[Mission JL] L'infection

La vue de Diana n’était pas aussi efficace de nuit que celle du Docteur Mid-Nite, mais elle voyait assez pour que les dégâts soient terriblement évidents. Elle peinait à croire que la zone n’avait été attaquée ‘que’ par un virus, quand toutes les infrastructures étaient touchées et que la nuit était dérangée par les feux qui vacillaient ici et là. C’était une zone de guerre, ni plus ni moins, et le vacarme lointain, les bruits de lutte ne faisaient que renforcer cette impression. C’était… C’était une vision des plus terribles, surtout après le calme dont ils avaient pu bénéficier après la victoire contre Darkseid. Une partie d’elle craignait que ce soit là encore une des conséquences de cette victoire, que cette dernière n’ait pas été aussi complète qu’ils l’avaient d’abord pensé, mais elle s’efforça de se détacher de cette effrayante idée. D’un, l’heure n’était pas à l’angoisse ou la panique mais à l’action, et de deux, Darkseid avait été vaincu et cette menace était réelle et loin d’avoir été terrassée.

Les paroles de ses coéquipiers la forcèrent à détacher son regard de l’horizon à leurs pieds. Barry agissait en bon scientifique qu’il était, et bien que ses intentions soient louables, elle craignait que ses envies de prélèvements ne mènent à rien. Il n’était probablement pas le premier à se pencher dessus. Mais il était minutieux et s’il avait besoin de s’approprier le côté moléculaire et scientifique de ce qu’il se passait pour avoir une idée, alors qu’il le fasse. Elle hocha la tête de façon appuyée quand il suggéra à Zatanna de tenter d’identifier si la source de cette maladie était magique ou pas. Ca avait été son premier réflexe aussi, sa première pensée. La contagion avait été si rapide, et impardonnable, ce qui pouvait très facilement laisser entendre l’intervention de forces surnaturelles.

Mais en attendant… Quoi ? Se séparer comme Barry l’avait suggéré ? Alors que l’endroit était en plein chaos et qu’ils pourraient avoir besoin de se défendre les uns les autres ? C’était un pari risqué qu’elle n’était pas sûre de vouloir prendre si tôt, sans s’être fait une idée encore plus précise de la situation. Il fallait amener Barry et sa curiosité scientifique vers les malades, et cela les projetterait dans le cœur de l’action. Non, décidément, cette idée ne lui plaisait pas.

« Ne nous séparons pas – du moins, pas pour le moment, » intervint-elle avec un regard vers Jade, pour ainsi entendre l’avis de cette dernière, qui lui était cher. « A seulement deux, nous passerons toute la nuit à essayer de calmer les émeutes, et cela pourrait nous faire perdre un temps précieux. Sans compter que vous pourriez avoir besoin de nous. »

Elle se tourna vers Pieter.

« Les malades sont tous rassemblés au même endroit, j’imagine. Peut-être devrions-nous commencer par-là. »

Mieux valait se rapprocher de l’épicentre. Barry pourrait se pencher sur le côté scientifique. Zatanna serait baignée dans la maladie, et en déterminer ou non l’origine magique pourrait alors être plus facile. De son côté, elle espérait y trouver un semblant de sécurité. Dans une telle situation de crise, éviter la propagation du virus était une manœuvre clé. S’il restait une police en ville, elle serait là-bas.

Le patient zéro n’était plus vivant, et cela ne leur faciliterait plus la tâche, mais elle n’éliminait pas la possibilité de devoir remonter cette piste pour tenter de comprendre. Avant tout, ils devaient voir d’eux-mêmes ce qu’il se passait.

Les faits étaient là pour donner raison à Fire. Ils étaient en retard, en effet. La Justice League avait changé dans son fonctionnement après le combat contre Darkseid et, la plupart du temps, ces changements avaient été plus que positifs. Mais les reproches à demi-camouflés de Fire soulevaient un problème réel : ils étaient en retard, oui, et quand tout cela serait terminé, il leur faudrait trouver pourquoi ils avaient mis tant de temps à voir cette situation comme urgente. Car une chose était sûre, l’urgence était belle et bien au rendez-vous. Elle reposa doucement Docteur Mid-Nite après l’avoir transporté à bout de bras, et se posa près de ce dernier, toute son attention redirigée vers le camp autour d’eux.

Elle avait cru horrifiante la vision de ces … infectés débordant de la bouche de métro comme un raz-de-marée impossible à arrêter, mais plus les secondes passaient et plus il était évident que ce n’était là qu’une petite partie de la vérité de ce qu’il se passait dans le coin. Le camp dans lequel les avait amené Fire semblait protégé de toute part par une frontière de flammes vertes maintenues par cette dernière et qui témoignaient de sa grande puissance. Mais aussi de la gravité de la situation. Tous ces gens… Leurs conditions de vie…

C’est à peine si elle détourna le regard du triste spectacle autour d’eux tandis que Fire répondait à leurs questions et qu’un nouvel arrivant affirmait sa présence et son mécontentement. Elle nota plusieurs tables sur lesquelles étaient entreposés des équipements médicaux. Trop peu et pas assez variés, mais elle eut l’espoir que cela suffirait à Barry pour faire une percée dans toute cette histoire. Il avait déjà fait beaucoup plus avec tellement moins après tout…

Elle n’eut d’autre choix que de reporter son attention sur la conversation ceci dit, car rien ne se passait comme prévu. Pour changer, tiens.

Elle hocha la tête tandis que Flash prenait le parti de répondre aux accusations méfiantes de cet Eduardo, alias El Dorado.

