L'amitié, la chose la plus précieuse dans l'Univers... ~ Wonder Woman

Ses séjours à Themyscira se faisaient de plus en plus rares – et à raison. L’univers était sens dessus dessous, la Terre se relevait à peine pour seulement trébucher de nouveau. Il s’en était passé des choses récemment qui avaient éloigné Diana du Conseil de l’Univers – temporairement – et qui l’avait forcée à concentrer ses efforts sur ce monde si extraordinaire qu’était la Terre. Elle devait repartir, elle devait toujours repartir, mais Shiera… Shiera lui avait donné le prétexte parfait pour un détour par chez elle. Et dès qu’elle avait posé ses yeux sur les reliefs, les collines et les colonnes blanches, Diana avait pris conscience du manque qu’elle avait ressenti. Elle aimait le monde des hommes ardemment, et elle le prouvait régulièrement, mais son île, l’Ile du Paradis, restait son havre personnel.

Ceci dit, ça ne voulait pas dire qu’elle ne pouvait pas, ou ne voulait pas, le partager. Surtout pas quand il s’agissait d’une amie précieuse. Le fait qu’elle soit une amie aidait grandement les choses, d’ailleurs.

On vint la prévenir de l’arrivée de Shiera et Diana ne perdit pas de temps à flâner dans les couloirs. Elle se précipita vers le hall, le bruit de ses sandales clinquant contre le marbre frais et son cœur battant joyeusement dans sa poitrine. Elle passa ainsi les doubles portes qui la séparaient de son amie et déboula vers cette dernière sans crier garde.

« Shiera ! » s’écria-t-elle en guise de salut.

Elle écarta les bras et accepta l’étreinte de son amie avec plaisir. Elle pouvait sentir le rebondi de son ventre prononcé contre elle, et ça ne faisait que l’enchanter encore plus. Elle n’aurait pas été étonnée d’apprendre que ses sœurs qui avaient amené Shiera jusqu’ici ne l’ait assailli de questions et d’exclamations. Une femme enceinte foulait les terres des Amazones ! Ca n’était pas arrivé depuis… En fait, ça n’était jamais arrivé. Et Diana était une Amazone comme les autres : elle adorait les bébés.

Elle s’écarta quand Shiera mis fin à leur étreinte, mais elle garda ses mains sur les épaules de son amie avant de baisser les yeux vers le ventre de cette dernière, un grand sourire aux lèvres.

« Il y a toujours quelque chose à faire, » dit-elle ensuite. « Tu le sais aussi bien que moi. »

Elle lâcha finalement Shiera et lui sourit doucement.

« Je suis contente que tu aies fait appel à moi. Tu seras en sécurité ici, mes sœurs s’en assureront, que je sois là ou pas. » Son sourire s’agrandit. « En fait, les guérisseuses m’ont demandé de te dire qu’elles sont prêtes si accouchement il doit y avoir sur Themyscira. Entre nous, je crois qu’elles espèrent toutes mettre au monde une petite fille à qui tu donnerais l’un de leurs prénoms en guise d’hommage. »

Elle poussa un petit soupir amusé.

« Artémis t'a bénie de fertilité et d'une naissance à venir, mon amie. Mais dis-moi, comment vas-tu ? Et comment va Carter ? J’ai cru comprendre que l'arrivée de cet enfant l’avait rendu encore plus, mmmh… impulsif. »

C’était une manière comme une autre de le dire. Diana adorait Carter, mais elle avait été élevée sur cette île, et sur Themyscira, on croyait fermement que certains évènements, certaines choses dans la vie d’une femme n’appartenaient qu’à elle. Shiera verrait très vite le changement lors de son séjour avec ses sœurs, et Diana était enchantée par cette perspective.

Diana hocha la tête avec un léger sourire compréhensif. Si elle aimait le monde des hommes, malgré toutes ses faiblesses et ses défauts, Themyscira restait son havre de paix, et elle ne comprenait que trop bien que Shiera désire retrouver son propre monde pour donner naissance à son enfant. Diana pouvait l’imaginer si clairement que ça en faisait presque mal : la grosseur de son propre ventre, le bonheur de l’évènement à venir… Rien, si tout s’était passé comme cela aurait pu, rien ne l’aurait empêché de mettre au monde sa fille sous le doux soleil de Themyscira. Si c’était là le vœu de Shiera, elle l’aiderait à rester en sécurité, même en Egypte – et elle ne serait pas la seule. Sans nul doute que toute une armée d’Amazones déterminées se porteraient d’elles-mêmes volontaires pour servir d’escorte.

