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Mise au point (PV Superman) | Mise au point (PV Superman) Mer 29 Oct 2014 - 14:59 | |
| "Beth, dites à Hannah de dire à M. Edge que je monte le voir, immédiatement."
La jeune hôtesse d'accueil mit une seconde de trop pour relever la tête. Il était déjà hors de vue, mais, malgré son trouble, elle éleva la voix pour le rappeler vers elle. Sa démarche était lente, mais assurée. La voix de la demoiselle résonna dans l'immense hall de la tour GBS.
"MONSIEUR ! ... Monsieur Scott. Pardonnez-moi. Comment connaissez-vous mon nom ?"
Bien entendu, Alan attendait qu'elle pose cette question. Revenant vers elle avec un regard de tombeur, sourire en coin, il déposa sa carte derrière l'oreille de la demoiselle, entre le bout de son serre-tête et une mèche de ses cheveux. Certes, les tabloïds avaient fait leurs choux gras de la nouvelle préférence du grand reporter, mais le vieux charme des Scott était demeuré intact. Avec un clin d’œil, il lui livra une tirade qui semblait répétée d'avance, et pourtant qui avait le cœur fondant d'un moelleux au chocolat.
"Allons, mademoiselle Johnson, je suis journaliste. Nous travaillons tous dans la même grande famille, non ?"
Il lui ébouriffa la tête, puis reprit la direction qu'il s'était choisie, la plus courte mais aussi celle où on le verrait. Il était de sortie, après tout, même si le motif de sa visite était d'ordre dangereusement privé. Il croisa plusieurs journalistes et techniciens, des preneurs de son, des photographes et cameramans, dont certains qu'il avait formé à la GBC. Sans rancœur, il admettait que la communication était un marché concurrentiel. Mais il savait aussi que s'il les avait laissés filer, c'est qu'ils avaient choisi de laisser leur potentiel sur le bord de la route. Il était Alan Scott, Sentinel, et convaincu d'avoir les meilleures équipes dans sa compagnie. Ici, c'était la compétition. Davantage d'audience et de l'infotainment, mais rien qu'il ne regrette de ne pas être.
Ici, c'était l'antre du loup. Le sanctuaire du profit dans les médias et de la désinformation. Si Superman avait pris en grippe le directeur général de Edge et Galaxy, ça n'était pas pour rien. Le grand rouge avait le cœur au bon endroit, et surtout il avait les idées claires. Ce n'est pas pour rien qu'Alan voyait dans ce garçon un autre lui. En passant les portes du bureau, sans confirmation ni invitation, il se demanda ce que le fils de Krypton aurait pensé de son acte.
"Monsieur Edge... Morgan."
Le grand sourire qu'il décocha au grand patron de presse baraqué, si on pouvait appeler ça un homme de presse, était semblable à celui des singes. Un masque d'intimidation. Puisqu'on était dans la tanière du loup, autant valait-il montrer les crocs.
"Vieil ami."
Le ton était calme, presque sans surprise. La voix profonde, un brin amusée. Morgan Edge était un homme bouffi de son impudence, mais une armée d'avocats et la poignée de gangsters qui assuraient ses intérêts lui donnaient toute licence pour se comporter de la sorte. En deux mots comme en cent, il était tout ce qu'Alan détestait et combattait dans le monde. Sa réponse fut aussi froide que cinglante.
"Nous n'avons jamais été amis, Morgan."
Après une poignée de main dans laquelle chacun jaugea la force de détermination de l'autre, plus que sa politesse, le patron véreux releva ses deux mains devant lui, en signe de défense symbolique. Un début de rire s'étouffa dans sa gorge grasse.
"Allons, pas besoin de... "
Il fut coupé net par Alan. Autant en collants que dans sa vie civile, Sentinel ne s'embarrassait pas de quatre chemins. Ses propos étaient moralisateurs, mais sa tonalité nullement narquoise ou hautaine. C'était glacial comme le marbre qu'il trancha la parole du maître des lieux.
"... Parler de vos liens avec Intergang ou la propagande de Glorious Godfrey ? Inutile en effet. Nous savons tous les deux de quel côté de la barrière nous nous tenons."
L'autre déglutit imperceptiblement. Son sourire moqueur disparut brièvement de la conversation. Sa voix était posée. Il contourna son immense bureau vernis en bois de merisier, pour se rasseoir dans un grand fauteuil rouge moelleux.
"Je vois."
Il n'y avait pas de chaise pour les visiteurs, mais Alan ne perdit pas son temps à vouloir s'asseoir. Solidement planté dans ses souliers de créateur italien, il ne se laissa pas aller à une déconvenue. Il menait la danse.
"C'est autre chose qui m'amène. Une chose très simple."
Encore dévêtu de son sourire pour quelques instants, le loup engoncé dans son trône de velours ne pipa pas mot. Alan abattit son poing sur le bureau, sans prévenir. Puis y planta son autre main, la gauche, celle qui portait le célèbre anneau. Il n'aurait pas fallu grand chose pour le lui ôter, phalanges dépliées comme elles l'étaient. Il lui faudrait quelques fractions de secondes pour refermer le poing, et déchaîner le pouvoir, mais c'était bien assez pour précéder les hommes de la sécurité. Edge ne fit rien, et le chaton de la bague demeura terne.
"Nul ne clame la propriété de Channel 52 et Channel 2. Mais je ne suis pas dupe. Les probabilités que GBS..."
L'anneau trouva une légère surbrillance, et l'empreinte de la main gauche d'Alan commença de se brûler dans le bois du meuble du roi des médias. Mais retrouvant désormais son sourire, Edge rétorqua d'une voix anormalement aiguë et suave.
"Ou GBC."
Cinglant, Alan refusa la remarque. Puis y répondit comme pour se justifier. Il n'admettait pas la supposée malice de ce sale petit rat qui avait fui Metropolis. Sa lèvre inférieure tremblait, révélant des dents blanches et en bonne santé. Sa main restait ferme, brûlante.
"Ne me coupez pas. Ceci n'est pas un plan élaboré pour nier la responsabilité de ces chaînes. Juste un avertissement à votre intention."
Il éleva la voix pour énoncer enfin son avertissement. Tout son corps tremblait à une échelle microscopique, sous le coup de la rage et de la menace qu'il délivrait. Rien que d'y penser le rendait déjà fou.
"Si la Galaxy Broadcasting Systems, ou vous-même, Edge, êtes derrière la production de ces chaînes. Sachez une chose. Molly est hors des limites. Qu'elle vous appartienne ou non, vous apprendrez dans les média que notre divorce va être prononcé. Mais vous ne toucherez pas à un seul cheveu de ma femme."
