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Châtie bien

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Châtie bien Sam 11 Jan 2020 - 0:56

ft. Scarecrow
Châtie bien



La route avait été longue, mais nécessaire, jusque dans le comté de Géorgie. Trois longues heures intenables pour Edward qui avait été pourtant confortablement installé dans un jet privé, faute à une nouvelle crise d’épilepsie qui l’avait épuisé. Longue, quand il avait dû rouler dans une Ford Mustang verte de location, loin de l’aéroport. Il n’avait pas réellement roulé de lui-même, il n’en était plus capable. C’était un de ses robots, une sorte de grosse valise qui l’avait fait pour lui et qui portait maintenant sa lourde valise. Il n’était pas réellement passé inaperçu malgré son long manteau feutré et gris, au-dessus d’un costume vert empire. Son chapeau melon, sa canne, ses chaussures lustrés. Le Sphinx était là et pourtant, méconnaissable. Pas seulement pour sa chemise blanche qui était bien différente des noirs, des violettes ou des roses qu’il affectionnait tant. Pas seulement à cause de ses lunettes qu’il ne portait pas si souvent que cela auparavant et maintenant qui ne le quittait plus. Pas seulement à cause de sa démarche un peu relâché, comme un pantin mal articulé. Pas seulement pour sa maigreur à faire peur ou de son front dégagé. C’était quelque chose dans son regard, comme une lenteur, une confusion derrière une détermination évidente.

Son robot avançait tout aussi difficilement que lui sur le terrain forestier. Les ténèbres avaient envahi l’endroit dès la tombée du soleil. Non, c’était encore plus vieux que ça. L’endroit était lugubre, sinistre et chaque arbre pouvaient le piéger, à coup de racine et de branche mal placé.

- Génial, il neige. Lumière !

Et la valise-robot s’illumina. Il ne se souvenait pas être déjà venu et il espérait, malgré ses recherches, ne pas trop s’éloigner de son objectif. Il retira quelques flocons de ses lunettes. C’était derrière la forêt, forcément. Le chemin fut long pour Edward qui devait conjuguer entre sa jambe morte, le noir et le terrain traitre. On n’avait pas posé de question au GCPD quand Edward avait annoncé une absence indéterminée. Après tout, il venait de réussir brillamment une affaire - malgré qu’il avait manqué de se faire égorgé- sans doute avait-on estimé qu’il le méritait. Ce repos. Ça, c’était la théorie de Nygma mais il était plus probable qu’il n’était toujours pas considéré comme un détective digne de ce nom ou plus simplement, des leurs. Il était assez tard quand enfin, il arriva devant la vieille maison abandonnée, entourée de grandes herbes sauvages. Elle avait beaucoup changé par rapport aux photos qu’il avait consultées. Le temps avait fait son office et c’était à se demander si elle n’allait pas s’effondrer sur elle-même comme un simple château de carte mais la demeure victorienne était là et lui tendait les bras. Dans la pénombre, elle semblait même encore plus grande, plus profonde plutôt.

Edward observa les fenêtres éteintes. Il ne voulait pas avoir fait tout ce voyage pour rien. Il ne pouvait pas. Il n’avait trouvé aucune trace de lui à Gotham City. Il avait cherché. Beaucoup de victime étaient à déplorer depuis plusieurs semaines et Edward avait de l’astuce et du nez pour ses choses-là. Il y avait vu la signature de l’Epouvantail là où les gens voyaient le mystère. Il avait vu le cauchemar dans le regard des cadavres. Il n’était pas en charge de l’enquête mais elle piétinait. Il avait besoin de savoir s’il avait vu juste mais en réalité, tout cela n’était qu’une excuse. Il venait voir Jonathan Crane pour des raisons bien plus personnelles. Pour Edward, s’il n’était pas à Gotham, il ne pouvait être que là. Après tout, on est jamais mieux que chez soi.

Un frisson glacé le poussa à se mouvoir à travers le grand jardin. Il n’y avait pas de retour en arrière, pas de fuite. Il fallait prendre des risques et puis la curiosité était trop forte. Il dût regarder plusieurs fois en arrière pour s’assurer que son robot progressait. Il ne pouvait évidemment pas le porter. « J’aurai du prendre le drone » pensa-t-il avant de jurer, déséquilibré par une grosse pierre blanchi et de premiers abords assez fragile. Il tomba sur le perron, les genoux en avant et les mains sur le sol. Il releva la tête dans une injure avant de quitter sa pieuse position aussi dignement que possible. Une prière ne suffirait pas pour le sortir de sa situation. Son état s’était dégradé depuis plusieurs semaines et toutes ses statistiques, tous ses calculs étaient à revoir. Peut-être ne passerait-il pas l’année. Dans les brumes de sa mémoire, Edward s’était souvenu des expériences de Jonathan sur le cerveau humain. Il ne pouvait pas laisser ce genre de travail à une machine. Ils n’avaient pas cette faculté d’improvisation et pour ce genre d’opération risquée, ils ne pouvaient servir que d’appui. Edward approche sa main de la porte et, après un petit flottement pensif, frappa par deux fois. Peut-être n’était-il pas en mesure de le soigner, mais s’il pouvait simplement réduire la gravité de la chose, quelques symptômes, s’il pouvait juste gagner quelques mois supplémentaires, s’il pouvait l’aider, alors se serait déjà amplement suffisant pour le prince des énigmes. Même s’il allait devoir en payer le prix, il en avait conscience. Il fallait être prêt à tout pour survivre. Jonathan le lui avait appris. Edward avait conscience de jouer sur les deux tableaux sur ce coup-là. Travailler pour le GCPD et aller voir un potentiel coupable de meurtre en série, cela s’apparentait grandement pour de la triche dans l’esprit brouillé du Sphinx et cette idée le rendait malade. Encore plus malade. Il frappa une troisième fois avant de poser sa main sur la poignée.

Il n’a même pas à forcer. La maison l’accueille. Une odeur de renfermé lui monte tout de suite au nez et il doit poser une main sur son nez. Il fait quelque pas, la lumière dans son dos. La lumière éclaira la décoration sobre, abimé par les rongeurs et l’abandon. Personne pour l’accueillir et Edward dut se faire une raison, personne n’était venu ici depuis des années. Peut-être avait-il mal jugé Jonathan, peut-être était-il plus un croquemitaine qu’un homme. Peiné et furieux, il frappa son robot de sa canne pour le faire entrer prestement avant de laisser la porte se refermer sur eux. Si Jonathan n’était pas là, il ne repartirait pas sans rien. Il connaissait le dossier de l’Epouvantail bien sûr. Il savait dans quelles conditions il vivait et elle n’avait pas été si différente des siennes. Il était assez curieux cependant pour ne pas s’arrêter là et il se décida d’explorer un peu l’endroit. Ses yeux glissèrent sur un bas-relief poussiéreux. Il passa sa main dessus et un ange lui fit face. Il eut un gloussement. Être accueilli dans la maison des Crane par un ange, qui l’aurait cru. Est-ce que ses tuteurs se sont imaginés le genre de démon qu'ils engendreraient ?

Il se décida d’explorer chacune des pièces. Il faisait assez froid à l’intérieur, bien moins qu’à l’extérieur mais assez pour qu’Edward garde son manteau près du corps. Il observe lentement. On pouvait entendre la neige tomber à l’extérieur. Les roues du robot grinçaient sur le plancher et la canne d’Edward frappait le sol à un rythme irrégulier. Ils n’étaient pas vraiment silencieux. Il traversa lentement chacune des pièces. Il soupesa quelques objets d’un autre temps mais ne trouva rien à se mettre sous la dent. Il décida alors de monter. Jonathan était entré chez lui et avait vu toute sa vie. Il avait vu tous ses secrets, sa fille, sa détresse, les évènements personnels. Il avait tout vu à travers ses propres yeux, à travers ses indices et sa cervelle. Il ne faisait que faire de même et puis, il n’avait aucun moyen de le savoir. Il repartirait, comme il était venu.

- Ne bouge pas, fit-il au robot qui ne pouvait pas le suivre. Éteint la lumière.

Il prit son téléphone et utilisa sa propre source de lumière pour continuer l’exploration. Il ne pouvait pas le suivre à l’étage. Il monte alors mais aucune pièce ne l’intrigue. Le second étage cependant réserve un mystère qui lui tardait d’explorer : la chambre de Jonathan. Il l’ignore quand il pousse la porte somme toute banale (contrairement aux autres pièces bien plus ouvragé) du bout du pied mais sa surprise est complète. Pas seulement à cause du tableau au-dessus du lit qui le laissait paralysé quelques instants à l’entrée de la chambre. C’était une sorte de tableau sombre qui représentait un humanoïde et là où aurait dû se trouver un visage, se trouvait une immense gueule monstrueuse et béante qui mangeait plus de la moitié du tableau. Ce n’était pas le premier tableau curieux qu’il avait trouvé sur son chemin et chacun lui avait laissé une impression d'angoisse et d’effrois . Une vraie volonté de l’artiste et surement de l’acheteur. Était-ce une menace que Jonathan avait laissé la dernière fois qu’il était venu ? Les tableaux semblaient tout aussi vieux que le bâtiment lui-même et il n’avait pas le temps de les faire expertiser. Ses yeux passèrent un instant sur la peluche d’oiseau, seul indice qu’un enfant avait pu être là.

Il était plutôt rassuré que son propre appartement familiale ait été racheté. Les souvenirs étaient là mais effacés. Ici, tout avait été sauvegardé bien que dégradé par les années. Ce sont les vêtements mités qui furent l’indice sur l’identité du propriétaire de la chambre ; des habits assez masculins et de petites tailles. Il ne lui connaissait pas de frère ou de cousin. Jonathan avait toujours été seul. Il n’y avait pas de bibliothèque ou de jouet. Rien qui aurait pu laisser penser que quelqu’un avait pu passer son enfance et adolescence ici. Le bureau était bien plus marqué. La chaise avait laissé des traces sur le planché et Edward pouvait deviner quelques lettres tracées sur le bois tendre. Combien d’heure avait-il passé à étudier et écrire ? La chambre était assez vide en sommes et c’est ce vide qui le rendit le plus mal à l’aise. Il avait forcément laissé quelque chose. Il fouilla l’armoire, le bureau mais rien n’éveilla plus son intérêt qu’une boite en métal sous le lit. Il se plia comme il put avec son unique jambe et tira le coffret à lui avec sa canne. Évidemment, un verrou était censé lui résister. Il eut un rire mais ressemblait-il plus à un croassement à cause de la tension.

- Tu es un vilain petit cachotier, Jonathan.

Le verrou ne posa pas de problème à Edward qui était un expert depuis longtemps. Si un coffret de banque ne lui résistait pas, ce n’était pas un vieux verrou codé qui le ferait. Le coffret dévoila son mystère. Il approcha la lampe de son téléphone et tomba sur une vieille coupure d’un journal du coin sur la mort d’un couple de lycéen. Un accident tragique. Oui. Tragique. Il reposa le papier, comme brûlé. L’exemple de Sleepy Hollow l’enthousiasma un peu plus. Quand il le feuilleta, il y vit plus d’une inscription complètement incompréhensible. Il prit plusieurs photos pour ne rien oublier et referma le tout sagement avant de repousser le coffre de sa canne. Ça devait être à peu près part là. Il posa sa main sur le lit pour se redresser dans un grondement douloureux. La peluche tomba sur le côté. Edward ne s’y attarda pas et referma la chambre.

Le troisième étage comportait bien moins de pièce et elles s’apparentaient toute à des greniers, sauf une. L’odeur était forte ici et Edward ne put s’empêcher de pousser une expression dégoutée qui raisonna dans la pièce vide. Elle était située juste sous les combes et Edward ne pouvait qu’imaginer la chaleur en été, bien avant qu’une partie du toit ne se soit effondré. La neige avait déposé une fiche couche sur le sol. Il s’apprêtait à refermer la porte quand quelque chose attira son attention. Il fit quelques pas à l’intérieur. Incapable de se mettre à genoux, il ne pouvait que constater des traces de griffure et de sang sur le sol. Ça ne pouvait pas être un animal qui avait fait ça. Il regarda sa propre main et la referma. Il savait que Jonathan avait subies nombre de violence et de maltraitance pendant son enfance. A cet endroit, il y a plus de vingt ans, un enfant avait griffé le sol et les murs jusqu’au sang. Il regarda brusquement derrière lui, le cœur affolé.

- Qui est là ? fit-il d’une voix qui avait gagné en aigüe.

Le silence lui répondit. Il resta là, immobile, un long moment. Il observa l’obscurité, braquant la lumière droit devant lui. Rien. Il expira longuement.

- N’importe quoi, se fit-il à lui-même avant de quitter la pièce à pas pressé.

Il ne prit pas la peine de la refermer. Il boita jusqu’à l’escalier et descendit chaque marche bien plus rapidement que lorsqu’il était monté. Il dut s’appuyer sur la rambarde pour ne pas tomber. Il fut soulagé de voir son petit robot l’attendre sagement. Il allait signaler le départ quand quelque chose attira son attention. Quelque chose de cacher, derrière un rideau près de l’escalier. La curiosité tuait le Sphinx et il n’hésita pas bien longtemps. Il tira ce qui restait du rideau et dévoila une sorte de placard à balais. N’y avait-il pas une cave dans ce genre de vieille maison ? L’Epouvantail y avait été engendré et expulsé. Il n'avait trouvé aucune trappe au sol. Etait-ce par là ? Le rideau était usé et moisi par endroit.

- Lumière, commanda-t-il une nouvelle fois.

Il en était certain maintenant. Il passa ses doigts sur les angles, le mur, et chercha la prise. Il avait trouvé l’entrée du sous-sol. Un nouveau rire nerveux flotta dans l’air et l’homme-mystère entra sans crainte, le bras tendu vers l’avant.


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Re: Châtie bien Mer 15 Jan 2020 - 19:02


Les plus importants trajets sont toujours les plus longs. Ce besoin de retrouver un visage aimé. Cette envie de faire ses preuves à son employeur. Ce désir de s'enfermer dans le silence de sa maison après une épuisante semaine. Dès que le trajet est animé par un tel processus de pensée, alors il devient interminable. Et l'impatience guette. Elle observe. Avant de se faire connaître, parasitant chacune des réflexions et idées naissant à travers l'esprit de sa victime. Le pied bouge. Tapote dans un rythme irrégulier le sol, ou le plancher de sa voiture. L'agacement devient plus perceptible. Une simple remarque. Un simple mouvement... Il ne suffit d'un rien, finalement, pour que cet agacement se transforme en un énervement réel. Une petite explosion, en somme. Mais c'est un bien petit prix à payer. Face au soulagement. Face au bien-être qui apparaît dès que les yeux se posent sur le centre névralgique de ce besoin. De cette envie... Mais, pour certains, le prix est bien plus lourd. Car leur impatience s'associe à leur épuisement chronique. Car leur agacement est déjà au stade de l'énervement et que chaque nerfs se nouent et s'entremêlent avec une furie maladive.
Ils sont mentalement fragiles. Épuisés. Une vérité qui vient aussi parasité leur état physique. Et ces personnes, ce sont les gens prêts à tout. Prêt à aller voir le pire. À faire face. Des âmes torturées, désespérées, pour qui la beauté d'un paysage, ou le goût délicat d'un plat, ne sont que des spectacles inutiles.

Ils auront tout le temps pour cela après. Lui, Edward Nygma, aura tout le temps pour cela après. Lorsqu'il aura survécu au parasite, au Crabe, qui infecte chaque alcôve de son cerveau. Car, bien entendu, le Prince des Énigmes a sûrement observé cette réalité durant de nombreuses heures avant de prendre cette décision... Une réalité qu'il observe encore. Durant le voyage. Et à son arrivée dans l'ancien Manoir de la Famille Keeny.

