[4ML] Et l’on démarre une nouvelle histoire [Slade]

[4ML] Et l’on démarre une nouvelle histoire [Slade] Jeu 28 Sep 2017 - 23:19

Il faisait sombre. Si sombre. Il entendait les cris. Nombreux, lointains. Des voix d’hommes, de femmes. Des explosions. Tout tremblait autour de lui. Finalement, il discerna des choses autour de lui, petit à petit. Des formes, des mouvements. Des…corps qui s’écroulaient. Des corps sans visages… Un rire résonnait, horrible, cruel.

Un rire qui provenait de lui. Et les mains qu’il levait étaient rouges de sang.

Les voix crièrent encore. Une essaya de se faire entendre. Un mot. Un nom…

- Jo… JOEY !!!

Il se redressa brusquement. Le souffle court, le corps trempé de sueur, il cligna un moment des yeux, essayant de reprendre pied avec la réalité. Ses sens lui revinrent peu à peu. Il sentait le matelas sous lui. La légère brise fraiche du matin qui s’engouffrait par la fenêtre entrouverte et qui caressait sa peau sensible, le faisant frissonner. Et autour de lui… Une chambre. Un cauchemar… Il avait fait un cauchemar. Encore. Son corps se détendit d’un coup, tandis qu’il se passait les mains sur le visage, essayant de chasser les résidus de sa nuit. Son regard se posa sur le réveil, posé sur la vieille table basse à côté du lit. 5 h 15. Cela aurait pu être pire. Au moins avait-il dormi.

Il se laissa retomber sur l’oreiller trempé, s’accordant encore quelques instants pour retrouver pleinement ses esprits. Heureusement qu’il avait été chez lui, cette nuit. Il n’aimait pas quand cela lui prenait lorsqu’il était en compagnie. A combien de cauchemar était-il ? 2, 3 par semaine ? Cela faisait presque deux mois qu’il s’était réveillé à l’hôpital et depuis, le rythme de ces cauchemars allait croissant. Le médecin lui avait dit que c’étaient peut être des souvenirs qui essayaient de revenir. Mais si c’était le cas, il n’était pas très sûr de vouloir les retrouver.

Finalement, John se leva et se dirigea vers la salle de bain. John. John Doe. Un nom commun qui n’était même pas le sien. Dans ses cauchemars, il entendait ce prénom. Joey. Il réveillait quelque chose en lui. Etait-ce le sien ? Il avait envie de le croire. Joey n’était pas très éloigné de John, mais c’était déjà quelque chose. Il se déshabilla et passa sous la douche. Il lutta un peu pour avoir de l’eau chaude, mais la tuyauterie finit par coopérer. Voilà ce qui arrivait lorsqu’on habitait dans un vieil immeuble. Un des rares qui avait relativement bien survécu à la destruction de la ville. Le quartier n’était pas forcément bien fréquenté, mais c’était tout ce qu’il pouvait se permettre avec ses moyens limités. Et puis sa voisine, Karen, était sympa. Il avait un toit au-dessus de la tête, il n’allait pas se plaindre.

Une fois propre, il s’habilla et attrapa un fruit sur la table du coin cuisine. Il mangerait en route. Puisqu’il était levé tôt, il pourrait commencer le travail un peu avant, ce qui n’était pas un mal. Il enfila un vieux blouson à capuche, assorti à son jean troué assez ample et son T-shirt délavé, récupéra les clés et quitta l’appartement. Le soleil n’était pas encore levé, et le quartier dormait encore. Il était encore trop tôt. John, Joey, appréciait ce moment de la journée, quand les rues étaient encore calmes. C’était vraiment… apaisant. Et au moins n’avait-il pas à esquiver les gangs qui essayaient de lui voler son argent. Tout en mangeant sa pomme et en savourant l’atmosphère matinale, il prit la direction du marché.

Il avait eu de la chance de tomber sur Bill, alors qu’il déambulait sans but, quelques jours après avoir quitté l’hôpital. Sans mémoire, sans papier, sans argent, les débuts avaient été… difficiles. Il avait bousculé un homme d’un âge légèrement avancé et avait renversé la cagette de tomates qu’il transportait. Joey s’était immédiatement excusé en signant et avait aidé à tout ramassé. L’homme, Bill, l’avait détaillé de la tête au pied, s’était attardé sur ses bras musclés, ses muscles ayant commencé à fondre à cause de la période à l’hôpital, mais encore visibles. Puis il l’avait embauché, comme ça. Qu’il l’aide donc à transporter toutes ces cagettes et à installer son stand, s’il avait du temps à perdre. Il le payerait s’il travaillait bien. Il pourrait même récupérer un peu de la marchandise invendue. Car un ventre affamé dans un corps affaibli serait inutile.