Morgan Edge, impassible, resta muet pendant quelques instants. Puis sa large cage thoracique se souleva avec un mouvement régulier qui allait crescendo. Un immense rire tonitruant envahit la pièce, qui sortait des mâchoires carnassières du grand patron de Galaxy Broadcasting Systems. Il posa une main sur sa panse, comme pour contenir son hilarité. De l'autre, il pointa Alan, sans se lever de son siège. Sa voix avait retrouvé la tonalité grave et la profondeur qu'on lui connaissait. Il s'arrêta de rire d'un coup sec pour délivrer sa sentence au vieil homme de radio.
"Personne n'est dupe de votre crise de machisme, Scott. Vous vous êtes ridiculisé devant le monde entier, en vous affichant avec ce jeune asiatique à la mode."
Formant un poing avec sa main gauche, le chaton de son anneau en forme de lanterne était maintenant incandescent. Le bureau brûlait, fumant sous ses yeux, tandis que Morgan se gaussait de le voir enrager autant. Il prit même la peine de se lever pour arrêter le système d'aspersion anti-incendie. Fulminant, Alan laissait avec peine les mots passer la barrière de ses dents.
"Il. N'était. Pas."
Bien sûr qu'il l'était. Cela faisait une partie de son charme. Mais si Alan pouvait supporter l'ironie que l'on puisse le tourner en dérision pour sa nouvelle homosexualité, il acceptait vraiment très mal que l'on manque de respect pour son deuil, et pire encore que l'on vienne salir l'image du tout dernier amour de sa vie. Si Molly Mayne-Scott était encore sa femme, et une journaliste à Channel 2, il n'en était pas moins en plein divorce et il s'était apprêter à demander Sam Zhao en fiançailles. Avant le crash. Dans le regard de Edge, il crut voir la même lumière tragiquement sadique que le Directeur Wolfe à Iron Heights, ou Victor Zsasz lorsqu'il éviscérait ses victimes. C'était finalement insoutenable. Sa voix partit comme un geyser, tandis que tout son corps était désormais rassemblé, comparable à une fusée prête au décollage.
"JE VOUS INTERDIS !! Vous m'entendez ?! Je vous interdis de parler comme ça de Sam."
Ses mots tranchaient comme l'acier, mais n'avaient pas atteint leur cible. Il prit une profonde inspiration, et regarda le colosse brun avec dégoût. Il n'eut pas le temps d'en rajouter que celui-ci lui coupa l'herbe sous le pied, de sa même voix grave et caverneuse.
"Cet entretien est terminé."
L'écume au lèvre essuyée d'un revers de sa manche, Alan se mordit au sang en faisant demi-tour pour quitter la pièce. Il se stoppa dans son arc de cercle pour pointer faiblement Morgan Edge d'un index accusateur.
"Vous m'ôtez les mots de la bouche, sale tas de fumier collabo."
Tandis que les portes se refermaient derrière lui, Alan croisa une escouade de gardiens de sécurité en casque et bouclier, immobiles, qui étaient restés là dans l'attente d'un ordre. Ils ne bougèrent ni pour le laisser passer, ni pour l'en empêcher. Il trébucha, se releva, puis utilisa la hauteur de plafond pour léviter au-dessus de ces messieurs. Une fois l'obstacle dépassé, il marcha d'un pas rapide et ahuri sans se retourner. En lui, un petit Alan hurlait, paralysé et terrorisé par le monde. Il ne remarqua pas les gens qui le croisaient et le dévisageaient, croyant reconnaître un grand patron de presse de la concurrence sali par la presse à scandales. |
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Re: Mise au point (PV Superman) Lun 3 Nov 2014 - 18:45 | |
| (HJ/ Merci de m'inviter à ce sujet. Très joli premier message ! /HJ)
Alan Scott fend la foule devant l'immeuble de GBS News, essayant certainement d'oublier ce terrible moment qu'il vient de vivre. S'il a encore de nombreux recours devant lui, cette discussion avec Morgan Edge n'a rien eue d'agréable, et cela n'a sûrement qu'intensifier l'horrible douleur qu'il ressent depuis le trépas de Sam.
C'est le bon moment pour qu'une voix amicale et bien connue vienne à ses oreilles.
"Alan !"
Quelques secondes plus tard, une poigne puissante mais sympathique se pose sur l'épaule puissante de Sentinel.
"Un mot, je te prie."
Lentement, la poigne pousse Alan Scott à se retourner, et ce dernier peut alors découvrir la silhouette anonyme et terriblement banale de Clark Kent, journaliste du Daily Planet bien connu dans le monde de la presse et de l'édition.
"Je pense que tu as besoin d'une discussion amicale, après ce que tu viens de subir."
Quelques minutes plus tôt, Superman patrouillait dans le ciel de Central City, à la recherche d'un de ceux qui lui ont donné envie de protéger le monde. Il savait, par ses réseaux, qu'Alan se trouvait ici et souhaitait rencontrer Morgan Edge. Il n'a pas pu l'intercepter avant, et a dû écouter, grâce à ses super-sens, le difficile entretien entre les deux hommes. Il comprend le trouble de son camarade, et souhaite lui apporter soutien et tranquillité.
"Et je pense qu'un café ne serait pas de refus, n'est-ce pas ?"
Le journaliste esquisse un sourire rassurant, avant de montrer avec sa main libre un petit établissement dans la rue, à quelques mètres d'eux. Il pose ses doigts dans le dos de Sentinel pour l'amener vers elle, et lui tire une chaise sur la terrasse pour l'inviter à ce soir. Il prend la chaise opposée, et croise les jambes puis les mains avant de pousser un léger soupir.
"Je dois t'avouer que j'ai tout entendu, Alan. J'en suis désolé."
Clark remet ses lunettes rectangulaires à leur place, avant de passer sa main dans son épaisse chevelure brune mal coiffée. Il est vêtu d'une trop grande chemise rouge et noire, avec des jeans bleus épais. Comme d'habitude, il a adopté des vêtements idéaux pour le Kansas, mais un peu outranciers pour Metropolis ou Central City. Qu'importe. Cela participe à la mascarade, mais cela correspond surtout à ce qu'il est au fond. Au-delà de Krypton, au-delà des pouvoirs, au-delà de la cape et de l'armure, il demeure un enfant du Midwest, attaché à ses valeurs et à la vie simple et juste.
"Veux-tu en parler ?"
