Into the dark side Jason baissa son arme, le canon de cette dernière encore fumant. Le coup qui était parti quelques secondes plus tôt résonnait encore dans sa tête, et ça allait de pair avec l’image de l’homme allongé à ses pieds dans sa propre flaque de sang. Il avait arrêté de tuer pendant si longtemps, en l’honneur d’un code et d’une morale auxquels il avait arrêté de croire il y avait encore plus longtemps – mais c’était comme s’il n’avait jamais arrêté. C’était facile de presser la détente, facile de faire face au sang et aux suppliques des derniers moments. Il avait suffisamment de recul sur la situation pour savoir que ce qu’il faisait, un jour, changerait la vie d’un gamin, d’une famille … d’innocents. Et si lui ne l’était plus, honnêtement, il s’en foutait. Ca faisait longtemps, très longtemps, de toute façon, qu’il l’avait perdu, son innocence.
Il rangea son arme dans le holster attaché à sa cuisse et se détourna du corps. Il avait couru après ce salopard pendant des semaines. Il croyait pouvoir monter un réseau de drogue sous son nez ? Il croyait pouvoir utiliser les gosses défavorisés de son trou puant en tant que mule et se jouer des lois et du reste du monde ? A quoi lui servait son compte en banque bien rempli maintenant ? A rien. Aucune liasse de billet ne pourrait le ramener à la vie, mais ça aidera les dits gosses dont il avait bousillé la vie. Jason en avait deux sacs de sports plein, bien assez pour payer de meilleurs avocats à ceux qui étaient en prison, et pour nourrir et renvoyer à l’école ceux qui avaient échappé aux flics. Cet enfoiré avait vraiment cru pouvoir sortir son épingle du jeu… A dire vrai, Jason n’aurait même pas pu lui tomber dessus s’il ne s’était pas laissé porter par son égo et s’il n’avait pas essayé de contacter la SSE pour se faire une place sous le soleil. Le voilà ton soleil, connard.
Rien que pour ça, il envisageait de rester au sein de la SSE plutôt que de se tirer, comme il l’avait initialement prévu. Il verrait. Il ne fallait pas que ça l’empêche de faire ce qu’il avait à faire.
Il récupéra les deux sacs de sport remplis d’argent, en jeta un dans son dos et tint l’autre par les poignées avant de se diriger vers la sortie. Les gardes qu’il avait mis à terre étaient encore couchés, plus ou moins inconscients. Jason était peut-être plus létale que lorsque l’ombre du Chevalier Noir pesait sur lui, il n’appuyait jamais sur la détente quand il n’était pas sûr que ceux qui étaient de l’autre côté du canon ne méritaient pas de plonger. Et sûr, bosser pour un maître de la drogue ne faisait vraiment pas d’eux des âmes immaculées, mais il ne savait rien de leurs raisons, de leurs vies. Affaire à suivre. Ou pas. Il aviserait si l’un d’eux refaisait surface.
Il enjamba une énième corps puis quitta l’entrepôt abandonné qui avait servi de lieu de réunion à tout ce beau monde (tellement stéréotypé). Gotham n’était qu’à quelques kilomètres, et Métropolis était encore plus proche, mais Jason préférait garder ses distances pour le moment. Même si, au choix, il préférait faire face à l’énorme boule de muscles et d’espoir de Métropolis qu’à son ancien mentor. Ce serait bien plus facile de regarder Superman droit dans les yeux et de lui dire qu’il ne croyait pas à ses boniments d’illuminés. Dire à Bruce qu’il avait eu tort de croire en lui – même si ça avait été de loin et sans aucun doute à contrecoeur – lui coûterait bien plus.
Jason chassa ces pensées avant d’ouvrir la porte d’un coup d’épaule. Et de se figer.
Car de l’autre côté l’attendait une ombre. La plus inattendue des ombres.
Ce fut Silver Banshee que Jason trouva derrière la porte qu'il venait de pousser. L’apparence était menaçante sans effort pour cela. Chez elle les efforts venaient plutôt quand il fallait paraître aimable et rassurante. Elle avait rencontrée Jason il y a peu de temps lors d’une excursion chez Lex Luthor. L’appeler le fils rebelle était d’ailleurs une référence à quelques choses qu’ il avait dit lorsqu’un Robin venu du futur poignarda sournoisement Batman et s’en pris à Batgirl. Les choses avaient ensuite mal tournées, s’emparant d’une technologie alien le robin du futur avait attaqué tout le monde et Banshee avait prise Jason et Batman pour les téléporter plus loin...Et s’en aller. Car ce robin du futur l’avait manipulée et poussée à affronter Killer Frost en lui indiquant qu’elle serait un jour tuée par Superman...pour trahir chacun d’entre eux.
