La Grande Sauterie PARTIE I : Duel dans la boue

L'amour-propre fait mal, il ne sert jamais à rien. C'est bien sur cette phrase de Pulp Fiction que pourrait commencer la douloureuse épreuve de Power Girl.
Douloureuse, à cause de l'amour-propre.

C'est ça, le plus gros problème, avec les Kryptoniens : ils n'ont pas la moindre notion de la mesure. Se taper dessus ne sert pas à grand chose, parce que quelque soit le choc, la douleur sera toujours minime. A chaque coup que Kara encaisse au visage, elle peut se rassurer en se disant que ce n'est pas un crâne d'innocent qui éclate comme une pastèque, qu'elle sera toujours aussi présentable pour les photographies d'après-combat faites par les journalistes, qu'elle pourrait le provoquer avec un "C'est tout ce que tu as ?", mais le fait est, surtout, qu'elle a mal. Elle a mal, parce qu'elle se sent stupide. Interceptée en plein vol par Bizarro ... Elle n'y avait pas trop pensé, à vrai dire. Elle avait vu l'incroyable chaos qu'un tel tas de neurones déficients pouvait créer en un temps record, et elle n'avait pas réfléchi. Elle s'était envolée, pour rallier St-Roch de New York en quelques secondes. Il y avait bien peu de choses qui pouvaient détecter un objet fusant à une telle vitesse, et encore moins de choses en mesure de l'intercepter avec efficacité. Elle venait de découvrir que Bizarro faisait parti de ces choses. Il était stupide, mais il disposait grossièrement des mêmes pouvoirs qu'elle-même, des mêmes pouvoirs que Superman, et il était en mesure de s'en servir.
Power Girl était arrivé à plusieurs milliers de kilomètres à la seconde, il l'avait vu venir, il lui avait foncé dessus, elle était reparti dans l'autre sens, au-delà des Mach 20, et s'était crashée dans la boue, plusieurs kilomètres plus loin, avant de s'arrêter complètement plusieurs autres kilomètres plus loin, laissant un sillon dans les marais, et ruinant sa tenue.
Mais ça ne lui avait pas suffit.

Non, il fallait qu'il lui saute dessus, et qu'il la frappe, au sol, encore, et encore. Des coups si rapides et puissants qu'elle-même avait du mal à tous les voir arriver. Son but était de frapper, plus que de réellement faire mal, même si il n'y avait pas à douter qu'aux bangs caractéristiques qui émanaient de ses coups et aux ondes de chocs qui se propageaient dans les eaux alentours, couchant les roseaux comme les arbres, il valait mieux que l'échange ait lieu ici qu'en plein centre-ville.

Et il lui avait même servi du "Gentille cousine". Oh, certes, Kal avait eu l'occasion de parler de son clone défectueux avec sa cousine de la seconde Terre, ne serait-ce que quand elle-même lui avait avoué avoir une clone "parfaite" sortie d'un labo antarctique, mais le rencontrer ... L'affronter ... Voilà qui était bien différent.

Se faire remercier pour empêcher ses agissements, et accueillir par un coup de poing. Tu parles d'une famille de malades. Les psychologues s'en seraient probablement frottés les mains, ou arracher les cheveux.

" Ok ... " un coup dans les gencives, " ... mon pote ... " un autre, dans l'autre sens, " ... je crois que ... "

La situation était absurde, essayer de formuler une phrase, comme si de rien n'était, sous les mandales, alors qu'il lui frappait le ventre et le visage. Oh, du reste, il épargnait ce qui était important ... Enfin, il fallait qu'elle soit écoutée. Ou qu'elle passe la douleur que lui causait son amour-propre plus sûrement que ses nerfs.

Alors, profitant de la relative faiblesse des coups qui lui était porté, et du fait que ses bras étaient libres, elle attrapa les poings de Bizarro. Ce n'était pas un mince effort. On avait pas à faire à un gredin rackettant dans une sombre allée, là. Non, elle était face à un équivalent, et ça se sentait, tant les biceps de l'héroïne gagnaient en volume en se contractant, laissant apparaître des veines gonflées ; tant ses bras tremblaient. Elle peinait. Elle peinait, mais elle était énervée.

