elle était. Ceci étant, si l'on pouvait qualifier le regard kryptonien de potentiellement subtil et chirurgical, deux simples traits lumineux brûlant, celui des Almeraciens ne l'était pas. Le regard de Maxima était plus proche d'un cône de destruction aveuglant strictement abusif même dans son expression la plus limitée. Une arme d'oblitération globale comme seule la philosophie almeracienne du "plus c'est gros, plus c'est respecté" pouvait envisager. Maxima ne pourrait jamais faire d'opération chirurgicale avec ses yeux ... Mais elle s'en fichait bien.

Frappé de plein fouet par la douche d'énergie et de particules exotiques, Maxima ne laissa sur place que la moitié des jambes-brindilles et les chaussures du serf. On pouvait d'ailleurs voir qu'elle ne rigolait pas au fait que la portion de toit derrière la victime était en train de s'évaporer - ce qui pouvait sembler curieux pour du béton, du gravier et de l'acier mais ... Il fallait avoir l'esprit ouvert, dans un monde super-héroïque - et que l'immeuble de derrière grinçait horriblement après qu'il eût perdu une partie de sa façade. Il y avait maintenant dans l'édifice une plaie béante qui ressemblait un peu à ce qu'un gamin aurait pu faire à un pot de glace avec une grosse cuillère à soupe. Ce n'était pas spécialement gracieux, mais ça marchait. On s'arrangerait avec les dommages collatéraux après.

On parlait tout de même d'affronter la menace d'une rébellion agricole capable de prendre une métropole américaine !

" Nul besoin de s'époumoner. Je vous entends très bien. " mitigea l'"Héroïne" en descendant vers l'immeuble de la frondeuse, " Je suis Maxima d'Almerac, Impératrice et souveraine d'Almerac, protectrice du royaume Krenon, des Marches, des Cités stellaires de Tioniis et de mille autres possessions ! Ma race conquiert les étoiles depuis des éternités et j'ai à moi seul réduit des planètes à la soumission ! C'est votre décision de me menacer qui souligne un courage impressionnant, petite grise ! "

L'impératrice géante observa les ridicules soldats de l'armée ennemie qui semblaient ne pas faire grand cas de l'organisation, de l'entraînement, de l'équipement ou même de l'efficacité, tout occupés qu'ils étaient à ... faire strictement n'importe quoi. Il était des moments où Maxima d'Almerac remettait en question la totalité de son engagement auprès des humains ... Était-ce bien la même race qui tenait tête à Darkseid d'Apokolips et à ses légions de paradémons ?

Elle se retourna vers cette curieuse leader aux arguments capillaires étonnants et au choix vestimentaires au mieux parodiques pour reprendre son soliloque :

" Votre champion est défait, Reine des champs, et vos pitoyables phalanges ne me prendront guère plus d'effort ! L'Impératrice d'Almerac acceptera votre reddition pour le compte de la Terre ! Déposez les armes maintenant, et je saurais me montrer magnamine : j'irais porter les revendications de votre mouvement auprès de votre Président régional ! Quelles sont-elles ? Plus de main d’œuvres dans les champs ? De véritables demeures en lieue et place de vos masures ? De véritables cultures à même de vous offrir subsistance ? Je m'engage à faire valoir les droits de votre mouvement paysan auprès de votre gouvernement, car il est indéniable que vous avez vaincu la garnison de cette ville. Sans mon intervention, vous en auriez pris le contrôle ! "

Evidemment, là où un épouvantail n'avait pas réussi, une douzaine d'entre eux ne fit pas bien mieux. Une autre portion d'immeuble vola en éclats, mais Maxima n'en avait cure : elle était une conquérante galactique, et la destruction de l'une de ces masures terrienne démesurément grande était peu de chose à côté de ce qu'elle avait déjà pu occasionné sur d'autres mondes, quand elle ne tentait pas alors de sauver une planète.