Et il a observé que cette fois... Il est réellement prêt à tout.
Au pire.

Et, peut-être, pense-t-il réellement aller face au représentant de ce pire lorsqu'il commence à observer la carcasse architecturale. Lorsqu'il pense à celui qui vit – potentiellement – entre ces murs. Et ce qu'il pense, ce qu'il devine, être en train de faire. Car les meurtres s'empilent dans les rues toxiques de Gotham et ses environs. Le dernier en date ? Un ingénieur, broyé par sa propre invention. Des petites hémorragies dans le rapport du légiste laisse penser qu'il était vivant lorsque cette machine a ouverte ses mâchoires métalliques sur lui. Qu'il a vu. Imaginé. Tous les moyens de se libérer. D'arrêter l'inévitable. Mais lorsque l'Ingénieur ne possède plus de mains, il ne peut qu'imaginer.

Mais pour Edward Nygma, ceci n'est sûrement pas le pire. Simplement faire face à cette maison et se dire que c'est lui, Jonathan Crane, qui doit s'occuper de lui. Qu'il a pourchassé un mirage. Voilà peut-être ce qui fait partie du pire.

Et pourtant il s'y trouve. Devant le Manoir Keeny. Ancien lieu de résidence de la Famille Keeny et de sa matriarche : Mary Keeny.

Par les pierres qui composent cette architecture victorienne, personne ne peut omettre l'aspect gothique – accentuant l'inspiration Européenne – du lieu. Sobre. Le manoir l'est. Tout comme il semble abandonné : certaines fenêtres, obstruées par des planches, donnent l'impression ne pas avoir été ouvertes depuis de nombres décennies. Ce qui, là aussi, est totalement vrai. Pour un regard qui n'est guère habitué à ce lieu, il y verra toujours la même chose. Quelques corbeaux qui se battent pour la carcasse d'une vermine. Certaines tuiles qui vibrent légèrement. Il n'y verra qu'un jardin mort. Une maison silencieuse. Il n'arrivera même pas à voir le petit sentier de l'époque, qui mène vers une partie du jardin, plus cachée. Le kiosque inhabité, la table en fer, renversée. De la porcelaine brisée. Un dernier thé, peut-être ?
Et un décor, dominé par la pointe d'une chapelle, enfoncée plus profondément dans les bois. Que seuls les corbeaux peuvent montrer, tant leur envolée les ramène inexorablement vers cet endroit. Cette chapelle devenue leur maison. Car il n'est pas rare qu'ils ne viennent qu'ici pour retrouver la vermine de cette terre morte...

Qui pourtant est bien vivante. Car lui, Jonathan Crane, lorsqu'il regarde cette maison, oublie chaque orifice qui viennent percer cette impressionnante carcasse. Il entend chaque couloir respirer à plein poumons. Les bruits des pas foulant le parquet. Il sent le parfum des tournesols de son arrière-grand-mère, l'odeur du thé anglais qu'elle faisait préparer et qu'elle buvait sous la protection de son kiosque. Il entend chacune des clés de cette maison, dans chaque serrure... Clic.

Et il entend aussi, le bruit de la vieille porte être poussée par la curiosité... La marche boiteuse de son ami, qui résonne contre le vieux bois. De son nouveau patient. Lorsque cela arrive, l'Épouvantail est dans une pièce voisine. Sans lumière. Car il n'y a pas d'électricité ici, du moins aux étages se trouvant au-dessus ou au niveau du sol. Du moins... il n'y en a plus. Alors, il reste, dans les ombres de ce boudoir, ses mains venant chercher la petite encoche derrière un rideau. Le son est feutré, étouffé... Et le voilà dans l'architecture. Dans cette carcasse. Qui respire toujours. Mais la même respiration qu'un ancien. Difficile. Agonisante. Edward n'a pas eu à forcer, oui : la porte s'est ouverte sans problème pour lui et son acolyte artificiel. L'accueillant par la poussière et par l'étrange mélange de l'odeur d'humidité et de relents desséchés. Clic. Le vieil interrupteur ne fonctionne guère, n'offrant même pas une quelconque étincelle. Mais il dissipe les ombres, à sa manière. À la manière d'un homme qui a réponse à tout. Mais n'est-ce pas la réalité ? N'aimons nous pas dire que le Sphinx a toujours eu réponse à tout ? Sauf à ses propres questions... ainsi qu'à la dernière énigme qui lui a été posée par le Docteur Crane, bien avant cette petite aventure chez Feu Mary Keeny. Dans quel monde vivons-nous ?

L'exception qui confirme la règle, sans le moindre doute...

Un ange. La forte éducation religieuse de Jonathan n'est pas connue de tous. Une éducation bercée par des préceptes radicaux, extrêmes. Ainsi que par une absence de droits. Et par une sur-exposition aux règles. À une discipline qu'un pensionnat anglais, dirigé par une figure d'autorité allemande, trouverait elle-même bien trop forte. Mais c'est ainsi que les choses se passaient dans les couloirs, les chambres et chaque centimètre carré du domaine : tout était contrôlé par le regard sévère de Mary Keeny. Un regard qui semblait finalement plus démoniaque que les rares regards angéliques qui accompagnaient les peu nombreuses décorations originales de la maison. Même Crane ne peut s'empêcher de sourire légèrement à cette ironie. Alors qu'il observe. Qu'il attend. L'Homme-Mystère – doit-on toujours appeler ainsi un Détective du GCPD ? – avance. Il visite certaines pièces. Un boudoir proche. Le premier tableau. Vol de Sorcières, de Francisco de Goya. Difficile de dire si cette huile sur toile est l'oeuvre originale, ou non. Mais elle est là. Dominant la pièce.

Et elle n'est pas seule représentante du Romantisme Noir, qu'il soit pictural ou littéraire. Ainsi, dans un salon, un ouvrage mité d'Edgar Allan Poe semble avoir été jeté dans un coin de la pièce. Jamais ramassé. Une toile d'araignée semble même s'y être déposé, tranquillement, la tisseuse faisant des ombres des pages un parfait piège pour les rampants occasionnels.

La marche continue. Jusqu'à atteindre les escaliers. Du moins jusqu'à les retrouver, car ils ne finalement pas si éloignés de l'entrée. Elle a continué, autant dans la lumière que dans l'ombre. Car il suit. Toujours. Entre les murs. Dans des pièces voisines. Mais il est là. Cette maison à de nombreux veines secrètes... Il l'a souhaité. Entrer dans l'esprit, la mémoire, de Jonathan Crane... Alors...

Bienvenue, Edward Nygma, à l'intérieur de cette carcasse de souvenirs.

Clic. Ainsi s'éteint la lumière du partenaire artificiel de l'Homme Mystère, alors qu'il attrape son téléphone. Depuis une alcôve, il l'observe. Utiliser la lumière de ce petit appareil. Pour commencer à grimper les marches de l'escalier grinçant. Il le voit, vouloir aller plus haut. Et il le laisse faire. Car si Edward Nygma souhaite réellement visiter son esprit, alors qu'il le fasse. Mais cela ne sera pas seul. Tout Dante se doit d'avoir son Virgile. Il le regarde donc, passer à côté d'un vase, dans lequel repose des fleurs séchées. Tournesols. Il frôle un instant le vase. Mais rien ne tombe. Et Edward avance, s'élevant. Alors que l'alcôve s'ouvre, d'un son feutré, étouffé, comme précédemment. Crane en ressort.
Et tel un fantôme, disparaît de nouveau, dans une nouvelle entrée dissimulée. Près d'un rideau, sous l'escalier. Alors que le Sphinx monte difficilement les marches anciennes, lui, emprunte l'échelle en fer. Les vieilles maisons... Même en parfait état, elles restent bien plus percées que le Huitième Cercle de Dante. Si ce ne sont guère les Bolges décrites dans la Divine Comédie... ces passages – parfois fort étroits – ont formé un outil particulier pour apprendre à l'ancien aliéniste les rudiments de l'art de passer inaperçu.

Une réalité qu'il a toujours recherché à reproduire dans ses différentes planques. Les vieilles maisons de Gotham. Les anciens lieux de débauche, d'alcool et de fête... Ils possèdent tous ces couloirs cachés.

Alors, il accompagne. Il arrive, même, un peu plus tôt que son invité. Clic. La petite trappe s'ouvre. Et bien vite, Jonathan Crane rejoint les ombres et les veines du Premier Étage.

Qui semble bien froid. Bien mort. Edward est accueilli par Le Ciel Meurtrier de René Magritte. Une imitation. Car l'huile semble avoir parfois été étalée. Coulée. Pour accrocher le regard aux blessures. Pour y donner des silhouettes. Les couleurs ternes se mélangent, se perdent entre elles, semblant vivre par cette union... Défaut ou véritable souhait ? Impossible à savoir. Et l'Homme Mystère possède-t-il réellement le temps d'apporter ses propres connaissances à son analyse de l’œuvre ? Sûrement pas... Mais les oiseaux morts surveillent l'entrée. Plus qu'il ne le pense. Car derrière le tableau, le regard du propriétaire accompagne la marche du Sphinx...

Un bureau. Lorsqu'il ouvre la porte, il y voit un vase. Brisé. Des tournesols séchés au milieu des débris. Plusieurs journaux rangés, ouvrages produits par une main différente de celle de Jonathan Crane.
Une pièce, verrouillée. Par une chaîne et d'autres verrous. Gravée sur le bois de la porte un unique mot. Birth. Des traits violents. Des angles droits. Cela semble presque résonner tel un avertissement.
Une chambre. Grande. Spacieuse. Quelques symboles religieux – comme dans plusieurs endroit de la maison. La seule chose qui finalement saute aux yeux de Nygma est cette carcasse momifiée qui semble tomber de l'architecture du plafond. Desséché. Conservé. Avec des preuves de saignée. Il tombe. Devant ses yeux.

Il roule. Jusqu'à se poser contre les pétales séchées d'un tournesol. Encore un. Encore cette fleur.

Jonathan sourit. Doucement. Alors qu'il passe ses doigts contre le bois qui maintient sa silhouette. Il regarde à peine l'invité, cette fois. Non. Il pense à cette petite coïncidence amusante. Une information secrète, sur les origines de la toxine de la peur. Et une ironie violente, viscérale, sur la nature des gens... Qui aurait pu croire que la vieille Mary Keeny, aussi pratiquante et pieuse, pouvait être finalement une amoureuse des méthodes de sorcière ? Cette image de l'ancienne marâtre – digne des plus violents contes des Frères Grimm –, qui mélange divers ingrédients, qui plonge un rat dans sa mixture dont l'un des élément est le tournesol.

Cette image de la vieille, qui saigne et vide le dit-rat sur les vêtements de la chair de sa chair... Des vêtements mités, qui ne sont qu'à lui par héritage. Cette image est vraie. Et voir ainsi cette alchimie se reproduire sous ses yeux... par pure coïncidence. Cela pourrait le faire rire. Oui... Le faire rire...

Clic. La porte se ferme. Edward Nygma n'est pas intéressé. Il cherche autre chose. Alors il avance. Une autre porte verrouillée par des chaînes et autres verrous. Une croix chrétienne, plantée dans la porte. Et rien d'autre... de visible pourtant... L'Homme-Mystère quitte donc le couloir. Retrouve l'escalier après avoir exploré le reste de l'étage. Il avance, grimpe. Tout comme l'Épouvantail. Une bête, sous la forme d'une statuette, vient accompagner la montée de l'invité. Un loup à la gueule et à la silhouette déformées par la faim. Ses yeux fixent toujours la même chose.

Un tournesol.
Desséché.

Mais il continue de grimper. À son rythme. Et là encore, Jonathan Crane arrive en premier. Et là encore, il sort d'une alcôve dissimulée pour rejoindre – une nouvelle fois – les ombres et les veines... du Deuxième Étage.

Et, comme précédemment, l'Homme-Mystère est accueilli par un tableau. Le Cauchemar de Füssli a toujours été reconnu comme une œuvre dérangeante... Ainsi, voir cette toile dans le manoir de Jonathan Crane, est-ce réellement une surprise ? Scarecrow connaît ses classiques... Ceux qui ont accompagné sa curiosité... Ceux que Mary Keeny détestait au plus haut point. Finalement, beaucoup des ajouts présents ont été fait dès la mort de cette ancienne propriétaire. Ainsi, le raisonnement du Sphinx est juste : il est bien dans l'esprit de Jonathan Crane. Dans la genèse de son esprit, là où tout a commencé... Une mélasse d'émotions, d'envies, de frustrations... Et de douleurs. Et où tout continue. Encore.
Mais ces œuvres, parfois reproduites à l'identique – ou alors directement des originaux – ne sont pas les seules toiles étranges... Il a pu en voir, ici et là. Paysages oniriques. Visions dérangeantes... Sans auteurs connus. Des délires d'un peintre, ou de plusieurs. Des délires alimentés par ceux du Docteur Crane...

Mais là encore, la toile est transformée. La gueule de l'équidé, grimée, se déforme sous une forme de pourriture impie. Une inspiration, oui. Qu'il a demandé à ajouter, à produire, suite à sa rencontre avec un certain Avatar. Ô Anton Arcane, tu en auras inspiré, des changements...

Et en poussant la porte, plus simple que les autres, le héros romantique qu'est Edward Nygma en voit un nouveau. Un visage déformé. Hurlant. Une rage. Une horreur. Une créature que personne ne souhaiterait découvrir. Un sentiment de proie peut facilement apparaître face à cette toile. Le même sentiment que le lapin pourchassé par le loup. Mais que l'Homme-Mystère ne s'inquiète pas : la traque a déjà commencé. Depuis longtemps. Depuis son entrée dans ce manoir.

Mais pas par cette créature. Pourtant, elle serait parfaite pour le rôle... Elle inspire Crane. Telle une bête sordide qui ne lâcherait jamais sa proie. Il a testé l'efficacité de cette créature. Il a testé la folie qu'elle propage... Red Robin... Pauvre petit Rouge-Gorge, défini comme simple sujet de teste pour une nouvelle façon d'administrer la toxine. Par la peinture. Par le parfum des acryliques qui se mélangent au poison chimique. Oh, certes, il fallait ajouter aussi une dose environnementale. Mais la possibilité est là...

Jamais le syndrome de Stendhal n'aura été si violent.
Si fatal...

Edward Nygma est chanceux... En perdant du temps devant cette peinture, la poussière, agglutinée avec certains résidus de peintures, auraient fini par atteindre plus directement ses voies respiratoires. Le phénomène aurait été long... Mais il aurait fini par voir les griffes de la créature s'extirper, lentement, du tableau. Il aurait commencé à entendre son rugissement funeste, qui ferait trembler les étoiles elles-mêmes. La créature aurait gesticuler, dans tous les sens. Elle aurait étiré son corps... Elle serait tombée, sur le lit, comme un poisson incapable de nager... Il aurait demandé sûrement d'où viennent ces nuances particulières de rouge qui se mélangent à ce corps famélique, blafard. Et la réponse, peut-être, lui serait venue lorsqu'il aurait observé la créature se redresser, tel un pantin désarticulé... Un de ceux ayant participé à sa conception.

Ou alors peut-être aurait-il simplement fuit. Oubliant sa jambe morte. Oubliant la violence de sa maladie. Fermer la porte et rêver qu'il y ait des chaînes pour verrouiller l'entrée. Et peut-être se serait-il demander, en tremblant de tous ses membres... Pourquoi d'autres portes sont verrouillées... ? Sont-elles toutes détentrices d'un tel monstre... ?

Quel chanceux... ce Jonathan Crane. Car il voit cela, lui. La créature qui s'extirpe. Qui habite sa chambre. Alors que lui-même rampe, sans bruit. Et qu'il observe à peine ce monstre. Non, il regarde Edward Nygma. Qui observe la chambre....