" J'étais là pour discuter ... Pour te trouver un nouveau coin à aller démolir, loin de ma planète. Je voulais vraiment, vraiment que tu ailles pourrir ailleurs, je voulais bien négocier ... Mais là, c'est bon. " Pas de joli sourire, non, le doux minois de l'héroïne d'albâtre formait plutôt un rictus de haine, " Tu as ruiné ma tenue en me traînant dans la boue. Tu me maintient dedans, tu me frappes. Tu as gagné. tête de noeud. J'ai déjà eu une journée bien pourrie, alors maintenant que tu me l'as sublimée et que je suis plus radieuse que jamais dans ma tenue de Mud Girl, je pense que j'ai, moi aussi, le droit de jouer. "

En fait, ce n'était pas une consultation. C'était une constatation. Il avait énervé sa gentille cousine. Gentille cousine était devenue méchante. Sachant que leur bras de fer ne mènerait à rien, elle fit donc montre du plus profond irrespect pour l'adversaire, et propulsa un strato-coup de genou dans les bizarro-bijoux de famille.
Il était Kryptonien, mais c'était un garçon ... Et puis, ce n'était qu'une distraction, puisqu'elle enchaina d'un pas sur le côté pour armer un coup de poing extrêmement violent dans les abdominaux. Elle frappa, comme on pouvait s'y attendre, un mur de brique, et elle crut même entendre un bruit métallique, alors que le clone décolla en ligne droite dans un boum supersonique. qui laissa une énorme traînée d'eau derrière lui. Cela, pourtant, ne suffisait pas à son adversaire, qui s'envola plus vite encore, pour l'accueillir quelques kilomètres plus loin et le stopper net en levant le bras, pour lui faire le coup de la corde à linge, et l'étaler dans la gadoue de tout son long comme un catcheur arrêté en pleine charge.

Mais cela était-il suffisant ? Non, pas encore. Il fallait le calmer ... ou plutôt, Power Girl devait calmer sa hargne ... Alors elle frappa. Elle frappa extrêmement fort. Elle ne se retint pas, et entre le sol et Bizarro, ce fut apparemment le sol qui céda le premier, le choc créant un cratère profond de plusieurs centaines de mètres, sur quelques dizaines de large. Toute la zone avait été aplatie, et les débris de bois, comme l'eau poisseuse, commençaient seulement à retomber en curieuse pluie artificielles quelques secondes après ce coup dont la violence aura pu être enregistrée sur les sismographes canadiens. Bizarro pataugeait maintenant dans un curieux bassin visqueux, d'une couleur onyx parfaitement opaque. Ne lui laissant pas le temps de réagir, Power Girl prit son envol, les yeux incandescents, et fit détoner tout le dépôt de goudron d'un regard.

Des explosions, et du feu, poisseux, collant ... Kara doutait sérieusement que cela suffirait à le calmer, mais peut-être trouverait-il cela divertissant, peut-être que cela lui offrirait un peu de paix, le temps d'aller colmater les dégâts que ce simulacre avait causé ... Dans tout les cas, c'était follement défoulant, suffisamment pour qu'elle entreprenne de foncer vers St-Roch, dans l'espoir d'arriver suffisamment vite pour dégeler toutes ses victimes, et d'éteindre ses incendies ... Et puis, dans tout les cas, elle était satisfaite de voir que sa seule vitesse la "nettoyait" de toutes les salissures du Bayou, par simple friction de l'air ...

Bon, ça n'allait pas durer longtemps, mais l'exploit était à noter : quand Power Girl se releva, elle cracha sur le côté. Un simple glaviot, mais un glaviot qui contenait un peu de liquide carmin. Oui, Bizarro avait réussi, il avait blessé sa cousine. Un peu. Une petite égratignure, dirons les experts, quelque chose qui se refermerait très vite, surtout au vu du métabolisme kryptonien, mais voilà, il était parvenu à faire ce que, techniquement, bien peu de choses sur Terre étaient capables de faire.

