Une désagréable surprise [Pv Sentinel]

Sentinel n'y avait pas songé, mais il était vrai que la première pensée de Poison Ivy serait pour ses 'bébés'. Pourtant, le problème avait été réglé très longtemps auparavant. Grâce à ses ressources, il avait trouvé la solution idéale. Il montra un soupçon d'humanité dans sa voix lorsqu'il expliqua cette solution élégante à l'intruse de son propre domaine.

"Tes créations ont été transférées ailleurs, sur une île où elles ne mettent en danger aucune forme de vie intelligente."

Alan jeta les yeux sur ses quatre prisonniers, rendus inconscients par la commande hypnotique qu'il leur avait implantée et activa à l'instant. Ivy voulait Woodrue, c'était une conséquence inattendue de la situation. Alan ignorait tout de leur relation, ceci étant dit. Il n'avait pas pu s'attendre à une telle demande de la part de la jeune femme. Il tâcha de résumer la situation rapidement, en sachant qu'elle s'en ficherait totalement.

"Quant à Jason Woodrue, il a voulu toucher le soleil et il s'est brûlé les ailes. Il n'est plus un danger, mais le monde est plus sûr avec lui incarcéré que libre ou mort. Le Green le réclame. Alors je le garde ici, dans cette ville où ma magie a une connexion avec la ville aussi forte que celle de ma famille. Tu ne toucheras pas à un seul cheveu de son visage. Tu ne devrais même pas être là, aussi proche de lui. Ou d'aucun des trois autres."

Il commença ensuite de créer une garde mystique, une forme d'aura d'un vert de jade qui brilla autour de l'ancien Floronic Man. L'homme était non seulement inconscient, mais un récent revers de situation l'avait rendu inoffensif au regard de ses pouvoirs perdus sur la végétation. Le protéger était donc une priorité, autant que de l'éloigner de tout lien avec le Green. La présence même de Sentinel pour veiller aux besoin vitaux de ses captifs devait normalement se limiter à des visites les plus courtes possibles pour ne pas réveiller leur lien latent avec la conscience végétale. La présence d'Ivy était critique. Il fut à nouveau étonné, lorsque cette dernière le questionna au sujet de ses anciens hommes de surveillance. Apparemment, elle avait nettement plus d'humanité que ce que les rapports laissaient paraître.

"Tes gardes sont dans le vent depuis longtemps. Bizarre, j'ai toujours trouvé qu'à Gotham le courage était chose plus rare qu'ailleurs."

Maintenant que la garde mystique autour de Woodrue était installée, Alan invoqua une longue lame énergétique de lumière solide, qui se créa en concentrant son mental sur l'anneau qu'il portait au majeur de la main droite. L'épée ainsi formée était solide et affûtée. Il pointa l'empoisonneuse de la pointe de son fer pour lui faire signe qu'un seul pas de plus scellerait son destin.

Poison Ivy, insistante mais pas violente, continuait de considérer que Jason Woodrue était sa proie et que le garder pour Alan était une insolence et un manque de respect envers son dû. Il n'en pensait pas tant, tout ce qu'il voyait c'était qu'elle allait contre sa mission de préservation de la planète. Il lui hurla dessus comme à un enfant pris en faute.

"Inconsciente ! Tu ignores donc tout des esprits de la Sève ?! Cette pièce a été entièrement décontaminée de ta présence. Suffisamment, en tout cas. Ces quatre individus sont tous capables de devenir les prochains hérauts de l'Apocalypse verte. Ta simple présence et la mienne compromet leur contention."

Cela l'agaçait, il savait qu'il parlait en énigmes, mais de toutes façons elle ne voudrait rien entendre à tout cela, comme il dit tout ce qui l'intéresse c'est le pouvoir et l'influence, cette femme porte bien son nom elle est un véritable poison.

"Ils me sont plus utiles enfermés que récupérés par une quelconque armée élémentale avide de contrôler ta planète et la mienne, harpie."

Il pensait au Green, mais pas seulement ; Grundy avait déjà été corrompu le Grey, qui avait même quasiment baptisé son entrée dans le Green, comme un cheval de Troie. Quant à The Wolf et Lady Weeds, sans oublier l'ex-Seeder et Floronic Man Jason Woodrue, ils étaient peut-être suffisamment opportunistes pour revivre dans le Rot si l'occasion de leur mort se présentait. Et Dieu sait que le Rot est le plus malsain des royaumes, sinon le plus violent.