Il esquisse un autre sourire, en laissant à Alan le soin de continuer. |
| | Re: Mise au point (PV Superman) Lun 3 Nov 2014 - 20:09 | |
| Il connaissait bien cette poigne. Elle était parfois synonyme d'une grosse baston fratricide au nom de diverses valeurs et compromissions morales qu'on faisait dans le métier de l'héroïsme. Mais c'était sa fermeté, la force inhérente, et presque la forme de la main, imperceptiblement, qui le renseignèrent presque à coup sûr. Sans doute, surtout, l'énergie solaire qu'ils stockaient chacun dans leur être pour bâtir leur puissance avait une sorte de connexion sur les capteurs nerveux, comme deux câbles électriques qui se frôleraient brièvement.
"Clark ! Clark Kent, bon vieux Clark Kent. Journaliste."
Il ne dut qu'à sa retenue de ne pas poursuivre par une litanie de mots en contradiction avec le fait que ce ne soit nul autre que Superman, le dernier fils de Krypton. C'était un peu rassurant, parce que jamais Clark Kent le journaliste ne donnerait un uppercut à Alan, et il ne se sentait pas de taille à affronter un combat physique de cette ampleur ; tout du moins, Kent lui aurait donné un coup en contrôlant sa force, juste pour jouer son rôle d'homme blessé par les actes d'Alan. Mais Alan n'avait pas pris grand-chose en terme d'actes ou de décisions ces derniers temps, donc aucun conflit moral ne l'opposait à son ami. Car oui, Clark Kent était son ami, tout comme Kal-El ou Superman. Mais ça n'était pas comme avec Jay ou Wildcat. S'il l'appelait Clark et s'ils se parlaient souvent de cœur à cœur sous un brillant de virile sobriété, c'était avant tout Superman qu'il connaissait. D'ailleurs, de la même manière Clark n'avait que très peu connu Alan le patron de radio, tant on avait évité les contacts éventuellement suspects et les connivences de mauvais aloi.
Alan aurait été un peu vexé, et se serait senti surveillé, infantilisé même, si son jeune ami d'action et d'aventures n'avait employé le mot magique. Surtout à Central, après tout il était quasiment impensable de venir dans la ville la plus speed du monde sans goûter à ces succulents cafés qui coulaient presque dans l'ADN de ses représentants. Surtout que le rituel des cafés brûlants ou refroidis bus par le journaliste qui peut devoir quitter sa planque à tout moment ne quittait jamais une personne, et Dieu merci la Starheart lui épargnait de devoir s'inquiéter pour sa tension - ou pas. Bref. Café.
"Eh, tu sais parler à un reporter, mon vieux."
Radouci par la suggestion, Alan se laissa conduire par la démarche débonnaire du petit gars de Smallville devenu grand. Cela n'empêchait pas qu'il se posât des questions, qu'il garderait pour le moment du pourboire si la conversation n'y répondait pas. Inutile d'insulter l'intelligence d'un reporter qui avait plus d'une fois fait ses preuves. Laissons-nous guider, un peu, pensa-t-il. Mais quand même, il ne supposait pas que l'intéressé serait le seul à avoir vent de cette humiliante conversation au sommet de la GBS. Sa voix était sèche comme s'il venait de se réveiller, mais lucide.
"En fait, j'imagine que c'est déjà sur le net depuis une bonne minute, donc tu n'es pas le seul. Edge et ses équipes ont tendance à tomber viralement sur ceux qui les dérangent. J'ai sûrement laissé mon orgueil m'aveugler, mais rien de nouveau sous le soleil."
Il regarda la carte, car oui à Central en termes de café il existait une carte, des cartes même. C'était même très fourni pour un simple comptoir, à peu près autant qu'un salon spécialisé dans une autre ville, mais de la même qualité, préparé avec amour autant que d'industrie. Mais ses yeux se perdaient entre les caractères. Vitreux, hagards, il ne remontèrent pourtant pas vers le meilleur du monde pour autant.
"Il y a ce moment où tu nies tellement la chute que tu fonces tête baissée. Et en fait on ne sait plus ce que c'est que de tomber. On en oublie la loi de la gravité, à force de ne pas y être soumis. Mais tout le monde tombe, et pour des gens comme nous, la fierté qui précède la chute... Disons qu'on est des monstres sacrés."
Il soupira, et quelque chose qu'il ne se rappelait pas avoir dit, martelé, cru en son for intérieur au sein de ses combats contre la corruption, sortit de sa bouche, sorti totalement du contexte où il l'avait asséné dans ce qui semblait des autres vies. Mais ça s'appliquait à lui, cette fois. La terrible vérité, auquel même lui ne savait échapper.
"Personne n'est trop gros pour tomber."
Il eut un rictus rageur. Ça n'était pas pour Morgan Edge, pour Bruno Mannheim et encore moins pour Darkseid qu'il disait ça. La cruelle ironie était qu'il le dise à propos de lui-même.
"On passe notre temps à promettre sécurité et protection, même aux ordures les plus crasses. En espérant qu'ils se tiennent à carreau. En espérant que bon flic/mauvais flic, c'est forcément un mauvais flic en trop. En espérant qu'ils finissent par voir la lumière. En espérant, effrontément, égoïstement, qu'ils deviennent nous. Mais nous, on s'épuise, on étire nos forces jusqu'à ne plus être capable de protéger nos proches. Ou nous-même. Si on n'est pas trop gros pour tomber, alors qu'en est-il des petits qui ont eu le tort de frayer dans nos sillages, Clark ? Pourquoi on s'obstine à prêter le flanc ? Et si Sentinel était la seule manière de fuir la douleur d'être Alan Scott ?"
Ses grands yeux verts s'étaient relevés vers le reporter de la gazette #1 de Metropolis. C'était quelque chose de se révéler ainsi à quelqu'un qui était nourri par les articles. C'était plus terrible encore lorsque l'intéressé était son cadet, la meilleure promesse de toute une génération parmi toutes celles qu'on prétendait guider. A force de repousser le vice dans les ténèbres, Alan oubliait que toute âme était viciée. Que chacun était son propre pire ennemi et qu'on ne revenait pas de cette vie. Sentinel avait dicté la fin d'Alan Scott sans doute, il avait juste trop tardé à le voir. |
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Re: Mise au point (PV Superman) Mar 4 Nov 2014 - 15:39 | |
| "Tu sais, au fond, que ce n'est pas la solution."
Durant tout le discours d'Alan, Clark est resté silencieux. Une des grandes forces du journalisme est d'attendre, d'écouter ce que les autres ont à dire, ont à déballer. Même si Sentinel est un de ses héros d'enfance, même si sa légende est plus longue et impressionnante que la sienne, il sait très bien que son camarade ne reste qu'un homme. Avec ses forces, ses faiblesses, et les trop nombreux doutes qui agitent chaque être humain.