Il l'observe regarder les marques sur le bureau, là où, lui, voit sa propre silhouette écrire frénétiquement, dans un espoir d'échapper à la solitude. Il se voit frapper la tête contre le bureau en essayant d'arracher certains cauchemars de sa tête... C'est là qu'il passait le plus de temps, lorsqu'il était dans sa chambre. Dos à tout. Mais il n'avait pas besoin d'être autrement : car l'ennemi était partout. Dans ces murs. Dans cette maison. Dans ce parc...

Clic. C'était le bruit que faisait le petit système ingénieux qu'il avait utilisé pour cacher quelques livres. Mais qu'elle a fini par trouver. Par bloquer.

La Couleur Tombée du Ciel. Il veut le relire. Mais pour cela il doit briser le bureau. Il n'a jamais osé le faire. Après la mort de Mary, il avait emmené une hache. Mais il n'a jamais réussi à le faire. Mais maintenant.
Il gratte le plafond sur lequel il repose... Comme une bestiole affamée. Il veut retrouver Sa Couleur. Sa Couleur. À lui. C'était son moment... Son moment...

Mon... Moment...

Il continue, malgré cette pensée, cette défaillance temporaire, de suivre la progression de son invité. Qui ouvre le placard. Et là. À ce moment, il décide de se laisser glisser. De se maintenir sur son perchoir. Mais d'arriver, la tête en bas, au niveau de la petite lucarne dissimulée. Et ses yeux croisent les yeux de Nygma. Il en profite pour détailler son visage. Épuisé. Il est plus maigre qu'à leur dernière rencontre. Son regard, plus dur. Il n'a pas aimé. Oui. Il a détesté même... Que le Docteur Scarecrow entre dans son esprit. Alors, en toute logique, il veut se venger... Se venger en utilisant les mêmes armes. Mais, malgré tout le génie du bon Edward Nygma... malgré son grand talent pour les pièges... il ne pourra voir qu'il a souhaité la vengeance de trop. Il peut tenter. Espérer.

Pourtant, il ne voit pas. Tout comme il ne voit pas le regard de Jonathan Crane. Alors, il se détache de l'armoire et des vêtements mités, vieux. Un léger sourire attendri se pose sur les lèvres de l'Épouvantail. Voilà qu'une petite araignée grimpe contre la manche du manteau de l'Homme-Mystère. À force de fouiller dans la poussière, certaines vermines se réveillent... Mais cela ne doit guère déranger Edward : ne vit-il pas après tout dans les bas-fond d'un lieu de petite vertu ? Sa curiosité ne semble en tout cas aucunement touchée. Il continue de fouiller... de regarder. Un coup d’œil à la fenêtre lui permettra de voir la cour arrière, ainsi que la zone personnelle, maintenant morte, de son arrière-grand-mère : un petit parc de tournesols. Il l'avait certainement déjà observé, en fouillant la grande chambre du premier étage. Et peut-être s'est-il dit la même chose : cela n'a aucun intérêt...

Pour lui.

Pas pour l'esprit de Crane. Car, chaque jour, il voit. Les mains décharnées de ses victimes. Leurs silhouettes épuisées. Et ces silhouettes sont là, pour s'occuper du jardin de la Vieille Mary.
Une ironie de son esprit qu'apprécie plus que tout Jonathan Crane. Occupez-vous des petits Tournesols. Occupez-vous de ces fleurs mortes. Elles ont donné naissance au prototype de la toxine, après tout. Elles méritent votre respect.

Surtout le tient. Mary Keeny. Qui continue, jour et nuit, à chantonner en jardinant. Chante donc pour tes tournesols... Chante pour ce décor sépulcral.

Mais pour Edward Nygma, cela n'a aucun intérêt. Il préfère la boîte. Qu'il finit par trouver. Sous le lit. Qu'il pose. Sur le lit, à côté du seul jouet. De cette peluche en forme d'oiseau. De corbeau. Souvent, elle volait à travers la pièce. Jetée. Une fois, il l'avait balancé par la fenêtre. Une fois de trop. Il s'en souvient encore. Mais ce souvenir est facilement occulté par la boîte. Il sourit. Au commentaire d'Edward. Il s'empêche de répondre, ouvertement... Tu es une vilaine petite fouine, Edward.

Clic. Sa pensée est brisée par ce son, devenu commun. Le verrou a sauté. Bien entendu. Ouvrant alors la boîte à secrets. Du moins, l'une d'entre elles.

L'article de journal. L'un des premiers crime conscient de l'Épouvantail. Un couple de lycéen, encastré dans un arbre. Il y est raconté que le conducteur aurait perdu le contrôle de son véhicule. Mort sur le coup, ce n'était pas le cas de la demoiselle dont les propos incohérents ont accompagné ses dernières minutes de conscience alors qu'elle était dans l'ambulance. Le Masque de Paille, voilà ce qui aurait causé la mort. Un fort taux d'alcool, voilà ce que les policiers ont gardé en tête. Une rage entre les deux familles des victimes, voilà ce qui est resté... L'alcool tue. La peur aussi.
Le livre. La Légende de Sleepy Hollow. Un ouvrage particulier. Tant l'ancien aliéniste s'est intégré à cette histoire. Les scènes, les outils... La démence... Archibald Crane. Crane... Ce nom... Mais tout ceci est maintenant noirci. Comme si cette histoire contée n'avait plus d'intérêt. Ou plutôt, comme si lire cette histoire n'était rien de plus que lire un reliquat de sa propre existence. Mieux vaut vivre ! Mieux vaut vivre les hallucinations ! Les cauchemars ! Les danses entre le désespoir et l'amour...

Encore faut-il un cœur capable d'aimer. Cette phrase est notée. Plusieurs fois. De façon chaotique.

Mais pourquoi cacher tout ceci … ? Car les secrets sont comme des flammes : elles attirent les papillons. Ils viennent brûler leurs ailes, en cherchant la luminosité. Et c'est ainsi qu'ils tombent. Qu'ils s'écrasent... Et Edward Nygma fait partie de la plus belle espèce des papillons curieux : celle des génies. Sentir sa propre étreinte se resserrer lentement sur l'intellect brillant de l'Homme-Mystère reste un plaisir que peu de rencontres peuvent égaler. À part, bien entendu, les crises de phobie. Oh... oui... La phobie...

Clic. La boîte est refermée. Après quelques clichés. Immortaliser l'esprit de Jonathan Crane ? Chacun prend son pied comme il l'entend. Mais tout ça pour faire quoi ? Rajouter des cordelettes colorées à la toile du Sphinx ? Peut-être est-ce la preuve – en plus de cette arrivée dans les couloirs de l'Ancien Manoir Keeny – de l'erreur d'analyse de l'Épouvantail : Nygma est bien quelqu'un de masochiste. Qui tombera tout seul dans ses travers.

Il le sait. Et s'il faut... il l'aidera. Un peu. Un simple coup de pouce.

Et voilà que le Vilain devenu Détective s'engouffre à nouveau dans les escaliers, après une visite minutieuse du deuxième étage. Il l'a sûrement remarqué. Le vase. Les tournesols séchés. Que se dit-il après en avoir tant observé ? Que peut-il se dire sur la personne qui vit ici ? Où sur celle qui a vécu en ces lieux ? Obsession ? Peut-être... Certains aiment les énigmes. D'autres l'argent. Certains feront tout pour un peu de chaos. D'autres pour la protection de la nature. Des êtres tueraient pour un peu d'attention, de la part de leur fantasme. D'autres le ferait juste pour qu'on écoute leur besoin paranoïde de justice. Enfin, il y a ceux qui veulent diluer la peur dans la vie de tous...

Et d'autres qui vouent leur vie à ce symbole du Soleil. À ce symbole d'amour.
Ces dons qu'elle pensait venir de Dieu.

Ou alors... Peut-être qu'il en a simplement plus qu'assez. De voir des éléments qui se répètent. Sans cesse. Cette même ambiance, qui en vient à tourner en boucle dans son esprit. Mais n'était-ce pas ce qu'il désirait ? Entrer dans les pensées. Les souvenirs. La tête... de Jonathan Crane ? Alors, continue ! Edward Nygma ! Ta quête n'est pas terminée ! Laisse donc ta curiosité l'emporté sur ta raison !
Ce qui arrive. Sûrement. Qu'importe ce qu'il se dit. Qu'importe ce qu'il peut penser sur ces fleurs. Car il commence à grimper les vieilles marches.

Il avance, à son rythme. C'est donc sans surprise... que celui qui emprunte l'échelle branlante arrive en premier. Pour s'enfoncer, une dernière fois, dans les ombres et les veines... du Troisième Étage...

Et aucun tableau n'accueille l'Homme-Mystère. Du moins, face à lui. Car il arrive directement sur un couloir étroit. Le parquet est bien plus fragile. Une porte à droite. Un débarras. Une porte à gauche. Un débarras. Ce qu'il ne voit pas, ne sait pas, ce sont les trappes dissimulées. Qui mènent vers une partie interdites des combles. Une mansarde dont très peu connaissent l'existence.

Il avance. Quelques marches reposent plus loin. Menant à une porte. Mais avant, il les voit. De chaque côté de lui. Deux tableaux identiques. Montrant une créature famélique. La créature dont le visage apparaît dans la chambre de l'Enfant Jonathan Crane. Elle semble courir. Figée, par la peinture. Les mouvements exactement les mêmes... Mais c'est surtout les visages... Monstrueux... Tournés vers la personne qui passe entre eux deux.
Peut-être regardent-ils réellement Nygma. Où peut-être voient-ils le monstre qu'il ne voit pas. Car s'ils semblent totalement similaires, chaque tableau possède une différence. Si le premier cours, bercé par la lumière de l'aube, les couleurs du second semblent bien plus sombres. Un charme vespéral accompagne ainsi le deuxième traqueur. Laissant penser qu'un monstre attend. Dans la nuit. Dans cette actuelle nuit. Et qu'il traque. Qu'il suit.

Elles attendent. Que la nuit vienne dévorer Edward. Pour se repaître de quelque chose. Son âme ? Ou sa santé mentale déjà fort affaiblie ?
La traque continue. Elle est même sur le point de devenir bien plus féroce. Et lorsque la porte s'ouvre...

Rien. Le monstre n'est pas là. Mais il a laissé ses marques. Tout comme le temps ayant accompagné l'effondrement d'une partie du toit de cette mansarde. L'air nocturne s'engouffre, portant les flocons jusque sur le manteau sombre du Détective. Quelques reflets lunaires viennent accompagner la lumière artificielle du téléphone de Nygma, mais finalement c'est surtout ce flash froid, sans vie, sans poésie, qui offre la vision de cet espace initialement clos.

Des odeurs se mélangent. Fortes. Pourriture, certes. Mais autre chose. Les corps de certains rongeurs n'aident sûrement guère à rendre l'environnement plus sain... Mais quelque chose d'autre... de plus vieux. Qui est resté dans les murs. Que même la circulation d'air n'arrive pas à retirer des parois, tant ces effluves se sont accrochés au bois.

Une bête a vécu ici. Jonathan Crane le sait. Une bête qui portait son propre nom. Lorsqu'il regarde l'endroit, il se voit. Enfant. Pris d'une crise, accentuée par la faim. Par la soif. Par la peur du noir. Par la peur des corbeaux. Il se voit gratter. Violemment. Supplier qu'on lui ouvre. Il se voit incapable de se contrôler.
Il frissonne. Il aime ça. Cette vision. Car il a compris, après quelques années. Qu'il n'avait pas été la seule bête. Non. Sa mère. Sa grand-mère. Elles ont vécu la même chose. Le même schéma de pensée autoritaire. La même discipline. Une tradition familiale. Une tradition qu'il a élevée au rang de science. Qu'il a élevé au rang de crime. De folie pure. D'obsession viscérale. Oh, que dirait donc Mary Keeny si elle voyait son héritage à l'heure actuelle ? Que dirait-elle ? Je vais te faire passer l'envie de blasphémer à nouveau ! Sûrement. Car elle aimait le dire. Et sa menace était toujours mise à exécution. La première pièce pour les petits châtiments. La deuxième pour les plus importants. À l'opposée de la première...

Puis enfin venait la Chapelle.
Là où elle repose maintenant.

Et il ne peut s'empêcher d'apprécier l'ironie. D'entendre le cadavre de Mary Keeny psalmodier ces mots, alors qu'elle-même a fini allongée sur un autel, dévorée par ses propres familiers. Et il ne peut pas s'empêcher de laisser entendre un léger rire. Dans l'étroitesse des lieux, contre les parois altérées par le temps, il se transforme en une respiration sifflante, courte... Qu'il entend... Qu'il croit entendre. Edward se retourne. Il parle. Demande si quelqu'un est là... Crane croit apercevoir un frisson. Dans son regard. Il imagine, alors un tremblement dans la pomme d'Adam exposée par la maigreur du cancéreux. Et, là encore, il aime ça. Mais, Edward quitte bien vite les lieux, en refusant de croire que quelqu'un est là.

Il a tort. Et il va bien vite s'en rendre compte.

Avançant dans les veines, le propriétaire des lieux rejoint l'échelle en fer. Il descend. Un étage.
Avançant dans les artères, l'invité rejoint les escaliers. Et il descend. Plus vite qu'il ne montait. Un étage.
L'un comme l'autre rejoignent finalement le premier étage... puis le rez-de-chaussée. Mais le Docteur ne se fait pas encore connaître. Pas encore entendre... Il s'enfonce dans une veine plus profonde... Avant de s'en extirper. Pendant que l'autre avance. Pendant qu'il enquête. Sur ce rideau mité. Il l'ouvre.

Une petite porte. Pas suffisamment petite pour n'être qu'un placard. Mais suffisamment pour être cachée. Le raisonnement de l'Homme-Mystère est bon – comme souvent, outre quelques exceptions. Et alors qu'il trouve la poignée, une silhouette s'avance dans les escaliers dans le plus grand silence. Alors qu'il tend la main devant lui... il l'entend. Ce bruit devenu si commun. Pour l'un comme pour l'autre...

Clic.

La lumière de l'escalier du sous-sol s'allume. Faible. Instable. Humide. Et face à cette main, face à ce convive qui s'est annoncé. Une silhouette qu'il ne peut oublier. Le masque de paille recouvre le visage fatigué, creusé, mais bien présent, de Jonathan Crane. L'homme est finalement vêtu simplement. Sobrement... Comme le ferait un aliéniste, un médecin. Bien que ses vêtements soient poussiéreux. Accompagnés de quelques toiles d'araignées, brisées. Mais quoi de plus surprenant dans un tel lieu... ? Edward peut y voir ses yeux. Qui fixent l'intrus. Le détective. Qui le regarde, avec cette main tendue...
« Tu es ridicule ainsi... Tu aurais pu au moins chercher l'interrupteur... » Sa voix profonde résonne légèrement dans ce couloir étroit. Il approche. D'un pas. Il attrape l'araignée, qui s'est accrochée au manteau de l'Homme-Mystère... Il la laisse se balader un instant sur le dos de sa main, avant de la laisser tomber, rejoindre le sol et ramper jusque dans les profondeurs.

Là où voulait aller le Sphinx, selon toute vraisemblance.

« As-tu enfin une réponse à mon énigme, Edward ? » Et il sourit. Le masque sourit. Il attend. Il ne le laissera pas descendre. En tout cas... pas encore.
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Re: Châtie bien Mar 21 Jan 2020 - 2:01

ft. Scarecrow
Châtie bien



Le manoir était un caveau. Il enfermait entre ses tripes tout un tas de choses mortes : des souvenirs entassés, des rongeurs momifiés et des fleurs décomposées. Edward avait la sensation d’avoir mis les deux pieds dans les enfers, sur une barque flottant sur le Styx. Il ne croyait pas au surnaturel. Tout était réel et tangible. Tout avait une explication et les Dieux que le monde avait engendrés n’étaient rien de plus que des mutants ou des êtres d’ailleurs. Cependant, dans cette maison de l’horreur, il n’aurait pas été si surpris si une âme perdue et néfaste s’était glissé dans son dos pendant toute la traversée.

