Quest for Atlantis - Prélude [Dolphin]

Et dans le silence des profondeurs, dans l'obscurité de l'abysse, Dolphin l'a entendu. Et dans l'espace existant entre ses doigts palmés, entre deux battements de son coeur, Dolphin l'a entre-aperçu.

Un cri poussé dans les profondeurs existe-t-il vraiment quand aucune oreille n'est là pour l'entendre ? Et ce cri, la gorge de Dolphin n'a pu le retenir, comme s'il cherchait une bouche pour sortir et que cette dernière ne pouvait être que celle de Dolphin.

La drôle de jeune femme était apeurée. Comme un animal traqué, elle était partie en nage rapide dans n'importe quelle direction sachant que de toutes manières jamais il n'existerait un endroit assez loin, assez inaccessible pour éviter que l'horreur qu'elle avait vu ne lui tombe dessus.

La Terre était ronde et le prétendu infini des océans n'était rien par rapport à LUI.

Elle ne savait même pas qui elle était alors comment imaginer, envisager, concevoir, ce qu'il pouvait être LUI ?

Elle ne l'avait vu que dans sa tête et pourtant... elle avait frémi sous sa puissance. Elle avait senti - pour la première foi de sa drôle de vie - la puissance et l'effroi. Comme si la Mort venait de monter à cheval et de sa grande faux qu'elle moissonne tout ce qui avait un jour vécu.

C'était l'heure de la récolte et Dolphin comprenait qu'elle n'osera pas affronter sa propre disparition seule.

Et c'est ainsi que ses pieds agiles la conduisirent vers le seul endroit où elle imaginait pouvoir trouver un allié. Atlantis. La ville d'Orin. Lui, il saurait quoi faire. Lui, il n'aurait pas peur...

... et quand elle vit qu'Atlantis ressemblait désormais à la dimension maudite de Xebel, Dolphin s'arrêta, déboussolée.

Et quand son regard croisa celui de l'homme qui affrontait les Mages noirs, elle comprit qu'une lutte devait être menée. Et qu'elle devait la mener aux côtés de cet homme, même si elle ne comprenait pas pourquoi... même si elle croyait ne pas le connaître.

Dolphin fondit les poings en avant vers les belligérants, bien décidée à décocher un uppercut fulgurant aux sorciers des profondeurs !

Les projectiles, elle les esquiva sans trop se fatiguer. Elle était rapide, très rapide. Et au fond, faire la démonstration de son agilité en esquivant des trucs, elle avait l'habitude à Oceanworld.

Elle demeura interdite l'espace d'un instant quand Tempest évoqua le nom d'Orin.

"Orin ? Mon ami ? Tu... Tu es mon ami !"

La conclusion était sans appel. Dolphin ne s'était pas trompée en intervenant à son secours. Et là...

Kadaver s'était enfui. Il filait vite. Mais moins qu'elle. Et c'était l'adversaire de l'inconnu. Celui qui semblait tant perturbé par sa présence. A elle.

Dolphin pouvait passer pour une tête de linotte et une fille-poisson un peu décérébrée. Mais la réalité était autre : elle avait un sérieux problème de langage et une très légère phobie sociale... non pas qu'elle n'aimait pas les gens mais... elle avait toujours quelques difficultés à adopter un comportement adapté en leur présence, qu'ils soient surfaciens ou atlantes.

Pour autant, l'intelligence de Dolphin n'était pas défaillante : elle était juste autre. Différente. Sa sensibilité la rendant par moments imprévisible.

Et s'il y avait un truc qui caractérisait l'intellect de Dolphin c'était sa capacité à être totalement concentrée sur un seul et unique sujet, le reste passant totalement en arrière-plan...

... SON image avait envahi son esprit mais ce dernier avait été diverti par Tempest et son combat...

... et puis Tempest lui-même avait du s'effacer derrière Kadaver, le lâche qui fuyait et qu'il fallait rattraper.

Dolphin regarda un instant Tempest, lui sourit et opina du chef. Puis d'un coup de talons, elle fila aussi vite qu'elle put à la poursuite de Kadaver. Il s'agissait de rattraper le fuyard et de le percuter à toute vitesse, comme le lâche qu'il était...

... pourquoi cela ? Elle ne le savait déjà plus à supposer qu'elle l'ait su un jour...

Le monde des profondeurs était devenu fou. Se battant contre Kadaver, Dolphin devint victime de la magie du nécromant, prisonnière qu'elle était d'une terrible cage de corail, truffée de piques qui se rapprochaient dangereusement de sa peau délicate...

... puis Kadaver eut - lui-même - un incroyable revers de fortune en la personne d'un homme-requin qui le mutila. La cage disparut et Dolphin fut libre, mais le requin semblait avoir une drôle de conception de la reconnaissance qu'elle devait lui témoigner.

Et là, Tempest intervint à nouveau. Prêt à en découdre avec l'hybride requin.

Mais tout cela allait beaucoup trop vite pour la petite caboche de Dolphin.

Furieuse de tout cela, elle vint se placer quelques centimètres devant Tempest, juste histoire de.

Puis, elle serra les poings et - affectant une mine patibulaire - lança à King Shark :

"Selon mes règles, je suis dans la dette avec toi. Et selon mes règles, je te dis..."