Sans vraiment savoir pourquoi, Joey avait tout de suite apprécié Bill, et pas seulement parce qu’il allait lui permettre de… survivre, à défaut d’un meilleur mot. Non, Bill semblait dégager quelque chose… Comme une aura qui le mettait en confiance. Il avait eu l’intuition que l’homme avait un grand cœur et ne souhaitait que l’aider. Il ne s’était pas trompé. Joey avait ainsi commencé à travailler au marché, le matin. Bill lui avait ensuite présenté d’autres personnes qui auraient besoin de bras pour transporter diverses choses. Joey avait accepté, bien sûr, trop heureux de pouvoir être utile. Et il ne pouvait reprocher un peu d’argent supplémentaire. C’était également Bill qui lui avait permis de trouver son travail du soir. Lui, en somme, qui lui avait permis de se construire une petite vie et accumuler suffisamment d’argent pour trouver ce petit studio dans les quartiers peu… huppés de la vile. Joey ne s’en était pas plaint, au contraire. Il ne savait comment remercier Bill, aussi venait-il l’aider le plus souvent possible au marché.

Le vieil l’homme l’accueillit chaleureusement et le mit au travail. Bill ne connaissait pas le langage des signes, même s’il avait appris quelques mots de base, aussi communiquaient-ils par écrit. Son handicap empêchait également Joey de l’aider à vendre ses produits. Ce qui ne l’empêchait pas d’attirer parfois de la clientèle. Il avait des fans parmi ces dames du troisième âge ! Cela amusait beaucoup Bill. Bien sûr, il avait aussi des adeptes parmi la génération plus jeune, mais elle était moins nombreuse aussi tôt le matin. Ce matin-là, Joey sourit gentiment à Mme Carson tandis qu’elle achetait ses pèches. La vieille dame lui pinça les joues.

« Ah, si seulement j’avais 20 ans de moins ! »

Bill éclata de rire.

« Plutôt 40 non ? »

Joey esquissa un petit sourire amusé. Il aimait l’ambiance chaleureuse qui existait entre Bill et ses clients. Finalement, au bout de quelques heures, Bill lui annonça qu’il n’avait plus besoin de lui. Il le força à accepter quelques billets. Joey essayait d’éviter de prendre de l’argent à Bill, depuis qu’il avait trouvé d’autres travails, mais ce dernier ne voulait rien entendre. Après avoir salué l’homme, Joey quitta le marché. La matinée était encore relativement jeune, mais les rues étaient bien animées. IL arpenta les rues d’un pas tranquille. Il ne se souvenait pas avoir habité Métropolis avant sa destruction, aussi ne pouvait-il faire de comparaison entre avant et après la construction. La ville s’était relevé, avait regardé vers l’avant, refusé de se laisser abattre. Joey s’était inspiré de ce mouvement. Il était en vie, n’était-ce pas le plus important ?

Il passa devant le mémorial de Superman sans s’arrêter. Il ressentait des choses étranges parfois, quand voyait des photos ou des vidéos de héros. Mais il n’avait pas envie de s’encombrer l’esprit avec ça. La journée était trop belle pour ça.

Il arriva finalement au par cet sourit. Tanya était déjà là, avec quelques-uns de ses élèves. Il avait espéré la trouver là. Impossible de savoir où Tanya allait faire court d’un jour sur l’autre, elle adorait alterner. Il baissa les yeux sur sa tenue. Peut-être pas la plus adaptée, mais elle ferrait l’affaire. Il s’approcha et Tanya l’aperçut.

« hey beau gosse ! Ça fait plaisir de te voir ! Aller en piste, on a juste commencé l’échauffement. »

Joey la remercia en souriant. Il s’approcha du banc le plus proche, et y déposa son blouson et le sachet contenant les quelques fruits et légumes que lui avait donné Bill. Il rejoignit ensuite les élèves de Tanya et commença ses étirements. Puis il entra dans le rythme du cours, esquissant la position de la grue blanche qui déploie ses ailes d’un mouvement fluide et précis.

Comme pour Bill, il était tombé par hasard sur Tanya alors qu’elle donnait son cours de Tai Chi en plein air. Voir les mouvements avait réveillé quelque chose en Joey. Tanya l’avait remarqué et lui avait permis d’intégrer le groupe, débutant à ce moment-là, pour faire un essai si cela le fascinait autant. Joey avait été… surpris lorsque son corps était entré seul dans le rythme. Comme s’il connaissait tout cela. Un calme merveilleux avait alors envahi son esprit et son corps et il s’était laissé porter. Tanya l’avait taquiné en disant qu’il pourrait presque faire cours à sa place. Après cela, elle lui avait dit qu’il pouvait se joindre à eux quand il le voulait. Il servirait d’exemple aux autres.