Il n'y avait pas que le crachat fort peu élégant de Kara Zor-El, qui était rouge, à ce moment. Il y avait aussi sa vision. Au sens métaphorique comme purement physique : elle voyait rouge, littéralement. Elle s'élevait du cratère, à nouveau crottée et couverte de boue, comme une espèce de créature du marais. Une créature du marais qui, en plus de la boue, était aussi recouverte d'une épaisse couche de goudron.

On pouvait la frapper. On pouvait la frapper fort. On pouvait lui geler le bras avec une espèce de parodie grotesque de ses propres pouvoirs. On pouvait lui postillonner des propos nonsensiques avec une haleine fétide en tentant de lui éclater le nez à coups de tête, pas de problèmes, mais il y avait une limite. Cette limite ne commençait pas vraiment au moment où la douleur commençait à poindre, elle commençait bien avant. Elle commençait quand on la prenait pour une abrutie. Là, la limite était franchie depuis un bon moment. Restait à savoir si c'était la présence même de Bizarro qui composait une transgression, ou ses agissements. Ce domaine du problème restait encore un mystère entier, tandis qu'un autre se résolvait. Là, à ce moment, Power Girl avait fini de comprendre que l'on ne jouait plus. Bizarro semblait réellement complètement atteint, mais il semblait aussi définitivement enclin à tuer sa charmante cousine. Il voulait une guerre ?

Bien. Il allait l'avoir, sa putain de guerre.

" Bien ! " rugit-elle d'une voix forte. Suffisamment forte pour être entendue du clone raté de l'Homme d'Acier, même si il était situé plus loin, " Tu veux te battre ? "

Sa rage, qui se reflétait dans ses yeux, semble percer par tout les pores de sa peau, puisque tout à coup, tout le goudron que Power Girl avait sur elle prit feu, la transformant en espèce de curieuse torche à forme humaine, ou de métaphore de phénix se révélant d'un quelconque cratère ... A vrai dire, cela n'avait pas grande importance, puisqu'elle se précipita sur Bizarro, et lui attrapa les épaules, pour lui asséner un coup de genou enflammé en plein visage.

" T'as gagné ! " continua-t-elle, enchaînant alors qu'il décollait de terre en lui attrapant la cheville, pour le tirer avec violence vers le sol, lui écrasant la face dans la boue, mais sans le lâcher.

Non, plutôt que cela, elle se mit à tourner sur elle-même, de plus en plus vite, jusqu'à ne devenir qu'une forme floue, puis jusqu'à disparaître dans un tourbillon de tourbe, d'eaux et de vents violents.

" Voilà ! " expliqua-t-elle, tournant maintenant à une vitesse dépassant plusieurs fois celle du son, et s'agrandissant davantage, de plus en plus vite, jusqu'à ce que la tornade provoquée par le combat s'élève, et puisse rejoindre les nuages, devenant visible dans tout la région environnante. Une mini-tornade en plein bayou, " Là, c'est moi, dans une $µ£@#% de baston ! "

Et elle le lâcha. L'accélération avait été brusque, pas plus de quelques secondes, et la durée de vie de la tornade ne les dépassa d'ailleurs pas, mais pour les curieux qui ne la virent pas, il y eût un deuxième phénomène d'ampleur intéressante : un rayon lumineux qui perça les cieux. Un trait fin, mais qui n'en était pas pour le moins aveuglant. Tout au plus un flash, mais un flash d'une violence terrible. Une violence telle que toute la Côte Est perdit l'accès à HBO

Restait à savoir si cela était intervenu à cause du rayon ardent détruisant le satellite, ou du contact entre ledit satellite et Bizarro, mais ce qui était à comprendre était surtout qu'il y avait un clone en orbite basse, tandis que sa lanceuse s'envolait maintenant pour le rejoindre, en ligne droite, à très haute vitesse, extrêmement énervée, mais avec une garde laissant à désirer ... Elle avait surtout le poing droit devant, et espérait le planter dans les gencives de ... de ... de l'Homme d'Hier.

Ouais, elle était énervée au point de poursuivre un combat dans la stratosphère, où il ne restait plus suffisamment d'oxygène pour que le feu qui la consumait reste allumée, mais aussi énervée au point de faire des jeux de mots absurdes sur les pseudonymes de son adversaire dans sa tête.