Mais la situation de Shiera restait particulière. Malheureusement pour cette dernière, ça allait bien plus que ses vœux et ce qu’elle voulait pour son enfant. Diana soupçonnait que, bien que très certainement maladroit dans ses formulations, Carter ne comprenne ça mieux que Shiera. Ils étaient réellement la preuve que l’amour complet, l’amour pur et fort existait tant ils se complétaient.

Encore une fois, ceci dit, il ne s’agissait pas juste d’amour. Ce qui était bien dommage.

« Après toi mon amie, » dit-il avec un petit hochement de tête et un geste du bras pour ouvrir le chemin.

Elle avait des suppositions quant à ce dont Shiera voulait parler, mais elle laissa malgré tout cette dernière aborder le sujet de la façon qu’elle souhaitait. Diana perdit rapidement son air extatique et excité pour une moue bien plus sérieuse et réfléchie. Shiera n’était pas seulement venue chercher l’amie, elle le savait parfaitement. Elle était également là pour la guerrière, et l’amour et l’amitié que Diana éprouvait pour cette dernière l’obligeait à lui fournir les conseils d’une amie et d’une Amazone aguerrie en même temps.

« Raconte-moi, » dit-elle simplement quand Shiera rouvrit finalement la bouche.

Elle lui prit la main instinctivement pour l’aider à s’asseoir sur le banc qu’elle avait choisi, avant de prendre place à ses côtés. Le nom de Hath-Seth ne la surprit pas, mais son implication soulevait une vague de colère vieille comme le monde. Cette colère qu’elle ressentait toujours face aux pires des injustices. Shiera et Carter s’étaient retrouvés et ils étaient sur le point d’amener une nouvelle vie dans ce monde. Parfois… parfois, il était dur de passer outre la cruauté du hasard.

« Vous voudriez que nous prenions les devants, » répondit-elle finalement. Ce n’était pas une question, c’était une affirmation. Elle dévisagea Shiera. « Carter et toi. Vous voulez qu’Hath-Seth tombe avant que ce soit lui qui vous fasse tomber à nouveau. Surtout maintenant que… » Son regard se baissa vers le ventre rond de Shiera. « Tu es consciente que c’est un combat que tu ne pourras mener, n’est-ce pas ? Si nous le trouvons et si nous l’attaquons… tu n’es pas en état de lui faire face. Ce serait trop dangereux. »

Elle jeta un regard vers l’océan d’un bleu pur qui s’étendait à perte de vue devant elle. Le mirage n’avait en aucun cas perdu de son charme avec elle depuis qu’elle savait ce qui se trouvait réellement de l’autre côté de cette vue paradisiaque. La pollution, l’injustice, la colère et la guerre… Il restait bien trop de belles choses, même dans le monde des hommes, pour que le mal n’arrive à entacher la douceur de sa Themyscira.

Et l’amitié était l’une de ses choses. Diana n’avait même pas besoin de réfléchir.

« Mais moi je serai là, » reprit-elle. « Si combat il doit y avoir, je me tiendrais aux côtés de Carter – et aux tiens, d’une certaine façon. »

Elle reporta son regard sur Shiera et lui sourit sincèrement.

« Tu peux compter sur moi. »

La dernière réplique de Shiera arracha un éclat de dire à Diana. Si la réaction était sincère, elle n’était pas moqueuse ou pleine de jugement. Elle connaissait suffisamment Carter pour savoir qu’il était parfois maladroit avec ses mots, et qu’il pouvait paraître … borné, mais elle savait que Shiera n’était pas non plus une créature à plaindre. Forte de caractère, elle était au moins aussi têtue que son compagnon, et elle plaignait ceux qui avaient été témoins de leur discussion quand Carter avait imposé de force sa volonté à Shiera. Parce qu’il y avait forcément des témoins. Un échange aussi bruyant ? Personne n’aurait pu le manquer. Alors oui, ça l’a fit sourire d’abord, d’imaginer la scène, mais la demande de Shiera ne tomba pas le vide, et Diana reprit rapidement son sérieux. Car elle comprenait la position de Carter, ainsi que celle de Shiera, et elle ne pouvait s’empêcher de penser que quelque part en elle, Shiera était là pour avoir un avis tranché, pour savoir qui avait véritablement raison.