Elle le fusilla du regard et lança un très sec :

"Merci"

Puis, sans se départir de sa posture guerrière, elle ajouta :

"Je suis à moi et si tu veux quelque chose de moi il faut demander. Sinon, je suis prête à me battre pour ma liberté. Tu veux jouer avec moi ?"

Car si Dolphin était profondément pacifiste, fallait pas abuser non plus !

Puis, elle lança à Tempest d'une voix plus douce, comme si King Shark n'existait pas - ce qui voulait en dire autant sur les facultés d'attention de Dolphin que sur le mépris qu'elle ressentait pour son adversaire :

"C'est qui ce type ? Il est conquérant de quoi ? Et... pourquoi tout le monde est fou maintenant ?"

Dolphin se sentait comme la boule du flipper, ballottée d'événement en événement sans pouvoir contrôler ne serait-ce qu'un peu sa trajectoire. Kadaver l'avait vaincue et King Shark l'avait à sa merci. L'un comme l'autre cédèrent la place à un nouveau joueur, sans qu'au fond Dolphin ait à réaliser quoi que ce soit.

La vie était un grand spectacle comme à Miami, où les otaries laissaient la place aux dauphins facétieux. Comme ici, l'homme à tête de requin laissait la place à la parade sinistre d'Ocean Master. Dolphin ne pipa mot et écouta un inconnu qui semblait la connaître très bien lui expliquer par le menu comment Atlantis était devenue une ville ouverte, une ville prête à être prise par le premier venu. Elle ne dit rien car elle avait toujours été seule. Car, la splendeur d'une Atlantis unie, elle, elle ne l'avait contemplé que de l'extérieur...

... si elle tiqua au nom d'Orin et faillit dire qu'il s'agissait de son ami, elle se contrôla. Garth lui expliquait des choses autrement plus importante que faire la liste de ses amis. D'ailleurs, en fait d'amis, Atlantis ne semblait plus en avoir.

Elle prit la main de Garth et l'écarta un peu plus de la parade sordide. Qu'Ocean Master investisse cette ville, peu lui importait ! Car ses rêves et ses songes recelaient des réalités encore plus noires...

"Toi... Tu me connais ?" se hasarda-t-elle, tout d'abord, plongeant deux yeux inquisiteurs dans le regard de Garth.

Puis, elle ajouta, toujours maladroitement, à la manière du manchot qui - habile sous les flots - avait la démarche difficile et douloureuse :

"J'ai dans ma tête des images qui font mal. Tu l'as vu ? Le vieux monsieur qui fait peur et qui domine le monde ? Tu l'as vu, hein ?"

Elle pressa fortement la main de Garth, sans le faire exprès. Elle la lui aurait broyé, même, si ce n'était la physiologie atlante de Garth. Car, ce qu'elle voyait derrière ses yeux une fois le mur du sommeil franchi... cela la terrorisait plus que tous les King Shark et Ocean Master réunis !

Elle ajouta, en guise de sinistre conclusion :

"C'est pour ça qu'ils sont tous là, non ? Kadaver, l'homme-requin, Ocean Master... ils savent qu'IL est de retour et que le monde est bientôt fini, non ?"

C'était dit avec une certaine naïveté et sans malice aucune : un cycle prenait fin et Dolphin n'était pas vraiment sure de faire partie des joueurs qui joueraient la partie suivante...

Voir à travers les yeux de Garth, c'est comme assister à un film. Sauf que la vie qu'elle voyait... était en partie la sienne.

Elle ne le connaissait pas Garth mais lui la connaissait. Du moins, une fille qui était comme. Une fille qu'il avait aimé et qu'il avait perdu. Elle était perdue. Son empathie naturelle pour toutes les créatures vivantes l'encourageait à aimer cet inconnu mais...

... un truc en elle lui fit comprendre qu'elle ne devait pas - en l'espèce - se laisser aller à un tel abandon. Créature de l'instinct elle était, mais une certaine pudeur la retenait : ce Garth avait souffert et elle comprenait bien que sa gémellité avec la femme qui avait été la sienne était perturbante pour lui. Déstabilisante. Et qu'elle se comporte - par mimétisme - comme l'autre, la Dolphin qui avait été la sienne, ne serait pas juste. Ni pour lui. Ni pour la disparue.

Pourtant, l'amour s'était insinuée entre deux battements du cœur de Dolphin. Mais un amour qui n'était qu'emprunté à celui ressenti pour une autre par cet homme qui tenait sa main dans la sienne.

Et puis... le Roi-Mort. Atlan, le Roi-Mort. Le vieil homme de ses visions. Celui qui lui faisait peur.

Clairement, elle ne sut que répondre. Prise entre un amour qui n'était pas le sien et une crainte qui était universelle, Dolphin comprit que l'heure était au repli stratégique. Des Ocean-Masters pouvaient bien parader dans les rues désertées d'Atlantis, un péril plus grand encore allait bientôt fondre sur eux et sur la planète entière.

Et c'était un travail pour lequel ni elle, ni Garth, n'était de taille.

Alors, courage, fuyons ! En attendant de trouver les alliés qui pourraient leur permettre d'empêcher un génocide planétaire en perspective...