Après en avoir terminé avec son premier run sur Hellblazer (il y reviendra par la suite), Garth Ennis se retrouve à nouveau sur le label Vertigo, en 1995, avec ce qui sera incontestablement SA série phare, du moins jusqu'au premier numéro de The Boys en 2006...
Preacher (qui devrait faire l'objet d'une adaptation en série TV courant 2016 [?]) reprend, en effet, un paquet de thèmes récurrents chez Ennis : le blasphème, les gros mots, l'ultraviolence graphique, un humour ras les pâquerettes, une grande défiance vis à vis de toutes les sphères de pouvoir (et notamment envers les religions) mais aussi la valorisation de l'amitié, de l'amour, des "petites gens" contre tous ceux qui voudraient les piétiner et les confondre avec des paillassons...
Cette série qui sera publiée jusqu'en 2000 (avec au total 75 épisodes, épisodes spéciaux compris) sera l'une des plus populaires de chez Vertigo. D'ailleurs les éditions originales des premiers numéros atteignent des prix délirants ! Heureusement, tout a été réédité à maintes et maintes reprises (et même en français...) !
Cette série nous narre la virée à travers les USA (et aussi un peu la France) du drôle de trio que constituent Jesse Custer, un révérend qui a perdu la foi et qui souhaite mettre la main sur Dieu et lui foutre le nez dans son caca [dans sa création], son ex petite amie, Tulip O'Hare, une pistolero chatouilleuse de la gâchette et Cassidy, un vampire punk irlandais exilé aux States...
Ce premier volume de l'intégrale Preacher publiée chez Urban regroupe les 12 premiers épisodes, soit les 3 premiers arcs de la série.
Dans le premier (#1-4), Jesse, qui a noyé sa foi dans l'alcool, est possédé par une entité surnaturelle (Genesis) au moment où il s'apprête à faire son sermon devant un parterre de paroissiens perplexes... La rencontre entre Genesis et Jesse se solde par l'incinération pure et simple de toute l'assemblée...
Là, Tulip, qui est en cavale après avoir tenté de réaliser un job de tueur à gage (en explosant au passage la mâchoire inférieure d'un type avec son gun... Oui, chez Ennis, quand quelqu'un est blessé, c'est toujours très visuel ^^), s'est faite prendre en "stop" par Cassidy, un type à l'allure crasseuse (un peu comme le leader des Pogues, Shane McGowan, en fait... Mais je crois que Garth Ennis est fan...) qui ne conduit que de nuit et dort le jour sous une bâche dans son pick-up.... Le duo Tulip et Cassidy se retrouvent devant les ruines de l'Eglise encore fumantes d'Annville... et y trouve Jesse inconscient !
Tulip décide de rester auprès de Jesse, histoire d'apprendre pourquoi il l'a largué sans un mot 5 ans auparavant et Cassidy... Cassidy visiblement n'a rien de mieux à faire que de rester dans le coin !
Et Jesse... Jesse, qui abrite maintenant en lui un hôte nommé Genesis, apprend que ce dernier est le fruit de l'union interdite d'un Ange et d'une Démone (visiblement le thème avait déjà été exploité dans Hellblazer par Ennis), qu'il est plus fort que Dieu et que ce dernier a les chocottes de ce que pourrait faire Genesis contre lui.
En fait, Jesse s'apercevra rapidement qu'il n'est plus tout à fait le même depuis qu'il est "possédé" par Genesis : il dispose d'un intéressant pouvoir que l'on pourrait appeler "la voix de Dieu", obligeant quiconque l'entend à lui obéir...
Et c'est plutôt pratique car un paquet de gens sont à ses trousses : le Shérif Root, un flic texan raciste et parano (il pourrait administrer la ville de Progressido, dans l'arc des Outlaws ^^) ; des anges qui ont franchement la loose ; le Saint des Tueurs, une machine à tuer à la solde du Paradis qui est là pour tuer Jesse ; et un paquet d'autres qu'on ne verra que bien plus tard...
Ce premier arc est diablement rythmé et intriguant. On y apprend que Dieu a déserté sa création, que Cassidy est un vampire, que le Shérif Root a un fils qui est gravement défiguré suite à une tentative de suicide raté (pour faire comme son idole, Kurt Cobain) et que nos héros - sans pitié - ont surnommé Tête de Fion (ou Tronch'decul selon les traductions) ou que Jesse - quand il est tout seul - parle au Fantôme de John Wayne...