Alors plutôt que d’essayer de sauver batgirl aux cotés de Superboy et Nightwing elle s’était évaporée. Elle n’allait pas risquer sa vie par altruisme, pas sans cameras pour la voir bien agir tout du moins. Elle était venue juste pour sa petite personne, une fois qu’elle pris conscience qu’elle avait été dupée elle n’avait plus de raison de traîner avec Batman et ses alliés, surtout quand ce nouveau Superman en faisait partie.
Elle ne s’était pas attendue à tomber sur Red Hood ce soir là. Depuis quelques semaines elle parcourait les Amériques pour connaitre la filière Colombienne du trafic de cocaïne. Un trafic de drogue en particulier, mais déjà tellement d'efforts. Elle comptait frapper ceux qui produisaient en Amérique du sud avec Terra, aussi étudiait elle en détail l’ennemi. Alors qu’elle espionnait ce point de revente aux USA ce soir là elle avait entendue des coups de feu avec sa super ouïe. Et avait vite comprise au son des coups de feu qu’un seul type d’arme était impliqué chez l’agresseur des trafiquants. Elle avait d’abord crue à un règlement de compte entre eux et s’était postée derrière cette porte pour accueillir bruyamment le criminel qui lui avait fait perdre son temps. En effet cette cellule de revente de drogue dissoute toute étude un tant soit peu complexe de leur hiérarchie devenait caduque car Silver Banshee pouvait arracher des aveux mais encore fallait il que la personne soit vivante. Des têtes changeraient, peut être même des concurrents prendraient ils leur place. Mais la rencontre de Red Hood n’était pas forcément une si mauvaise nouvelle que cela.
“Que dirais le père s’il savait cela?”
Elle avait un sourire plus ou moins mesquin. Batman avait surement déjà son lot de déceptions après le coup qu’avait fait ce Robin du futur, peut être n’était il plus à cela près mais elle se demandait bien quel était l’état de leurs relations après ce qu’il s’était passé à Metropolis. Toute déception, perte de confiance, ou défiance des héros les uns pour les autres étaient la plus grande des bénédiction. Car Silver Banshee le pensait, son salut viendrait de la perte d'envie de lutter des justiciers et non d'un énième tentative d'obtenir le pouvoir par les vilains. Que l'adversaire implose, que chacun soit livré à lui même pour le plus grand plaisir du spectre. Son visage durci se décontractait quelques peu, adoucissant ses trais. Elle ne cherchait pas à l'effrayer, au contraire. Il était de bien des manières un exemple à suivre pour les autres justiciers, à vrai dire s'ils pouvaient tous finir par agir comme lui ce serait parfait.
Jason haussa un sourcil en regardant Silver Banshee. Il baissa les yeux vers le sac plein d’argent qu’il tenait puis jeta un regard vers la porte encore ouverte derrière lui. Ce n’était pas n’importe qui devant lui. Silver Banshee disposait de tout un éventail de capacités qui faisait que… elle avait probablement tout entendu. Maintenant plusieurs options se présentaient à lui : où elle travaillait avec eux, où il l’avait devancé, où elle … quoi, se promenait juste dans le coin ? La logique seule suffisait à se débarrasser de la première option : si ça avait été le cas, elle aurait volé au secours des pourris à l’intérieur au lieu de le regarder de cet air si mystérieux. Ca résolvait aussi en partie la deuxième option. Si elle était vraiment venue dans la même optique que Jason, elle arrêterait de le regarder dans les yeux et s’assurerait que le salaire qu’il s’était grassement payé soit généreusement distribué.
