"The Crow" est un comics que je n'ai lu que très récemment (cet été en fait), bien que j'en ai toujours entendu beaucoup de bien (et pas qu'en raison du film avec le regretté Brandon Lee), certains de ses fans les plus extrêmes en parlant comme d'un chef d'oeuvre absolu !
Je dois admettre que la lecture de ce volume, regroupant l'intégrale du premier cycle de la série, celui mettant en scène Eric Draven, cycle qui a été - vraisemblablement - retravaillé sur de nombreuses années, m'a scotchée et bouleversée à la fois.
"The Crow" est une bédé forte en émotions et qui traite du deuil et de l'absence. Vous l'aurez compris : on ne risque pas de s'étrangler de rire en lisant ça et James O'Barr, le scénariste / dessinateur / créateur n'est pas un comique troupier ! Néanmoins, c'est une lecture qui mérite franchement le détour que ce soit sur le plan graphique comme de l'histoire...
... mais tentons de résumer ce que nous pouvons trouver dans les 220 pages que comptent ce TPB. D'ailleurs, je précise chroniquer l'édition française (de 1996) que l'on peut trouver aux Editions "Disjoncteur" et qui ont été, sauf erreur ou omission de ma part, les premières à publier la série en France. Ce TPB reprend le contenu de l'édition américaine parue chez Kitchen Sink Press (en 1994). Il se peut tout à fait que les éditions postérieures contiennent du matériel supplémentaire mais sur ça je ne pourrais pas vous en dire plus !
Grosso modo ce TPB réimprime les 4 numéros de la série "The Crow" parue chez Caliber Press (Pain, Fear, Irony et Despair) en 1989, le numéro 3 de la série "The Crow" parue chez Tundra en 1992 (Death, les deux premiers volumes de la série publiée chez Tundra rééditant les épisodes parus chez Caliber), ainsi - qu'en guise de prologue - l'histoire "Inertia" publiée dans "Caliber Presents"
#1 (1989), l'histoire intitulée "Atmosphere" publiée dans "A Caliber Christmas"
#1 (1989) et une soixantaine de pages dessinées spécialement pour la réédition.
Bref, "The Crow" a été publié initialement entre 1989 et 1994... mais sa genèse est bien plus ancienne, comme nous en reparlerons en fin de chronique.
Une fois n'est pas coutume, je diviserai le résumé du TPB non pas épisode par épisode réimprimé (en raison du nombre important de bonus et du chapitrage un peu étrange de James O'Barr) mais chapitre par chapitre.
"Inertie" (Caliber Presents
#1, 1989) : Jones est un malfrat qui vient de réaliser un cambriolage et qui pense à ce qu'il va faire du blé qu'il va tirer de la vente du téléviseur qu'il a chouré... Là, il tombe sur un type étrange, portant un drôle de maquillage et qui lui tient des propos un peu décousu. Il est à la recherche d'informations et veut savoir où se trouvent 5 types : T-Bird, Tom Tom, Top Dollar, Fun Boy et Tin Tin. Jones ne se laisse pas faire et plante avec son couteau le drôle de gars (c'est The Crow, on l'aura compris...) mais ce dernier s'en fout. Il explique qu'il a obtenu déjà quelques informations en torturant un autre malfrat...
... du coup Jones passe à table... et The Crow lui dit bien qu'il faut qu'il prévienne ses potes de son arrivée : on l'a compris, ils vont passer un très mauvais moment (et ce sera en plus le dernier ^^).
"En pleine tête" (Bonus ?, 1994 ?) : Un homme voyage en train (Eric Draven alias The Crow) et voit à travers la fenêtre un cheval blanc qui se blesse en courant contre du fil barbelé... Eric en est traumatisé mais un corbeau juché sur son épaule lui rappelle qu'il "ne fallait pas regarder"...
"Livre I : Souffrance" (The Crow
#1, 1989) : Le premier épisode de la série est lui-même découpé en chapitres...
- "Chauffé à Blanc" : The Crow rumine sa souffrance dans une grande maison vide, rumine les noms d'hommes maléfiques... On sait qu'il s'est passé quelque chose d'horrible il y a un an et qu'il y a une femme dans l'histoire...