Ainsi, lorsqu’il le pouvait et arrivait à trouver Tanya qui adorait prévoir son lieu de cours au dernier moment, il s’accordait ce moment de relaxation. La jeune femme aurait adoré l’avoir à tous ses cours, mais Joey n’avait pas de téléphone. Impossible donc de lui envoyer un message pour le prévenir.

Joey fit le vide dans son esprit, se concentra sur chaque mouvement de son corps et se prépara à un moment d’apaisement béni pour la prochaine demi-heure. Il ferma les yeux, entendant la voix de Tanya comme venant de très loin, tandis qu’elle indiquait l’enchainement de mouvements. Il n’avait pas besoin d’écouter. Son corps savait. Il se laissa porter…

On a beau être un surhomme, on a beau avoir la capacité de faire des choses extra ordinaire, on en vient toujours à ce remettre en question. Et ceci est valable pour les héros comme pour les vilains. Personne dans ce bas monde ne peut passer certaines épreuves sans en être marqué. Parfois elle ne change rien à nos vies, parfois c'est tout le contraire et elle nous font agir autrement, souvent pour ne pas répéter les mêmes erreurs. C'est ce que vivait Slade Wilson ces derniers temps.

Le mercenaire n'avait pu le même train de vie qu'il y a six à huit de cela ou même si l'on regarde des années en arrière. Ce qu'il avait vécue successivement pendant sa présidence, pendant la présidence d'Amanda, pendant les quatre derniers mois l'avait fait évoluer et prendre un nouveau virage dans sa vie. A l’intérieur c'était le même homme, son code d'honneur et ses convictions n'avaient pas changés néanmoins sa vision du monde et sa façon d'y vivre étaient transformés. Il n'avait plus les mêmes envies ni les mêmes priorités. D'ailleurs c'était l'une d'entre elle qui l'avait amené à nouveau à Métropolis .

Slade voyait quelqu'un depuis quelques temps, ça faisait partit de son nouveau lui le faite de se laisser aller dans les bras d'une femme, lui accorder du temps, s'accorder du temps ensemble. Il ne le faisait pas avant, il avait des histoires d'un soir, avec des filles tout le temps différentes, la plus part du temps des contacts pour le boulot qu'il charmait pour le plaisir. Cette fois-ci c'était légèrement différent puisqu'il ne voyait qu'une seule femme, une jolie brune à lunette bien différente de ses autres conquêtes. Son caractère et sa façon d'être avec le mercenaire lui faisait penser à sa femme, Adeline, qu'il perdit de façon tragique. D’ailleurs il n'avait pas mit une croix sur sa vengeance et son envie de tuer Starfire.

Habitant en Rheelasia, travaillant sur place et ayant un poste très élevé dans le gouvernement il ne manquait pas de faire plusieurs allé et retour entre l'île d'Asie et le continent américain pour, voir sa dulcinée mais aussi remplir des missions personnelles. L'une d'entre elle - la plus importante - était de retrouver ses enfants. L'ancien président ne voulait plus être éloigné d'eux, il ne supportait plus de pas les voir, de ne pas savoir ce qu'il devenait, de ne pas être là pour eux. Son envie de famille refaisait surface - la période étant propice - il voulait réunir ses enfants à ses côtés.

Néanmoins la tâche fut moins simple qu'il ne pensait. Malgré des recherches qui devenaient de plus en plus intensives il n'avait aucune piste. Il savait pertinemment que pour Rose et Grant se serait très difficile, ils avaient tout deux la même manie que leur père, celle de se cacher formidablement bien quand ils n'avaient pas envie d'être trouvé mais il pensait que trouver Joey serait plus facile. Erreur.

A ce qu'il parait c'est quand on ne cherche pas que l'on trouve. Slade Wilson en fit l'agréable expérience.

L'ancien président, exceptionnellement, avait décidé d'aller chercher quelques fruits pour faire un jus à Kala, chez qui il avait passé la nuit. Ce fut donc au marché qu'il trouva son bonheur et bien plus encore. L'homme qui faisait profil bas laissa tomber deux pommes, loupant le sachet cartonné, quand devant lui il vit un jeune homme travailler pour un primeur. L'oeil grand ouvert, sa main molle ses forces le quittant sous l'étonnement, il regarda - d'un air abasourdit - son fils Joey chargé et décharger des cagette de fruits et de légumes sur un étale, tout sourire. Slade releva ses lunettes de soleil, se frotta l'oeil -se disant que le peux qu'il avait dormis et e vin lui donnait la berlue - puis les remit et continua à observer son fils, Joseph Wilson travailler comme si de rien était.