Tant de tournesols avaient accompagnés ses pas sans qu’il ne puisse mettre le doigt sur ce qui le gênait, si ce n’est leur accumulation. Il y en avait tellement qu’il ne pouvait qu’imaginer ce que cela pouvait donner quand l’endroit respirait encore de vie. Puis, il se souvient de cette salle de torture à l’étage. Combien de temps est-ce que le petit Jonathan avait été enfermé là-dedans ? Edward était intelligent et il connaissait en réalité la réponse : beaucoup trop longtemps. Des jours, des semaines peut-être. Il se souvenait des rares fois et des rares heures qu’il avait pu passer, plus jeune, enfermé dans son placard quand son père buvait trop. Deux trois heures, tout au plus. Les coups avaient marqué Edward plus durablement que le silence et l’immobilité imposée par son géniteur et le placard. Edward avait connu la violence. Jonathan avait connu la mort. La mort était ici et chaque pétale fané, chaque tableau monstrueux auraient dû l’alerter et le pousser à faire demi-tour. Il n’en était pas capable. Il devait pénétrer toujours plus loin dans l’obscur abysse qu’était l’esprit de Jonathan Crane. Il photographia chaque indice, chaque détail qui lui permettrait de construire la propre toile de Jonathan. Cette porte, cette inscription, cette naissance gravée, ses portes verrouillés dont il devait en connaitre les réponses cachées. Edward ne pouvait pas partir. Le manoir était un mystère qui enfermait entre ses tripes tout un tas d’énigme. Il devait connaitre chacune des réponses et il hésita un moment à retourner dans la voiture pour aller trouver un pied de biche et ouvrir de force les portes qui lui résistaient. Frustré et troublé, il avait posé ses mains sur les portes en bois, verrouillés. Ou Blindés. De bois et blindés.

Edward se demande alors.
Pourquoi avait-il verrouillé ces portes ? Pourquoi l’ordinateur ne l’ouvrait pas pour lui ?

Il devait mettre à jour ses faiblesses, à l’instar des siennes que l’ancien psychiatre avait observé. Il avait mis ses doigts sur la toile tissée et avait su quelle corde tirer pour mener Edward dans l’état d’angoisse et de trouble dans lequel il était aujourd’hui. Quel était le chemin à prendre ? Il n’avait plus rien à perdre et pourtant, il y avait toujours ses murs qui se dressaient devant lui. Son esprit était troublé et sa mémoire défaillante mais il se souvenait suffisamment des choses que Jonathan lui avait dit et du choix qu’il avait dû faire, impossible à prendre alors. Il se souvenait de ce que Jonathan avait voulu lui enseigner et Edward par égo, avait laisse tout un mois passé sans qu’il n’admette qu’il avait besoin de son aide et que pour ça, il devait être prêt à tout. A chacun de ses pas maladroits et lourds, sur le plancher tantôt qui craque, tantôt qui grince, à chaque fois qu’il devait utiliser toute sa force pour monter une marche, il se souvenait pourquoi il était prêt à tout. Edward n’avait jamais été connu pour sa force. Il n’avait jamais tenté de combattre qui que ce soit avec ses poings, en dehors du fait que l’idée le révulsait. Il n’était pas un athlète. Sa force était son cerveau. Cependant, depuis le temps qu’il officiait à Gotham City en tant que criminel, il s’était surtout amélioré en course. Aujourd’hui, tout lui faisait défaut mais il n’en restait pas moins intelligent. Elle était simplement saccadée par des instants, des pensées, des sons et des frissons. C’était sans doute pour cela que l’escalier lui semblait différent par instant alors qu’il descendait maintenant jusqu’au rez-de-chaussée.

Edward se concentre alors.
L’escalier, était-il en en bois ou en métal ? Non, il était de bois. De bois et de métal.

Le nouveau détective avait le pas hésitant bien que rapide et il dût par moment se tenir de toutes ses forces à la rambarde pour ne pas tomber. Il savait que s’il trébuchait, il ne se relèverait peut-être pas avant un long moment. Pas tant à cause de la chute, mais bien à cause du manque de force et d’équilibre de son corps. Sa quête l’épuisait mais il y mettait toute son énergie. Jonathan avait dû revenir ici. Il ne s’était pas trompé. Les tableaux, c’était lui. Personne de censé n’aurait pu les mettre dans une demeure familiale, dans une demeure de tournesol fleuris.

Edward se questionne alors.
Il y avait bien des tournesols, n’est-ce pas ?

Les tableaux. Il avait été mis après et bien sûr, l’indice le plus frappant : la poussière. Là où les meubles en étaient envahis, les tableaux étaient bien trop nets. Une couche délicate s’était posé sur les cadres. Pas tous, mais la différence permis à Edward de comprendre qu’il y avait eu un avant et un après. Ils lui avaient inspirés tant d’effroi qu’il n’y avait pas pensé sur le moment mais seulement lorsqu’il avait posé les pieds sur la dernière marche.

Edward s’interroge alors.
Ces marches, étaient-elle en bois ? En Métal ?
Oui Métal.

Les tableaux, c’était évidant. Jonathan n’avait effectivement pas déserté l’endroit. Bien sûr, il était déjà venu ici.

Edward se rassure alors.
Oui, ils s’étaient vus ici la dernière fois.
Chez lui.

Il pousse le rideau et dévoile une porte. Ses yeux se posent sur le robot. Il était là pour enquêter. Il devait retrouver l’Ordinateur. Il avait tant de choses à lui demander au sujet des victimes de Jonathan, car c’était Jonathan. Il avait tant de chose à lui demander sur les puits. Avait-on des nouvelles des robots qu’il avait envoyé Wonder City ? Était-ce vrai que Selina allait épouser Wayne ? Est-ce qu’elle avait retrouvé Edwine ? Pourquoi ne reconnaissait-il pas les murs et les meubles de son chez lui ? Pourquoi ces portes fermées ? Quel jour était-on ? Il devait voir Jonathan. C’était la seule chose qu’il avait à l’esprit. Il devait le voir. Il devait lui prouver qu’il était prêt à tout. Non. Il n’avait rien à prouver. Où avait-il la tête ? Il était bien trop intelligent. Il n’avait rien à prouver à qui que ce soit, non. Jonathan allait voir. C’est ça. Il allait voir qu’il s’était trompé. Qu’il avait tort. Edward prouverait qu’il était à l’origine de tous ses crimes. Il allait entrer dans son esprit et dévoiler tout. Oui, mais pas avant qu’il est fait quelque chose pour lui. Quelque chose, oui. Comment le demander ? Son rire éclate, nerveux.

Edward se ment à croire qu’il est prêt, qu’il est prêt à trouver Jonathan et à sortir du labyrinthe.
La porte s’ouvre.

Comment demander de l’aide quand cette seule idée le mettait au supplice ? Il ne pouvait pas non plus l’exiger de lui. Comment faire ? Comment demander à Jonathan Crane de sauver Edward Nygma ? Ah, il ne pouvait pas lui demander ça. Il devait faire autrement. Il devait le mettre au pied du mur. Ou une faveur. Une provocation. Oui. Non. Qui sait ? Ça irait pour ce qu’il va suivre. Il pouvait le sauver, ou seulement le soulager. Assez pour qu’il continue son chemin, qu’importe celui qu’il avait pris. Au final, ce n’était pas tant à Jonathan qu’il devait faire ses preuves, mais à lui-même. Le désespoir le poussait dans des limites qu’il n’aurait jamais pensé atteindre et sa tumeur l’empêchait de voir les limites qu’il avait déjà franchies. Il était trop tard. Il tend le bras. Un frisson glacé passa dans son dos. Il regarde en arrière, rien. Puis en avant, lui.

La lumière se voile et une silhouette familière se dévoile. Ce n’était pas Edward qui l’avait trouvé, c’était lui. L’Epouvantail est là. Impossible à dire si c’était la stupeur face à son apparition, face au masque qui lui faisait face ou simplement parce qu’il se pensait seul jusque-là, mais Edward envoya sa canne en avant, par réflexe. Elle retrouva bien vite le sol, puisque déséquilibré sans son appuie, il dût suspendre son geste. Heureusement, car elle avait manqué de peu la mâchoire de l’Epouvantail. Malgré sa confusion, ce coup d’adrénaline lui permit de réaliser que l’ancien psychiatre était sans doute là depuis un long moment.

Edward se renfrogne alors.
Pourquoi était-il là ? Comment était-ce possible ?

A cause de sa confusion, il n’était pas capable de réaliser que la partie avait déjà commencé et qu’elle n’était pas en sa faveur. Il ramène sa main contre lui avant de montrer sa figure masquée d’une toile de jute du plat de la main. Il ne s’excuse pas pour le geste malheureux.

- Tu veux vraiment parler de qui est ridicule ou non affublé d’un masque pareil, Crane ? Fit-il aussitôt pour cacher son trouble.

Jonathan s’approche d’un pas et Edward s’immobilise. Il redresse le menton et le défi du regard. C’est fou comme il était grand. Il avait bien mérité son surnom, mais il n’a pas peur de lui. Pour l’instant. Il ne pouvait pas dire qu’il connaissait Jonathan Crane –qui pouvait se vanter de le connaitre réellement, mais ils avaient passé suffisamment d’année à se côtoyer pour que l’insolence du Sphinx prenne le pas sur ses craintes. La main de Jonathan se lève. Des souvenirs traversent sa tête, comme les vagues qui viennent se fracasser contre la berge. Les souvenirs se déversent. Il revoit l’Epouvantail serrer sa main avant de lui donner un peu de sa toxine, il le voit une seringue à la main, il voit sa main s’agiter alors qu’il monologue à l’asile d’Arkham, il le voit avec un revolver qui vise sa tête. Il ferme les yeux et grimace de douleur. Sans sa toile, il ne parvenait plus à savoir ce qui était du passé, du présent et du cancer.

- Soit sage, Jonathan, se força-t-il à articuler en guise de menace avant de reprendre sur un ton plus chantant, comme un retour brutal au présent : Puisque tu es là, j’espère que tu as troqué ta faux contre un pied de biche, je suis prêt à ouvrir quelques portes.

Il n’avait peut-être pas peur de Jonathan, mais cela ne voulait pas dire qu’il n’avait aucune inquiétude. Après tout, ne voulait-il pas faire ce pas en avant lui aussi ? Ne voulait-il pas obtenir plus de lui pour lui en demander plus encore ? Les doigts de Jonathan s’arrêtent contre un pan de ses vêtements et Edward se tend et craint le contact. Il ne récupère une araignée. La dernière fois que Jonathan l’avait touché, il tenait ses mains et ses propres mains tenaient un revolver. Le jeune père resta là un moment, à regarder l’insecte. Il semblait ailleurs. Bien loin de cet instant, comme s’il tentait vainement de saisir un nouveau souvenir qui s’envolait. Edward l’avait congédié juste après. Juste après que Jonathan l’avait mis à jour sur son désir de rédemption, juste après qu’il lui est montré la vérité au sujet de sa fille et sur ceux qui officiaient aussi à Gotham City juste après qu’il lui ait donné l’énigme : Dans quel monde vivons-nous ? Il avait été incapable d’y répondre alors. Il se souvenait de cette énigme. Jonathan lui demandait aujourd’hui une réponse. Le détective qu’il était devenu avait eu le temps d’y réfléchir, malgré la fugue d’Edwine qui lui laissait encore une douleur bien vive, malgré les enquêtes qui l’avaient épuisé plus que nécessaire mais qui avait fait gonfler son ego, malgré les crises d’épilepsie dont la dernière remontait à quelques heures à peine. Malgré tout, il pensait avoir trouvé une réponse mais il ne la lui donnerait pas. En tout cas… Pas encore.

- C’est pour ça que tu es là ? Tu viens demander des réponses à l’Homme-mystère ? Reste donc à ta place, Crane et conscient des réalités. Je suis celui qui pose les devinettes.

Il fait ce pas en avant. Edward se rapproche et lui fait face. Il veut aller en bas. Il doit y aller. Il doit demander des réponses à l’Ordinateur. Tant de questions se bousculaient dans sa tête et tant de désir. Ses yeux se posent sur le cadran de la porte, juste derrière les épaules de l’Epouvantail. Tout se confond. Il ouvre la bouche.

Edward se perd alors.
Cette porte était-la sienne ou la sienne ?
La sienne, sans aucun doute.

Ses yeux reviennent lentement sur les deux fentes qu’offrait le masque. Edward n’avait jamais réellement caché son visage. Si ce c’est par un loup. Aujourd’hui, alors qu’il œuvrait en tant que détective au GCPD, il ne portait qu’une épaisse paire de lunette. Son visage était ouvert sur le monde et tout le monde savait qui il était. Il voulait que le monde entier connaisse son visage et son nom et aujourd’hui, il voulait dire à Jonathan.. Il voulait dire à Jonathan… Il devait le lui dire. Oui, il devait savoir. Il était là pour ça. Qu’il était prêt. Edward se drape dans sa fierté et joue une nouvelle fois la carte de l’insolence.

- Nous vivons dans un monde où il te faut ma permission pour venir chez moi.

Il reste tout près de lui. Edward ne se dégonfle pas. Il sent qu'il n'est pas assez stable pour poser toutes les pensées qui le traversaient et toutes les tirades qui grattaient à la porte de son esprit. Edward ne pouvait que dire la vérité, en toute circonstance mais rien ne l'empêchait de jouer avec cette vérité et de la complexifier. Il ne pouvait pas dire ce qu'il voulait de lui, car il était incapable de mettre les mots sur sa propre confusion. Cependant, son esprit pouvait lui laisser des indices et c'est ce qu'il faisait depuis le début.

- Mais, il se trouve que j’ai une de devinette pour toi.

De sa voix théâtrale, habituelle et si propre au Sphinx alors que pourtant, son sourire était absent, il entama son énigme :

- Question : Quand est-ce qu’une porte, ne remplit pas sa fonction ?

Et plus encore, quand est-ce que l’homme-mystère n’est plus qu’un l’homme-mystère ?

Edward se détache alors.
Il en oublie les tableaux et les tournesols, seul compte le grand mystère des portes et de l’esprit.
Le mystère des portes de son esprit, sans savoir qu’il s’agit des portes du sien.



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Re: Châtie bien Jeu 23 Jan 2020 - 15:46

Qui êtes-vous ? Cette question est essentielle. Les humains questionnent souvent leurs pairs. Parfois par crainte. Parfois par besoin. Pour ceux-ci, il n'est rare que ce besoin soit digne de l'obsession – Edward Nygma en étant le meilleur exemple, finalement. Parfois, ils posent des questions... pour rien. Juste pour un plaisir de discuter. Mais finalement, ils sont peu à poser cette question. Trop directe. Trop intrusive. Du moins pour la première rencontre. On va préférer des nuances plus douces. Plus fades. Et si tu... me parlais de toi ? D'autres vont ignorer cette étape, voulant apprendre d'eux-mêmes qui sont ceux qui leur font face. Et lorsque l'erreur arrive – souvent trop tard pour réparer les dégâts qu'elle aura occasionnés –, ils pensent. Oui. Ils pensent qu'ils auraient dû poser cette question, finalement.
Et puis il y a ceux qui posent, intérieurement, cette question. Qui activent chaque mécanismes appartenant à leur réflexion, pour trouver une réponse. Ils n'apprennent pas, en observant les petits gestes du quotidien. Ils n'apprennent pas, en écoutant certaines pensées, attrapées au vol. Ils analysent. Ils enregistrent. Ils se souviennent.