Dans ce même volume, nous avons le deuxième story-arc, Naked City (#5-7), qui emmène notre trio à NY, où Cassidy connaît bien un journaliste gonzo (genre Hunter S. Thompson) branché conspiration / OVNI / Phénomènes Religieux / etc... Il pense qu'il pourra filer un coup de main à Jesse qui s'est auto-attribué la mission de retrouver Dieu, de lui botter les fesses et lui demander des comptes pour l'état de sa création...
... ils sont donc présentés à Si Coltrane, qui connait Cassidy depuis le festival de Woodstock, et arrange un rendez-vous pour Jesse avec un type qui pourrait le rencarder sur Dieu...
... en parallèle, nous suivons les Inspecteurs Paulie Bridges (genre Dirty Harry) et John Gland (le flic le plus malchanceux du monde ^^) qui enquêtent sur le Boucher Ravageur, un tueur en série qui scalpe le visage de ses victimes avant de le leur recoller dessus avec des clous (oui, Preacher est un peu... gore).
Enfin, le dernier arc, "All in the Family" (#8-12) nous révèle des pans de l'enfance de Jesse, pourquoi le fantôme de John Wayne lui parle et surtout pourquoi il a laissé Tulip en plan, sans un mot, 5 ans avant le commencement de la série... Un arc
glauquissime, avec l'abominable Mémé de Jesse, Billy Bob le meilleur ami consanguin de Jesse et Jody et TC, un duo de tueurs, dont le deuxième a des pensées (et pas que) impures vis à vis des animaux de la ferme...
Alors, le principal reproche que l'on pourrait faire à Preacher est son côté hyper-trash. D'ailleurs, le courrier des lecteurs (qui est reproduit dans l'intégrale d'Urban, bon point ^^) insiste énormément dessus, en tant qu'argument de vente (façon de dire, on est vachement extrême car on dit des gros mots et que c'est très violent).
C'est un fait.
Mais Preacher ne peut - et ne doit - se résumer à ces aspects. C'est avant tout une bonne série, avec un bon scénario, et une vraie morale : c'est le bien, contre le mal. Les petits contre les puissances qui crachent à la gueule de l'humanité. Ce sont les vraies valeurs qui sont valorisées : l'amitié (Jesse / Cassidy, Jesse / Billy Bob), l'amour (Jesse & Tulip) et la responsabilité... Preacher n'est pas spécialement contre une religion quelle qu'elle soit... Custer considère juste que le foutoir ambiant qu'est le monde doit avoir un responsable. Et si celui-ci est aux abonnés absents, il faut le ramener par la peau des fesses !
Et puis trêve d'"analyse" foireuse : Preacher c'est surtout une série très plaisante à lire. Avec beaucoup de références (notamment en matière de Western) qui ne nuisent pas à la lecture mais y donnent au contraire du relief !
D'ailleurs, je ne suis pas convaincue que Garth Ennis se prenne tant au sérieux que ça, compte-tenu de ses réponses qu'on peut lire dans le courrier des lecteurs réimprimé dans l'édition d'Urban.
(ce qui me fait penser que dans la série Cerebus, Cerebus le héros est fan du comics "Rabbi", qui met en scène un rabbin ultra-violent, oeuvre d'un certain Garth Inniscent qui admet lui-même que "Rabbi" a été créé pour flatter les instincts violents et pervers des jeunes adolescents ^^ Cerebus, lui, adore "Rabbi" parce que les gens y meurent de façon "intéressante" et en masse ^^)En plus le dessin de Dillon est chouette, les couvertures de Fabry (reproduites dans cette édition) sont restées cultes... Autant de raisons d'y jeter un œil et de voir si vous deviendrez addict ou pas !
Fuyez comme la peste l'édition mal traduite et surtout incomplète du très mauvais (et très défunt) éditeur français Le Téméraire ! Vous avez à l'heure actuelle deux façons de lire Preacher en français : l'édition Panini, épuisée, et qui coûte bonbon. Ou bien celle en 6 volumes qu'Urban est en train de sortir (les 3 premiers sont disponibles).
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