Quatre mois de recherches intenses dans tous les pays ainsi que le monde entier et il trouvait son fils dans un marché à quelques rues de là où il passait ses nuits. Totalement sidéré de la coïncidence il ne bougea presque pas et l'observa, payant sans regarder le marchand et se décalant à peine pour se cacher derrière une camionnette. Slade avait retrouvé son plus jeune fils et pourtant il ne fit rien.
Voyant le jeune prendre de l'argent et partir en saluant son employeur avec des signes de la mains utilisé par les sourds muets le mercenaire en déduit que Joey n'avait à nouveau plus sa capacité de parler. Ce n'était pas un soucis son père connaissait très bien le langage des signes.

Il était hors de question pour le quinquagénaire de laisser filer celui qu'il avait tant chercher mais il n'avait pourtant pas le courage d'aller lui parler tout de suite. Étrange pour un homme de sa trempe cependant le courage est une émotion singulièrement relative à chacun et Slade avait plus de mal à avoir une relation normale avec ses enfants qu'à archer une trachée à main nue. Ce fut donc de manière discrète que l'homme au cheveux blanc venu chercher des fruits pour faire un jus à sa donzelle changea de mission pour suivre le jeune blondinet qu'il avait prit en chasse.

Ce fut après quelques minutes de marche et l'entrée dans ce qui restait d'un parc que Slade s'arrêta sur un banc non loin d'une séance collective de yoga à laquelle son fils fut invité par une jeune femme.
Il avait du mal à le reconnaître, tout ceci ne lui ressemblant pas vraiment. Joey avait une vie plus calme que celle du reste de sa famille mais il restait une personne aux capacités extra-ordinaires qui avait plus l'habitude de vivre avec des gens de " son espèce " comme les Titans.
Celui que l'on connaissait aussi sous le pseudonyme de Deatshtroke essayait de comprendre ce qui avait pu changer chez son garçon pur qu'il se comporte de façon aussi banale. Avait-il lui aussi vécue quelque chose de fort pour qu'il en soit au point de renier ses pouvoirs et sa vie d'avant ?

C'était étrange, cette matinée était étrange, tout était étrange. Tout semblait si banale, pour lui , pour Joey, ce qu'il vivait était étrange, très loin de sa vie passé et pourtant pas si désagréable que ça.
Il avait prit sa décision à la fin du cours il irait lui parler.

En temps normal, lorsqu’il pratiquait ses exercices de Tai-chi, le monde qui l’entourait avait tendance à disparaitre. Ou du moins disparaissait tout ce qui était autre que son propre corps et les sensations qu’il éprouvait. Un mouvement lent, parfaitement exécuté, qui tirait le muscle. La peau sensibilisée qui goutait la brise qui venait par moment la caresser… Plus de pensées parasites. Uniquement un plaisir serein. Bien sûr, il restait conscient à un certain niveau des autres présences autour de lui. Celle de Tanya, devant, dont la voix calme et apaisante lui parvenait de loin. Celle de la jeune femme à sa droite qui se débrouillait assez bien. L’homme à sa gauche qui tentait de ne pas se laisser distancer, forçant de ce fait un peu plus que ce qui était nécessaire…

Pourtant, ce jour-là, il y avait autre chose. Il n’arrivait pas complètement à faire abstraction de ce qui l’entourait. Oh, il arrivait à se détendre, mais… Il y avait quelque chose qui le titillait. Cela avait commencé il y a un moment. Quand il était encore au marché. Mais il avait comme l’impression qu’on… l’observait. Qu’on l’observait vraiment, comme dans quelqu’un qui le surveillerait. Ce qui était stupide. Qu’est ce qu’on pourrait bien lui vouloir , Bon certes, il savait qu’il n’était pas trop mal fait de sa personne, s’il devait en croire les réactions de certaines personnes, mais c’était différent. Il n’arrivait pas à identifier la sensation que cela lui procurait.

Il essaya d’ne faire abstraction et y arriva relativement bien. Cela devait être son imagination. Il se concentra sur la voix de Tanya et se laissa porter. Il rouvrit les yeux quand il l’entendit l’appeler.

« Viens par-là, beau gosse. Faisons une petite démonstration. Montrons l’Homme. »

Joey acquiesça et vint se placer aux côtés de Tanya. Son regard se posa brièvement sur els élèves et il leur adressa un sourire amical. Avant de commencer, il aperçut brièvement quelqu’un assis sur le banc où il avait laissé ses affaires mais n’y prêta pas plus attention. Après tout, c’était un lieu public, et l’homme ne semblait pas vouloir le voler. Du coin de l’œil, il vit Tanya se mettre en position et fit de même. Puis, dans un bel ensemble, ils commencèrent. Il choisit d’adopter des mouvements fluides qui lui semblaient plus naturels, plutôt que de découper chaque mouvement. Cela aurait probablement plus facile pour les élèves pour apprendre, mais c’était là le rôle de Tanya. Lui allait montrer le résultat abouti.