Qui êtes-vous ? Oui, vous qui, avec difficulté, cherchez la lampe de chevet pour émerger des bras de Morphée. De quoi avez-vous rêvez ?
Qui êtes-vous ? Oui, vous qui marchez sous les arbres d'un parc. À quoi pensez-vous ?
Qui êtes-vous ? Oui, vous qui entrez dans la maison d'un croque-mitaine, qui visitez chaque pièces, en cherchant une silhouette, un indice, une idée. Qu'aimeriez-vous faire ?

Cette question est essentielle. Et elle est souvent ce qui accompagne les regards, les pensées, de Jonathan Crane. Comme lors de cette première rencontre. Il y a une décennie maintenant. Qui êtes-vous, Edward Nygma ? Après dix ans, quelle est l'analyse ? L'homme qui lui fait face, en ce moment, est né il y a trente-cinq ans. S'il n'est guère une force de la nature, son potentiel intellectuel est de loin l'un des plus élevé des États-Unis. Il – Edward Nygma – le sait. Et s'en vante. Mais cette vantardise cache un complexe d'infériorité, né des coups qu'il a reçu de la part de l'autorité parentale.

Il en a développé une horreur.
Une crainte. Qui l'accompagne.

Edward Nygma est un homme intelligent. Un esprit brillant. Il voit le monde comme un mystère qu'il domine, tel le Maître du Jeu d'une session étrange et malveillante de Jeu de Rôles. Son esprit est capable de définir chaque mots par la poésie d'une énigme... C'est ce qu'il fait. C'est ce qu'il aime faire. Sans tricher. Le tout par logique. Une logique qui en fait un individu qui préfère la froideur de ses ordinateurs à la compagnie de l'être humain. Jonathan Crane l'avait analysé misanthrope. À quel point a t-il tort ou raison sur cette information ? Il n'en sait rien. Mais il le sait incapable de se lier, réellement.

Sauf peut-être avec Oswald Cobblepot. Mais quelle relation. Pour le Docteur Crane, cette relation est un cercle vicieux dans lequel se sont enfermés deux victimes dans le besoin... deux victimes recherchant ce qu'ils n'ont jamais pu connaître : une sorte de respect de la part de l'autre.

Et cela s'explique. Par le choix du Maire de Gotham de faire du Sphinx qui souhaite retrouver son humanité la figure de proue de son grand projet de dédiabolisation de l'horreur de Gotham. Il veut tendre la main à un monstre, l'approvisionner. Il veut aider celui qui est dans le besoin. Montrer qu'il est capable de tenir dans ses bras, d'aimer, un pauvre petit chiot abandonné. Il veut être sa main qui le nourri. Juste pour avoir le respect dont il a tant besoin. Qu'il pense mériter. Sa vengeance sur sa vie. Et pour ne pas à cette question : Pourquoi es-tu seul, Oswald Cobblepot ?
Et cela s'explique, aussi. Par le choix de l'Homme-Mystère de se poster aux côtés de celui que tous vont vouloir ignorer. Tant ils ne veulent pas voir son visage. Tant ils ne veulent pas avoir à faire à cette crapule, l'un des cœurs battant de la toxicité de Gotham. Il veut lui murmurer qu'il est là. Il veut lui murmurer qu'il ne s'intéresse qu'à l'esprit. Pour être le chat qui vient se lover contre lui. En manque d'attention. En manque de surprise sur son intelligence. Il veut être la main tendue à plus stupide que lui. Pour paraître toujours mieux. Pour ne pas répondre à cette question : triches-tu, Edward Nygma ?

Et chacun finalement possède sa propre excuse. Que certains oublient.

Quelle enfance a dû vivre Oswald Cobblepot, lui dont le visage est si déformé ? Combien de moqueries a t-il entendu ? Combien de mots d'amours n'a-t-il plus espéré ?
Et quelle vie difficile... pour ce cher Edward Nygma... dont l'intellectualisation complète, l'absence de normes sociales et enfin la concentration systématique sur des activités restreintes... annoncent un diagnostic de Syndrome d'Asperger.

Oui. Edward Nygma et un homme atteint de trouble autistique. Mais il est aussi un homme malade. Edward Nygma est un esprit touché, par l'affliction. Un corps affaibli, par les cellules métastasées par son cancer. Un corps boiteux. Pour ne pas dire une carcasse ambulante, trébuchante, que seule sa réflexion semble réussir à garder en vie. Et Jonathan Crane l'a bien vu. Lorsqu'il était dans l'antre du Sphinx. Cette tumeur, maligne, pourrissant chaque partie de son cervelet, remontant lentement sur son lobe temporal. Il l'a vu. Il l'a imaginé. Vivante. Une masse indicible, incapable de faire autre chose que de corrompre ce qu'elle touche. Une masse écœurante... qui finalement ressemble à son hôte, dans cette nature fixe. Dans ce comportement télégraphié.
Edward Nygma est un homme malade. Qui se meurt. Dans l'agonie. Et dans la frustration permanente. Dans l'horreur de pouvoir faire face aux énigmes insolubles. Edward Nygma est un homme qui est prêt à tout. Qui est allé chez Jonathan Crane... Chez l'Épouvantail...

Ou alors qui l'a invité ?
Il ne semble plus le savoir. Plus comprendre la réalité dans laquelle existe Jonathan Crane... et celle dans laquelle il avance.
Oui. Edward Nygma est un homme qui se perd. Dans ses souvenirs.

Voilà ce qui a pu être observé, entre autre, au bout d'une dizaine d'année. Une intelligence. Une énigme. Une maladie. Un syndrome. Une vie. Un traumatisme. En somme. Un être humain. Qui est là, face à lui. Qui a voulu le frapper. Mais qui a arrêté son geste – plus par incapacité à se tenir debout. Un être humain que le Docteur Crane écoute, avec une certaine attention, alors que l’arachnide danse un temps entre ses doigts. Pour finir par rejoindre le sol et s'échapper de cette rencontre sinistre. Dominée par la confusion de l'Homme-Mystère. Une confusion qui arrache un sourire à l'Épouvantail. Un fin sourire, invisible dans cette pénombre... Oui. Edward Nygma est un homme qui croit se rappeler. Qui croit savoir où il est.

Dans les rues toxiques de Gotham.
Dans les couloirs moites et tamisés de la Boîte de Pandore.
L'odeur de la poussière est remplacée par le mélange puant d'alcool et de relents corporels.
L'odeur de l'humidité est remplacée par le mélange de fragrance et de sueur caractéristique de la Boîte de Pandore
Et ce silence... il semble finalement si proche de celui qu'il peut trouver dans ses souterrains.

Bienvenue chez toi, Edward Nygma. Ces mots, Scarecrow aurait pu les prononcer. Mais il s'adapte. Au discours de son interlocuteur. C'est dans sa nature, dans sa fonction... de savoir rebondir. De savoir extraire le pire. Pour mieux observer. Mieux analyser. Et agir, en conséquence. Voilà de quelle espèce est Jonathan Crane. Voilà quelle essence coule dans les veines de cet homme. Cet homme qui laisse le Sphinx parler. Habiter son environnement. Avant de finir. Par une énigme. C'est donc par là qu'il entrera dans la danse. Par cette interrogation. Franchement, Edward... Tu rends tout ceci presque trop facile. Cela aussi, il aurait pu le prononcer. Pour provoquer celui qui aime provoquer. Mais non... Il se contente de répondre, après une réflexion qui semble finalement étrangement courte. L'Homme-Mystère ne lui a-t-il déjà donné la réponse ?
« Quand tu donnes à la personne l'autorisation d'entrer, bien évidemment. » Il laisse un silence planer. Un silence froid, dans l'environnement que croit reconnaître Riddler. Et il reprend. Pour asséner le nouveau coup au cerveau confus. Pour lui confirmer cette réalité. « Ce que tu as fait. » Son ton est hivernal. Alors qu'il avance, vers les profondeurs.

L'homme arrive en bas des escaliers. Et il observe depuis cette position l'homme au manteau. « Quelle idée de vouloir sortir... Tu ne penses pas que nous avons autre chose à faire... ? De plus... essentiel ? » À nouveau, il vient frapper l'esprit d'une nouvelle réalité. Il explique ainsi la présence du manteau. Mais il explique, aussi, sa propre présence. Car il tapote sur son propre crâne. Montrant la chose la plus importante chez son interlocuteur. Et la raison de sa présence. Celle de quelqu'un qui est venu. Suite à quoi ? Un coup de téléphone ? Une requête transmise par le sbire d'un sbire ? Le cerveau perdu de Nygma saura faire le lien. Il saura créer l'histoire. Car c'est un cerveau brillant.

Juste un peu perdu. Un brin perdu dans une maison où des portes closes semblent déranger.
Un cerveau brillant. Mais qui doit se faire soigner.

Et rien ne vaut un Docteur pour ça.

Remarquant le robot valise, Scarecrow laisse tranquillement son patient descendre. Avant de remonter, simplement. Il inspire, légèrement, avant d'accompagner la descente de l'engin. Il ne commente guère cette situation. Il pourrait. Mais cela serait s'intégrer trop lourdement dans cette scène, qui n'a guère besoin de lui. Il descend, donc. Puis il commence à marcher. Et à répondre, aussi. « Voilà dans quel monde nous vivons, Edward. » Il reste silencieux, quelques instants. Le Nous, malgré une absence d'intensité sur ce mot, est important. Oui. La question a toujours été accompagné de ce pronom. « Dans un monde où nous sommes prêts à tout. Même toi. » Oui. Être prêt à aller voir l'Épouvantail, l'un des plus sinistres expert du fonctionnement du cerveau. Être prêt à s'allonger, à ses côtés. À le laisser maîtriser ses constantes vitales. Son anesthésie. Son précieux cerveau... Oui. Cela a déjà été dit. Cela doit être redit. Edward Nygma est un homme qui est prêt à tout.

Comme Jonathan Crane. Qui s'est lui-même perdu. Mais dans des abysses plus terribles.
La seule lumière qu'il observe ? Un jaune qui descend du ciel. Du moins dans ses rêves les plus doux.
Dans ses cauchemars, c'est cette femme. Cette Amazone. Qui le tient. Qui l'enferme. Et durant ces visions, il se venge.
Et il est prêt à tout. Mais pas seulement pour ça. Pas seulement pour la vengeance. Il est prêt à tout. Pour le pire. Et il le fait. Depuis un mois.

Et il voulait le faire. Là. Avec cette Européenne installée dans l'un des villages. Cette Européenne enfermée dans l'une des geôles creusées dans les sous-sol de cette maison. La tuer ? Non. Pas elle. Elle est pour quelqu'un d'autre. Un paiement. Pour un amoureux des contes. Pour un amoureux du thé. Mais. Plus tard. Le temps n'est pas à cela. Bientôt.

Ils avancent, donc, dans ces couloirs étroits. Dans ces silences, accompagnés des éclats humides et parfois clignotants des ampoules. Ils passent, quelques portes. Fermées, simplement. Inintéressantes. Certaines sont ouvertes. Edward Nygma verra t-il la vieille cuisine et salle de repas des domestiques de la Maison Keeny ? Qui sait. Mais il n'y verra pas, les silhouettes sans visage qui veillent, autour de la table. Attend une pitance qui ne vient plus. Non, bien entendu. Ça, seul le cerveau malade de Jonathan Crane le verra. Et il n'entendra pas, non plus, les plaintes d'un enfant, au loin. Un souvenir qui essaye de fuir un bourreau, qui s'accroche au bois d'une porte. Pour ne pas rentrer. Qui ignore la douleur du pincement des jointures de l'entrée sur ses phalanges. Ou plutôt, qui tente de les ignorer. Tout pour ne pas rentrer.

Mais il finissait toujours par rentrer. Dans cette pièce.
Dans laquelle il n'entre pas, pour le moment. Car il passe devant. Pour finir par enfin rejoindre un endroit où le Prince des Énigmes pourra s'installer.

Ce qu'il voit ? Sûrement ce que son cerveau métastasé veut lui montrer. L'Épouvantail, lui, s'installe dans un fauteuil. Après avoir récupéré un enregistreur, qu'il garde avec lui. Il hausse un sourcil. Retire son masque. Il se penche, vers la table. Et attrape le conte Alice de l'Autre Côté du Miroir. « Tu as reçu de la visite dernièrement... ? Ou alors tu t'amuses à revoir tes classiques ? » Il montre l'ouvrage, avant de le poser sur la table. Puis, il se lève. Il approche du lecteur de vinyle. Certaines choses ne changent pas, d'un lieu à l'autre.

Non. D'un monde à l'autre.

Ses doigts fragiles viennent récupérer alors un vinyle. Récupérant le précieux disque, il le glisse dans l'appareil. Ses yeux se ferment, un instant. Et bientôt la voix de Frank Sinatra vient lentement emplir l'air, après quelques grésillements dérangeants. Oui. Des choses ne changent pas. Et viennent même investir cette fausse réalité. Pour la rendre, finalement... plus concrète. Il approche alors, de l'Homme-Mystère. Il s'installe face à lui. Jonathan Crane le regarde. Silencieusement. Puis... il parle. « Je suis venu. Comme tu me l'as demandé. » Il lève légèrement la main. Il la pointe en direction du crâne du Sphinx. « Pour cette chose. Qui parasite ton crâne. Tes pensées. Et je suis venu. » Il abaisse sa main. Oui... Leur dernière rencontre ne s'était pas déroulée sous les meilleurs auspices. Mais qui pense réellement que les vilains de Gotham se concentrent sur de tels détails. Combien d'alliances et de guerres de territoires sont nées, dans cette ville ?

Gotham est une ville toxique. Tout le monde le sait.
Elle accentue. Elle parasite. Elle rampe dans leurs veines. C'est si bon, de vivre à Gotham. Pour lui, Edward Nygma. C'est le lieu où vivent ceux qui peuvent répondre à ses énigmes. Et le pousser à faire. C'est sa drogue. Et Gotham est l'additif ignoble qui est ajouté à celle-ci. Pour la rendre plus forte. Pour la rendre essentielle.
Gotham est une ville toxique. Les habitants en sont dépendants.
Et cela forcera, toujours, les vilains à savoir faire la part des choses. Du moins pour un temps. Et selon certaines conditions. Selon certains... détails.

L'Épouvantail est au moins reconnu pour une chose : il est prudent. Et dialogue toujours. Tout en étant prêt à terroriser. Oui. L'Épouvantail est aussi reconnu pour cela : il est prêt à tout. « Tu le sais... » Il s'enfonce dans son fauteuil. Alors que la voix de Sinatra continue de résonner dans la pièce. « Cela ne sera pas une opération simple... » Il est temps maintenant de passer au plus délicat. Car s'il n'est pas là pour ça... Il n'aura rien. C'est un pari. Un pari risqué. Mais il a un moyen détourné. De connaître l'information. « J'espère que tu n'as pas oublier où se trouvent tes analyses, clichés de Scanner et d'IRM et autres pièces de ton dossier. Sinon nous perdrons un peu de temps... »

Et le temps. Ils n'en ont que peu.
Surtout un..
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Re: Châtie bien Lun 3 Fév 2020 - 10:59

ft. Scarecrow
Châtie bien



- Je sais.