"Je ne peux comprendre ce que tu vis, Alan. Je te présente mes plus sincères condoléances pour la mort de... Sam, je crois."
Les liens entre les justiciers, les super-héros ne sont pas simples. S'ils se côtoient régulièrement lors des trop nombreuses crises qui secouent la Terre ou l'Univers, ils se réservent une véritable vie privée, et ne la communiquent que rarement à leurs camarades. Afin de protéger leurs identités secrètes, afin de protéger leurs proches et ceux qui comptent vraiment pour eux, ils ne parlent que rarement de leurs existences personnelles.
Le récent changement opéré dans sa vie par Alan Scott n'a eu aucun impact sur Clark, mais il est sincèrement triste que le compagnon de son collègue soit décédé dans de telles circonstances. Lentement, il pose une main rassurante sur l'épaule de son collègue, et esquisse un sourire triste.
"Nous sommes faillibles... faibles. Nos capacités exceptionnelles ne doivent pas masquer nos vies bien humaines. Nous sommes confrontés, comme les autres, aux mêmes difficultés : factures, tâches ménagères, fatigues, soucis quotidiens, soucis de couple, soucis familiaux... nous nous rajoutons juste la pression de sauver le monde, ou au moins d'essayer de sauver ceux qui sont menacés par des dangers qu'ils ne peuvent gérer seuls."
De sa main libre, Kent passe ses doigts dans son épaisse chevelure sombre, et pousse un léger soupir.
"Nous sommes humains, Alan. Nous essayons juste de faire au mieux, au maximum de nos capacités. C'est parce que ces dernières sont supérieures à la moyenne que nous agissons différemment des autres, à un autre niveau, mais cela ne nous rend pas différents des autres. Nous avons malheureusement tendance à l'oublier, parfois..."
Ses paroles font écho à sa propre expérience récente. La pause avec Loïs, si dure à digérer ; ses échecs, trop nombreux, pour sauver ceux qui en ont besoin ; l'élection de Lex Luthor, un coup si dur porté à son moral et à ses valeurs. A nouveau, il esquisse un petit sourire triste et retire sa main, pour les poser à plat sur la table du café.
"Je suis sincèrement désolé pour Sam. Je suis aussi désolé que tu subisses tout ça, en public, parce que le cours du monde et de notre profession va dans une mauvaise direction. A titre personnel, je ne supporte plus ce que la presse devient, ce que le monde devient. Je ne reconnais plus le métier que j'aime tant, et que j'ai toujours voulu faire. Même si je n'étais pas... moi, je me serais battu pour la Vérité et la Justice, tu sais ? Pas seulement avec eux..."
Le journaliste lève ses mains, qu'il serre devant lui.
"... mais avec ça."
Il montre son crâne avec un de ses index.
"Cette presse n'est plus la nôtre, Alan. J'entends la changer... j'entends montrer l'exemple, prouver ce qui peut être fait, au-delà de la presse-poubelle, des histoires manipulées et inutiles. J'aurais besoin... d'aide. D'un phare, pour éclairer ma dynamique, mon initiative. Et je ne vois personne de mieux placer que celui qui m'a donné envie de faire ce que je fais - tout ce que je fais."
Clark sourit, et attend la réaction d'Alan. Il n'escomptait pas lui présenter ainsi l'idée formée par Cyborg, mais l'occasion est tentante et fonctionne très bien dans leur conversation. A voir comment la proposition sera perçue par son collègue, en bien mauvaise posture. |
| | Re: Mise au point (PV Superman) Mar 4 Nov 2014 - 20:54 | |
| Alan se rendait compte qu'il s'apitoyait. En tout cas son confrère lui laissait tellement faire son monologue, que comme il doutait pas mal de lui, il oscillait entre profiter de cette confession entre des âmes qui se comprennent ou bien se sentir ridicule, exposé. Mais c'était Superman, et même dans ses habits mal dégrossis d'enfant de Smallville, ou peut-être à cause d'eux, à travers toute sa superbe on pouvait clairement percevoir la lueur dans le grand bleu de ses yeux. Une lumière ravivée par la compassion et la douleur commune. Une distance qu'il s'imposait, que Sentinel s'imposait aussi normalement, un mutisme bien parlant sur ce qu'il ressentait lui aussi. Mais, humble face au vieux Green Lantern, et sans doute respectueux de son deuil, il ne répliqua que par un point clé. Le refus d'abandonner, de s'abandonner dans ce qui était leur vocation. Il lui présenta ses condoléances, mais face au bien peu de mots de son allié, Alan réagit avec l'amertume qui va de pair avec le chagrin.
"Je ne sais pas si tu sais ce que ça représente... Il n'a pas eu un enterrement comme Sue Dibny, ou comme... Eh bien, toi. J'ai traversé ça seul. Je sais que nous ne sommes pas pareils, je sais que tu as un certain rapport à l'intimité, mais moi... J'ai donné ma vie à notre communauté, Clark. Personne n'était là, pas mes frères d'armes, pas ma chair, même pas mes ennemis mortels."
Bien sûr, Clark avait rétorqué en rappelant la solitude de chaque être humain dans ses peines, ses devoirs et ses combats petits ou grands. On voulait le voir comme un roc étranger à la vie humaine, alors qu'il ne combattait que pour elle et parce qu'il la connaissait. Et se battait tous les jours pour ne pas s'en éloigner, car ç'aurait été s'éloigner de lui-même. Humains oui les héros et méchants, mais alors ils avaient mieux à faire que de tenter de l'approcher durant son chagrin.
"J'ai pensé qu'ils aimaient plus Molly que moi. Qu'ils étaient mal à l'aise à cause de ma nouvelle orientation. Qu'ils n'avaient tout simplement pas laissé sa chance à Sam."
Il soupira, le regard plein de reproche envers son ami et à travers lui tous leurs confrères. Certes Sam n'avait en aucun cas l'historique d'une Sue Dibny au sein de la Ligue ni de la Société de Justice, mais dans son cœur c'était lui ou rien et, rien tout seul c'est vraiment difficile.
"C'aurait été envoyer un message que d'être là. Tu sais, je ne saurais même plus lister le nombre d'associations de défense et d'expression gay, de journaux spécialisés ou de partenaires communautaires qui m'ont contacté. A cause de cet isolement, de cette traversée du désert que ça a dû être. A cause du silence de tous mes amis."
Alan se racla la gorge, réalisant que le serveur attendait depuis un moment. Il voulait le boire ce café, mais quelque chose de poignant empêchait de franchir le pas de la commande, par trop triviale. Il fit signe d'un coup de tête dans l'air au concerné qu'il ferait mieux de ne pas les importuner pour l'instant. Il poursuivit, avec un sourire triste.