Puis, nous basculons sur l'un de ces hommes maléfiques : Tin Tin. Il vient d'acquérir un flingue dans la rue et en fait aussitôt usage en descendant une mémé qui passait par là. Il tue ensuite le vendeur ainsi que son acolyte. Bref, trois personnes mortes en l'espace de quelques secondes... et là The Crow apparaît au fond d'une ruelle...
- "Demain il fera nuit" : The Crow demande à Tin Tin "s'il se souvient" mais le tueur lui tire dans le crâne, sans résultat aucun. Notre héros sombre maîtrise Tin Tin sans difficulté et lui pique son revolver. Là, il lui rappellera qu'il y a un an, il y avait un homme (Eric Draven) et une femme et une route sombre...
... et là Tin Tin flippe : il était persuadé que Draven était mort, tué par T-Bird... Il supplie pour sa vie mais est abattu comme un chien par The Crow. On l'aura compris, ce comics traitera d'une vengeance implacable (un peu à la "V pour Vendetta" d'ailleurs).
Les quelques pages qui suivent (qui m'ont l'air d'être des pages bonus, postérieures à ce premier numéro), nous montre The Crow dans sa grande maison vide, regardant les photos d'une femme, et s'attachant la douille de la balle qui a enlevé la vie à Tin Tin dans les cheveux... Notre héros a le sens de la mise en scène ^^
- "Dans l'ombre" : Dans la bande à Top Dollar, le dealer, ça jase... On parle de la mort de Tin Tin et, d'ailleurs, ils ont raison d'en causer car The Crow est juste là, dehors... Top Dollar est le suivant sur sa liste ! Mais d'abord, il va tuer méthodiquement chacun de ses hommes de main...
- "Mise à Mort" : Top Dollar, braqué par le flingue de The Crow, lui propose de la cocaïne en échange de sa vie... The Crow s'en fout et lui dit que la femme qu'il a tué (mais ça, il s'en souvient à peine, notre copain Top Dollar ^^) s'appelait Shelly...
... puis il explose le crâne de Top ^^
- "Cri étouffé" : L'épisode se termine sur un drôle d'anniversaire... The Crow est tout seul dans sa maison et fête l'anniversaire de sa fiancée Shelly, morte il y a de ça un an... Il lui "offre" un chat (Gabriel) parce qu'elle avait toujours voulu un chat... Puis, il se remémore les jours meilleurs où ils avaient décidé ensemble de retaper cette maison pour s'en faire un petit nid douillet et qu'il l'avait demandé en mariage et qu'elle avait dit oui...
... et le Corbeau (dans une séquence clairement ajoutée postérieurement à la publication du
#1) lui rappelle qu'il ne faut pas regarder et se faire du mal... comme dans la séquence du train !
"Livre II : Peur" (The Crow
#2, 1989) : The Crow s'entraîne et danse devant son chat et il pleure et hurle son paradis perdu... Quant au reste du comics :
- "Âmes perdues" : le malfrat Tom Tom, avec un complice, viennent de poignarder un type qu'ils pensaient être un indic de la police... mais juste après le copain de Tom Tom se fait décapiter par The Crow (qui le dit lui-même à son chat : il aime le film "les 7 samouraïs" ^^)...
... après une brève bagarre avec Tom Tom, ce dernier se fait trancher les deux pieds par The Crow (on meurt de façon visuelle et intéressante dans The Crow, ça préfigurerait presque - pour ce côté là - Preacher ou The Boys)...
... et avant de mourir The Crow et Tom Tom parlent : le justicier veut savoir où la bague de fiançailles de Shelly est, ce que ses assassins en ont fait... et Tom Tom le lui dit...
- "Soumission" : The Crow rend une petite visite au prêteur sur gage véreux chez qui T-Bird (celui qui a récupéré la bague) a l'habitude de fourguer les trucs qu'il a volé sur les gens qu'il a tué... The Crow descend le boutiquier (qui a essayé de lui faire la peau) et retrouve la bague. Il en profite de même pour parfaire son armement en récupérant tout un tas de flingues et de fusils...
... alors qu'il allait foutre le feu à la boutique, The Crow est surpris par un policier qui le braque avec son arme. Un jeune flic auquel The Crow ne veut pas de mal, aussi il le laisse tranquille... et le flic se retrouve à appeler son supérieur, le Capitaine Hook (Oo), lui rendant compte qu'il n'a pas réussi à arrêter The Crow... et Hook paraît se douter de l'identité réelle du justicier.