Pourtant, son regard avait failli. Il avait dérivé dans un coin de la pièce, dans un coin de ses souvenirs et avait remué jusqu’à en sortir quelque chose qui lui permettrait de comprendre. Il cherchait le moindre indice qu’il se serait laissé. Il voulait comprendre. Il ne sortit qu’une pièce de puzzle, incapable de voir qu’elle était vieille de presque sept ans, quand il avait demandé pour la première et dernière fois à Jonathan un peu de son gaz pour son grand coup avec Catwoman. Son imagination adapte le reste. Il avait utilisé un vieux contact, quelqu’un qui aurait chuchoté aux oreilles des bonnes personnes la bonne énigme et Jonathan y avait répondu. Cela ne pouvait être que ça. Oui. Il l’avait fait. Il l’avait invité. C’était bien ce qu’il voulait faire et il l’avait déjà fait. Bien, très bien Eddie. Si l’idée aurait dû le rassurer, elle ne fit pourtant qu’accentuer son trouble. Pourquoi déjà ? Il avait besoin de lui. Oui, il devait l’aider. C’était en lui. Il le regarde descendre. Le couloir se modifie et s’adapte au regard voilé d’Edward, tout comme son imagination l’avait fait précédemment avec le vague souvenir qu’il avait de Crane. Son cerveau tente de composer avec les informations qui lui sont données. Il s’adapte pour convenir aux souvenirs par lequel il était accroché. L’escalier se transforme. Le nombre de marche semble s’allonger plus encore et il reconnut le bruit de chacune d’elle face au poids, pourtant plume, de Jonathan Crane. Encore une fois, ce dernier éclaira sa lanterne. Il frôla la zone derrière ses cheveuxIl était là pour le guérir.

- Je sais pourquoi tu es là. C’est juste ces portes qui..

Il ne termine pas sa phrase. Elle reste en suspens. Elle flotte dans l’air et retombe doucement, figeant la scène par un frisson glacé à la manière de cette neige qui tombait de plus en plus fort à l’extérieur du batiment. Jonathan l’attend. Quant à lui, il ressent l’appel des profondeurs. Il sait que c’est seulement à l’intérieur qu’il aura toutes les réponses à ses questions. C’est dans les ténèbres, l’inconnu, le mystère, que Eddie se sentait le mieux. Il se disait cela souvent lorsqu’il travaillait pour le GCPD. Etait-il fait pour la lumière ? Le joli bureau et la belle partenaire blonde ? Les journalistes, les interviews, une situation stable et peut-être même un jour une respectabilité ? Est-ce qu’il l’avait mérité ? Etait-il vraiment, aujourd’hui, la meilleure version de lui-même ? Edward voulait être ce genre d’homme. Il voulait tout ça désespérément. Après tout, qui mieux que lui-même savait ce dont il avait besoin ? Pourtant, son chemin était semé d’énigme et de pièges tordus. Il devait juste suivre les indices qu’il s’était laissé et si le premier avait emmené leur rencontre, alors il devait aller de l’avant.

- Elles attendront.

Il se rassurait. Les portes seraient toujours closes à son retour. Il aurait tout le temps de répondre à tous les mystères qui s’opposeraient à lui. Il aurait le temps, mais seulement après. Seulement après ce qui devait être fait. Pour le moment, il devait faire des choix et l’homme mystère ou plutôt l’homme des réponses devaient laisser ces dernières attendre derrière ces portes closes. « Moi, je ne peux pas attendre ».

Question : Quand est-ce qu’un premier pas est aussi le dernier ? Quand il est dans la tombe. Edward avait fait ce premier pas. Il avait boitillé une seconde fois également, puis encore un troisième et il fit ainsi sur chacune des marches de l’escalier. Il n’avait pas voulu se démonter quand Crane avait confirmé qu’il l’avait invité. Il ne voulait pas montrer combien il s’était dégradé ses derniers temps et le plus ironique c’était que finalement, Jonathan le savait déjà. C’était bel et bien Edward qui ignorait ô combien son esprit s’était perdu. Il pensait trouver son chemin en suivant Jonathan au sous-sol, chez lui. L’épouvantail était son guide dans les brumes de sa mémoire éparpilléd. Ses espoirs s’élevaient tandis qu’il s’engouffrait dans les sous-sols. La lumière vacille. Son imagination l’adapte. Elle plie la lumière et lui renvoie les néons de son propre sous-sol. Le bourdonnement des différents moteurs atteint ses oreilles et camouflent les pas de Jonathan. Il ne l’entend même plus alors qu’il avance. Il reconnait le bruit des machines qui travaillent et des pistons qui s’essoufflent, l’odeur du métal qui souffre tandis que sa canne frappe le sol, encore et encore. Il connait ce rythme, cette mélodie particulière qui l’apaise. Il se sent en sécurité et bien que d’un naturel méfiant, il s’imagine pouvoir tout contrôler ici. Jonathan n’était qu’un rouage supplémentaire dans la grande machinerie de sa vie. Il ne lui servirait qu’un temps. Edward ne pouvait admettre sa faiblesse à voix haute. Si on l’avait interrogé, il aurait parlé de collaboration. Si on l’avait interrogé encore, il aurait parlé de faveur. Si on l’avait interrogé une troisième fois, il aurait surement fuis ou pire encore. A la place, il posa cette interrogation à son partenaire nocturne.

- Je te l’ai dit, Jonathan. Question survie, je m’y connais. Je suis prêt et tu vas découvrir à quel point.

Besoin de reconnaissance, encore. Ses doigts s’attardent sur un mur et son imagination s’adapte. La texture lui est familière, quoi que rugueuse. Son pied évite un lourd câble chimérique qui serpenterait le couloir. Edward aperçoit sur son chemin, une pièce sombre, à peine éclairé par quelques lueurs vertes derrière de lourdes carapaces mécaniques de verre et d’acier. Il voit quelques robots mystères, la lourde tête de métal vers le bas, comme endormis. Des portes closes, des portes entrouvertes, il ne s’arrête pas mais son regard enregistre tout. Pendant un instant confus, il crut voir Edwine et son pas ralentit. Jonathan le dépassa alors complètement. Non. Elle n’était pas là. Elle n’était jamais revenue depuis l’incident avec Timothy Drake. L’incident terrible où il avait agis en monstre puis en héros, où il avait été perdu puis sauvé mais surtout, où il était passé de père à inventeur. Non, Edwine n’avait pas supporté l’horrible vérité et ils s’étaient perdus.

Edward rentre dans la pièce et son imagination l’adapte en ce qu’il veut voir. Son propre laboratoire de soin apparait pour lui. Il voit la table froide et il se souvient de ses heures, de ses jours, de ses semaines et de ses mois à accepter docilement la chimiothérapie et autres injections souvent de sa propre invention, parfois même jusque dans la jugulaire lorsqu’il avait porté un long moment une chambre implantable. Certaines choses, son cerveau ne l’adapte pas et c’est à Edward de choisir s’il l’acceptait ou non. « Alice au pays des merveilles » n’étaient clairement pas quelque chose qu’il pouvait expliquer rationnellement. Pas qu’il ne l’avait pas dans sa bibliothèque. Jervis avait dû lui offrir un jour ou alors il se l’était lui-même procurer pour pouvoir discuter avec lui. Pourquoi l’avoir lu maintenant ? Ou alors Jervis était venu boire le thé ? Beaucoup trop de monde venait chez lui ses derniers temps, ce n’était plus possible. Il regarde Jonathan et son visage à découvert.

- Je suis plutôt du genre Sleepy Hollow, fit-il comme absent.

Un souvenir, une lueur dans l’obscurité ? Et dire qu'il lui suffirait de regarder les photos qu'il avait prise de la vieille maison pour percer à jour Jonathan. Il secoue la main.

- Oublie ce stupide livre, Jervis a dû l’oublier l’a dernière fois qu’il est venu.

Il se demande combien de temps s’était écoulé depuis leur dernière rencontre, l’Epouvantail et lui. C’était avant le départ d’Edwine. Edward se déplace dans la pièce et caresse la table froide du bout des doigts. Le petit robot se place au côté de son maître, là où est sa place. Frank Sinatra accompagne le trouble d’Edward et les explications de Crane qui ne fait au final que se répétait. Sinatra accompagnait toujours leur rencontre. Cela correspondait assez bien à ce qu’il se passait. Tout recommençait. Pour le meilleur ?

- Ne me prend pas pour un idiot, Crane. Je suis cancéreux mais pas ignare ! J’avais saisi la première fois. Dis-moi des choses que j’ignore pour changer.

Il ne voulait pas dire à voix haute que sa mémoire lui jouait des tours et qu’elle triait ce qui lui chantait, mais sans doute que Jonathan le savait déjà pour répéter ses propos comme à un enfant. Il retire son manteau qu’il place sur une patère en forme de point d’interrogation. Crane n’avait jamais été quelqu’un d’obéissant. C’est ce qu’Edward appréciait chez lui. Il remettait toujours tout en question. Combien de fois Jonathan avait-il affronté la colère de ses confrères ? Combien de fois avait-il fait de l’esprit à Edward à Arkham au lieu de simplement dire oui à tous ses projets ? Il ne venait pas quand on sifflait et son absence à la réunion n’était au final que la juste continuité des choses. Il était trop indépendant, trop libre, trop individuel (bien que ce mot définissait bien des gens à Gotham City). Il était à l’image de ses cauchemars. Il apparaissait quand on s’y attendait le moins, mais est-ce que les cauchemars devaient tous être indésirables ? Après tout, on apprenait beaucoup d’eux. Edward avait décidé de confier sa nuit à l’Epouvantail.

Le roi des cauchemars s’enfonce dans un siège et demande à voir les documents pour pouvoir enfin passer aux choses sérieuses. Le prince des énigmes se tourne vers lui. Oui. Il était prêt à tout. Ce n’était pas une question de simplicité. Le choix qu’il avait fait ne reposait pas sur une complexité particulière. Il avait pris sa décision de manière logique, bien qu’il ignore quand est-ce qu’il l’avait fait. L’avait-il prise quand Jonathan avait quitté sa demeure il y a un mois ? Quand Edwine l’avait quitté ? Quand les crises d’épilepsie sont devenues de plus en plus fréquentes ? Quand Jonathan avait prononcé quelques mots en cette soirée hivernale ? Il savait Jonathan capable d’ouvrir n’importe quelle tête, mais là c’était la sienne. Ce qui l’effrayait, c’est ce qu’il en ressortirait de cette opération. Elle était dangereuse en tout point et tout pouvait se terminer ce soir au moindre geste malheureux. D’infirme, il pouvait devenir légume. De génie à débile. De vivant à mort. S’il pouvait s’opérer lui-même, il l’aurait fait. Dépendre des autres était un poids pour Edward, un poids qu’il avait accepté de porter cette nuit bien qu’avec douleur et surement regret. Il n’avait pas fais une croix sur les puits de Lazare mais il s’était tourné sur ce qu’il connaissait le plus. La science et tout ce qu’il y avait de plus réel. Selina connaissait le puits. Il avait entendu toutes les rumeurs, tous les murmures. Oswald lui avait montré le chemin, dans les souterrains de Gotham City. Mieux encore, à la réunion, Ra’s All Ghul lui était apparu. Il aurait pu envoyer son armée de robot tout balayé et lui rapporter la tête de démon et une bouteille de son meilleur cru. Il aurait pu, mais c’était justement parce qu’il avait entendu toutes les rumeurs et tous les murmures, vu la peur et l’angoisse dans les yeux de sa chère Selina et de son meilleur ami Oswald et qu’il avait parlé à Ra’s un court instant. Il avait senti la menace et le traceur qu’il avait placé sur lui à la réunion avait fait le tour de la terre, avait fini dans des endroits hors de portée géographiquement puis avait disparu. Edward avait eu peur lui aussi.

Il baisse les yeux vers le robot-valise.

- Ouvre-toi.

Et il s’exécuta. Il s’ouvre en deux et dévoile son contenu. Edward se met à genou, autant qu’il le peut, et en ressort un lourd dossier. Il contenait tout son travail depuis le jour où il avait appris pour sa tumeur. C’était un travail titanesque de plusieurs années. Il le jeta sur la table et le bruit résonna dans la pièce, à peine couvert par « my Way ». Quelques clichés s’y échappèrent ainsi que des données récentes. Son contenu était plus riche encore mais le bijou de sa recherche était encore à l’intérieur de son robot. Il l’extirpe avec précaution et ramène l’objet contre ui. Il s’agissait d’un tube d’azote liquide, à peine plus gros qu’une bouteille d’isotherme. Le centre de l’objet était transparent et laissait apercevoir une idée de son contenu.

- Mais j’ai une question avant d’entamer les festivités, ne peut s’empêcher de rajouter le détective, sur un ton de malice, sur un ton faussement complice. Pourquoi avoir accepté mon invitation ?

Quel était son intérêt ? C’était une autre question qui le hantait depuis qu’il avait compris les raisons de sa présence. Son imagination ne pouvait pas tout adapter. Il jura intérieurement. Peut-être qu'ils avaient déjà convenu d'un accord et que son esprit l'avait oublié ? Lui avait-il promis argent, pouvoir, fidélité, âme ? Il le saurait vite mais il se maudit pour ne pas y avoir pensé. Il lui lance la bouteille comme on lancerait un bébé. Il récupère sa canne d’une main tandis qu’il se tient à la table de l’autre. Ses jambes tremblent et il grimace devant l’effort. Il se remet debout, quelques peu essoufflé.

- Tu as ce qu’il faut maintenant. Pour ce qui est du reste, c'est ici et maintenant.

Toujours provocant, Edward avait ce sourire ambigu mais Jonathan était un bon psychiatre. Il savait voir ce qu’il y avait derrière et mieux encore, il en savait plus que lui. Le jeu d’Edward était faussé dès le départ, mais il était chez lui. Il était en sécurité, bientôt victorieux. Tout allait bien se passer. N’est-ce pas ?

- Cette chose toute chose dévore:
oiseaux, bêtes, arbres, fleurs,
elle ronge le fer, mord l'acier,
réduit les dures pierres en poudre,
met à mort les rois et les princes, détruit les villes,
et rabat les hautes montagnes. Qui suis je ?


Il avait rajouté un mot malheureux à cette énigme de Tolkin mais qui, placé prêt d'un mot complice, permettait de les désigner tous les deux, l'Epouvantail et le Sphinx. Le roi et "le prince".

- Ne m'en fais pas perdre, John.

Presque une supplique. Les informations récentes dans le dossier étaient clairs. Il ne passerait surement pas l'année.


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Re: Châtie bien Jeu 2 Avr 2020 - 22:25

Les lèvres s'étirent en un sourire lorsque la référence littéraire arrive jusqu'aux oreilles du thérapeute. « Voilà une référence qui me fait plaisir, mon ami. » L'ouvrage entre les doigts, l'homme semble l'observer un temps. Cette couverture, simple. Quelques mots, immortalisés. La promesse d'un voyage. Celui d'une jeune fille à travers son imaginaire. Celui d'un lecteur, à travers cet imaginaire. Et parfois à travers ses fantasmes, aussi malsains qu'ils soient. C'est le genre d'homme qu'est Jervis.

Il fantasme.
Une odeur âcre, voilà ce qui représente ses déviances.

Combien de vilains connaissent cette image du Chapelier Fou ? Combien se posent la question de ce qui est acceptable ou non ? Certains ignorent, d'autres non. Car oui, il n'est pas seul à remarquer. Chaque détails. Qui le rendent à la fois si imprévisible et fragile. Si dangereux. Il n'est pas seul, oui, à voir ces marques. D'obsession.

Il n'est pas le seul. Car Edward Nygma doit l'avoir observé. Et ceci est l'ultime preuve du délire dans lequel le plus grand génie de Gotham est tombé. Car jamais Jervis ne pourrait oublier cette œuvre. Même s'il possède plusieurs exemplaires. Même si ses bibliothèques sont tapissés de traductions, de copies, d'exemplaires uniques. Jamais. Car c'est son obsession.
Alors, le Maître de la Peur cache son contentement alors qu'il est certain de l'absence de la réalité dans laquelle se trouve son ami. Les voilà maintenant de l'autre côté du miroir … Et il n'en sortira pas aussi facilement. « Des choses que tu ignores, hein. Voyons, je sais que je suis intelligent … » Lentement, il pose le livre. « Mais tu sais déjà tout ce qu'il y a à savoir. Que puis-je t'apprendre d'autres … Edward ? »

Il s'installe, tranquillement. Il laisse la voix de Sinatra résonner. Remplir les yeux. Oui. D'un monde à l'autre, rien ne change. Et rien ne doit changer. Pour le garder dans ce monde. Pour le garder en ces lieux. Pour lui faire apprécier son futur. Pour lui faire apprécier un avenir sans la maladie. Sans elle. Sans désespoir. Il l'observe. Il essaye de l'imaginer. D'imaginer le visage de son ami, bien moins creusé par la fatigue, par l'épuisement mental. Non, il n'essaye pas. Il imagine, totalement.