"Je reçois des mails incendiaires et des lettres de menace à chaque fois que je n'apparais pas aux côtés d'une égérie de la communauté."
Un rire s'étouffa, rauque dans les cavernes de sa gorge. Puis il reprit, plus décidé, le poing qui se serrait tout seul comme par convulsion.
"Mais je refuse cela. Je ne suis pas une icone d'un petit groupe. Il y a là-dehors, aux portes du suicide, d'innombrables gosses qui désespèrent de s'accepter. Pour certains la communauté et son imagerie colorée nuit gravement à leur sécurité. Je préfère encore être la risée de tous qu'une caricature. Cela causerait trop de tort. Et tout ce que ces gens différents veulent, c'est la liberté d'aimer. Je ne m'enfermerai pas avec eux dans la honte ou la fausse fierté."
Son visage était fermé mais plein de fermeté. Pas mou, pas pathétique, désormais.
"Avant, des gens avaient mon visage et mon symbole sur leurs T-shirts. Moins que toi certes, et à titre d'information sur des lignes de vêtement beaucoup moins indécentes. J'ai vu de ces choses avec le diamant-S dessus..."
Dessinant une forme abstraite avec son doigt pour faire allusion aux divers sous-vêtements ou même habits à la coupe révélatrice et aux couleurs criardes, Alan voyait très bien de quoi il voulait parler, mais il se demanda, bêtement, si Superman n'était pas imperméable au vice humain de tous les jours, celui qu'on ne veut pas trouver grave. Mais ça n'était qu'une boutade, et au final Clark avait repris le dessus amicalement, en se livrant sur sa fatigue des médias dans lesquels il était pourtant supposé travailler. Alan acquiesça. Ce cerveau avec lequel Kal était né... Pas si différent physiologiquement de tout un chacun. Et des mains pour filmer, écrire, tenir un micro ou soulever un cache-misère. Il y avait quelque chose qui se perdait, et Alan saisit qu'il avait un rôle à tenir à ça.
"Tu sais, je crois bien que tu as raison. Je crois que je peux rendre Sentinel au peuple. Inutile d'attendre la fin de mon quart d'heure d'infamie. Le culot, ça les dégoûte et les fascine. Mais nous gagnerons à faire connaître les vraies valeurs. Les gens ont plus que jamais les yeux grands ouverts, je crois. On leur vend à la pelle de l'intox et de la désinformation, qui ne sont que les premières bases de la propagande. Je crois que j'ai créé un symbole et oublié de l'utiliser pour transmettre un message. Et ce message c'est : restez vigilants."
Il était touché par le fait que Clark lui révéla qu'il était son inspiration dans tous les domaines. C'était terrible, et même son propre ego ne lui avait pas fait supposer un jour. Même Superman, pas seulement Molly, ou Infinity Inc., ou les jeunes de la JSA. C'était le dernier coup de fouet qu'il lui fallait, pour comprendre que définitivement ils défendaient les mêmes valeurs, et vivaient parce qu'ils devaient les défendre. Al sourit à son cadet et lui fit signe de la tête qu'il commençait à mordre à son hameçon, même s'il avait évidemment vu le fil.
"Je crois que me mettre au travail me fera du bien, mais tu sais, je suis maintenant bien loin du pétulant chef de rédaction que tu peux t'imaginer. Si tu crois avoir besoin d'un parrain, néanmoins..."
Il ferma les paupières un instant, laissant la lumière les rendre transparentes à travers les persiennes. Il les rouvrit en tendant la main à Clark comme pour lui offrir un cadeau. Le ton était celui d'un vieux fou, jeu ou réalité.
"Sois le changement que tu veux voir dans le monde. C'est tellement toi, cette citation. Fais-moi plaisir, et reçois-la pour ce qu'elle est. Ton mantra, et ton nouvel élan."
Il fit signe au garçon de café qu'il était prêt à commander, avec un regard taquin qui devrait excuser son geste malpoli passé. Il lui désigna sur la carte un café, en fait il était si excité qu'il avait choisi totalement au hasard. Mais il allait sentir le goût du breuvage qui faisait vibrer tout Central à un rythme que le monde lui enviait. Autour d'eux, les gens étaient surexcités, actifs, confiants dans la vie.
"Quant à moi... Alan Scott : homme du peuple. En voilà un nouveau défi, qu'il est intéressant. Si la Sentinelle doit appartenir au peuple, je serai là, pleinement. Mais pas d'article. C'est ton rayon, même si je rêve déjà à bon nombre de gens à débaucher pour constituer des équipes idéales. On doit rester en contact avec quelqu'un qui a le nez pour les ennuis... Par exemple Jimmy Olsen, Ralph Dibny et le Robin qui a perdu son père. Récemment je veux dire. C'est un autre Bruce. Et Dieu sait que si quelqu'un a besoin d'un fanal, c'est quelqu'un qui devient Bruce."
Il rit, d'un rire sincère et gai. Son regard aussi, tout sûr qu'il était, avait quelque chose de joyeux. L'espoir, un mandat, leur mission.
"On les aura, Clark. Les gens ne devraient pas avoir à craindre leur gouvernement, mais on peut quand même les aider à ouvrir les yeux. Participons à la démocratie à l'Américaine."
Ne disait-on pas des médias qu'ils étaient le quatrième pouvoir... Si pouvoir il y avait, alors des hommes aussi acharnés dans leur mandat pourraient aider l'Amérique à en faire un levier contre sa décadence. Il était tout simplement galvanisé, sans doute trop. Mais ils sauraient garder les pieds sur terre. Rien de tel que de plonger dans ce grand regard d'azur pour se rappeler que le monde a besoin que l'on se batte à ses côtés. |
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Re: Mise au point (PV Superman) Mer 5 Nov 2014 - 14:12 | |
| A nouveau, Clark resta silencieux durant les nombreuses réponses de son aîné.
Il décida de demeurer muet à la fois par respect pour les paroles d'Alan, qui avait véritablement besoin de les prononcer, que par politesse. Scott avait raison de pointer l'absence de sa communauté, de ses camarades lors des événements terribles qu'il venait de vivre. Lui-même avait une raison, toujours valable, toujours pertinente, pour justifier l'abandon de son ami, mais cela ne suffirait jamais à combler le manque que Sentinel a dû subir.
Discrètement, Kent pousse un petit soupir. Il est difficile d'être confronté à ses propres faiblesses, ses propres manques, ses occasions manquées. Et cela lui arrivait bien trop souvent, dernièrement.
"Merci, Alan."