Alan regarda Poison Ivy dans les yeux. Elle ne prenait même pas la peine de le menacer. Elle gagnait du temps, car Sentinel restait convaincu qu'elle ne verserait jamais dans la mystique du Green et des autres royaumes élémentaires, contrairement à Alec Holland et à lui-même. Dommage, dans le cas contraire il commençait à croire qu'elle aurait pu finir du bon côté de cette guerre : celle du plus grand bien. Il ôta sa pointe de la gorge de la femme plantureuse, pour aller l'envoyer valser sur un point précis le long du sol bétonné.

"Quant à mon arme..."

Il utilisa la pointe de son épée au pied levé pour trancher un cable faisant partie du système de sécurité de l'entrée de ce repaire. Il avait vraiment tout prévu pour la contention de ses prisonniers et il refusait que l'ingérence d'Ivy ne vienne réveiller en eux la flamme de pouvoirs dont il les avait privés. Un mur de béton et d'acier descendit du plafond pour sceller la salle des prisonniers, tel une herse. Ils étaient désormais en espace réduit, tous les deux dans un couloir aux murs solides, coincés entre un mur et l'escalier qui menait jusqu'ici.

"... Elle est suffisante pour te couper de mes prises."

Les espaces réduits n'étaient pas son fort, mais pas plus pour son adversaire et de toutes façons mieux valait qu'ils retournent à la lumière du jour pour que la photosynthèse puisse surcharger ses pouvoirs et lui donner un avantage face à la sublime et mortelle créature.

La femme la plus vénéneuse de Gotham n'entendait pas se faire priver de son cher domicile, d'ailleurs elle campait sur ses positions surtout pour le principe. Cela lui paraissait vil et absurde de choisir les ennuis en lui prenant ses locaux plutôt qu'un autre. En cela elle avait raison, sauf qu'Alan avait de très bonnes raisons. Il lui rit au nez, car pour lui c'était évident !

"Pourquoi ? La réponse est pourtant simple..."

Manifestant à nouveau ses pouvoirs, cette fois pour générer des éclairs d'énergie photonique auxquels il était immunisé, Alan regarda sans plaisir Ivy subir les chocs électriques. Il n'appréciait pas de faire du mal. En fait, il voyait le bout de la ligne, le mal à éviter, la grande inconnue des bouleversements futurs. Sentinel ne pouvait permettre le chaos du changement. Non, il fallait maintenir la surveillance héroïque sur ce monde.

Dans cet espace restreint, les voix se répercutaient en un écho froid. Froid comme le coeur du héros tant la chaleur le quittait rapidement. La situation le drainait de tout son enthousiasme, ne laissant que la crainte de la mort, de la défaite, de l'escalade de la violence. Il ne supporterait pas une violence sans but.

"C'est le piège parfait... Les traces de ta présence attirent ceux qui te sont semblables."

Il commença d'ouvrir avec son anneau un canal de communication avec le Green. C'était un pouvoir qu'il avait récemment été amené à maîtriser, pour combien de temps il l'ignorait, ces choses étaient tellement changeantes. Les règles de la nature, l'équilibre planétaire, s'écrivaient en permanence, tout comme étaient amendées les lois des hommes au fil des diverses administrations.

"Maintenant... Te purger de la Sève."

Le réseau de capillarités que constituait le Green commençait à se gonfler des énergies végétales de la dame de verdure. C'était un moment critique, car Alan avait l'opportunité de purger Isley de ses capacités surhumaines. Néanmoins pour lui elle n'était pas une menace dans la guerre des éléments. Elle était malgré tout bien trop humaine, préoccupée par des sentiments de propriété et de compassion qui n'avaient rien d'un pur produit du Green. Il n'avait pas à le faire, mais elle s'était mise dans son chemin. Il ne couperait pas le canal d'aspiration des énergies spirituelles de plante tant qu'elle ne rendrait pas les armes. Mais ce qu'il n'avait pas prévu, c'est que les énergies de Poison Ivy semblaient depuis toutes ces années ancrées dans toute la ville. Elle avait dû créer et modifier d'innombrables formes de vie végétales. Le faisceau d'énergie verte ne venait plus seulement de la rousse plantureuse, mais littéralement de toutes parts dans Gotham. Elle serait difficile à neutraliser, songea-t-il. Il n'avait jamais vu un élémental aussi actif sur son territoire. Il était impressionné par la capacité à laisser une trace de son adversaire. Elle avait littéralement bâti de la vie dans cette ville damnée. Un instant d'admiration, il espéra qu'elle ne remarquerait pas qu'il était distrait par ses émotions, car il se reprit aussitôt pour purger de plus belle.