Il parvint cette fois à oublier l’étrange sensation d’être observé par un autre que les élèves. Tout était une histoire de concentration. Le cours se déroula tranquillement, et lorsque Tanya signala que c’était terminé, il se rendit compte qu’une fois de plus, il avait perdu toute notion de temps. Il salua les élèves et eut un sourire sincèrement touché lorsque certains signèrent :

« Au revoir ! »

Ils avaient appris cela pour lui et oui, vraiment, ça le touchait beaucoup. Il se pencha pour embrasser la joue rougit de l’une des filles, ce qui la fit rire nerveusement avant de rougir encore plus. Derrière lui, Tanya éclata de rire.

« Tombeur, va ! Ménage le cœur de mes élèves, j’aimerai qu’elles puissent se concentrer sur autre chose que ton p’tit cul appétissant en mouvement. »

Joey esquissa une révérence exagérée, légèrement moqueuse. Tanya le frappa gentiment dans le bras avant de le saluer. Joey l’observa s’éloigner avant d’hésiter. Il avait encore tellement d’heures devant lui, sans trop savoir comment les occuper. Alors il ferma les yeux, inspira profondément et entama un dernier enchainement. Le ciel. La partie la plus longue, la plus complexe. Il fit durer à dessein certains mouvements, accentuant la difficulté. La sensation d’être observé était revenue. Se concentrer redevint difficile. Il tortura du coup un peu plus son corps, maintenant un équilibre atroce dans une position difficile. Puis, 20 bonnes minutes plus tard, il décida que cela suffisait. Il pourrait se faire mal en continuant, et il préférait éviter. Il avait besoin d’être au meilleur de sa forme, pour travailler. Il avait fini depuis peu de rembourser les soins de l’hôpital et devait encore payer le loyer. Avec un peu de chance, le mois prochain pourrait-il s’acheter quelques petites choses, pour le plaisir.

Il s’étira une dernière fois et passa les mains dans ses cheveux, les plaquant un instant en arrière. Il songea en les sentant humides que ses boucles allaient revenir en force. Il se dirigea ensuite vers le banc où il avait laissé ses affaires. Et où se trouvait toujours l’homme. Pour la première fois et tout en s’approchant, Joey l’observa réellement. D’âge mûr, une allure assurée, la carrure imposante. Le regard dissimulé derrière une paire de lunettes de soleil mais assurément rivé sur lui. Joey avait du mal à définir ce qui se dégageait de cet homme. Et d’identifier ce qu’il ressentait. Cette présence le… perturbait ? Non, plutôt… réveillait des sentiments confus. Il avait déjà réagi à la présence de membres de son entourage mais jamais ainsi. Etrange… Mais cela ne l’arrêta pas. Il continua, jusqu’à atteindre la partie où se trouvait son sac et son blouson. Puis il tourna le visage vers l’homme et lui sourit gentiment, le saluant d’un signe de tête. Instinctivement, il leva les mains et commença à signer.

« Bonjour. Je peux vous aider ? »

Avant de réaliser que l’homme n’allait probablement pas comprendre. Il lui adressa un sourire d’excuse avant de fouiller dans sa veste. Il y laissait toujours un petit carnet avec un stylo pour communiquer.

Slade Wilson était quelqu'un de patient quand cela était nécessaire, que c'était payant ou que ça valait vraiment le coup. Il pouvait sans problème attendre des heures sur un toit, un fusil sniper dans les mains, que sa cible s'arrête à l'endroit précis qu'il avait décidé pour lui mettre une balle dans la tête.
Ca n'avait rien à voir dans l'instant mais ça illustre assez bien la patience du mercenaire.

Ce fut donc patiemment que l'ex président des USA attendit sur le banc, où Joey avait posé ses affaires, que ce dernier finisse sa séance. Il fut tout de même attentif et ne quitta que très rarement du regard le groupe de personnes qui s'exerçaient au Tai-Chi restant même souvent fixé sur son fils.
Il ne manqua pas de voir sa prestation aux côtés de la coach et donc devant tout le monde. Joey bien que muet dégageait une prestance, un charisme que Slade, fier comme il est, qualifia d'inné chez les Wilson ce qui n'était pas tout à fait faux lorsque l'on connaissait les différents membres de la famille.

Sa théorie fut même prouvé lorsque que le cours fut finit et que Joey fit d'autant plus rougir une jeune femme qui avait déjà les pommettes bien rouges toute gêné. D'ailleurs la petite réflexion de la prof sur les fesses du jeune homme fit sourire Slade qui , malgré la distance, avait tout entendu.
Le charme des Wilson ne laissait jamais indifférent, Le patriarche en avait encore la preuve.