"Atmosphere" ("A Caliber Christmas
#1", 1989) : Petit interlude montrant Shelly et Eric en train de faire le sapin de Noël et qui se finit par une citation de François Villon ("Où sont les neiges d'antan ?",
in "La ballade des dames du temps jadis").
"Vélocité" (Bonus ?, 1994 ?) : The Crow croise une petite fille en bas d'un immeuble dans la rue qui le prend pour un clown (en raison de son maquillage). La petite fille s'appelle Sherri et attend sa maman qui est allée voir un certain Fun Boy (l'un des types que The Crow veut - et va - tuer)... pour se prostituer en échange d'une dose.
The Crow explique que l'on peut voir l'Enfer d'ici (depuis la Terre) et file à Sherri la bague de fiançailles de Shelly. Puis, il monte voir Fun Boy... qu'il trouve au lit avec la mère de Sherri. Il la renvoie d'ailleurs vers sa fille et entame une petite discussion avec Fun...
... et The Crow lui propose un rendez-vous, à lui et à ses potes, dans un bar...
"A jamais devant vos yeux" (Bonus ?, 1994 ?) : Encore un interlude avec le Corbeau qui dit à Eric qu'il ne faut pas entrer ni regarder cette pièce (de la maison) car c'est la plus terrible... Il s'agit de la chambre qu'il partageait avec Shelly, bien sur...
"Livre III : Ironie" (The Crow
#3, 1989) : Toujours divisé en plusieurs chapitres...
- "Immolation" : Au bistrot du rendez-vous, Fun Boy a ramené ses potes... qui vont tous se faire descendre par The Crow, ne laissant que Fun de vivant. Et là, The Crow lui fixe un dernier rendez-vous, auquel doit assister T-Bird. En échange, il tuera Fun Boy sans souffrance.
Et dans l'attente, on a encore des flashbacks montrant le bonheur dans lequel vivaient Eric et Shelly (pas mal d'ajouts postérieurs à la publication de ce
#3).
"Livre IV : Désespoir" (The Crow
#4, 1989) : Eric et Shelly, il y a un an, rentraient chez eux après avoir passé la journée à la plage. Puis, leur caisse est tombée en panne... Pendant qu'Eric essayait de refaire démarrer la voiture, un véhicule s'est arrêté près d'eux. Un véhicule dont les passagers et le conducteur n'étaient autres que les 5 hommes à l'encontre desquels The Crow exercera, un an plus tard, sa terrible vengeance.
T-Bird va tirer dans la tête d'Eric sous les yeux de Shelly et la dernière vision qu'il aura avant de perdre connaissance sera le viol que subira sa fiancée, avant qu'elle-même ne se fasse tirer dessus... et avant cela, le Corbeau lui apparaîtra et lui dira de "ne pas regarder" !
- "Fracture du crâne" : A l'hôpital et miraculeusement, Eric n'est pas mort. Le Capitaine Hook est venu lui rendre visite (c'est pour cela qu'il se souviendra de cette histoire quand le jeune flic lui parlera du Corbeau : Eric lui en avait parlé dans son délire à l'hôpital !).
Et miraculeusement il survivra pour exercer sa vengeance surnaturelle !
- "Crescendo - Mort" : Encore un flashback, alors que pendant ses ultimes préparatifs, Eric / The Crow se souvient de sa fiancée... On sent bien comment tout cela va se terminer !
"Livre V : Mort" (The Crow, volume
#3 [Tundra], 1992) : Ce numéro a été réalisé bien après les 4 premiers et a fait l'objet d'un changement d'éditeur. Initialement publié par Caliber Press, The Crow trouvera la conclusion de son premier cycle chez Tundra, qui rééditera d'abord dans le
#1 de la série Tundra les deux premiers livres publiés chez Caliber (The Crow
#1 & 2) et dans le
#2, les deux suivants (The Crow
#3 & 4).
Dans ce dernier épisode, The Crow rendra visite à Sherri pour lui dire au revoir, lui indiquant qu'il va bientôt rejoindre Shelly.