« Shiera, » laissa-t-elle échapper avec un petit soupir.

Elle posa la main sur le bras de cette dernière pour la stopper tandis qu’elle se plaçait devant elle. Oh, elle comprenait le refus catégorique de son amie. Diana avait été élevée à l’abri du contrôle de l’homme sur la femme, mais elle connaissait ce combat que tant de femmes menaient chaque jour, en dehors des frontières bénies de son île, et Shiera, bien que loin d’être une femme comme les autres, n’était pas différente en ce point. Mais il ne s’agissait pas juste d’elle. Plus maintenant.

« Je serais bien mal placée de prendre cette décision à ta place – et personne ne le devrait. Je sais que Hath-Seth vous traque depuis trop longtemps et que maintenant, plus que jamais, vaincre sa malédiction est vital, mais Carter ne sera pas seul. Je ne suis certainement pas la seule personne qui accepte de se tenir à vos côtés. »

Elle baissa les yeux vers le ventre de Shiera et esquissa un petit sourire.

« Tu ne dois pas oublier que tu agis pour deux maintenant, mon amie. Si c’est un risque que tu es prête à prendre… es-tu sûre de vouloir faire face à toutes les conséquences possibles ? »

Elle releva les yeux vers ceux de Shiera. Ce qui était arrivé lors du combat contre Darkseid, les enfants venus du futur et la mort d’Althéa, cette adolescente pleine de colère, était passé sous les radars pour beaucoup. Dans le chaos et la peur, il avait été facile de louper l’implication de cette bande d’enfants débordant de courage, mais Diana, elle, n’avait pas oublié. Comment le pourrait-elle ? Elle avait entrevu un futur qu’elle ne pourrait plus avoir, elle avait fait face à la vie qu’elle aurait dû faire naître, avant qu’on ne la lui retire à jamais. Ce que Shiera avait… c’était ce qui la hantait. Mais elle gardait la tête haute, car il ne s’agissait pas d’elle mais de son amie. Et elle devait aller de l’avant.

« N’agis pas à la légère, c’est tout ce que je peux te conseiller. Ne mets pas en péril ce futur que vous avez ensemble, tous les trois. »

Elle marqua une pause et esquissa un autre sourire.

« Mais quoi qu’il en soit, je ne te forcerai à rien. Tu es libre de tes choix. Et je doute, de toute façon, avoir l’autorité suffisante pour te faire plier et t’obliger à rester. Si tu peux m’accorder une faveur, ceci dit… Si tu décides de continuer sur cette voie et de suivre ton plan initial, dis-le nous. Ne nous garde pas dans l’ombre et n’agis pas dans notre dos. Et préviens-moi en avance, veux-tu ? Quelque chose me dit que les forgeronnes de Themyscira seraient ravies de te concocter un petit quelque chose qui pourrait t’aider à te protéger, toi et ton enfant, » conclut-elle avec un nouveau sourire en coin.

Diana dévisagea Shiera un moment, en silence. Elle comprenait. Elle comprenait plus que tous le désir de se battre pour ceux qu’elle aimait et ce en quoi elle croyait. Elle comprenait aussi le refus de se laisser de nouveau happer par une malédiction qui la privait de sa vie à chaque fois – surtout maintenant qu’il ne s’agissait plus seulement d’elle et Carter. Et elle comprenait, évidemment, le besoin d’avoir droit à sa parole, d’avoir toujours le droit de décider ce qu’elle voulait pour elle-même. Shiera avait raison : tout ça, ça ne faisait que la ramener à des heures bien sombres, mais ce que Shiera n’avait pas dit – par amitié ou politesse – c’était qu’il ne s’agissait pas là de ce qui était arrivé avec Darkseid et son… son enfant. Diana ne pouvait projeter son propre passif sur celui de son amie. Et pour être honnête, elle ne comprenait que trop pour ne serait-ce que tenter de lui faire changer d’avis. De ce qu’elle en savait, Shiera avait bien assez de Carter pour ça.