Bien que la séance fut finit Joseph continua encore pendant un moment ses exercices de Tai-Chi, enchaînant les mouvements se trouvant parfois dans des posture improbables. Se fut seulement après plus de vingt minutes que le blondinet s'arrêta et décida de rejoindre le banc sur lequel il y avait ses affaires mais aussi Slade.

Le mercenaire incognito, habillé de façon civile mais tout à fait élégante, même pour aller au marché le regarda s'approcher de lui. Le jeune homme lui souris et Slade lui rendit son sourire de façon bien plus expressive que l'on a l'habitude de voir chez lui. Leur regard se croisa et le quinquagénaire fut étonné qu'il n' y ai pas plus d'expression sur le visage du blondinet mis à part son joli sourire.
Slade lui rendit son signe de tête et regarda son fils signer pour lui parler.
Le langage des signes était totalement maîtrisé par le patriarche et ce fut avec aisance qu'il comprit ce que Joey venait de lui dire. Bien que ça fasse longtemps qu'il n'avait pu signé, Slade n'avait rien perdu, faut dire aussi que le mercenaire avec une mémoire des plus prodigieuse sur terre, lui permettant de tout enregistrer de façon extrêmement précise, complète et durable.
Ses mains se levèrent et tout naturellement il signa à son tour :

Bonjour Joseph , oui je pense que tu peux m'aider.

Durant l'échange de regard et de parole signé en langage des signes Slade comprit pourquoi son fils n'avait pas eu plus de réaction en le voyant. Il ne fallait pas avoir fait de longues études pour comprendre que le jeune homme était physiquement Joey mais que sa mémoire lui avait été enlevé et psychiquement il était surement une toute autre personne.
Amnésique, l'un de ses enfants qu'il avait cherché pendant longtemps ne se souvenait plus de qui il était ni de qui était l'homme d'un certain âge qui était devant lui.
C'était triste et à la fois une chance. Celle d'écrire une nouvelle histoire. La question se posait donc : Slade allait-il lui apprendre qui il était ou allai-il le laisser dans cet état pour construire quelque chose de nouveau avec lui ?

Joey avait pris l’habitude, depuis qu’il s’était réveillé sans souvenir à l’hôpital, de se retrouver entouré de personnes avec qui communiquer était assez difficile. Les personnes « normales » oubliaient souvent à quel point le fait de pouvoir parler était important, à quel point cela faciliter les interactions sociales. A l’hôpital, on lui avait dit que la cicatrice qu’il avait à la gorge était ancienne, et vu avec quelle facilité le langage des signes lui était venu, il avait compris que son handicap n’était pas récent. Son mutisme l’avait-il coupé des siens ? N’avait-il pas réussi à s’intégrer, à communiquer ? Il ne le savait pas. Mais espérait que ce n’était pas le cas. Après tout, depuis son réveil, il avait réussi à se construire des relations. Amicales, professionnelles et même plus si affinités. Même si ces dernières restaient limitées et tenaient plus des relations d’un soir.

Quoi qu’il en soit, Joey avait l’habitude d’être entouré de personnes ne comprenant pas le langage des signes. C’était ainsi. Sans entourage sourd, malentendant ou muet, les gens ne prenaient pas la peine d’apprendre une langue si compliquée à leurs yeux. Il en pouvait pas le leur reprocher. Il avait donc investi, dès qu’il l’avait pu, dans un petit carnet avec stylo qui ne le quittait jamais. Il ne comprenait donc pas vraiment pourquoi il n’y avait pas pensé tout de suite lorsqu’il avait voulu saluer l’homme assis sur le banc, à côté de ses affaires. Il ne pouvait pas plaider la fatigue due à sa matinée. Quel que soit son état, Joey n’oubliait jamais. Peut-être pour rattraper le trou béant que constituait son passé. Quoi qu’il en soit, cet oubli était surprenant. Il se hâta de le pallier en se penchant pour récupérer son carnet dans sa poche de veste.

Pourtant, un mouvement attira son attention. L’homme venait de lui répondre. En langage des signes. Un plaisir sincère réchauffa encore ses yeux vert avant même qu’il ne lise le message. Une personne qui communiquait comme lui, c’était tellement rare ! Du moins, il n’en avait pas croisé beaucoup, depuis sa sortie d’hôpital. Puis il se figea légèrement quand le sens du message lui parvint réellement. De la surprise passa dans son regard. Un peu de curiosité aussi. L’homme venait de l’appeler Joseph. Ils se… connaissaient ? Etait-ce là son nom ? la surprise laissa place à de l’espoir. Il signa sa question.

