J'avais été douché par les bandes-annonces et certains éléments, dont l'extrême violence mise en avant et le "Fuck Batman", ainsi que quelques choix (Raven toute jeune, Starfire... comme ça), mais j'ai commencé vendredi soir... et j'ai fini dimanche après-midi, en ayant une folle envie de voir la suite le plus rapidement possible.
Si le début est effectivement "perturbant" pour quiconque connaît les personnages d'origine, tant les versions montrées en semblent éloignées, c'est parce que la série va prendre le temps d'amener ces personnages tous fracturés vers les formes que l'on connaît et apprécie. La violence d'un Dick Grayson agressif et quasiment incontrôlable en plein combat s'explique, et c'est autant cohérent que malin, et même touchant. L'allure de Starfire a aussi sa justification, et l'explication au
#10 a du sens, et est maligne pour que tout se rejoigne. Raven ne choque plus dans son principe après quelques temps, notamment via une Teagan Croft très impliquée et inspirée. Seul Garfield gêne un peu, car il est énormément mis de côté, même si les bribes sur lui (et notamment ce côté Peter Pan/"je ne veux pas grandir car je suis traumatisé" n'est pas bête et fonctionne bien).
Mais, surtout, les auteurs sont malins et inspirés : les évolutions sont logiques, les personnages font des erreurs, mentent, foirent, mais s'attachent, et je m'attache à eux. La violence s'adoucit parfois, mais s'explique en fait. Et, surtout, les auteurs ont le courage d'assumer clairement leur série : on est au-delà du name-dropping, on est dans un univers qui assume Batman depuis plus de quinze ans, une Justice League, et la fluidité de l'évocation de tout ça fait plaisir.
Mais, au-delà de ce plaisir geek, la construction des personnages, et le fait qu'ils soient tous fracassés, ça fonctionne... car s'ils sont brisés, ils se reconstruisent ensemble. L'idée de les opposer à la Nuclear Family, en soi l'idéal d'une famille parfaite mais agressive et mortelle, "forcée" donc, montre bien que les Titans sont une Dysfunctional Family - mais une famille qui veut être ensemble, et donc est supérieure à la Nuclear. C'est un peu basique, mais ça fonctionne, et ça rejoint l'idée de base de la franchise : les laissés-pour-compte, des grands héros ou du destin, s'allient, s'entraident et survivent ensemble.
Enfin, au-delà de la réalisation toujours très bonne (c'est certes violent et sombre, mais on comprend l'action, on voit ce qu'il se passe, et c'est tellement agréable), au-delà des acteurs vraiment inspirés et bien taillés (Brendon est Dick Grayson, la Donna Troy est juste parfaite, tant pour l'actrice que pour l'écriture du personnage, etc.), il y a cette volonté d'y aller à fond, et de ne pas miser que sur les "stars". Le temps, long, passé sur Hawk & Dove peut surprendre vu la faible popularité des personnages, mais ça fait la réussite de la série, qui prend le temps de montrer les conséquences de cette vie sur des paumés, des gens normaux qui, eux, auraient eu besoin de cette famille qui se construit en parallèle... sans eux, peut-être.
Le cliffhanger est terrible mais prévisible, le
#11 est un jeu plutôt fun et macabre mais efficace. La série est une très bonne surprise : je n'en attendais rien, j'ai été énormément accroché - car si je pensais y voir un dérivé de Batman V Superman, j'y ai trouvé finalement ce que je pensais devoir oublier... à savoir une adaptation maligne, logique, courageuse (l'épisode Hank & Dawn est un coup de poing terrible), et finalement très fidèle à l'esprit et même à la lettre des comics (même Starfire devient, très vite, une adaptation pertinente du personnage de papier).
Bravo, DC Universe, je ne vous pensais pas capables de ça. Vivement la suite, surtout après la scène post-générique... mais, surtout, le final du
#11, dont la noirceur si opportune n'est apaisée que par les bribes d'espoirs placés ici et là. Bien joué !