Il a également foutu le feu à sa propre maison et a confié son chat, Gabriel, au Capitaine Hook. Il confie également la protection de Sherri au flicaillon qui ne l'avait pas arrêté après le meurtre du prêteur sur gage...
Fun Boy a rempli sa part du marché en rencardant The Crow sur T-Bird, aussi il a le droit de mourir en se faisant une injection létale de morphine...
... quant à T-Bird, on l'aura compris, The Crow se le réservait pour la fin et cet épisode verra la fin du malfrat !
Mais pas que... Car la vengeance une fois accomplie donne lieu à une séquence assez émouvante ("Le départ") dans laquelle The Crow se retrouve sur la tombe enneigée de Shelly. C'est terminé pour lui. Il va la rejoindre...
... et fin !
WOW ! On comprend que The Crow ait pu donner lieu, aussi rapidement, à une adaptation cinématographique (1994, soit 2 ans après la publication du dernier chapitre de la série) tellement, effectivement, toute l'oeuvre est pensée comme un film.
On l'aura compris, ça se lit tout seul.
Après on pourrait aisément rétorquer que The Crow est une banale histoire de vengeance, plutôt bien foutue et bien dessinée mais finalement assez classique.
Certes.
Et d'ailleurs, le "reproche" n'est pas tout à fait infondé. Ce qui fait - en revanche et à mon sens - la force de cette série est l'immense poésie qui s'en dégage, ce qui paraît paradoxal compte-tenu du thème et de la violence de ce comics.
En fait, en lisant la fiche wikipedia de James O'Barr, on apprend que sa fiancée a été tuée en 1978 par un chauffard. Et qu'il a utilisé cette série pour tenter (visiblement sans grand succès) de remonter la pente. Au fond, cette série est la vision de l'absence et du deuil d'un auteur qui a du affronter cela.
D'ailleurs, les séquences avec Shelly sont d'une beauté et d'une poésie époustouflantes. Il y a des choses très justes qu'expriment Barr, comme l'horreur de certains objets une fois que les êtres qui les ont possédés ne sont plus (à rapprocher de la chanson bouleversante de Philippe Katerine, "Les objets").
On se dit en revanche - et c'est toute la tristesse de cette oeuvre - qu'Eric Draven n'est revenu que pour se venger. Une fois que c'est terminé, il n'a plus de raison de continuer à vivre (et on ne peut qu'espérer que Barr a finalement réussi, lui, à surmonter cela).
Ce qui fait de The Crow une oeuvre malheureusement désespérée (même s'il y a de l'espoir dans ce monde, incarné par le jeune flic ou par la petite Sherri, il n'y en a clairement plus pour Draven), contrairement à d'autres œuvres qui traitent de vengeance : ce n'est clairement pas Kill Bill où au final Uma Thurman reprend sa vie (et la violence de The Crow est beaucoup plus... dérangeante) ou la série "The Mentalist"... Si dans cette dernière on s'attend à ce que Patrick Jane se suicide après avoir zigouillé John le Rouge, l'assassin de sa femme et de sa fille... il ne le fera finalement pas, s'accordant la possibilité de continuer à vivre !
Mais ce n'est pas le chemin de notre Corbeau.
Graphiquement, l'oeuvre montre l'évolution du style de James O'Barr à travers les années 80. C'est beau, c'est bien fait et ça touche même au sublime sur certaines planches.
En résumé, The Crow n'est pas à lire dans les moments de déprime. Ce n'est pas le comics le plus abordable qu'il soit mais vous serez récompensés par la beauté de l'oeuvre en elle-même. Clairement, James O'Barr, comme c'est le cas pour toutes les œuvres de deuil (comme "Autour de Kate" de Cric et Efix ou "Dawn" de Joseph Michael Linsner), a investi beaucoup de lui-même dans The Crow. Et la beauté qui s'en dégage n'est pas sans me rappeler par moment le Kabuki de David Mack.
Bref, The Crow c'est une curiosité et un chef d'oeuvre à la fois ! Et en tout cas c'est édité en France et en français (Delcourt, étant le dernier éditeur en date) !
Il y a eu également des suites (pour la plupart réalisées par d'autres auteurs) et des films (dont le premier avec Brandon Lee, qui a été tué accidentellement pendant le tournage) que je n'ai ni lu ni vu. Donc avis aux amateurs, si vous voulez compléter cette chronique !