Dark Horse Comics a été un éditeur énorme dans les années 90 : non seulement, il est connu pour avoir pendant très longtemps géré la licence Star Wars (mais aussi Terminator, Predator, Indiana Jones, Aliens...) mais surtout pour avoir accueilli tout un tas de comics innovants, réalisés par des créateurs qui en avaient ras la houppe des Majors (DC et Marvel) et qui souhaitaient sortir des sentiers battus...
Bref, on doit à cet éditeur Sin City (Miller), Hellboy (Mignola), Next Men (Byrne), Concrete (Chadwick), pas mal d'épisodes de Grendel (le War Child de Wagner, la série des Grendel Tales), la création du Mask (oui oui ce qui a donné lieu au film avec Jim Carrey) et également...
... Give me Liberty !
Cette série de 4 épisodes de 48 pages chacun est scénarisée par Frank Miller (oui je sais, je me fais une overdose de Miller) et (somptueusement) dessinée par Dave Gibbons (Watchmen).
On y suit les pérégrinations de Martha Washington, jeune noire née en 1995 à Chicago dans une
"institution sociale" appelée le "Green" (en gros un ghetto où on y enferme les pauvres noirs).
Le premier épisode est consacré, pour bonne partie, aux premières années de Martha où l'on découvre une jeune fille brillante qui rêve de s'échapper de ce qui est
"une prison pour les gens qui n'ont rien fait", alors qu'en parallèle on s'aperçoit que l'Amérique s'enlise dans le totalitarisme avec le Président Rexall qui n'arrête pas de se faire réélire encore et encore (vu qu'il a supprimé la limitation constitutionnelle des deux mandats). Finalement, elle finit par tuer quelqu'un en légitime défense, à perdre la raison et à se faire interner en dehors du "Green"...
... l'autre partie du premier numéro montre Martha en HP où elle rencontre RaggyAnn (Mapoupée en français), une jeune médium, résultat d'expériences génétiques, dont on veut se servir comme d'un système de guidage pour missile (Miller a une vision très optimiste de ce qui était - à l'époque - le futur !). Finalement, comme Rexall a coupé les crédits pour les hôpitaux psy, Martha se retrouva à la porte (expulsée de l'asile) et amenée à se débrouiller par elle-même (en volant et même en commettant un second meurtre ^^) à, grosso modo, 15 ans...
... en parallèle, toujours, Rexall est de plus en plus impopulaire et finit par être victime d'un attentat à la bombe incendiaire contre la Maison Blanche qui le plonge dans un coma profond et tue tous les membres du gouvernement à l'exception du gentil Nissen, un vague sous-secrétaire d'Etat qui n'était pas là lors de l'explosion et qui devient Président à son tour...
... et qui décide de reprendre la direction des USA pour en faire un grand pays et plus une infâme dictature : et de déployer les forces de Paix (en gros l'armée américaine) en Amazonie pour lutter contre ceux qui veulent détruire la forêt.
Martha, qui se rend compte qu'elle ne pourra pas continuer longtemps à vivre de la délinquance, s'engage dans les forces de la Pax (et comme à la Légion personne ne lui pose de questions sur ses antécédents) et part se battre en Amazonie (les scènes de combat sont épiques et ne donnent pas du tout envie de partir à la guerre...).
En gros, Give me Liberty suit le parcours d'une jeune militaire idéaliste qui a envie de servir son pays mais également de lutter contre toute forme d'injustice (elle obtiendra de Nissen la fermeture du "Green"). Il y a pas mal d'action (notamment une baston dans l'espace dans le n°2 ou la séquence apocalyptique finale du n°4, dans la jungle, quand Martha doit affronter à elle seule un commando complet de troupes d'élites) et des personnages secondaires attachants (Mapoupée, l'indien Wasserstein) ou décalés (le Président Rexall qui reviendra sous la forme d'un robot, le Chirurgien Général)...
... et puis il y a le Colonel Moretti, le méchant qui sert de fil rouge à la mini-série. Si Martha est pauvre et noire, lui est blanc et riche ; si elle a progressé dans l'armée par son travail, lui il a réussi à avancer plus vite par le piston ; si elle est idéaliste, lui est vendu à l'ennemi... On l'aura compris, c'est l'antagonisme entre ces deux personnages qui va être le moteur de la série.
Parce que Martha va se retrouver confrontée à un génocide, un putsch militaire et à la sécession des Etats-Unis d'Amérique (qui vont se dissoudre dans des entités toutes plus loufoques les unes que les autres, comme le pays des mangeurs de burger, ou un état dirigé par des médecins timbrés, ou un pays de féministes extrémistes...).
Jusqu'à, bien entendu, la confrontation finale avec Moretti...
Give me Liberty est une aventure palpitante dans une Amérique au bord de l'implosion, qui insiste aussi sur la fragilité et la grandeur subséquente de la Démocratie (et sur le fait que ce sont les "petites gens" qui pour Miller incarnent le mieux la grandeur des USA et le rêve américain).
Inutile de préciser que Gibbons est en grande forme (presque autant que sur Watchmen) et que le découpage est digne d'un film (on sent la patte de Frank Miller dans la construction des cases).
Je m'emballe, je m'emballe mais c'est à lire ! Il existe (au moins) une édition française en 4 albums cartonnés chez Zenda (qui date un peu), mais vous pouvez également trouver les n° américains, là encore, pour une bouchée de pain.
Deux suites ont été éditées par DHC, ainsi que 3 One-Shots. Mais j'y reviendrais ^^