Une histoire de famille ... [Pv Sandman]

Ce n'était qu'un bar, proche d'un parc d'attractions. Mais Gotham était semblable à l'inconscient collectif du monde des rêves en cela que là-bas, aucun bar n'était qu'un simple bar, et surtout en aucun cas un parc d'attractions n'était-il qu'un simple parc d'attractions. Si Wes passait autant de temps éveillé, c'était parce que le monde du rêve était terrifiant en ce qu'il a de plus lourd de sens et, pour un voyageur conscient de ce qui lui arrive, de conséquences. Surtout dans le cas des rêves prémonitoires qui lui étaient spécifiquement envoyés, chargés d'horreur et de double sens malsains. Malgré tout, il n'était nulle part au repos sauf dans le monde des rêves, et partout chez lui sauf dans le monde des rêves. Il se trouvait qu'il était donc, en fonction des circonstances, soit reposé soit à son aise, et jamais vraiment les deux. A Gotham, aucun de ces sentiments ne venait le conforter. Il se trouvait ici, crevé et dans un lieu qui répond à la logique des cauchemars. Ce qui peut arriver de pire à Gotham, arrive.

Arrive aussi, le moment de s'adresser à l'homme le plus puissant de la pièce. Le seul homme de pouvoir de la pièce en fait, à des années-lumière du videur, des musiciens ou du propriétaire. Il ne l'effrayait pas, il lui glaçait tout simplement le sang. Wes comprenait les tueurs en série, même s'ils lui filaient des cauchemars. Il admettait qu'on puisse être fou, dangereux, brillant. Mais ce Deathstroke faisait tout simplement partie des soldats assez fous, dangereux et brillants pour ne jamais déraper. Il en a fait un mode de vie efficace et empli de succès sanglants. Un boulot, extrêmement lucratif. C'est ce qui le rend effrayant lorsqu'on est à moins de dix mètres de lui. Mais on ne parvient pas à un tel niveau de vie dans le crime commandité sans amonceler les bizarreries autour de soi. Le paysage de rêves de l'assassin connu sous le nom de Deathstroke, voilà qui donnait à Wesley des envies de tout oublier, sa vie, ses souvenirs, ses croyances, l'amour. De quoi perdre le goût de l'aventure et pourtant, il était assis là à boire des coups comme un cadre ou un ouvrier moyen.

"Je parie que vous savez qui je suis."

C'était stupide comme introductions, mais M. Dodds ne se sentait pas bien charismatique. Mal à son aise en société, éclipsé par son interlocuteur, tutoyé de surcroît par le gaillard. Il prit place sur la banquette, de façon à être assis dos à dos avec le mercenaire d'élite.

"Vous me mettrez un Bourbon. Sans glace, merci."

Combien pouvait gagner un soldat privé avec autant de galons ? Etait-ce comparable à la fortune des Dodds ? Pourquoi Wesley n'était-il pas comme lui... Un choix ? Une moralité ? Se sentait-il limité ? Pour sûr, dans le moment il se sentait très limité comparé à celui qu'il venait rencontrer. D'un autre côté, il était celui qui venait avec les informations. Il était aussi celui qui avait souffert pour obtenir les visions prophétiques qui lui ont présenté les premières pistes. Il songea à ce que Deathstroke pourrait ressentir en apprenant ce qu'il se passait... Si Wesley avait bien déduit ce qu'il se passait. Et s'il se trompait ? Et si la réalité différait un tant soit peu de ce qu'il avait cru trouver... Cet homme était bien moins prompt à accepter qu'on lui vende une vérité erronée qu'un magazine d'enquêtes. Bien sûr, Wes ne faisait pas payer ses service, mais le coût de la vérité était parfois supérieur à toutes les devises estimées en bourse.

"J'ai vu de la chair. Votre chair. Et votre sang. Quelque chose qui paraît devoir s'y cacher. J'ai un nom : Joey. Et un nom de code : Miraclo. J'ai jugé bon de vous contacter, comme Hourman est un peu... Excessif, lorsqu'il s'agit de sa formule. Mais quelque chose est plus vieux que vous, plus vieux que le Miraclo d'Hourman tel qu'on le connaît. Et maintenant plus jeune. Il n'est qu'un enfant, presque un nouveau-né. Qu'est-ce qui le pousserait à violer la chair et la science ? C'est très confus pour moi. Mais je parle trop, et c'est imprécis. Après un verre je ferai davantage de sens de ça."