La fureur, redoublée par la mauvaise surprise d'un Alan ricanant, de Poison Ivy, était très pénible pour un homme qui n'avait qu'une envie, qu'elle oublie tout ce qu'elle venait de découvrir. Ce n'était que le sommet de l'iceberg, mais ce sommet était incriminant pour Sentinel. Pourtant il restait un des grands héros de la Terre, prêt à certains sacrifices pour la protéger d'elle-même.

"J'espérais que tu resterais en-dehors de ces affaires, mais ton existence comme simple cobaye de la perfidie de Woodrue est une anomalie, une aberration qui n'a d'égal que l'attraction que tu exerces sur tout ce petit monde."

Il la prit par le bras, comme pour lui demander une faveur, presque une supplique. Sa voix avait le goût du miel, mais à ses oreilles il entendait l'âcre et l'amertume d'une situation trop épineuse.

"Reste en-dehors de mon chemin, oublie Woodrue, Floronic Man ou quel que soit son dernier nom d'usage. Je n'ai pas besoin qu'une ancienne scientifique de plus mette son nez dans ce qui s'annonce comme la prochaine guerre des éléments."

Alan espérait avoir tort, il espérait que c'était seulement une exagération volontaire. Une façon de contourner le mot de végétal, car sinon Ivy voudrait finalement mettre son grain de sel à des affaires qui n'ont absolument rien de scientifiquement vérifiable. Les domaines spirituels de la nature étaient une chose à laquelle elle ne pouvait adhérer en tout état de conscience. C'était une chance, car une femme capable de soumettre le croisé de Gotham n'était pas à prendre à la légère. Contrairement à ce que ses actes pouvaient laisser entendre, il ne tenait pas à tuer, même si stratégiquement cela pourrait devenir une nécessité. Et encore moins, si l'âme d'Isley pouvait migrer vers une enveloppe de futur élu qui pourrait aller défier Swamp Thing pour le trône.

"Finalement, je pense qu'on peut discuter. Il me vient une idée. Que reste-t-il en toi de Pamela Isley, si tu as encore la haine contre son tortionnaire Woodrue ?"

Utilisant son pouvoir pour percer à travers le matériau brut qui faisait les dessous de rues, il perfora au-delà du couloir étroit pour les mener vers la surface, proche de l'ancienne usine désaffectée de la méga-compagnie Soder-Cola. Là, des squatteurs, mais aussi d'étranges créatures végétales semblaient s'être réfugiés dans la carcasse du bâtiment d'industrie.  

"Tu es affaiblie et ne pourras pas détecter ou affecter la vie végétale avant un moment, mais je restaure ton lien brisé de longue date avec tes enfants."

Spoiler:

La voix s'éleva de celle qui semblait la meneuse de la bande de Feraks, adéquatement prénommée Ferak. Elle était usée jusqu'à la corde, abandonnée à survivre dans cet environnement pollué et dénué de compassion humaine, à lutter quotidiennement contre les malfrats et les proxénètes.

"Mère. Mère nature. Prends pitié de tes graines."

Alan ne se préoccupa pas de cela. Il avait ses propres clans, ses propres enfants à gérer. Les jumeaux tout comme les tribus de la magie, ainsi que ses frères d'armes de la JSA, lui manquaient et lui avaient causé bien des peines de cœur. Il ne tenait pas à vivre cela par le regard d'une autre. Il éleva simplement la voix pour préciser :

"Quand tu seras prête, Pamela. Appelle-moi. Ivy a peut-être quitté les Birds, mais il y a une place pour Pamela Isley dans mes plans."

Puis il se retourna pour lancer des secousses grâce à une vague énergétique de son anneau, qui vint ébouler le tunnel récemment creusé pour arriver du repaire jusqu'à là. Il sentit un regard farouche se poser sur son épaule, mais il prit lentement le rythme de la marche, conscient maintenant des compromis qu'il avait fait, le cœur lourd et l'âme vieille de plus d'un demi-siècle.