[Review] Batgirl : Silent Knight (TPB-2016)

Aujourd'hui, nous allons parler de Batgirl.

Le lecteur un peu distrait a écrit:

Super ! Ouais ! J'adore Babs ! J'adore les rousses ! J'adore ...

Un instant, fripon. Aujourd'hui, nous allons parler de la première Batgirl à avoir eu sa propre série mensuelle à elle. Nous allons parler de la Batgirl qui ne parle pas, justement. Nous allons parler de Cassandra Cain !

Accessoirement, c'est la meilleure Batgirl, c'est non négociable.

Le lecteur qui préférait Babs a écrit:

C'est parce qu'elle a des mèches blanches ... Ou qu'elle a quoique ce soit qui puisse la rattacher de près ou de loin à ...

Ah-ah ! Que nenni ! Elle est brune, asiatique, muette, elle n'a pas de pouvoirs ou de traits distinctifs qui puissent la rapprocher de Rogue et elle n'a eu aucun contact avec les Endless ou Power Girl ! Alors, where is your god now ?

Le lecteur qui a toujours son mot à dire a écrit:

Tu sais que tu es lourd à essayer de te justifier ?

Oui. Merci, fruit de mon imagination.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, il serait quand même bon de faire un petit topo sur le personnage de Batgirl en lui-même. Des Batgirls, il y en a eu six, dans l'univers pré-52 :

• Betty Kane, la première, était la nièce de Kate Kane a.k.a. Batwoman. Grosso modo, elle était la Robin de Batwoman. Depuis, elle a abandonné ce rôle et est devenu Flamebird, puis Hawkfire en New 52. Elle a tenu la cape (en mode flashy) de 1961 à 1964, pour les férus de dates.
  
  
• Barbara Gordon, la seconde et sans commune mesure la plus connue, peut être considérée comme la première "vraie" Batgirl en cela qu'elle n'est pas un faire-valoir. C'est un vrai personnage à part entière. Elle est également la fille de Jim Gordon, qui est définitivement le pire détective de Gotham (Ou bien c'est Batman qui est au niveau du Joker pour transformer la fille de son principal allié civil en croisée). Babs a été Batgirl de 1966 à 1988.
  
  
• Helena Bertinelli, plus connue sous son pseudonyme ultérieur de "Huntress", a été la troisième, brièvement, pendant l'arc No Man's Land en 1999.
  
  
• Cassandra Cain, qui nous intéresse, est devenue Batgirl à la fin de No Man's Land, pour tenir de 2000 à 2006.
  
  
• Charlie Gage-Radcliffe, surtout connue pour être "Misfit" chez les Birds of Prey, s'est déclarée Batgirl de sa propre initiative pendant deux ou trois issues. Babs lui a collé deux ou trois baffes, parce qu'être Batgirl, c'est pas pour les touristes. On notera que Barbara brutalise des enfants, ce qui prouve qu'elle est méchante.
  
  (Oui, je sais, c'est Misfit qui a attaqué Babs, mais comme personne ne se souvient de cet arc narratif obscur, j'en profite pour faire du révisionnisme pro-Cassie.)
  
  
• Stephanie Brown, "Spoiler", fille du Cluemaster et meilleure amie de Cassandra, récupérera le titre entre 2009 et 2011 suite à la passation de pouvoir décidée par Cassandra. Batman ne pouvait déjà pas la supporter en Robin ; leurs relations vont empirer, mais comme Cassandra a définitivement plus de jugeote dans le choix de ses successeurs que Bruce, elle tiendra, la Stephanie.
  
  Et ouais, elle est plus fiable qu'Azrael, la Stephanie Brown. Et toc.
  
  (Oui, je viens bien de dire que Cassandra Cain était une meilleure DRH que Bruce Wayne. Même pas peur.)
  

Le TPB (Trade PaperBack) présent contient les issues #1 à 11 et l'annual #1 de la première série Batgirl s'étant étalée de 2000 à 2006. On y retrouve les deux premiers arcs narratifs de la série de Kelley Puckett (qui a fait un peu de Supergirl aussi, entre autres. Il est principalement connu pour Cassie, en fait.) et Scott Peterson à l'écriture, Damion Scott au dessin, avec son style caractéristique d'un cartoon un peu particulier mais pas déplaisant, inspiré de la mouvance hip-hop et Robert Campanella à l'encrage, parfait dans son rôle et ajoutant l'ambiance Gothamite avec ses teintes froides contrastant bien avec le dessin.