Lorsque le serveur lui posa son verre, il haussa un sourcil comme pour comprendre pourquoi il parlait apparemment tout seul. Wes indiqua son portable, posé sur la table, puis un doigt sur sa bouche pour laisser entendre que la communication était en cours et qu'on l'entendrait. L'autre haussa les épaules, dubitatif et s'en alla.

- A vrai dire, je vous ai remarqué dès votre entrée, mon très cher monsieur. Oui je pense savoir qui vous êtes, mais vu la clientèle de ce bar, je préfère taire votre nom pour vous éviter bien des ennuis .

En voyant que l'individu l'avait vouvoyé, Slade comprit qu'il ne s'agissait pas d'un vulgaire malfrat qui aurait eu la maladresse de vouloir lui tirer son portefeuille. Celui-ci s'adressait à lui d'une manière polie et courtoise, ce qui indiquait sans aucun doute que cette personne était âgée, car les jeunes de nos jours n'avaient plus aucune éducation, et préféraient ressortir des phrases qu'ils avaient entendus dans les films. Slade sentit la présence de son interlocuteur dans son dos, ce qui indiquait que ce dernier s'étaient assis dos à lui : il voulait donc que leur conversation reste privé. Cette voix était familière, et Slade, grâce à ses compétences cérébrales améliorées, mit environ quelques secondes pour déterminer que son interlocuteur n'était d'autre que Wesley Dodds, ancien Sandman à la retraite, du moins c'est ce qu'on pourrait croire, sachant que son ancien compagnon d'armes, Sandy Hawkins, avait repris le flambeau derrière lui.

Slade pouvait sentir un certain malaise chez son interlocuteur, peut-être Slade l'avait-t-il un peu brusqué ? Mais pour l'instant, il fallait mieux écouter les informations du vieux, et essayer de voir si ces dernières étaient réelles ou non. En voyant la commande de Wes, Slade ne put s'empêcher de lâcher une remarque :

- Je vois que monsieur a des goûts raffinés. Mais venez-en au fait, je vous prie. Un vieux vétéran comme moi à tendance à ne plus prendre son temps avec les années qui passent.

Le vieux allait se mettre à table, ce n'était qu'une question de seconde. Si il était venu ici c'était bien pour quelque chose en rapport avec Slade, sinon, pourquoi un ancien héros retraité sortirait de l'ombre pour s'adresser à Slade, connu chez les héros comme le mercenaire et l'assassin le plus craint sur cette Terre.

"J'ai vu de la chair. Votre chair. Et votre sang. Quelque chose qui paraît devoir s'y cacher. J'ai un nom : Joey. Et un nom de code : Miraclo. J'ai jugé bon de vous contacter, comme Hourman est un peu... Excessif, lorsqu'il s'agit de sa formule. Mais quelque chose est plus vieux que vous, plus vieux que le Miraclo d'Hourman tel qu'on le connaît. Et maintenant plus jeune. Il n'est qu'un enfant, presque un nouveau-né. Qu'est-ce qui le pousserait à violer la chair et la science ? C'est très confus pour moi. Mais je parle trop, et c'est imprécis. Après un verre je ferai davantage de sens de ça."

Joey ? Il y avait bien longtemps qu'il n'avait pas entendu ce nom, le nom de ce second fils, Joey Wilson, qui adopta un nom de code chez les Teen Titans : Jericho, le même enfant qui perdit ses cordes vocales à cause du Jackal, ce même enfant à qui Slade ôta la vie, lorsque celui-ci lui supplia. Mais en quoi Joey serait-t-il de retour ? Pourtant, sa conscience n'avait pas été enfermée dans l'oeil du super-héros Cyborg ? Les informations et les explications possibles fusaient dans la tête de Slade, et très vite, il rétorqua :

- Joey est mort il y a bien longtemps, comment pouvez-vous m'expliquez ceci alors que la conscience de mon fils est enfermé dans l'oeil d'un de vos super-héros qui tient plus de la machine que de l'homme ? Toutes ces énigmes cherchent-t-elle à me cacher quelque chose que je croyais irréalisable ? Nous savons tout les 2 quels sont les effets du Miraclo, mais dans les mains de n'importe qui, ce produit pourrait aussi bien déranger mes affaires que vos histoires de super-héros ... Au moins nous semblons avoir un point d'entente, si j'ai bien réussi à déchiffrer vos mots à travers les métaphores. Quant à Joey, je ne sais pas quoi en penser. Je ne croirais que ce que vous disiez que lorsque je l'aurais vu.