Hors, elle le regardait, sans bouger, le visage fermé et le regard perçant. C’était un ennemi, il le savait. On le lui avait appris. Elle était de l’autre côté, hors… hors tout n’était plus aussi clair désormais. Il se rappelait de la mission chez Lex Corp et de son propre état bancal, et il se rappelait surtout que dans le brouillard qui s’était emparé de lui et qui l’avait baigné dans un état de dissociation presque continu, il l’avait regardé elle, et il avait vu en elle la personne qui lui ressemblait le plus. Il venait de quitter une scène de crime - son crime – avec l’argent qu’il y avait volé. Ca faisait longtemps qu’il n’était plus vraiment comparable avec Batman.
Et tant mieux.
Jason haussa une épaule alors qu’il se détendait malgré lui à la suite de la dernière remarque de Silver Banshee. Au moins, elle ne passait pas à l’attaque. Une adversaire comme elle ne serait jamais facile à mettre à terre.
« Le père ? » releva-t-il avec un sourire camouflé par son casque. Ca faisait longtemps que le père ne se souciait plus de ce qu’il faisait, et la preuve était bien là, dans le fait qu’il se tienne devant elle, entier, pensa-t-il avec amertume. Mais le fait que Silver Banshee soit un visage familier ne faisait pas d’elle sa nouvelle confidente non plus. « Pourquoi, tu te proposes pour aller le lui dire ? »
Il tendit finalement le bras, attrapa le battant de la porte qu’il venait d’ouvrir et le claqua derrière lui. Aux oubliettes le sang.
« Je ne te savais pas si déterminée à faire circuler la vérité. »
Elle ne distinguait rien de son visage derrière son masque rouge mais il lui sembla comprendre qu’il prenait sa remarque avec une pointe de cynisme ce qui lui plut beaucoup. Elle même était l’incarnation du cynisme: Aucune foi en l’humanité et aucune confiance en ceux qui prétendaient l’organiser, la diriger...et la protéger. Pas par méchanceté pure et gratuite. Enfin un peu quand même. Mais surtout elle ne voyait juste pas de sincérité dans les motivations de ses contemporains. Quand ils étaient sincères elle parvenait souvent à se convaincre elle même qu’ils étaient juste doués pour faire illusion. Il avait claqué la porte derrière lui, elle souriait en lui répondant.
“Oh non rassure toi j’ai d’autres occupations que diffuser cette...vérité.”
Elle approchait de lui les points serrés, s’arrêtant juste en face, baissant la tête pour regarder ce casque qu’il portait. Il était plutôt grand comme mec, bien qu’elle fit tout de même une tête de plus.
“Je ne te veux aucun mal, notre rencontre est purement fortuite. J’espionnais ces hommes pour remonter au sommet de leur hiérarchie.”
Elle marchait à coté de lui, ses yeux perdaient de leur blancheur lumineuse pour devenir plus ordinaires. De grands yeux noirs se posant sur lui, détaillant les contours de son corps. “Nous n’avions pas eu l’occasion de nous parler lorsque je fus appelé par ce visiteur du futur. C’était regrettable car tu aurais peut être entendu ma vérité. Celle que les autres ne veulent pas entendre mais qui ferait peut être écho à la tienne.”
Elle lui tournait autour, plissant les yeux en regardant ses armes.
“Tu travailles pour des concurrents de ceux que tu as visité ce soir?”
Elle faisait référence à ceux qu’il venait de descendre en finissant de lui tourner autour. Elle lui souriait mais il ne fallait pas s'y méprendre car ce qu'il répondrait pourrait tout a fait faire disparaître ces signes amicaux aussi vite qu'ils étaient arrivés.
Into the dark side Les pieds plantés au sol, Jason leva doucement la tête vers la banshee aux allures démoniaques qui le surplombait. Pas besoin de chercher à jouer dans la discrétion, elle n’était pas idiote : alors évidemment qu’il était sur la défensive. Les trente bons centimètres en plus ne le dérangeaient pas tant que ça (il avait fait équipe avec Kory un temps après tout…) et il n’était pas assez arriéré et stupide pour refuser de se voir en position d’infériorité quand il faisait face à une femme. (Même remarque, au final… Il avait fait équipe avec Kory.) Non, ce qui le mettait autant sur la défensive, c’était l’impressionnant CV de cette chère Silver Banshee. Des tympans, elle en avait percé par centaines, et encore, c’était là ce qu’elle pouvait faire de plus doux parmi son incroyable panel de qualités et talents cachés, et ils étaient si proches l’un de l’autre que si elle venait à vouloir le tabasser juste pour s’occuper, il n’aurait pas d’autres choix que d’encaisser douloureusement avant d’avoir une chance de lui rendre la pareille. Dans ce face à face, elle avait l’avantage, et de loin.