Cassandra Cain est la fille de David Cain, soit l'un des plus grands assassins de l'Univers DC, qui entre allègrement dans la catégorie des monstres comme Batman. Cassandra, fille choyée, a grandi dans le cadre idyllique d'une salle d'entrainement de 20 m² dans un charmant coin reculé des montagnes asiatiques. Elle y a été entraînée sous la supervision calme et taciturne de son père à être tout bonnement la meilleure assassine du Monde en ne parlant pas, apprenant au contraire le "langage du corps" comme langue maternelle - ou paternelle, puisque niveau maternel, c'était pas vraiment ça -.

En sommes, c'est comme si un brutos s'était dit en créant son perso d'Eclipse Phase qu'il allait faire un Infomorph de 15 ans dans un morph Furie de base avec comme la compétence Kinésique en langue natale. Si vous n'avez rien compris, c'est normal, c'est que vous ne jouez pas à Eclipse Phase. Je vous le conseille, c'est un très bon Jeu de Rôle papier dans lequel on peut presque tout faire. Sauf prendre Kinésique en langue natale. Parce que c'est précisément pas une langue. Quoique, il faut que j'en discute avec mon Maître de Jeu, tiens.

Dans ce recueil, on se concentre donc principalement sur les origines de Cassandra, sur sa relation avec son père et sur l'interrogation assez simple et légitime de Batman : peut-on laisser une fille qui le surpasse en combat, entraînée à tuer dès le berceau, récupérer le masque de Batgirl ? On la voit évoluer dans l'environnement particulièrement dur de Gotham où elle ne détonne finalement pas tellement et on la voit s'épanouir en apprenant à parler par des moyens assez peu orthodoxes. Surtout, on en vient à se demander, comme Batman, si on est pas appelé à se faire remplacer par une jeunesse qui n'arrête pas de nous surprendre.

Car il est assez simple de comprendre, au fil de l'histoire, que le passif de Cassandra la rend encore plus hardboiled que Batman, avec des connaissances en combat que son expérience et ses compétences (la fameuse "Body Reading Ability" découlant de sa langue natale) lui permet d'utiliser sans crainte alors que le Chevalier Noir lui-même ne les envisagent même pas.

Le début de Batgirl, c'est autant la recherche d'identité d'une fugueuse que la peur de la succession et du futur de la part des deux "pères" de Cassandra : Batman qui la trouve trop extrême et David qui est blasé d'avoir "raté" l'éducation de sa fille.

Cassandra Cain, plus qu'une Batgirl, c'est une institution. Je l'ai découverte et l'ai joué sans prendre la moindre connaissance de ses comics, parce que j'avais peur que cela entre en conflit avec l'image que je me faisais du personnage : une justicière muette et taciturne qui refuse le dialogue et rend la justice sans la moindre négociation. J'avais en tête les rares planches que j'avais lu ça et là sur internet où elle parlait, à mon sens, beaucoup trop.

En fin de compte, si le traitement est assez différent de ma vision, il n'est pas mauvais pour autant : Cassandra est assez attachante et dispose d'un background bien plus intéressant à mon sens que celui de Batman. Comme le dit Tim Drake, Cassandra est probablement la plus effrayante des membres de la Bat-Family car c'est la seule membre à avoir été formée corps et âme par des "méchants" pour se retourner contre eux et rejoindre la Justice à la force de sa seule volonté. Elle sait que ce qu'elle a fait était mal et elle veut se racheter : pour cela, elle se donne à 200% au point même de perturber Batman.

A mon sens, si Batman devait avoir un successeur, ça serait Cassandra Cain. Elle a rigoureusement les mêmes lignes de conduite, elle a eu une jeunesse tout aussi traumatisante et a les mêmes travers (Perfectionnisme, jusqu'au-boutisme, peur de la trahison et paranoïa). Elle est suffisamment analogue à lui tout en ayant des petites différences pour être intéressante à plus d'un titre dans le rôle.

Au niveau du dessin, il faut admettre que le style de Damion Scott est assez spécial et ne laisse pas indifférent. Si je n'aimais pas au début, je dois admettre qu'avec l'aide de l'histoire et de quelques innovations intéressantes, il se laisse suivre et peut même se révéler plaisant. Il a toutefois quelques travers dans les scènes de dialogue qui prennent une tourne assez peu sérieuse, que j'impute toutefois à mon goût prononcé pour des styles plus réalistes.

Bref, pour les curieux de la Bat-Family ou les chercheurs en quête d'une série à découvrir, je vous la recommande chaudement. Si vous n'aimez pas Batman, cela n'aura toutefois que peu de chances de vous réconcilier.

Je n'ai pas connaissance de l'existence du recueil en VF, mais il est disponible en VO depuis fin Janvier 2016. Le volume 2016 devrait arriver vers Juillet, de par mes sources dans les librairies de comics du Quartier Latin.