[Review] Batman : Year 100 (2006)

Batman Year 100 est une mini-série en 4 épisodes de 48 pages chacun, scénarisée et dessinée par le (très) talentueux et (trop) rare Paul Pope (THB, The Ballad of Doctor Richardson, 100 %, Battling Boy...).


Le titre en lui-même (Year One Hundred) est une référence à une autre histoire de Batman, le prestigieux Year One de Miller et Mazzucchelli qui, rappelons-le, racontait la première année du Batman, sa première apparition à Gotham, ses difficiles relations avec la police, sa première rencontre avec un tout jeune Jim Gordon, etc...

Si Year One racontait la première année alors Year One Hundred se devait de raconter la... 100ème année du Batman !

Et Pope, pour rendre un hommage encore plus appuyé au Batman, personnage pour lequel il semble avoir conçu une affection particulière, fait démarrer le décompte des ans à partir de l'an 1939, année de la création du personnage par Bob Kane.

Nous sommes donc en 2039, dans un Gotham décrépit et sale (comme toujours les mégalopoles futuristes chez Pope [One-Trick Rip Off, 100 %] : ça ressemble à nos villes mais en bien plus crasseux, déglingué et étouffant... Un peu à la manière des ambiances que l'on peut retrouver dans l'Armée des 12 singes de Terry Gilliam, le It's all about Love de Thomas Vinterberg, la Trilogie Nikopol d'Enki Bilal ou Ranxerox de Liberatore & Tamburini), avec une police secrète omniprésente dotée de systèmes de surveillance avancés et flippants (comme des caméras embarquées sur des chiens).


La bédé s'ouvre sur une course poursuite : Batman, blessé au flanc, court pour sa vie. Il est poursuivi par des chiens de flics et des gars des forces spéciales. Cette affaire est suivie de près par une organisation fédérale à Washington : un gars des forces spéciales a été dessoudé et les fédéraux pensent que c'est Batman le responsable ! Sauf que...

... tout le monde est persuadé que Batman n'existe pas (ou ne devrait pas exister) : dans cette société du contrôle où tout le monde a ses empreintes digitales, génétiques et rétiniennes fichées, il est intolérable qu'un individu non identifiable et masqué puisse exister !

L'existence même de Batman met en péril les fondements de cette société totalitaire.

Bien évidemment Bat's ne va pas se faire capturer : il a des complices qui vont lui sauver la mise, notamment, la médecin légiste du Commissariat de Gotham et sa fille, une jeune informaticienne blonde qui se fait appeler Oracle...

... et pendant que Batman est soigné et dorloté, les forces spéciales continuent à lui filer le train, tandis que Jim Gordon, petit-fils de notre Gordon à nous, tente d'enquêter sur le meurtre du flic que Batman aurait tué.


Sans spoiler quoi que ce soit, Batman a mis les pieds dans le plat s'agissant d'un complot gouvernemental bien sinistre. Il sera épaulé dans sa mission par Robin, un orphelin qu'il a adopté pour le former et qui bricole des gadgets pour Bat's, notamment une moto.

Quant à Gordon, il tombera sur les archives informatiques de son grand-père et percera le secret du Batman ! Gordon a, d'ailleurs, un lourd secret sur la conscience, impliquant la déportation et l'extermination de tous les patients de l'Asile d'Arkham dont il était l'un des gardiens...

Dans ce très bel album, on aura droit à énormément d'action, action portée (soulevée même) par la puissance du trait de Paul Pope qui combine à l'élégance d'un Hugo Pratt le dynamisme d'un dessinateur de manga (d'ailleurs, Pope pendant plusieurs années a travaillé sur un manga - exclusivement publié au Japon - adapté de son légendaire THB).

D'ailleurs, le propos de l'album (qui demeure très mystérieux sur l'étonnante forme physique de Batman en dépit de ses 100 ans !) est très secondaire par rapport à ses qualités graphiques. Batman s'y incarne, néanmoins, en champion de la liberté, en opposition avec tous les totalitarismes et tous les timbrés qui souhaitent contrôler l'âme humaine... Il s'agit d'un héros pur, exempt de tout réalisme politique... Bref, un chieur, comme on a toujours eu l'habitude de voir notre Batman national (Dark Knight Returns, Kingdom Come et même la nouvelle série Justice League of America) !


"Batman Year 100" en jette grave dans les yeux : il s'agit réellement d'une curiosité graphique qui se lit toute seule en plus ^^

En bonus, dans la version Urban Comics qui est sortie le mois dernier, vous trouverez trois autres histoires de Batman dessinées et scénarisées par Pope :

- "Batman Berlin" (extrait de The Batman Chronicles #11, 1998) qui est un Elseworlds mettant en scène les débuts de Batman, en 1939, mais... dans le Berlin nazi ! Baruch Wane est un esthète juif qui a décidé d'endosser le costume de Batman pour lutter contre le nazisme ! Ses parents sont morts dans une agression antisémite quand il était petit et il a juré sur sa peluche chauve-souris de combattre les criminels. Quand il apprend de la bouche de son "ami", le Komissar Garten, membre zélé du parti nazi, que la propriété de l'économiste juif autrichien Ludwig von Mises (qui a réellement existé) vient d'être saisie et que ses manuscrits sont en passe d'être transférés en train pour y être détruits plus loin, Batman décide d'intervenir : et il se rend compte, en échouant à sauver les livres, que ce sont les rails eux-mêmes qu'il faudra détruire pour sauver les hommes de la mort... Un excellent récit court qui nous offre une version très cohérente de Batman. En bonus on a une Robin fille (mais pas en costume) ! Le dessin est époustouflant !


- "L'ado acolyte" (tiré de Solo #3, 2004) est une histoire courte mettant en scène Robin (Dick Grayson) se prenant une raclée monumentale de la part du Joker et sauvé in extremis par Batman. Cette histoire offre une explication sur le fait que Batman se soit encombré d'un jeune garçon (alors qu'il passe son temps à se faire capturer) : c'est que Batman voit dans la souffrance de cet orphelin et sa soif de vengeance ce qu'il a ressenti lui-même.. Graphiquement impeccable comme tout ce que fait Pope et plaisant à lire !


- "Nez cassé" (tiré de Gotham Knights #3, 2000) met en scène Batman qui vient de se faire casser le nez pour la première fois par un crétin dans un exo-squelette et qui va exercer une certaine forme de vengeance en lui pétant le nez en répression (comme quoi, Batman peut être espiègle ^^). En bonus, on a Alfred ! Plutôt anecdotique bien qu'amusant... Le dessin (en noir & blanc) est tout de même très chouette !

Bref en résumé, autant les Elseworlds ne m'ont jamais réellement passionnée (le concept de coller vos héros préférés dans un autre univers...), autant Pope s'en sort réellement bien, en revenant - je trouve - à l'essence même du Batman !

Graphiquement - mais je rabâche - c'est extraordinaire de dynamisme.

Le scénario est un poil anecdotique mais demeure très plaisant à lire.

Les bonus sont cools.


Et Frank Miller a même félicité Pope pour son Year 100 même s'il trouve, qu'autant son Batman dans Dark Knight avait déjà été bien amoché, autant celui de Pope s'en prend carrément plein la gueule !

En somme, une curiosité qui vaut son pesant de cacahuètes, notamment pour les fans de Batman ou pour celles et ceux qui voudraient s'intéresser d'un peu plus près à l'univers de Paul Pope !