Il se force à sourire et agrippe avec plaisir la main tendue de son aîné. Il a bien noté chacune de ses paroles, et apprécie grandement de savoir que cet exemple si illustre accepte de rejoindre son initiative, sa croisade ; mais certaines choses doivent être précisées avant d'y arriver.
"Par contre, je souhaiterais revenir sur quelques éléments."
Le journaliste lâche les doigts de son camarade, et accueille avec plaisir les commandes. Lui-même a pris un "simple café", demande plutôt accueillie fraîchement par le serveur. S'il comprend l'engouement actuel pour les multiples amateurs de café et autres breuvages chauds, il demeure un enfant de Smallville : le café n'est que du café. Pas besoin d'autre chose.
"Nous n'avons aucune excuse de n'avoir pas été présent quand tu en avais besoin. Je ne saurais parler pour les autres... j'ai récemment appris que cela ne m'avançait pas, et que je pouvais me tromper. La seule chose que je peux te dire, c'est que je suis désolé. Sincèrement. Mon absence n'est en rien liée à mon avis sur tes préférences : je n'ai aucun jugement à formuler, et je considère que la Vie est suffisamment complexe pour ne pas devoir se gêner par des bêtises. Les adultes consentants n'ont besoin d'aucune autorisation pour s'aimer, et j'aurais été honoré et enchanté de rencontrer Sam."
Il esquisse un petit sourire triste, avant de reprendre.
"J'ai appris le décès de Sam en même temps que votre relation. Je suis... perturbé par de récents événements, Alan. A vrai dire, je pense ne plus contrôler grand-chose dans mon existence, et c'est pour cela que je souhaite me recadrer sur le journalisme, du vrai journalisme d'investigation. Retrouver une base claire, pour assainir le reste."
Avouer ses faiblesses à voix haute est difficile pour lui. Non pas par excès d'ego, mais parce qu'il a toujours considéré que les autres attendaient tant de lui qu'il ne pouvait les décevoir ; à bien y réfléchir, c'est certainement un problème d'ego, et il est heureux d'en prendre enfin conscience.
"Loïs et moi sommes... séparés. En pause, diraient les plus jeunes. La Ligue est dissoute, après cette terrible affaire O.M.A.C. Et Luthor, Lex Luthor, a été élu régulièrement Président des Etats-Unis d'Amérique... mon pays. Même si j'ai fait voeu de défendre le monde, l'Humanité, j'ai été élevé dans le giron de ce pays. Qui a élu, à la régulière, un homme que je sais mauvais, que je sais monstrueux."
Clark pousse un long soupir, et passe à nouveau ses mains dans ses cheveux avant de remettre ses lunettes rectangulaires en place.
"Je n'ai pas été présent parce que je passe chaque jour, chaque heure, chaque minute à sauver des gens. Je suis continuellement en costume. Je ne prends aucun repos. Je... j'ai un problème, je pense. Je n'accepte pas la décision du peuple, et je la prends comme une attaque personnelle. Je considère qu'ils préfèrent Luthor à moi, et donc que je ne suis pas digne de leur... confiance."
Fondamentalement, Kal-El n'a jamais oublié qu'il n'est qu'un orphelin, un exilé, récupéré par chance par des parents aimants qui ont accepté de voir au-delà de ses différences, des dangers qu'il fait courir au monde. Fondamentalement, Kal-El a toujours peur d'être rejeté par ce monde qu'il aime tant, et veut à tout prix le convaincre du bien-fondé de sa quête, de ses agissements.
"Je veux reprendre le contrôle, et je veux m'opposer à lui avec les armes de la démocratie. La Presse doit retrouver son pouvoir et sa force, même si cette voie sera extrêmement dangereuse."
Kent glisse ses lèvres dans le café, et en boit un peu avant de le reposer sur la tasse. Il est bon, comme un simple café doit l'être.
"Lex Luthor est dangereux, et sa position le rend encore plus menaçant. J'ai récemment rencontré une chercheuse qui dispose de preuves d'horribles manipulations scientifiques opérées par Luthor pour son vaccin contre le cancer, et pour d'autres choses encore. Luthor n'hésitera devant rien pour garder son trône ; c'est pour cela que nous devons nous opposer à lui, mais nous devons rester prudents."
Il croise lentement les bras et s'avance sur la table, pour s'approcher d'Alan.
"J'envisage un journal en ligne, nouvelle génération. Victor Stone gérera l'aspect informatique, ce qui assurera une véritable sécurité face aux attaques des sbires de Luthor. Je compte également contacter les Irons, dont les fonds et la connaissance mécanique seront utiles pour nous protéger. Oliver Queen, aussi, sera sollicité pour nous financer. Je ne compte pas intégrer Bruce à tout ça, car il mène sa propre guerre publique contre Luthor et je ne veux pas l'éclabousser. Mais je ne veux personne d'autre... que toi."
Son regard azur se fixe dans les pupilles d'émeraude de son interlocuteur.
"Je rédigerai les articles, avec quelques appuis si besoin. Nous allons être la cible d'un sociopathe qui n'acceptera pas de voir sa gloire ternie. Je ne veux mettre personne en danger, mais j'ai besoin d'un guide et d'une caution morale, Alan. Malgré ce que tu penses... tu es le plus Grand. Tu es le premier des Grands, et ta légende demeure intacte. En tant que journaliste et en tant que super-héros. Demande à quiconque, parmi nous ou les autres. Tu es le premier des Grands. Tu es la Sentinelle qui, toujours, a veillé sur le monde. J'en suis désolé, mais je dois te demander de continuer, au moins encore un peu. Les ténèbres ont pris l'avantage... nous avons d'une lanterne qui nous éclaire, même dans la nuit la plus noire." |
| | Re: Mise au point (PV Superman) Sam 8 Nov 2014 - 19:47 | |
| Lui qui, pour tout son honneur et sa vaillance, avait toujours eu du mal à concilier la nouveauté avec la conservation des valeurs essentielles, admirait son ami. Il peinait à comprendre comment les vieilles valeurs fondatrices, qui sont bonnes, avaient pu faire grandir un type avec autant de justesse et de tolérance pour ce que la société refusait depuis l'Aube des Temps. Il contemplait avec philosophie à quel point il avait calqué sur ses amis ses propres défauts, égocentrique comme il était. Il remarquait à quel point il avait tendance à ne pas voir ce qu'il y avait autour, à croire ses combats intérieurs pour les seuls qu'il pouvait voir. Il peinait à se comprendre lui-même, alors évidemment il avait cédé à projeter sur ses amis ce qu'il percevait de lui sans comprendre. Il déplaçait ses propres problématiques dans l'espoir qu'un autre lui réponde. Et Clark, ineffable Clark, avait répondu, en le mettant face à l'horrible vérité. Ils avaient chacun une vie, et Alan aussi avait eu une vie, qu'il avait vécu douillettement quelques temps aux côtés de Sam, sans s'apercevoir des difficultés du monde et de ses chers frères d'armes. Il avait été aveugle de ne pas voir tous les ponts détruits par les problèmes et le réconfort éventuel. La pensée que ce contact pouvait commencer de guérir lui réchauffait le cœur comme son café brûlant en irradiait dans ses mains.
