Le personnage de Miracleman est né et a failli mourir pour des querelles de droits d'auteur.
A l'origine étaient Captain Marvel et la Marvel Family, d'abord publié par une compagnie nommée Fawcett Comics. L'édition britannique de la Marvel Family était, quant à elle, assurée par L. Miller & Son.
Jusque là pas de problème... sauf que DC Comics porta plainte en 1953 contre Fawcett, considérant que le personnage de Captain Marvel était une contrefaçon de... Superman !
Le procès dura des années et finalement un arrangement fut conclu à l'initiative de Fawcett qui jeta l'éponge, sortit son carnet de chèque pour payer des dommages-intérêts à DC et laissa tomber Captain Marvel.
Sauf que - tout naturellement - l'éditeur britannique, L. Miller & Son, se retrouva rapidement à court d'histoires à publier. Sans compter, qu'il risquait lui-même les poursuites de DC. Un auteur et dessinateur, Mick Anglo, fut engagé aux fins de créer le remplaçant de Captain Marvel... en la personne de Marvelman - qui lui, clairement, est une contrefaçon de Captain Marvel ^^
Le petit Micky Moran, grâce à son bon coeur, a été investi par le scientifique Guntag Borghelm du mot de pouvoir "KIMOTA" qui lui permet, quand il le prononce, de devenir l'invincible Marvelman. Il vole, il va vite, il est fort, il est invulnérable, il peut voyager à travers le temps, etc...
Et puis, quand il prononce à nouveau le mot "KIMOTA" il redevient Micky Moran. Ca ne vous dit pas quelque chose ?
D'ailleurs dans la famille Marvelman, après le costume bleu de Marvelman, je veux la version jaune (Kid Miracleman), rouge (Young Marvelman), la fille en bleue avec la petite jupette (Miraclewoman), le méchant en noir (Young Nastyman), etc...
Même le principal méchant de Marvelman, le Dr. Emil Gargunza, est une "copie" du Dr. Sivana de Captain Marvel...
Alors que vient faire Alan Moore là dedans ?
Parce que jusqu'à présent, on a des histoires sympathiques et bon enfant, à la manière des premiers Captain Marvel, mais rien de transcendant (Marvel a d'ailleurs réédité une partie des premiers Marvelman, rien de transcendant mais ça se laisse lire...).
Alan Moore décide (me demandez pas pourquoi) de reprendre le personnage (il semble même fortement motivé pour le faire, peut-être lisait-il Marvelman quand il était petit ?) pour le magasine britannique Warrior, avec Garry Leach puis Alan Davis aux crayons.
Dans sa version, Michael Moran est plus âgé. Il a oublié qu'il était Miracleman. Et vit sa vie de londonien qui-a-un-peu-la-loose (il a du bide, il arrive pas à avoir d'enfants, il est plus ou moins au chômdu, ...) tranquillement. Il a oublié le mot de pouvoir. Bon je vais pas spoiler la suite... mais en gros, il va redevenir Miracleman, dans un monde normal. Bref, une sorte de Dieu qui cohabite avec des hommes.
Le premier cycle (Moore / Leach - Davis) s'intéresse au retour de Miracleman, à ses vraies origines (qui ne sont pas celles de la version d'Anglo) et à ce qu'a fichu Kid Miracleman pendant qu'il était absent (un des perso les plus flippants qu'il soit). C'est intelligent, bien dessiné et... ça avait même été publié en français, à l'époque (Miracleman, Delcourt).
Le deuxième cycle (Moore toujours) met en scène son ennemi juré, le Dr. Emil Gargunza, qui est de retour avec une machination super tordue pour prolonger sa propre vie. On en apprend plus sur les origines de la technologie ayant donné naissance à Miracleman.
Le troisième cycle (Moore / John Totleben) est le plus étrange : on y rencontre des extra-terrestres aux pouvoirs dingues et on a en prime la destruction de Londres dans l'un des comics les plus marquants que j'ai jamais lu.
Le quatrième cycle voit le passage de relais de Moore pour Gaiman au script. Le graphisme est assuré par l'excellent Mark Buckingham (Fables). Ce cycle, moins centré sur le héros qui est maintenant le protecteur de l'humanité, traite plus des conséquences sur la vie des gens de l'arrivée de ce héros. Forcément comme c'est Gaiman, c'est beau, drôle, intelligent et quasi-lyrique.
Aux USA, la publication avait été faite par la compagnie Eclipse qui a fait faillite. L'infâme Todd McFarlane décida de racheter les droits de l'ensemble du catalogue de la compagnie pour une bouchée de pain (25.000 dollars), dans le but d'intégrer Miracleman aux épisode de Spawn. Neil Gaiman qui détenait une partie des droits intenta une action contre McFarlane qui dura, là encore, plusieurs années, empêchant toute possibilité de rééditer des comics qui étaient devenus depuis longtemps introuvables...
Finalement, le procès trouva une drôle de solution : les droits de Mick Anglo, le créateur, n'avait jamais été acheté. Dès lors McFarlane n'avait pu en faire l'acquisition et le procès se solda par un match nul. Marvel (la compagnie) décida d'acquérir les droits d'auteur auprès de Mick Anglo, peu avant son décès, et de se rapprocher des auteurs de la seconde version pour pouvoir obtenir leur accord pour rééditer.
Et c'est ainsi que Marvel a réédité l'une des oeuvres les plus folles d'Alan Moore (qui a refusé que son nom apparaisse dans la réédition - sacré Alan ! - au profit du sobriquet "The Original Writer") [disponible maintenant aussi en Français], avec des bonus... Aux States les épisodes de Gaiman sont en train de sortir... et il est annoncé que des épisodes totalement inédits devraient sortir dans la foulée !
Bref, vous l'aurez compris, je vous conseille de lire Miracleman.