Fables : Legends in Exile (2002)

Fables est une série qui présente un immense inconvénient : elle est totalement addictive et fait mal au porte-monnaie, compte-tenu des 150 épisodes et des nombreuses séries annexes sortis depuis sa création, en 2002 (la série s'étant terminée en 2015).

J'ai eu la chance d'habiter non loin d'une médiathèque qui avait eu l'excellente idée de faire l'acquisition des différents volumes de cette série (mais pas que : j'ai pu aussi lire comme ça The Boys de Garth Ennis et l'éblouissant Echo de Terry Moore).

Bref, commencer à lire Fables, c'est prendre le risque de ne pas pouvoir s'arrêter.

Cette série nous est concoctée par l'esprit quelque peu dérangé de Bill Willingham qui, outre des comics de fesses, nous avait, au début des années 80, gratifié de l'excellent Elementals, publié chez Comico.


Le concept est très simple mais carrément génial : les Fables sont en fait des personnages de contes de fées (Blanche-Neige, le Grand Méchant Loup, Pinocchio, ...) ou de chansons pour s'endormir (comme le King Cole ou Blue Boy) qui ont été chassés de leurs terres (car ils vivaient chacun dans des royaumes / univers différents auxquels on ne peut accéder - semble-t-il - que par l'usage d'un portail magique) par un Empereur plutôt méchant (qui n'hésite pas à tuer ou à réduire les Fables en esclavage), dont on ne connaîtra pas l'identité avant de nombreux volumes (et je dois admettre en avoir été surprise la première fois que j'ai lu le volume en question ^^), obligeant nos braves Fables à se réfugier dans le seul monde où - semble-t-il - l'Empereur n'a pas la possibilité de venir.... notre monde !

C'est ainsi que les Fables en exil se sont installées dans une résidence magique (où le petit bureau de Blanche-Neige, l'adjointe au Maire de Fableville, est en fait une gigantesque bibliothèque remplie de trésors, le tout grâce à un envoûtement), "les Sylves", où elles mènent tant bien que mal une vie d'exilés, en gardant pour règle qu'elles doivent faire profil bas et demeurer inconnues des "communs" (les mortels, nous, quoi !).


Pour les autres Fables, celles qui ne peuvent passer inaperçues (genre les Trois petits cochons), il existe une autre résidence : une ferme située en rase campagne.

Fableville a un Maire : le Bon Roi Cole (qui est tiré d'une nursery rhyme, semble-t-il) ; une adjointe qui gère tout en fait (Blanche-Neige, mais celle de "Blanche-Neige et Rose-Rouge", conte des Frères Grimm, qui n'est pas la Blanche-Neige des 7 nains, même si un conte des Frères Grimm existe également ^^) ; un chef de la sécurité qui a l'air tout crassou [il passe son temps à cloper et il a un imper pourri : un fan de Constantine ?] (le Grand Méchant Loup sous sa forme humaine) et tout un tas d'administrés plus ou moins connus...


... pèle mêle : Jack (celui du haricot magique), Barbe-Bleue (celui qui tue des femmes), la Belle et la Bête (qui ont des problèmes conjugaux), Cendrillon, le Prince Charmant...

Il y a également un concept important à Fableville : c'est le pardon. Nos Fables ont été obligées de se serrer les coudes dans le cadre de leur exil. Du coup quels que soient les crimes qu'elles ont pu commettre avant la Grande Amnistie, ils ont été effacés et on ne saurait leur en tenir rigueur (ainsi le Grand Méchant Loup ou Barbe-Bleue sont absous de leurs crimes antérieurs).

Dans ce premier arc, au-delà de la joie de découvrir le petit monde de Fableville, nous assistons à une bien étrange enquête policière : Jack (du haricot magique) déboule dans le bureau du Grand Méchant Loup... Sa copine, Rose Rouge, la sœur délurée de Blanche Neige, a disparu et des litres de sang maculent le sol et les murs de son appartements. Il y a des chances qu'elle ait été assassinée.


Et du coup, c'est à Bixby Wolf (le nom que se donne le Grand Méchant Loup) de mener l'enquête. Une enquête qui le conduira à soupçonner un peu tout le monde, avec pas toujours énormément de tact : ainsi passeront sur le grill tour à tour Jack, Barbe-Bleue, Blanche Neige elle-même...

... le dénouement est une véritable surprise que je préfère laisser entier pour les futurs lecteurs de Fables ^^

Ce premier volume est bourré de trouvailles en tout genre. Par exemple, comme la Belle et la Bête ont des problèmes conjugaux (normal, dixit la Belle, au bout de tant d'années de mariage...), la Bête est en train de reprendre sa forme de Bête et risque l'exil vers la ferme des Animaux ; le Prince Charmant est un gigolo sans cervelle que ses ex-femmes détestent ; l'un des trois petits cochons fait des virées en ville pour se pinter le groin et s'avachir sur le canapé de son ancien ennemi, le Grand Méchant Loup ; ce dernier commence à tomber amoureux d'une Blanche Neige, très "executive woman" ; etc...

Le dessin de Lan Medina est chouette, précis et très travaillé et rappelle un peu - je trouve - celui de Phil Jimenez (par la suite Medina sera remplacé par le très talentueux Mark Buckingham).

Et puis ce concept... Génial ! Pas forcément le plus original de la Terre (le story-arc de Sandman "A game of you" m'y fait un peu penser... notamment quand Barbie [SIC !] va se retrouver confrontée à ses vieux rêves ; Linda Medley pour son extraordinaire [et je pèse mes mots] Castle Waiting recyclera aussi des contes de fées) mais le traitement de Willingham est d'une efficacité et d'un humour redoutable...

Le coup de l'enquête policière chez les contes de fées est quand même terrible ! (dans Top10, Moore nous fera le coup - un peu similaire - de l'enquête policière chez les Dieux)


+ en bonus du premier TPB, on a une nouvelle illustrée racontant comment le Grand Méchant Loup a aidé Blanche Neige et sa sœur, Rose Rouge, à fuir le Royaume des Fables pour arriver dans notre monde (nouvelle qui explique quelque peu le comportement actuel de notre loup).

Bref, à lire à vos risques et périls... vous risqueriez d'avoir du mal à vous arrêter (et ça serait bête, le TPB suivant est consacré à la révolte des animaux, façon "Animal Farm" d'Orwell, et doit être un de mes préférés de la série).

Ça a été traduit et édité en Français d'abord par Semic, puis par Panini... Mais le mieux étant de commencer la version complète en 23 volumes (OMG) de chez Urban (ou d'avoir une médiathèque pas loin de chez soi).

Je suis très, très fan de Fables.
Même si la fin m'a un peu déçu, le voyage fut fantastique.