« Nous nous… connaissons ? »

Joseph… Joey… C’était peut-être bien son nom alors…. L’espace d’un instant, il entendit une voix hurler dans sa tête, comme dans ses cauchemars.

« JOEY !!! »

Il grimaça légèrement et leva une main pour frotter doucement sa tempe, là où battait une légère douleur. Le mouvement releva ses mèches blondes qui lui collaient encore un peu à la peau, laissant voir la cicatrice qui s’effaçait peu à peu. Bientôt elle aurait complètement disparue. Il avait eu beaucoup de chance, lui avait-on dit. Les lésions auraient pu être plus importantes. Il adressa un sourire d’excuse à l’homme.

« Excusez-moi si c’est le cas. Je… j’ai quelques problèmes de mémoire, ces derniers temps. »

Son regard ne quittait pas son vis-à-vis. A cause des lunettes de soleil, il avait du mal à voir les yeux de l’homme mais il ressentait une impression de… familiarité. Oui, comme s’il connaissait cet homme. Quant à ce qu’il semblait émettre…. Joey avait du mal à comprendre ce qu’il ressentait. Ce n’était pas la bienveillance qu’il percevait chez Bill. C’était autre chose, mais… Il mit ça se côté pour le moment. Il allait peut être avoir des réponses. L’espoir se fit plus pressant.

Après une grosse heure de traque, où l avait suivis sa cible à travers la ville détruite de Metropolis, laissant parfois de la distance entre lui et le jeune homme, mais aussi en étant très proche de lui. Après l'avoir observé faire des exercices de Tai-Chi assit sur un banc du parc dans lequel il se trouvait, le seul à ne pas avoir été totalement détruit par l'invasion de Brainiac, Slade pu enfin adresser la parole, si on peut dire, à son fils Joseph.

Ce derniers était étonné, posant d'ailleurs la question si les deux hommes se connaissaient. D'après ce Slade lui avait dit ça semblait évident mais pourtant c'était surprenant pour le blondinet.
Le mercenaire lui avait comprit que Joey souffrait d'amnésie, il ne savait pas depuis quand mais allait le savoir peut etre très vite si la conversation continuait. En tout cas Joey n'était pas le fils, l'homme, qu'il avait connus. Différents ne voulait pas dire moins bien, car il semblait épanouie mais sa façon d'être actuelle tranchait beaucoup avec celle qui était resté dans les souvenirs du patriarche.

A l'aise dans la technique, il reprit la langue des signes pour répondre à son fils qui lui même ne se doutait pas que c'était son père qu'il avait en face de lui.

Oui nous nous connaissons. Nous nous connaissons même très bien toi et moi.

Le tutoiement pouvait sembler étrange à Joey, qu'un homme, qu'il ne semblait connaitre ni d'Eve ni d'Adam, lui parle avec autant d'impudeur. Pour Slade c'était normal, il n'aurait pu le vouvoyer, lui qui avait déjà tendance à tutoyer très facilement ses adversaires lors d'affrontement ou de simple discussion malgré qu'ils n'aient jamais vu leur vrai visage par exemple.
Le visage du mercenaire était toujours tourné vers celui du jeune homme et il reprit :

Effectivement tu sembles avoir oublié beaucoup de choses, importantes pour la plus part, comme qui j'étais pour toi. Mais je t'excuse car ça ne doit pas être de ton propre chef. Il marqua un temps et laissa son regard scruter l'horizon. Si ça se trouve c'est même peut être de ma faute.

Metropolis .
Brainic.
La destruction de la ville.
La mort.

Slade se sentait responsable de tout cela malgré qu'avec le temps sa culpabilité s'amenuisait. Pourtant au fond de lui, au fond de son coeur il avait toujours l'impression d'être coupable de tous les malheurs que la ville et les gens qui étaient sur place, ont subis.

Son regard se reporta sur le visage de son fils qui bien qu'heureux de sa condition semblait perplexe de la rencontre fortuite qu'il venait de faire. Slade lui adressa un sourire de contentement avant de lui dire avec les mains :

Je ... je suis vraiment... ravie de te voir Joey .

Après des semaines de recherches, après des prises de contacts parfois désagréables avec des gens que Slade n'appréciait pas, après avoir presque désespéré il l'avait retrouvé. Même avec son amnésie, même si le blondinet ne se souvenait plus de qui était Slade pour lui, le mercenaire était heureux de le revoir. La réunification de sa famille avait débuté .

L’espoir, un sentiment puissant qui pouvait vous faire pousser des ailes ou au contraire vous enfoncer dans une grande déception. Jusqu’à présent, Joey n’avait pas réalisé à quel point il avait muselé ce sentiment. Oh, même s’il avait assez bien accepté son état, il savait vouloir un jour retrouver la mémoire, bien sûr. Mais à chaque jour qui passait, sans piste, sans réminiscence hormis peut-être ses cauchemars, il s’en était presque fait une raison. Sa vie n’était pas si terrible, après tout. Il y avait des gens bien plus malheureux et démunis que lui. Hormis son handicap, il était en bonne santé, pouvait travailler… Non, il n’était pas à plaindre, même au cas où jamais sa mémoire ne reviendrait.