Il marqua une pause, tout en buvant une gorgée de sa pinte, puis il lança :

- Quand pensez-vous, monsieur Dodds ?

Le mercenaire prétendit effectivement savoir qui était Dodds ; probablement un stratagème pour gagner du temps et lui forcer la main, mais Sandman ne répondit que cryptiquement, après tout dans l'affaire ils étaient collègues, mais en aucun cas la confiance ne devait déborder trop outre l'affaire en question. Et puis Wesley ne se faisait aucune illusion, il était largement oublié, s'il avait jamais été dans l'esprit conscient des gens mortels ni mortellement dangereux.

"Vous êtes sage, mais la population générale n'a sans doute aucune idée de ce que le nom représente. Seuls, les hommes volants capturent l'attention du public. Ce qui nous laisse une large licence pour l'action, à la vue brouillonne de tous ceux qui regardent le ciel."

Sortant des documents de sa serviette, Wesley se remémorait plus précisément ce qu'ils signifiaient. Il n'avait pas de problèmes de mémoire, du moins presque pas, et rien qu'il ne sache rectifier en étant un tant soit peu organisé. Le sigle de Queen Industries, sur une plate-forme pétrolière que l'on croyait détruite lors d'un raid punitif jamais revendiqué. Des relevés sous-marins, indiquant un relief constitué de ruines, et des indications montrant une zone dénuée de résonance ou conductivité hertzienne, plusieurs centaines de mètres sous la surface, ruinée par l'explosion du passé. Et une onde qui semblait malgré tout circuler, impossible à relever dans les échelles standard, pourtant répétitive dans sa structure. Des relevés biologiques indiquant des espèces sous-marines qui ne pouvaient être venues par les courants sous-marins naturels. Rien de bien révélateur pour une personne qui cherchait quelque chose de précis, ou qui jugeait hâtivement de la paranoïa. Pourtant, à travers un corridor de rêves qui se succédaient, à travers des voyages pour tenter de se rapprocher de perturbations qui faisaient une onde de choc dans le monde du rêve et du cauchemar, Wesley avait senti que c'était l'endroit, ou l'un des endroits. Le début d'une piste, ou la fin abrupte de nouvelles questions.

"Coincé dans un œil cyber-organique, cela explique pas mal de choses. Des choses inquiétantes pour moi, mais pas celles qui vous angoisseront le plus. Joey a causé pas mal de trouble, même en simple esprit. Sa perception s'est élargie, et il est passé par la machine pour ça. Mais il semble qu'il ait pu s'affranchir des limites de la technologie, de la physique même peut-être. Je ne saurais mesurer ça mais c'est certain."

Puis, laissant les documents derrière lui sur la petite table du pub, quittant le bruit ambiant, il ôta l'appareil auditif qu'il s'était infligé avec grande souffrance. La nuisance sonore du bar avait rendu son utilisation indispensable, mais Dodds n'aimait pas palier à ses manquements physiologiques par ce genre d'artifice. L'art zen de la méditation lui enseignait qu'il fallait pallier à ses limites, pas les affubler de parades technologiques. Surtout pas en ce moment, après ce qu'il semblait se passer dans l'inconscient du monde vivant. Il avait laissé la serviette ouverte et les documents sur la table, et un gros mal de crâne l'avait envahi. Luttant contre l'arthrose, ou plutôt la contournant en ouvrant son esprit et sa perception du monde, il parvint à grimper en quelques bonds sur le toit de l'établissement de débit de boisson. Il enfila le masque à gaz, redescendit le chapeau sur son 'visage' de héros. Il savait que Deathstroke risquait de comprendre ce que lui-même avait déduit. Cet homme était bien plus intelligent que Wesley, que la plupart même des scientifiques bien qu'il n'en partage pas la vocation. Néanmoins, que sa réaction soit le déni ou la lucidité, qu'il croie Wesley ou soit fâché de penser y voir une fausse piste, cette réaction lui appartenait. Le deuil d'un père, quelles que soient les années qui passent, n'était à personne d'autre, et même s'il n'avait engendré aucune engeance, Wesley le savait par son expérience malheureuse avec Sandy le golden boy. Il attendait que l'assassin en revienne, et le rejoigne ici à l'extérieur.