"Ton intégrité t'honore. Personnellement je regrette amèrement d'avoir été aussi dur avec mon fils lorsqu'il m'a fait comprendre qu'il aimait un homme. Je crois bien que les média critiquent mon changement d'orientation, peut-être à cause de mon fameux côté réactionnaire. Et si j'ai choisi de voir ça en mes amis, c'est pour espérer un jour me pardonner à moi... Et leur laisser cette excuse qui pèse encore sur moi. J'ai été homophobe, et cela fait partie de qui je suis, je dois vivre avec mon passé. Tout comme avec ma perte. Je ne peux laisser porter cette croix aux autres, pas plus que vous demander de pleurer un homme que j'ai eu la lâcheté de ne pas vous présenter."
Il poursuivit, car d'après Clark certaines choses changeaient et pas dans le bon sens, et pas uniquement l'arrivée agressive d'un criminel à la Maison Blanche, élu massivement par le peuple malgré son péché plus noir que l'Espace. Un loup qui avait revêtu tous les codes de la bergerie pour faire ce qu'il faisait de mieux : gagner davantage de pouvoir. Ce qui était exactement le combat d'une vie pour Sentinel. Il avait à peine pris un souffle avant d'en remettre sa couche :
"Mais nos valeurs, Clark. La vérité, la justice et la démocratie pour notre peuple. Elles ne sont pas réactionnaires ou démodées. Pas plus qu'elles ne sont un effet de mode que Luthor peut s'arroger le droit d'arborer le temps d'un mandat... Ou le temps d'un sombre empire."
Avec tous ces changements, d'autres plus intimes pour Clark, autant que cet ennemi qui accédait au rôle qu'il avait admis de protéger, venaient se greffer. Luthor n'était que l'arbre qui cache la forêt, c'était pour ça que le journaliste de presse écrite avait eu le réflexe de parler de ces petits et grands ennuis de la vie qui grignotaient chacun. Il en faisait l'amère expérience. La Ligue elle-même n'étais plus ce qu'elle était, à peine un souvenir d'un âge moins sombre. Mais Alan parut devoir se retenir de pouffer. C'était un rire mis en scène, mais le sourire compatissant qui suivit était sincère. Son front était froncé comme pour dire une très bonne blague dont la fin arrivait.
"Allons. Il revient à un fossile comme moi de le dire : la Ligue ne sera pas éternelle. Pas plus que ne l'est la JSA. Même nous, ne le somme pas, enfin je l'espère ! Quel ennui sinon !!"
Et même si c'était bien une petite blague, il ne riait plus. On aurait même pu lire une certaine lassitude sur les plis de son visage d'homme optimiste.
"Mais ce en quoi j'espère, c'est la justice. Elle se doit de demeurer éternelle, quelles que soient les formes que prendra le combat pour la faire perdurer. Nos amis ont trop de travail à combattre le mal et la corruption seuls, chez eux, de par le monde ou avec leur propre famille ? Qu'à cela ne tienne !"
Tendant son poing pour montrer que le combat continue, il écouta Clark lui confiait que lui-même se noyait dans son travail de super-héros, pour équilibrer les choses. Et comment cela devenait une addiction dans laquelle il se noyait pour oublier l'horreur bien trop sensible de ce monde qui lui criait sa défaite apparente. Mais maintenant Alan tourna la tête de gauche et de droite en signe de dénégation. C'était évident, maintenant.
"Tu n'es pas en représentation, Clark. Parce que tu es un symbole, une lueur d'espoir, tu crois devoir t'agiter tel un feu follet pour raviver en eux tous la croyance qu'il existe autre chose que ce que Luthor a à vendre ?"
Il laissa le silence s'installer, comme si les secondes qui suivaient ses propos étaient la continuité de sa question. Puis il leva l'index en l'air, comme un professeur reprenant les phrases exactes de son élève lorsque le cours rattrape enfin l'intuition de cette tête de classe.
"Tu l'as dit. Nous ne sommes que des hommes. Pas des marques ou des mèmes qu'il faudrait placarder à travers le temps et l'espace pour marteler notre bon droit et nos valeurs."
Mais, une fois n'est pas coutume, il considéra que Kal-El, dernier fils de Krypton, avait tort. Il n'y avait rien à balancer. L'équilibre n'est pas le vrai combat. Il devait avoir l'air d'un vieil universitaire, mais tant pis. Etre pointilleux, c'était un des privilèges de l'âge.
"De nos jours, les gens pensent croire à l'équilibre karmique. Mais ils se trompent sur un point. Pour que celui-ci puisse s'appliquer, il faut croire à une autre vie. A une suite, un après. Alors, n'essaie pas de contrebalancer tout le mal que peut tramer Luthor publiquement ou en secret. Ne prépare pas non plus la vie d'après. Elle viendra de toutes façons, et ce si nous demeurons prêts au combat comme à la vie, en restant fidèles à nous-mêmes."
Il baissa les yeux, conscient que c'était quand même un vœu pieux.
"Les gens s'y tromperont. Peut-être même les livres d'Histoire. Mais si le Bon Dieu nous a donné à tous ses commandements, une chance au Paradis, et une Terre sur laquelle vivre, c'est pour que nous exercions notre libre-arbitre. Et pour avoir vécu ma jeunesse durant la Shoah et les bombardements d'Hiroshima et Nagasaki, je peux te dire que ça demande du courage de croire encore en l'humanité."
Il ne perdait pas le temps de se demander s'il croyait encore à la Toute-Puissance. C'était une question pour les théologiens, pas pour les hommes d'action. Ni pour les femmes d'action, disait le monde, devenu bien plus égalitaire que dans ses jeunes années. C'est sur ce point que le vieux baroudeur voulait prendre le soin de revenir, pour être un peu paternaliste et pontifiant, mais sûr dans le jugement de son ami.