« Ce sera dangereux, » finit-elle par dire en soupirant. « Mais… Tu es une guerrière. »

Elle esquissa un sourire et jeta un regard vers le ventre protubérant de Shiera.
#8A2316]« Et quelque chose me dit que votre enfant en sera une aussi. Mes sœurs ont raison, d’une certaine façon. Ta fille aurait sa place sur Themyscira. »[/color] [/b]

Elle soupira puis reprit la marche qu’elles avaient arrêtée pour attaquer le vif du sujet.

« Je ne veux pas te faire changer d’avis, ou contrôler tes choix. Tu sais que jamais je ne ferai une telle chose. » Elle sourit un peu plus. « Carter peut essayer de te faire rester ici de force autant qu’il le veut, je crains qu’il ait du mal à trouver qui que ce soit sur cette île qui l’épaulerait dans son plan. »

Elle s’arrêta de nouveau tandis que son ton malicieux s’effaça dans la légère brise chaude qui les accompagnait. Comme un peu plus tôt, elle se positionna devant Shiera, pour souligner le sérieux de ce qu’elle était sur le point de dire.

« Je me tiendrai à vos côtés, Shiera. Toi et Carter. Vous pouvez compter sur moi. Mais permets-moi de t’offrir un petit quelque chose pour célébrer cette vie que tu portes et, je l’espère, la liberté que vous pourriez enfin avoir. »

Elle leva la main pour montrer le bracelet en métal qu’elle portait – jumeau à celui qu’elle avait à l’autre main, elle ne s’en séparait jamais. Même sur Themyscira, où elle préférait souvent porter des vêtements moins cérémonieux, moins guerrier. Ce n’était pas juste une partie de la tenue de Wonder Woman. C’était une partie d’elle.

« Laisse-moi t’emmener aux forges de Themyscira. Mes sœurs te fabriqueront des protections adaptées. » Elle sourit. « Je crois que c’est commun parmi les humains d’offrir à la future maman un cadeau. Si tu le veux bien, ce sera le mien. »

Les doigts de Diana se serrèrent autour de ceux de Shiera – pas assez pour lui faire mal, mais avec force malgré tout. Elle était familière avec cette tradition du mondes Hommes, en effet, mais jamais elle n’aurait… jamais elle n’aurait même pensé que Shiera lui ferait cette demande. Profondément émue, elle dévisagea son amie, bouche bée et le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine.

« C’est… » laissa-t-elle échapper avant que l’impact de la demande de Shiera ne l’atteigne vraiment, et qu’elle se mette à sourire. « Evidemment, » reprit-elle. « Ce serait un véritable honneur. »

Elle écarta ses mains de celles de son amie pour prendre cette dernière dans ses bras et la serrer contre elle. Peut-être que Shiera ne réalisait pas combien ce cadeau qu’elle venait de lui faire la touchait, mais c’était le cas. Cette petite fille viendrait au monde, aimée tellement fort par ses parents et… et sa marraine. Elle aurait toujours sa place ici, à Themyscira, et plus que tout encore, elle aurait le futur que… le futur qu’Althéa n’avait pas eu. Cette petite fille qui n’était pas encore arrivée, mais qui déjà avait chamboulé bien des choses, était le seul aperçu, le seul petit bout du futur que Diana avait entrevu quand la génération à venir avait voyagé dans le temps pour les prévenir. Un futur qu’elle pensait perdu à jamais.

Et que Shiera venait de lui offrir sans une once d’hésitation.

Les bras toujours autour de son amie, Diana la serra un peu plus contre elle avant de la laisser respirer. Elle s’écarta et cligna des yeux pour essayer de reprendre le contrôle sur l’émotion qui l’avait saisie.

« Merci du fond du cœur, mon amie. »

Elle baissa les yeux vers le ventre rebondi et sourit à nouveau.

« C’est moi qui aurait de la chance de l’avoir à mes côtés. » Elle releva les yeux vers Shiera et perdit son sourire en faveur d’un regard fort de sincérité. « Tu seras une excellente mère, tout comme Carter fera un très bon père. Cette petite fille a beaucoup de chance de vous avoir. »

Elle lui sourit une nouvelle fois puis prit sa main dans la sienne avant de reprendre la marche.

« Allez, rentrons. Le soleil est fort ici, mais nos fruits sont rafraîchissants, tu verras. »