Ceci dit, Jason resta bien planté sur ses appuis. Sur la défensive, oui, mais pas peureux. L’adrénaline de ce qu’il venait de faire hurlait toujours dans ses veines ce qui le rendait un brin imprudent. Rien de mieux pour le… comment l’avait-elle appelé déjà ? Ah oui, le fils rebelle que de … et bien, de se rebeller.
« Tu m’étonnes, » commenta-t-il après le refus très poli de Silver Banshee d’aller faire la commère auprès du grand manitou. Sa prochaine remarque cependant le fit sourire malgré lui, et il laissa échapper un léger éclat de rire. « La hiérarchie ? Tu peux toujours essayer d’aller leur parler, mais j’ai bien peur qu’ils ne te répondent pas… »
Il haussa un sourcil quand elle se rapprocha de lui et se mit à lui tourner autour, comme un rapace guettant sa proie. Elle avait, après tout, un côté acéré qui n’était pas sans rappeler le bec d’oiseau ou les serres de faucon, mais il pouvait très bien en apprécier la valeur de loin. Il la laissa faire cependant, car, étrangement, il ne se sentait pas en danger. Pas plus que ça, disons. Cela le ramena, que ça lui plaise ou pas, à leur mission ensemble sous le joug du Seigneur des Ténébres version future. Les trois quart en étaient flous tant il avait été à moitié dans les vapes, englouti par sa folie du moment, mais il se rappelait très clairement d’elle. Il se rappelait avoir été assis à l’arrière de l’avion avec les autres et avec elle, et l’avoir regardé et s’être senti plus proche d’elle que de n’importe qui d’autre.
Il n’était pas sûr de ce que ça voulait dire, mais il savait qu’il n’avait pas vraiment envie de s’attarder dessus.
« Ta vérité ? » releva-t-il. Il tourna la tête vers elle. « On m’a toujours appris que la vérité était unique et indéniable – et c’est ce qui en fait la vérité, par définition. C’est l’interprétation qui est fluctuante. »
Mais il était intéressé. Sous sa couche de sarcasme et de je-m’en-foutisme, il était intéressé. Il en menait un, lui aussi, de combat pour une vérité différente de ce qu’on attendait de lui. Preuve à l’appui dans le hangar qu’il venait de quitter.
Il fronça les sourcils et attrapa Silver Banshee par le bras pour la stopper dans son petit manège. Mais surtout, surtout, pour rectifier ce qu’elle venait de dire.
« Je ne travaille pour personne, » répliqua-t-il, d’un ton acerbe. « Et leurs concurrents, je m’en occuperai aussi. » Il jeta un regard autour de lui. Coin peu habité ou pas, les coups de feu ça résonne, alors s’il ne voulait pas avoir à gérer une armada de flics, il devait mettre les voiles. « Désolé de t’avoir coupé l’herbe sous le pied ce soir, la prochaine fois, j’attendrais que tu les questionnes, mais en attendant, on devrait bouger. »
En écoutant parler Red Hood Silver Banshee compris qu’il était plus qu’un athlète qui visait bien. Il semblait en avoir dans la caboche et ne serait pas facile à manipuler. Il l’attrapa brusquement par le bras pour qu’elle cesse de lui tourner autour et bien qu’il s’excusa rapidement d’avoir dézingué des hommes qu’elle espionnait il en venait au fait: Ils devaient lever les voiles. Il avait attrapé son bras, elle tendait donc son autre main pour attraper celui de Jason, puis le fit tourner comme s’ils dansaient la valse. “Alors bougeons!”
Ils disparaissaient tous les deux et réapparaissaient après un instant passé dans le néant. Elle cessa de les faire tourner relâchant prise. Ils étaient dans un coin perdu de l’Idaho, au bord d’un lac de montagne. La berge était éclairée par les reflets de la lune et les lumières d’une cabane nichée sous les pins d’où jaillissaient les lueurs d’une lampe à pétrole.
“Cela te conviendra on est assez loin? Je peux t'emmener là où il fait jour si tu préfère..."
Mais les chauve souris aimaient elles tant le jour que cela? Elle reculait de quelques pas et le regardait de bas en haut. Son ton était acerbe, il avait du répondant. Il se méfiait et il avait probablement raison.