"Molly et moi avons survécu de la Seconde Guerre mondiale jusqu'à récemment, en sachant que l'humanité n'avait pas de cadeaux à faire. Nous avons traversé l'âge et la jeunesse, parfois en décalé, et littéralement l'Enfer, pour en arriver là. Mais je ne regrette rien. Quel que soit le stade de ta relation avec Lois, n'oublie pas qu'elle aussi a le choix. Il faut être deux pour s'aimer, mais si elle n'a pas pris ses jambes à son cou, c'est qu'elle a les épaules solides et ses propres responsabilités qui lui donnent un ancrage. Elle a sa vie, et jusqu'à présent elle a choisi de la vivre à tes côtés. C'est précieux, et un jour vient ou cela doit s'arrêter. Cherche juste à savoir si tu as accumulé tous les souvenirs avec elle pour pouvoir les emporter avec toi dans l'éternité. Parfois c'est l'heure de faire le point. Parfois c'est l'heure de vivre. Ce que tu es ne mourra pas avec votre relation, pas plus que ne le fera Lois Lane-Kent. Peut-être qu'il te suffirait d'écouter son pas pour savoir si tu peux encore marcher à ses côtés."
Il secoua la tête pour ne pas laisser le débat partir dans de l'affectif et de vaines accolades. Pour ne pas voir non plus dans le grand regard bleu la moindre parcelle de doute ou de besoin. Son regard se durcit dès lors qu'il changea de propos.
"Pour en revenir à Lex, si ses manipulations inhumaines doivent être la réponse aux O.M.A.C.s et au cancer, alors on lira sans doute dans les manuels qu'il était un mal, mais un mal nécessaire. Faire éclater la vérité ne fera pas disparaître tous les remèdes de la Terre, ni l'espoir une fois que l'on sait que les découvrir est chose possible. Notre mission est claire."
Cette fois il prit le temps d'une longue inspiration avant de poursuivre, pas plus ni moins. Il avait fini son café sans s'en rendre compte, et posé ses deux mains à plat sans y prêter attention. Sans y tenir garde, il martelait à chaque phrase, sans bruit, la table du plat de ses mains larges.
"Il ne s'agit pas de détruire Lex. A t'en croire, il est déjà vide à l'intérieur. Non, ce qu'il est nécessaire de faire, c'est trouver la vérité, quel qu'en soit le prix ; et mettre cette vérité aux mains de l'opinion, et Luthor avec elle. Devant un jury de ses pairs, sinon rien. Il est facile de tuer un homme. C'est la justice qui requiert patience et intégrité. Pas l'extrémisme. Pas pour nous."
Il avait une petite flamme dans le regard, une petite flamme d'émeraude qui disait combien il avait lutté pour ne pas prendre le destin de l'humanité entre ses mains. Le prix à payer pour vivre et laisser vivre pesait souvent sur sa conscience. Mais la vie était sacrée, et le droit à chacun à son opinion l'était tout autant. Pour autant que celle-ci soit éclairée, de préférence, évidemment.
Pour lui parler de son projet de journalisme nouvelle lutte, Clark mentionna son rôle, celui de certains frères d'armes choisis ou laissés sur un autre front, mais surtout il flatta violemment l'ego d'Alan en le qualifiant de Grand. Bien sûr, il savait ce qu'il voulait dire. Mais c'était comme un pincement au cœur, comme une distance inégalitaire, flagrante, une ségrégation.
"Ca me fait grincer des dents, quand tu dis ça. Je vais te raconter une histoire... A force d'entendre les Great Caesar's Ghost! de Perry White, nombreux sont ceux qui ont alimenté la rumeur comme quoi c'était pour se démarquer, pour s'éloigner de mon influence omniprésente dans le journalisme d'investigation de l'époque. Tout le monde pensait que le juron Great Scott! faisait référence à moi, et que Perry a créé sa variante pour sortir de cette révérence cryptée à la gloire de mon nom. Et une part de ma fierté me dit que c'est peut-être vrai. Mais lorsque moi-même j'étais jeune, j'étais persuadé que cela faisait référence à mon père. Ce Great Scott! que tout le monde invoquait en vain, ne pouvait être que ce père absent et omnipotent avec qui je n'avais pas de liens. Une relation parentale toujours à moins d'un corridor de distance, dans son somptueux bureau d'où il dirigeait l'empire Scott."
Lui-même un père qui n'avait pas su pour l'existence de ses enfants, lui-même inévitablement absent pour les voir grandir et s'épanouir et souffrir jusqu'à ce que la vérité n'éclate grâce à Molly dans un tragique suicide qui fut celui de Rose/Thorn. C'était un sujet douloureux pour lui. Il avait tout fait pour ne pas être l'homme dans sa tour d'ivoire, et inlassablement il s'était retrouvé dans ce même travers. Plongeant une fois de plus son regard dans celui du kryptonien, il lui lâcha son sourire Colgate, marque de fabrique.
"Fais plaisir à un vieil homme, Clark. Continue de m'appeler Alan, et surtout pas Grand. Great Scott était mon père, et tout le monde le respectait sans le connaître. Il n'y a pas de Grand dans notre confrérie, seulement des amis et des frères."
Puis, rassemblant ses esprits pour reprendre le projet depuis sa base, il synthétisa le tout du mieux qu'il put. Son appréciation était taquine, mais il espérait qu'il y avait de la justesse dans sa voix.
"Un journal en ligne, avec les petits jeunes. Voilà qui va rendre Sentinel au peuple de ses contemporains. C'est Sentinel, un symbole pour le peuple, un mandat que je me sens libre de partager, de déléguer, d'alléger de mes épaules, qui nous éclairera pour avancer et écraser les ténèbres de la corruption et du complot. Alan restera petit, je me ferai chef de file seulement parce que cette file dépasse ce que je suis, et parce que ce que je suis, c'est un homme qui veut la vérité à toute vapeur, quelles que soient les années-lumière jusqu'à l'avoir. Compte-moi dedans."
Il tendit sa main à serrer à Superman. C'était un honneur pour lui d'investir un rôle nécessaire au contact entre l'humanité et son âme perdue de vue. Un travail qu'ils devraient faire en eux-mêmes avant toute chose. La réconciliation était la base même de ce qu'ils voulaient initier, et la confiance. Et leur initiative soulèverait tellement de méfiance qu'ils devraient être au clair avec tout ça. Debout à côté de la table, il se demanda si Kal-El avait d'autres choses à partager avec son aîné ici et maintenant, ou si ce moment scellerait un contrat en même temps qu'un au-revoir. Le concernant il ne demandait qu'à se mettre au travail, mais c'était sans doute l'air de Central City qui avait quelque chose de contagieux. Patience et humilité devant la tâche étaient autant de qualités qu'il devait continuer de se battre pour cultiver, malgré son tempérament de feu et toute sa rage au cœur. |
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