Ses yeux, de nouveaux vigoureux, dévoilant les nombreux mécanismes et rouages qui s'activent, qui construisent. Réalisent. Développent. Une machinerie complexe. Un fonctionnement vif. Oh, oui, il l'imagine. Facilement. Naturellement. Tout comme il imagine, le corps d'Edward Nygma, perdu dans une salle poussiéreuse. Avachi dans son fauteuil. Dans le noir. Dans le silence.

Il l'imagine, la bave coulant de la commissure de ses lèvres. Mort, simplement de maladie.
Il l'imagine, la matière grise et le sang tapissant un mur. Tué, par sa propre haine.
Il l'imagine, animé. Mais paralysé. Interdit. Incapable de penser. Survivant d'une opération qui a transformé sa vie en un cauchemar figé.

Tous ces scénarii sont possibles. La vie du Prince des Énigmes est à un embranchement. Un épisode charnière. Essentiel. Et pourtant, à l'heure actuelle … il semble avoir dépassé cette étape. Avoir pris le chemin le plus difficile. Le plus dangereux. Car il est, finalement … Prêt à tout.

Jonathan baisse les yeux sur l'automate, qui s'active. Dévoilant le trésor. Le nouveau cœur névralgique de l'obsession d'Edward. Il ne bouge pas. Lorsqu'il observe l'aliéné fléchir les genoux difficilement. Et il cache sa surprise. Lorsqu'il regarde les bras maigres, la silhouette fragile, épuisée, du Prince relever difficilement ce dossier. Il est surpris, non pas par le contenu du dossier. Mais qu'il remarque une chose. Il le voit, réellement, cette fois. Il n'a pas besoin de le théoriser. De philosopher dessus. D'expérimenter. L'homme qui lui fait face se brise. Une surprise ? Non.

La véritable surprise … est que leur sentier d'homme brisés. De silhouettes fragiles. D'êtres détruits. Ce sentier, ce destin, passe par la même case. Oui. Ils sont prêts à tout.
Mais pour être différent, l'un de l'autre. Car Nygma … a changé. Quelque chose a changé. Non … Quelque chose, qu'il avait déjà, a émergé. Quelque chose que Jonathan Crane ne possède pas.

Mais la surprise reste bien cachée. Et s'efface naturellement lorsque son intérêt se pose sur ce tube. Il l'attrape. Et observe le phénomène. Le mouvement physique de son ami. « Bien. Alors je vais me mettre à l’œuvre … » Il se lève, simplement. Et il écoute l'énigme, alors qu'il attrape le dossier. Alors qu'il laisse son patient s'installer dans un siège des plus simple. Car le temps – oui, le temps qu'il ne fera pas perdre à Edward – est maintenant à l'étude de l'objectif. De la finalité. Et il s'installe par terre. Dans le silence. Car la voix de Sinatra s'est effacée.

Et il porte à lui un enregistreur vocal. Un modèle à cassettes. Si vieux jeu.

« Patient Edward Nygma. » Il relève le pouce. Il observe quelques clichés. « Une tumeur, qui prend naissance dans le cervelet … » Et sa voix sombre continue. Elle continue de longues minutes. Mais il est obligé. Edward Nygma doit s'en douter. Il joue au médecin. Avec un cerveau important. Il joue au médecin, pour sauver quelqu'un. Peut-être est-ce la première qu'il apparaît ainsi. À détailler chaque documents. À prendre quelques notes. Il schématise. Il dessine. Il étudie. Parfois il étale, les clichés. Et il semble imiter les gestes chirurgicaux les plus importants.
C'est long. Mais essentiel. Surtout s'il veut le sauver. Surtout s'il veut être sauvé. Ce qu'il fait est essentiel.

Après tout, le Docteur Crane va s'improviser chirurgien. Pour le sauver.
Après tout, le Docteur Crane va l'extraire de la réalité délirante d'Edward Nygma.

Puis, enfin … après ce moment …

« C'est bon, Edward … Nous y allons. » Il se lève. Tant de choses sont passées dans son esprit, durant ce silence. Parfois, il marmonnait, oui. Parfois, il parlait à son enregistreur, oui. Mais l'esprit de Scarecrow reste aussi imprenable – du moins, sans pouvoir – que la forteresse de solitude … Il se lève, donc, et il accompagne l'homme. Il le laisse s'installer. Dans une salle stérile. Oui, bien entendu, Edward Nygma a tout ceci. Il a toujours tout. Après tout, la question de s'être fait opérer … n'est finalement qu'un questionnement qu'il a déjà eu auparavant.
Le matériel est préparé. Ainsi que l'ambiance. Car bien vite, les premières notes de Somethin' Stupid résonnent dans la pièce.



Et alors que les doigts – calmes et expérimentés – du Docteur Crane préparent l'anesthésiant, la voix de Frank Sinatra accompagne les notes … en harmonie avec la voix de sa fille. Son regard croise un temps celui de son ami. Alors que l'aiguille s'enfonce, doucement. Alors que le liquide s'écoule, peu à peu. Il sait. Edward Nygma sait, ce n'est pas un secret, que l'Épouvantail sait. Il peut le voir sourire, doucement. Un sourire étrangement rassurant.

Quel monstre.
Il est naturel de se dire cela.
Car ce sourire rassurant … est horriblement réel.

« Dis-toi que tout ceci n'est qu'un mauvais rêve … mon ami. » Et il termine l'injection. Mais sa voix continue d'accompagner l'esprit de plus en plus embrumé de son ami … Quelques mots, qu'il entendra, tout comme il entendra un plateau métallique être manipulé, un appareil être branché …

The time is right, your perfume fills my head
The stars get red and all the night's so blue
And then I go and spoil it all by saying
Something stupid like
I love you …


Et que cet amour soit un doux rêve.
Qu'il transformera un cauchemar. Lorsqu'il aura ouvert ce crâne. Lorsqu'il y aura planté sa toxine.

C'est donc ceci, aimer un ami ?
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Re: Châtie bien Sam 18 Avr 2020 - 1:35

ft. Scarecrow
Châtie bien



The time is right
C’est le bon moment


Edward ne le quitte pas des yeux. Les mots se noient mais il s’y accroche. Il s’accroche à son regard glacé, à la chaleur de ses mots qu’il boit pourtant. Depuis combien de temps avait-il pensé à cet instant ? Depuis combien de temps avait-il étudié cette option ? Il l’avait tantôt rejeté, tantôt reprise, comme un amant qu’on a dans la peau. Il avait espéré, à chaque fois, que les mathématiques lui souffleraient que c’était bon. Qu’il pouvait espérer et gagner. Vivre. Si Selina ne lui avait pas dit d’attendre. S’il n’avait pas céder à son regard larmoyant. S’il ne l’avait pas embrasser. Si elle ne l’avait pas rejeté. Aurait-il accepté d’attendre qu’elle trouve une autre solution que le puits ? Juste pour la revoir ?

your perfume fills my head
Ton parfum remplit ma tête


Père et fille chantent. Ils chantent avec une telle force, une telle douceur, un tel amour. Il maintient sa pensée dans le moment présent. Il s’accroche à cet amour et pourtant, il ne devait pas. Il n’avait plus que ça pourtant. Cet amour factice et de l’espoir injecté. Il écoute Jonathan chanter pour ne pas penser à ce qu’il vient de voir au fond de ses yeux. Il a peur. Il a peur de ne pas se réveiller. Et si Jonathan échouait ? Et s’il ne revoyait jamais Edwine ? Non, ne pas y penser. Ed, tu ne dois pas y penser. Ed, tu ne dois pas te mentir. Ed, tu sais déjà que tu vas te noyer. Tu l’as vu dans ses yeux. Il va te noyer dans les profondeurs de ton dedans. Pourquoi te mentir ? Par désespoir et dans ce mot, si cher à Gotham, il y a aussi l’espoir.

The stars get red and oh the night's so blue
Les étoiles deviennent rouge et, oh, la nuit est si bleue


Son regard lui brûle. Il peine à les garder ouverts. Les couleurs recouvrent sa vision et tout devient flou. Il ouvre la bouche. Il cherche à parler. Il est immergé par cette lourde fatigue chimique. Il doit parler. Il doit parler. Il doit lui dire. Il doit. Il doit. Lui dire. Dire. Dire.

And then I go and spoil it all by saying
Et puis je viens et je gâche tout en disant


- John…

Something stupid like
Un truc stupide comme

I love you …
Je t’aime …
Je t'aime
Je t'aime
Je t'aime
Je t'aime
Je t'aime
Je t'aime


L’obscurité l’enveloppe de sa douce et ferme emprise. Il ne se noie pas. Il n’étouffe pas. Il flotte. Il ne peut pas se noyer, mais il ne peut pas flotter. Il n’y a rien qui l’entoure. Il le sent. Il sent cette solitude et pourtant, il sent ses bras. Il sent ses bras l’entourés et pourtant, il n’y a rien. A qui appartient cette étreinte ? L’instant est long, précieux, infini. Il est aimé, protégé. Il sent ses yeux sur lui. Il se sent comme l’être le plus formidable de la terre à travers ses yeux qu’il ne voit pas. Il sent son regard et pourtant, il n’y a rien.

- Edward, je t’aime.

La voix est douce. La voix est sincère. Est-ce Oswald ? Est-ce Selina ? Est-ce Edwine ? Il l’ignore et cela l’intrigue. Pourtant, il est comme Orphée face à l’être aimé. Il aimerait ouvrir les yeux pour contempler son amour, rien qu’un instant. Il sait qu’il n’en a pas le droit. Il craint de le perdre en vérifiant si son amour est bien là, tout près, dans les ténèbres. Il resserre sa prise.

- Ouvre les yeux.
- Je ne peux pas.
- Tu es le Sphinx, qu’est-ce que tu ne peux pas faire !

L’éclat de sa voix lui est familier, comme un tintement.

- Te garder pour toujours.
- Ouvre les yeux.

Edward hésite et s’y plie. Il ouvre les yeux et découvre l’être aimer. Il en découvre la carcasse décomposée. Il hurle et la repousse mais des câbles le lie au cadavre purulent. Il le repousse avec force. Il donne des coups de pied, il se débat avec vigueur mais ses liens métalliques sont si profondément enfoncés sous la peau qu’ils ne ressemblent plus qu’à deux pantins entremêlés. Il hurle. Il hurle à s’en défoncer la gorge. Le sang coule de ses poignets, de ses chevilles. Sa peau se violace par endroit, là où les câbles l’enserrent. Le Crane est collé contre son visage et d’un baiser, tout disparait. Le sommeil l’emporte, le noie.

L’enfant pleure. L’enfant pleure mais silencieusement. Il pourrait l’entendre. Il arrive pourtant. L’enfant place ses mains sur sa bouche. L’enfant reste là, caché mais est-ce vraiment un abri ici ? Il fait si sombre. On ne distingue qu’à peine la lumière sous le bas de la porte. Les larmes brûlent ses joues, abondamment. Il s’approche. Il l’appelle. L’enfant ne bouge pas et reste caché, sous son lit. L’enfant sait pourtant que sa colère ne sera que plus brutale si la partie de cache-cache s’éternise. L’enfant ne gagne jamais. Impossible de bouger pourtant.

- Ed'.

La terreur est trop grande. Une terreur qui paralyse. Une terreur qui l’oblige à se taire et à regarder, à attendre. Les bruits de pas se rapprochent. Il aboie son nom, encore et encore. Une porte s’ouvre avec fracas. L’étagère remplie de livre tombe au sol. Le vase remplie de tournesol se fracassent. Ses éclats se dispersent. L’enfant sursaute violemment. La terreur meurtrie son ventre. Ses pieds marchent en sa direction de ses lourdes chaussures de cuir, parfaite pour écraser ses doigts d’enfant. Il s’approche encore. L’enfant ne doit pas faire de bruit. Rien. Pas un mot. Il ne faut pas qu’il touche l’enfant. Il ne faut pas qu’il attrape l’enfant. Le sanglot s’amplifie. L’enfant le contient du bout de ses doigts, presque enfoncés dans sa bouche, contre ses dents. L’enfant se recroqueville. Peut-on disparaitre si l’on le souhaite très fort ? Il est devant le lit. Son père est là, si près. Comment est-ce qu’un enfant peut avoir peur de son père ? Le temps se fige, longtemps. Un couinement lui échappe. Est-ce qu’il l’a entendu ? L’enfant tremble de tout son corps en se mordant les doigts. La punition est terrible mais la sienne le serait encore plus. Les pieds bougent. Il s’éloigne ? L’enfant recommence à respirer, enfin. Soudain, une main brutale se glisse sous le lit et l’attrape par les cheveux. Il tire de toutes ses forces pour sortir l’enfant de sous son lit. L’enfant pleure. Un coup lui arrache un hurlement. Un nouveau coup lui impose le silence.

- Je t’ai trouvé, Edwine.

Il frappe. Il ne cesse de frapper. Ses mains se tachent du sang artificiel jusqu’à ce qu’elle pandouille dans ses bras. La tête d’Edwine se relève misérablement, les yeux éteints. Il fait face au visage qu’il vient de mutiler, aux plaies qui s’étirent, a ses lèvres déchirés. L’enfant pose ses mains sur ses épaules, brusquement. Tentative de défense ou d’attaque, qu’importe, le père frappe encore et dévoile le squelette mécanique sous la peau douce et chaude. Des morceaux de peau synthétique pendent horriblement de part et d’autre de son visage. La prise sur son cou est plus forte. Il pose ses mains sur les siennes pour la repousser mais sans y parvenir. Il panique. Le visage continue de se déchirer jusqu’à dévoiler ce que l’enfant est en réalité.

Châtie bien Giphy

- NON !

Edward se redresse tout d’un coup, le cœur au bord des lèvres. Il cherche son souffle, le corps encore traversé de tremblement de panique dût au cauchemar. Il passe une main sur son cou, dans ses cheveux. Les néons éclairent faiblement la chambre où s’étalent des restes de fête. Il se redresse pour regarder le sol alors qu’il caressait la profonde cicatrice longiforme qui descendait jusqu’à à sa nuque. Il voulut se lever mais une main le retient, se posant d’autorité sur son torse.

- Tu devrais y aller doucement. Crane a dit que tu devais te ménager après l’opération.
- Juste un peu de fatigue, Selina.
- Un peu ? Ne soit pas idiot. Tu n’as plus aucun mystère pour moi après hier soir, Eddie.
- Je ne suis jamais idiot, très chère –Et ne m’appelle pas Eddie. D’ailleurs, question : qui du chat ou du Sphinx à résolu l’énigme ?

Il la regarde avec un demi-sourire tandis que la femme chat se rhabillait sous ses yeux, faisant attention à ne pas faire tomber les bouteilles contenant les restes d’alcool et de sodas, se contentant de poser le pied sur les confettis et les graines de tournesol grillées. Il attrape le fouet au sol. Il s’amuse un instant avec.

- La dernière fois que tu as touché mes affaires, ça ne s’est pas bien passé.
- Les choses ne se répètent pas forcément. Par exemple, je t’ai de nouveau embrassé hier et tu ne m’as pas jeté à la mer !
- On n’était pas assez près des Docks.


Il se lève enfin, range le fouet à sa ceinture et vient quémander un baiser qu’elle lui donne. Il s’étire longuement avant de se saisir de son chapeau melon qui retrouve le sommet de son crane roux. Il était amplement satisfait de la situation et il comptait bien profiter de cette énergie retrouvé.