“Tu sembles bien décidé à faire du mal à des gens très puissants, sans rien attendre en retour. Même pas les remplacer toi même? Allons, tu es quelqu'un d'intelligent pourtant.
Personne ne t’aimera en agissant ainsi. Les justiciers te verront comme un pestiféré ne répondant pas à leurs exigences morales, ceux que tu attaques te verront comme un danger, une cible à abattre.”
Elle penchait la tête en lui parlant avec douceur. Elle connaissait la voie qu’il était en train de prendre. C'était la sienne ou du moins en partie. Mais elle devait essayer de lui faire renier, prêcher le faux pour savoir le vrai.
“Tiens tu réellement à la vie?”
Elle disait cela mais espérait au fond qu'il ne se débine pas. Qu'il réagisse avec force. Car en soulignant tout le précaire de sa situation, la quantité d’abnégation nécessaire pour faire ce choix elle voulait qu’il se dévoile davantage. Qui es tu Red Hood?
Into the dark side Jason manqua de perdre l’équilibre quand ses pieds retrouvèrent le plancher des vaches. Il lui sembla avoir laissé une partie de son estomac derrière lui, mais on ne le prendrait pas à dégobiller sur les pieds de Silver Banshee. Il ignorait ce qu’elle lui voulait, mais il savait qu’il préférait mourir – encore – plutôt que de montrer le moindre signe de faiblesse. Ca valait pour elle comme pour les autres d’ailleurs. Alors il préféra tituber sur place, son sac plein de billets toujours en main, et ravaler le haut-le-cœur qui était venu lui secouer les entrailles. C’était pas si difficile à faire, finalement.
« Putain, » grogna-t-il en retrouvant enfin son équilibre. Il jeta un regard en coin à Silver Banshee. « J’espère que tu n’as pas l’intention de me laisser en plan ici, parce que je te ferai payer le voyage de retour. »
Il pivota et se tourna face au lac auprès duquel elle les avait amenés. L’endroit avait son charme, il n’en doutait pas, mais il doutait qu’elle ait choisi cette location par pur hasard. La cabane aux fenêtres illuminées et la distance qui semblait les séparer du reste de la civilisation lui donna un semblant de réponse. C’était, selon lui, une de ses planques, ou, pire, une de leurs planques. Elle, eux, lui – bref, tous ceux qu’on n’a pas spécialement envie de croiser dans une ruelle tard dans la nuit. Le camp ennemi, quoi. Les yeux de Jason se figèrent sur le reflet de la montagne sur la surface paisible du lac. N’avait-il pas basculé lui aussi dans le camp ennemi ? Il était devenu un eux, et s’il venait à en douter, il avait un sac plein d’argent volé et du sang fictif sur les mains pour le lui prouver.
Il cligna des yeux et reporta son attention sur la Banshee qui s’était lancée dans un autre monologue. Elle faisait mouche avec chaque mot, évidemment, mais comme pour le haut-le-cœur qu’il avait ravalé, Jason était un homme fier. Un peu trop, probablement.
« Oh je t’en prie, si tu as quelque chose à demander, demande-le, » riposta-t-il.
Il jeta un autre regard à la cabane et la désigna d’un geste de la tête.
« C’est ton petit home sweet ho… » commença-t-il à demander avant de se couper quand elle reprit la parole et lui posa la question ultime.
Le premier réflexe de Jason fut de laisser échapper un éclat de rire qui n’avait franchement rien de joyeux. Son deuxième réflexe fut de noter ce manque de joie, et, enfin, il ravala toute envie de rire et la dévisagea juste, à la fois surpris de son audace et de l’enchaînement de pensée que ça avait déclenché chez lui. Il hésita un bref instant, mais ne put faire rempart à la sincérité qui lui avait saisi la gorge plus longtemps.
« Non, » répondit-il simplement. « Tu le sais aussi bien que moi – bien que pour des raisons différentes – la vie, ce n’est pas une notion si sûre que ça. » Il dévisagea brièvement la jeune femme devant lui. « Je fais ce que j’estime avoir à faire en espérant pouvoir tout finir avant que le gong final ne sonne, et c’est tout ce qui m’intéresse. Je me moque qu’on m’aime ou pas. Je ne suis pas comme les grands justiciers de ce monde – mais je ne suis pas comme ceux qu’ils combattent non plus. »
Son regard se fit perçant et scrutateur.