" Ah, vous faites partie de ces bandits grandiloquents enclins à détruire la seule planète de votre civilisation ? " réalisa-t-elle avec lassitude, " Est-ce là une déficience mentale, ou ce teint cireux et ces horribles cheveux cachent une tare génétique ? "

Son dédain était grand, et la frustration bien trop visible de son adversaire ne lui procurait aucune joie, aucun sourire, juste le néant. Maxima avait dépassé ce stade, car elle voyait cette petite grise comme infiniment inférieure à elle, à plus forte raison dans ses défauts à la fois physiques et mentaux ... Quelle personne censée se rabaisserait à utiliser des automates agricoles pour mener une attaque digne de ce nom ? Est-ce que la Terre était une planète si faible et pitoyable que les fragiles pantins simiesques qui la peuplait avaient créé en ces machines des instruments plus puissants que les sarbacanes à dragées qu'ils osaient qualifier du sobriquet d'"arme" ?

Bien sûr, ces considérations prirent place dans la tête de l'Impératrice galactique avant qu'elle ne voit surgir de nul part une autre légion d'assaillants ! Des guerriers montés sur d'horribles destriers enflammés. Des apparitions démoniaques à même d'effrayer une héroïne affrontant l'inconnue, si celle-ci n'était pas Maxima ... Car Maxima n'avait jamais rien vu de semblable ! Quelle était cette technologie ? D'où sortait ces forcenés maniant coutelas et lances contre une guerrière de sa trempe, qui ne craignait nul métal et les contrôlait même ? Pourquoi agissaient-ils comme ils le faisaient ? Pourquoi l'esprit de Maxima n'était-il pas à même de réduire les composants de leurs armes en un inutile amas rondelet ?

Déjà, de toute sa hauteur, l'Impératrice se préparait à affronter la charge héroïque de ces guerriers de l'Apocalypse, dents serrées et poings levés dans une élégante posture guerrière Almeracienne, d'un art martial qui prenait certainement plus de fierté à utiliser la lévitation et la force titanesque des êtres royaux pour produire le résultat le plus esthétique possible que le plus efficace ... Mais ainsi allait la vie, dans une galaxie où l'on ne connaissait pas véritablement d'égal ... Elle maudit l'impudente gamine pour ce camouflet terrible, se préparant à subir une terrifiante agression, quand il se révéla que ce n'était que des hologrammes ! Ah, des imitations si fines que l'Almeracienne n'y avait vu que du feu ! Ah, voilà donc où l'on trouvait les ressources de l'Humanité ... Dans le "Grand Spectacle" !

" Ah ! " s'exclama-t-elle, à voix haute cette fois-ci, baissant sa garde pour se retourner face à la cheftaine, " Voilà une technologie bien intéressante que tu emploies, voilà bien quelque chose que l'Empire d'Almerac gagnerait à découvrir ! Il est bien triste que celle-ci soit l'apanage d'une si médiocre... "

Elle fut interrompue par le fracas métallique d'une lance qui se brisa gaillardement contre son flanc, la surprenant plus sûrement qu'elle ne la blessa.

" Peste ! " pesta-t-elle, " Qu'est-ce donc que cela ? " Un deuxième cavalier gluant et puant entama sa passe d'armes, mais la guerrière s'occupa prestement d'accueillir sa monture d'un coup de poing d'envergure impressionniste, arrêtant net toute velléité belliqueuse dans l'opposition, " Comment un monde aussi primitif peut-il disposer de technologies aussi fourbes ? Comment cela fonctionne-t-il ? "

Le combat, sans que Maxima d'Almerac ne puisse prêter toute l'attention qui se devait à la roitelette qui osait se dresser en-dessous d'elle - car elle ne devait guère faire qu'un mètre douze, vue depuis les hauteurs -, continua dans toute sa rage et sa férocité, tournant néanmoins bien vite au happening post-moderne digne de Jackson Pollock, entre les fragments réels de vase sortis des égouts et ceux, peut-être fantasmés, qui giclaient de ces guerriers du néant. Il n'y avait rien là qui soit en mesure de menacer durablement l'Impératrice à la crinière de feu, mais elle faisait face à des manifestations terriblement primitives ... Il n'y avait rien qui pouvait prédire les effets de ces artifices inconnus si ils étaient dirigés directement sur la guerrière ...

Car, enfin, qu'est-ce donc que la "Magie" pour une guerrière interstellaire ?