- Allons cambrioler quelques banques.
- Je croyais que tu avais arrêté de faire ça ?
- Il faut bien que je récupère tout l’argent que j’ai dépensé pour ce stupide cancer ! Passez devant, très chère.


Elle rit et s’avance dans le couloir, Edward à sa suite. Il pose une main sur son épaule. Elle sourit au Sphinx. Ils passent une première porte, numéroté comme beaucoup d’autre et entrouverte, où repose les restes d’un robot aux cheveux roux. Il sourit au Chat. Sa seconde main tient fermement un poignard, caché dans son dos. Ils en passent une seconde où s’échappaient des cris de femme, des cris de rage entrecoupé de sanglot. Sur la porte, on y peut lire « Zinda Blake ». Ils en passent une dernière aux allures de porte de cellule de l’asile d’Arkham. Edward tourne la tête vers la porte de métal où s’échappent des bruits de coup répétés avec force.

- Je te rejoins dans un instant.
- Ne fais pas tant de manière, on est chez toi ! Fit-elle en levant les yeux au ciel, ignorant complètement la porte.

Deux yeux observent à travers un judas tandis que les coups faiblissent quand Edward si approche. Le Sphinx se penche légèrement pour l’observer tandis qu’un fin sourire se glisse sur sa bouche. Satisfait de ce qu’il voit, il lui révèle l’arme blanche.

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- Question : Un cauchemar pour certains
Pour d’autre, en sauveur, je viens.
Mes mains sont mornes et glacées
Ce sont les cœurs chauds qu'elles viennent chercher
Qui suis-je ?


- Non, je t’en prie ! Non !
- Gotham appelle son maître et j’ai beaucoup de crime à rattraper, comme tu vois. Alors si tu veux bien m’excuser…
- Tu ne peux pas faire ça ! J’ai changé !
- Alors arrête-moi, mais suis-je bête, enfin que TU es bête. Tu n’es pas assez intelligent pour ça. Bye, Eddie !
- NON !


Eddie cogne plus fort contre la porte avant de réessayer de résoudre le puzzle. Il s’acharne désespérément contre le casse-tête qui servait de verrou. Edward s’éloigne en ajustant son chapeau. Il laisse derrière lui les hurlements de son double malade et mourant. Il sifflote gaiement et quitte le couloir dans un grincement de porte.

Eddie n’y arrive pas. Ca semblait pourtant si simple. Il n’y arrive pas. Il ne parvenait pas à le résoudre et se met alors à le frapper. Il le frappe encore. Il triche. L’objet soudain s’élève lentement. Il s’acharne. Il essaie. Il n’y arrive pas. Il se brise les mains, trop frêle pour supporter ses excès de violence. Il lève les bas, il grimpe mais sans succès. Il tente de rester au niveau de la porte, du verrou, mais il s’enfonce. Il n’y arrive pas. L’objet lui échappe. Il tend les mains désespérément. D’autre le saisissent et l’attirent dans les profondeurs. Il supplie.

- Je vais y arriver ! Laisse moi réessayer !
- Pas de seconde chance. Fit Double-Face.
- Tu n’es peut-être pas un génie du tout finalement, gloussa Poison Ivy.
- Tricheur, grogna Bane.
- tU As raTé l’HeUre dU tHé, dU ThE ! MeCHAnt SphINx ! MeCHAnT !
- Tricheur, approuva Clayface.

Il se débat et donne des coups mais ses ennemis redoublent en force et en nombre. Ils griffent sa peau puis s’y accrochent. Des mains se posent sur ses épaules fines, son torse amaigri, sa jambe tordue et son visage creux et serrent son corps.

- A chaque blague sa chute, Eddie ! AHAH !
- Tu es si drôle, poussin ♥


La poignée d’un parapluie se plaça autour de son cou tandis que le mot « tricheur » est tantôt hurlé, tantôt chanté, presque craché. Il tombe. Il souffre. Il saigne. Il étouffe et surtout, il chute.

- Je suis contre l’acharnement thérapeutique, monsieur Nashton, fit Hugo Strange.
- Vous pensiez vraiment pouvoir échapper à votre destin ? Avec mon puits ? Ajouta Ra’s All Ghul.

Une épée le traverse de part en part. Une main dans ses cheveux le force à baisser la tête et à la regarder. La chute devient de plus en plus rapide. Il n’y a plus de sol depuis bien longtemps. Les bras qui le retenaient disparaissent mais la sensation reste. Il chute, les yeux clos, la tête vers le sol. Il s’ammaigrit considérablement au fur et à mesure qu’il se rapproche du fond. Ses cheveux tombent. Ses lèvres s’assèchent. Son corps tremble. Les plaies restent.

- Qui suis-je ? Chuchote une voix dans l’obscurité.

Eddie ne répond pas. Une forte odeur de paille emplit ses narines.

- Qui suis-je ?

La chute s’arrête enfin. Il est rattrapé par ses bras. Il sait à qui appartient cette étreinte. Il est rattrapé par celui qui l’attendait, depuis toujours, au fond du gouffre. Il ne pourrait jamais lui échapper. Il ne peut pas le fuir. Il n’y avait plus que lui pour lui apporter de l’attention, pour l’aimer suffisamment pour le maintenir dans les ténèbres avec lui. Il ne pourrait jamais quitter ces ténèbres-là. Il n’aurait jamais dû tenter de s’approcher de la lumière. Il aurait du rester dans son labyrinthe au lieu de chercher l’envol, la liberté, la fuite. L’icare avait eu sa fin.

- Dis mon nom.

Edward ouvre les yeux pour découvrir l'aspect le plus monstrueux du croquemitaine. L'effroi le saisie. La terreur lui déchire l'estomac aussi bien qu'une lame. Il n'avait plus que lui car il n'avait plus rien. Ni intelligence, ni force, ni ami, ni amour. Il s'abandonne.

- Scarecrow.

Il disparait, dans un mélange de cendre et de paille.

Le réveil est brutal et douloureux. Une sensation de lourdeur envahit son corps et il a la terrible impression qu'on le maintient encore. Encore ? L'esprit est encore flou. Il lève une main et touche son visage dans un grognement. Il est légèrement gonflé. Un lourd bandage entour sa tête et il frôle un drain planté dans son crane. Il a l'esprit assez vif à travers le brouillard du réveil pour savoir qu'il ne faut pas tenter de l'arracher. Il a encore les mains qui tremblent mais c'est normal, l'opération avait été si lourde. Il laisse lourdement retomber son bras. Il a sentit ses larmes sur son visage. Des larmes qui continuent de couler seules, sans qu'il n'invoque le moindre muscle. Il les avait vaguement essuyé. Ça devait être un réflexe. Il tente de bouger mais ses membres répondent faiblement. Il se sentait si fatigué, si épuisé, si... vulnérable. Son cœur battait fort dans sa cage thoracique. Il ne parvenait pas à le calmer. Ses yeux cherchent quelque chose sur lequel s'appuyer. Il cherche le danger. Il ne se sent pas bien et son cerveau parvenait avec difficulté à poser ses pensées, à ne pas céder à une angoisse absurde. Il essaye de se rationalisé. Il n'y avait plus de danger. Il s'était réveiller. Il était en vie. L'opération ne l'avait pas tué, mais avait-elle fonctionné ? Cette question le hantait plus que toutes les autres. La terreur gonfle son torse. Avait-il gagné ?


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Re: Châtie bien Mer 20 Mai 2020 - 22:18


Le cauchemar est un rêve. Un rêve qui se tord. Un rêve dont les frontières tendent à se baigner dans l'horreur. Elles se brisent. Elles deviennent des portes, vers le pire. Vers l’écœurement. Vers le dérangeant. Le cauchemar est une succession de sordide, de morbide, similaire à un enchevêtrement de chair non-euclidien que Lovecraft lui-même tentait, à mainte reprise d'immortaliser dans les pierres noires de R'lyeh, dans les peaux infâmes de ses Grands Anciens. Dans les esprits abyssaux de ses Dieux Extérieurs.
Un cauchemar, dans l'imaginaire collectif, est souvent ceci. Une vision d'horreur, qui laissera un violent souvenir. Et parfois … il est autre chose. Parfois, il n'a d'horrible que le sentiment laissé au réveil.

Une profonde tristesse.
Un sentiment de solitude tenace.
Une impression d'être observé.
Un besoin d'être pris dans les bras d'une personne.
Perdu. Perdu entre les frontières de la réalité et du rêve.

Voilà ce que sont des cauchemars. Qu'ils soient horribles, insidieux, ou sublimes. La véritable définition du cauchemar n'est pas le sordide. Mais le sentiment au réveil. Le cauchemar n'est rien d'autre qu'un rêve … qui rappelle vos plus profondes faiblesses.
À l'image de la peur, dont la mission première est d'être le repère. Le repère à la protection du danger. Le repère à la survie.

Une petite pièce. C'est toujours dans un environnement exiguë que l'ombre préfère observer sa victime. Qu'importe le visage de celle-ci, d'ailleurs. Elle voudra trouver des angles, proches. Elle voudra sentir les regards de ses démons intérieurs, planqués dans les frontières de ces angles, l'observer. Le fixer. Sentir le poids de ces yeux … Sur sa silhouette. Qu'elle soit folle. Violente. Gracieuse. Famélique. Chimérique. Protéiforme … Sordide. Elles sont nombreuses, oui, de ces silhouette … à préférer l'étroitesse de ces pièces.

Mais, ils sont peu à écouter la voix profonde de Frank Sinatra, dans les enceintes d'un vieux tourne-disque. Une mélodie parfois saccadée. Parfois difficile. Mais toujours aussi agréable. Car elle est un lien. Doux lien. Entre la victime et son bourreau. Entre chaque images. Entre chaque données qui défilent sur un écran cathodique. Les anciennes habitudes ont la vie dure, aime-t-on dire. Le matériel hérite sûrement de cette résistance lorsqu'il devient vieux. Lorsqu'il perd de l'intérêt aux yeux de l'Humain.

Un sourire se pose sur les lèvres de Jonathan Crane. Alors qu'il porte la tasse de thé à ses lèvres. Il aimerait être dans la tête de l'endormi.

Car malgré ses yeux qui s'ouvrent …
Ses paupières restent closes.
Malgré son esprit qui accueille la réalité …
Son cerveau continue de baigner dans la mélatonine.

Clic Une touche du clavier …

« Papa … » La voix résonne. Faible. Douce. Attentive. Inquiète. Faible, car elle ne souhaite pas le déranger. Douce, car elle ne peut qu'être cela, en cet instant. Attentive, car elle veut savoir s'il va bien. Inquiète … car elle a peur. De le déranger, malgré sa voix faible. De ne pas être suffisamment douce. De comprendre qu'il ne va guère bien.
Alors elle garde ses distances. Pauvre enfant perdue. Dans l'ombre de ce qui semble être une porte. De ce qui est une porte. Bien entendu. Il faut bien qu'elle soit quelque part. Il faut bien qu'elle entre d'un endroit … Il faut bien qu'il soit quelque part.

Dans une chambre. Un peu fraîche. Humide. Peu poussiéreuse. Jonathan Crane lui aurait-il donné un endroit où ne pas subir d'infections ? Bien sûr que non. Une chambre stérile ? Dans une vieille bâtisse, qui a vu la naissance et la mort de nombreux présidents Américains ? Edward Nygma n'est pas optimiste à ce point. Il se doute, sûrement. Du risque.

Elle est là. Dans l'ombre d'une porte. Elle le regarde. Il sent qu'elle le regarde. Inquiète. Attentive. Douce. Faible. Elle est là. Il veut la voir, sûrement. Ou alors peut-être est-il inquiet, encore plus. Car elle est là, avec lui, dans la maison de l'Épouvantail. Dans sa demeure. Dans l'antre de l'araignée tisseuse.
Ou peut-être est-il honteux. D'être ainsi. Faible, devant elle. Peut-être est-il en colère, de la pitié qu'elle pourrait ressentir, pour lui. Car elle en ressent. « Papa … » La voix résonne encore.

Clic. L'interrupteur de l'éclairage. Activé sûrement par lui, le patient. Qui veut la voir. Ou par elle, la fille. Qui ne veut pas avancer dans l'ombre. Qui veut être vue. Mais seulement un rêve.
Une touche du clavier.

L'éclairage est faible. Clignotant. Instable. Il laisse entendre un grésillement, preuve de sa faiblesse. Il montre des murs, peints. Des peintures d'enfants. Des questionnements d'enfants. Des questionnements de parents. De énigmes. Des problèmes. Une intelligence. Une question. L'imposteur ? Qui est l'imposteur ? Où est l'imposteur ? Un souvenir … Une émotion. L'hésitation, à se positionner, dans ce monde.
Des meubles. Des armoires. Beaucoup d'armoires. Beaucoup de portes. Où se cacher. Des lits et des planches. Sous lesquels se faufiler. Des bruits de pas. Qui approchent. À gauche. À droite. Devant. Un ceinturon, qui claque. Un coup. Dans le dos. Alors qu'il est allongé. La sensation de sentir ses cheveux lui être arrachés du crâne, par la seule poigne ferme d'un homme violent. Alors que plus aucune tignasse ne vient recouvrir son crâne. Le goût du sang, alors qu'une dent est violemment expulsée, par un coup de poing. Alors qu'il n'a rien reçu. Un souvenir … Une émotion. L'anxiété de la proie, blessée.

Les yeux s'ouvrent. Les paupières s'ouvrent. Alors que le mot résonne. « Papa … »

Une peinture. Une demoiselle. Une tenue. Une robe. L'odeur de l'acrylique. Celle de l'essence, du pétrole. Elles se mélangent, au parfum du Tournesol. Des couleurs sombres, coulent, des murs. Les peintures se perdent, l'une contre l'autre. Mais le vert, reste. Dans l'entrée de cette porte. Une goutte, de souvenir. « Papa … » Un vert, qui vient se perdre en deux orbes. Un sourire, qu'il croit remarquer, en s'extirpant, troublé, de l'hésitation et de l'anxiété.

Peut-être va-t-il sourire, en lui lançant qu'il est réveillé. Qu'il va mieux. Qu'il va bien. Qu'il est sauvé. Car elle n'est plus là. N'est-ce pas … ? « Elle n'est plus là … Papa … » Il doit être heureux. De l'apprendre. Alors que les réalités se chevauchent, l'empêchant d'observer. Là où il est. Dans le rêve ? Dans la chambre ?
« Elle n'est plus là … » Comment le sait-elle, d'ailleurs ? Elle est intelligente. Elle doit l'avoir étudié, un peu.


« Je ne suis plus là dedans … »

Châtie bien Winter10

Parce qu'il fait face à elle. Dans cet enchevêtrement de réalités, déformées par la toxine. Peut-être qu'il fait face à elle. La tumeur. Sa véritable fille, après tout. La silhouette, de sa machine de fille. Le visage, de sa biologie incarnée. Qui tend les mains. Qui approche, doucement. Se détachant de la toile. De cette toile. Qui d'ordinaire ne montre qu'un monstre extrait des rêveries de Jonathan Crane.
Et qui aujourd'hui est là. Face à lui. Face à cet homme. Sa tumeur. Qui lui parle. Qui a besoin de lui. De son amour …


« Papa »

Un cauchemar est un rêve, oui. Qui parfois se mêle à la réalité. Celle d'une petite pièce. Trop exiguë pour être une simple pièce. Celle d'un tableau, posé devant les yeux d'un homme. Celle de cet homme …

« Petite énigme, Edward … » La voix est déformée, par l'électronique … alors qu'elle approche. Les réalités, intoxiquées par la chimie de Scarecrow, continuent de se mélanger. « Dans quel cauchemar vivons-nous ? »

Clic … Le noir. Complet.
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