« Et je sais que tu essaies de me faire croire que toi non plus, tu n’es pas comme eux, Siobhan. Qu’est-ce que tu me veux exactement ? »
Que faire à part l’écouter ? Elle l’avait amené dans ce trou perdu pour ça, de toute évidence. Et, Jason s’en était rendu compte il y avait quelques temps déjà, l’époque où il prenait tous les vilains pour des fous sans raison était révolue. Bien au contraire, ils faisaient de plus en plus sens pour lui. Ce qui en soit aurait dû être inquiétant, mais honnêtement, à quoi bon ? Ce qui était fait était fait.
Elle s’était attendue à des réactions de rejet mais certainement pas à ce que fit Jason. La manière qu’il eu de rire à sa dernière question la surpris au plus haut point. Une sorte de rire nerveux et désincarné. Un rire sans joie, le genre de son qu’elle aimait entendre comme celui de la pluie sur la toiture percée de son château. Et celui ci s’arrêtât aussi brusquement, le jeune écorché de la mort la dévisageant avec aplomb. Elle ne s’’était certainement pas préparée à ce qu’il défie la mort, son apparence fantomatique, voir même...qu’il présente lui aussi à sa façon, un visage de la faucheuse. Il eu des propos mystérieux laissant planer un doute sur la réalité de la vie et de la mort dans sa situation. Siobhan pensa aussitôt à Tara Markov qui avait connue la mort et en était revenue. Elle était très imprégnée par celle ci dans sa vie d’aujourd’hui, et d’une certaine façon Red Hood le semblait aussi. Mais il semblait infiniment plus stable qu'elle. Il continuait à parler et elle l’écoutait, restant bien droite. Spectre immobile sur talons haut seul sa longue chevelure tombant sous ses cuisses était remuée par le vent frais venant du lac. Il se moquait qu’on l’aime ou pas, des justiciers ou des vilains. Seul sa propre voie comptait pour lui. L’anticonformiste par excellence. Il portait son masque et elle ne put apprécier l’air scrutateur qu’il avait en lui disant qu’il n’était pas dupe quand à ses intentions. Mais elle fut remuée quand il l'appela par son prénom, car c’était très rare que les gens le fassent. Peut être le percevrait il. La plupart des gens l’appelaient Banshee, ou Silver Banshee. Elle lui répondait en cessant de sourire tout comme lui. Mais elle ne lui retournait pas un air menaçant pour autant, car elle avait comprise à l’écouter parler que ce serait inutile.
“Ce n’est pas parce que j’ai tué des gens et que je continue de le faire que je suis une menace pour l’humanité tu sais. C’est vrai des fois il y a des innocents, quand c’est le cas il s’agis de maladresses irréparables sur lesquelles il ne servirait à rien de s'apitoyer longuement, car çà ne ramène pas les morts pour autant.”
Elle commençait à bouger doucement en marchand gracieusement sur les graviers du bord du lac, approchant d’une bande de terre menant à la forêt. “Mais la plupart du temps j’ai tué des gens armés. Qu’ils portent une arme signifie bien qu’ils sont prêts à danser avec la mort, alors pourquoi s'étonner que je vienne leur chantonner un air au creux de l'oreille?“
Elle finissait sa phrase avec un léger sourire lancé à son interlocuteur. Qui vit par l’épée périra par l’épée avait rapporté Saint Matthieu. Criminels, forces de l'ordre, soldats, mercenaires...tous portaient une arme car ils acceptaient le risque de devoir s’en servir, voir même voulaient s’en servir. Elle s’arrêtait sur la bande d’herbe où commençait l’obscur chemin vers la cabane un peu plus loin. “Je ne comptais pas t’abandonner ici, loin de tout. Mais plutôt...t’inviter à manger ou boire quelques choses?”
Elle se retournait vers lui. “Nous aurions l’occasion de mieux nous connaitre. Mais tu peux aussi refuser et je te ramènerais où tu le désire.”
Elle mordillait doucement sa lèvre inférieur en le regardant sous la lueur de la lune. Allait il emprunter ce chemin obscur? Allait il lever une partie de son masque en mangeant et buvant, et surtout en parlant?
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