Mais maintenant, face à cet homme qui le connaissait, qui savait qui il était, et qui lui faisait éprouver une sensation diffuse de… familiarité, l’espoir renaissait, puissant. Il connaissait déjà son prénom. Joseph. Joey. Une part de lui qui lui revenait. Une joie sincère teinta son sourire. L’homme face à lui le connaissait bien, très bien même, disait-il. Qui étaient-ils l’un pour l’autre ? Des amis ? Des membres d’une même famille ? Il avait tant de question à poser ! Mais il n’osait pas. Il n’était pas vraiment poli de harceler un inconnu. Qui ne l’était pas. Mais quand même. Il le tutoyait, ce qui étrangement ne gênait pas vraiment Joey. Donc oui, ils devaient bien se connaitre…

Sa tête le faisait souffrir, par moment, comme si quelque chose essayait de sortir. Ses souvenirs ? Il l’espérait. Mais pour le moment, ceux-ci ne semblaient pas vouloir faire plus que le faire souffrir. Alors il serra les dents et passa outre. Il eut l’étrange impression qu’il n’était pas étranger à supporter la douleur. Etait-il masochiste ? L’idée ne l’attirait pas vraiment (même s’il ne reprochait absolument rien à ceux qui l’étaient, chacun menait sa vie comme il le voulait) mais après tout, s’il l’était avant… bref, hors sujet. Passant outre ce qui avait des chances de se transformer en puissante migraine, il concentra toute son attention sur l’homme. Il allait vraiment falloir qu’il lui demande son nom.

Il s’excusa de ne pas se souvenir de son vis-à-vis, mais celui-ci ne lui en tint pas rigueur. Non, en effet, Joey n’y était pour rien. Enfin, il l’espérait… Il ne savait de son « accident » que ce qu’on lui avait dit, après tout. La dernière remarque de l’homme l’intrigua. En quoi son état pourrait-il être de sa faute ? Aux dernières nouvelles, il s’était pris la moitié d’un immeuble dessus. A moins que son vis à vis soit celui qui le lui ai fait tomber dessus…. Joey savait qu’il ne fallait pas juger les gens à leur apparence. Après tout, un être frêle pouvait très bien cacher un immense pouvoir. L’homme face à lui semblait ressentir une forte… culpabilité. Et quelque chose poussa Joey à essayer de le réconforter.

« D’après ce que l’on m’a dit, on m’a retrouvé dans les décombres d’un bâtiment, après l’attaque du dénommé Brainic. »

Il ne parlerait pas du reste… il n’avait pas envie d’aborder le sujet. Son regards ‘assombrit, l’espace d’un instant, mais il se reprit et continua.

« Alors à moins que vous soyez ce Brainic, je ne vois pas en quoi mon état serait de votre faute. »

L’homme sembla revenir de ses pensées, se concentrant à nouveau pleinement sur lui. Et lui dit qu’il était vraiment heureux de se retrouver. Joey eut à nouveau un sourire gêné, désolé. Il s’assit finalement sur le banc, cessant sur surplomber sur vis-à-vis.

« Je… suis vraiment désolé de ne pas être en mesure de répondre la même chose… »

Il y avait de la tristesse dans ses yeux, du regret. Mais l’espoir était toujours là. Il y avait plusieurs questions qui lui brûlaient les lèvres. Il fit le tri et en choisit une pour commencer.

« J’entends le prénom Joey dans mes… rêves. J’espérais qu’il s’agisse du mien. Je suis heureux que ce soit le cas. Je suppose que vous connaissez également mon nom de famille ? »

Ses yeux verts brillaient presque d’espoir. D’impatience aussi, dans une certaine mesure. Son nom… Il allait pouvoir commencer à se retrouver.

« Et pourriez-vous également me donner votre nom ? J’aimerai vraiment savoir comment vous appeler. »

Même si l’homme le tutoyait, il continuait pour sa part le vouvoiement. Ce n’était pas une marque de rejet, de sa part, mais… il lui venait naturellement de vouvoyer les personnes plus âgées que lui qu’il ne connaissait pas, ou qui représentaient une « autorité ». C’était de la plus élémentaire politesse et marque de respect. Alors oui, il connaissait l’homme devant lui. Mais son absence de souvenir rendait la chose pour le moins… compliquée.

Il resterait encore une question importante à poser, ensuite. Mais il allait procéder une information à la fois.