« Nous ne sommes pas liés au gouvernement américain, mais je comprends vos craintes. Nous sommes, après tout, plus réputés pour nos actions en Amérique du Nord. » Elle jeta un regard attristé mais aussi déterminé autour d’elle et reprit la parole, dans un espagnol parfait cette fois-ci. « Vous avez besoin d’aide, et nous aurions dû vous apporter la nôtre bien plus tôt. J’en suis sincèrement désolée… »

Elle eut un bref hochement de tête, comme pour saluer El Dorado mais surtout affirmer l’honnêteté de ses paroles. Grâce à Fire, ils étaient en sécurité relative et ça leur laisser une chance de se regrouper et de finalement se mettre d’accord quant à ce qu’ils devaient faire maintenant.

Elle tourna la tête vers Mid-Nite pour lui demander silencieusement de la stopper si elle allait trop loin, puis elle se remit à parler, de nouveau en anglais, afin d’être comprise de tous.

« Si vous êtes d’accord, nous travaillerons avec vous pour essayer de trouver la solution à ce qu’il se passe ici. Vous restez en plein contrôle. Vous avez de toute évidence permit de sauver bien des vies et vous êtes bien plus au courant que nous. » Elle désigna Barry avec un petit geste de la main. « Flash dispose de grandes connaissances scientifiques, et pourrait peut-être s’entretenir avec votre équipe de médecins. Zatanna, ici présente, peut enquêter sur une possible source magique à cette infection qui s’empare de vos terres. »

Elle jeta un regard vers Aztek qui avait fait son entrée quelques instants plus tôt et hocha la tête dans sa direction pour le saluer.

« Dites-nous ce que vous savez. Et ce dont vous avez besoin. Ensemble, on doit pouvoir réussir à enrayer cette maladie. Nous n’avons pas le choix. »

Ils n’avaient pas le temps. Pas le temps de gérer une crise politique ou de faire les arbitres dans une querelle entre amis. Les héros locaux avaient bel et bien tenu face à la situation, mais ils étaient en train de s’affaiblir, et les tensions qui régnaient ne feraient que les mener encore plus à leur point de rupture. Oh, Diana était loin de refuser toute part de responsabilité. Certaines des accusations qu’on leur jetait au visage étaient bien fondées et cela lui fendait le cœur parce qu’elle y avait sa part de blâme. Trop occupée par le Conseil, par ses propres souvenirs, par son besoin de s’assurer que ce qu’il s’était passé avec Darkseid ne recommencerait pas… elle n’avait pas prêté assez attention au reste. Aucun d’entre eux ne l’avait fait. Mais ce n’était pas le moment d’en pleurer les conséquences ou de s’en taper sur les doigts. Elle verrait tout cela avec John Stewart plus tard. Pour le moment, les réfugiés, tous ces pauvres gens qui souffraient de cette mystérieuse infection devaient rester leur priorité.

Mid-Nite intervint avant elle, ceci dit, et le silence qu’il avait adopté jusque-là l’aida à asseoir son autorité. Personne ne pouvait discuter, de toute façon, car les infectés les rappelèrent eux-aussi à l’ordre. Ils n’avaient plus de temps et il fallait agir vite. Mais l’idée d’un virus extraterrestre faisant autant de dégâts étaient loin d’être rassurante, surtout après ce que le dernier virus alien avait fait.

Elle hocha la tête quand Fire implora leur aide, touchée par le désespoir dans la voix de cette dernière. Jade réagit au quart de tour également, et elle dirigea sa force vers les murs de flammes qui n’arrêtaient même plus les ardeurs des infectés. Ca laissait Diana avec ceux qui s’étaient mis à escalader les bâtiments qui jusque-là avaient efficacement servi de remparts. Jusque-là.

« Concentrez-vous sur les barrières de flammes, » dit-elle à Jade et Fire. Ces dernières représentaient la plus grande partie du périmètre de sécurité du camp, et elles ne seraient pas assez de deux pour essayer de les maintenir. « On reste en contact. Si vous êtes dépassées, battez en retraite. Inutile de prendre des risques inutiles, tous ces gens ont besoin de nous vivants. »

Elle jeta un regard en direction d’El Dorado et d’Aztek, mais garda pour elle ce qu’elle avait sur le cœur et les excuses qu’elle souhaitait formuler. Ce n’était ni le moment ni l’endroit, et elle le savait pertinemment. Elle se détourna donc vers le bâtiment et fila aussi vite que possible vers ce dernier. Une fois arrivée au sommet, elle détacha un énorme bloc de béton de la structure rendue tremblante par l’assaut qu’elle subissait. Diana s’approcha du bord pour faire tomber le rocher sur leurs assaillants, et c’était moins une. A la manière des fourmis, ils s’étaient alliés, accrochés les uns aux autres pour créer une sorte d’échelle grouillante horrifiante que ceux d’en bas pouvait utiliser pour se rapprocher du bord. Il faudrait plus qu’un simple petit caillou. Bien plus.

« Par Héra, » souffla Diana.

Elle détacha son bouclier et glissa son bras dans les lanières avant de s’assurer qu’elles étaient toujours aussi solides.

Puis elle se rapprocha du bord et sauta dans le vide qui n’en était plus un. Elle entra presque immédiatement en contact avec les infectés, mais recroquevillée derrière son bouclier, Diana plongea malgré tout. Joignant sa capacité de vol avec cette bonne vieille gravité, elle accéléra sa chute à travers la construction d’humains. Ils étaient partout autour d’elle, et elle en attrapait autant que possible pour les faire tomber et les renvoyer au sol, incapable de situer le sol du ciel ou de savoir à quelle distance du sol elle se tenait. Partout où elle regardait, c’était un mélange de membres, de cris, de corps décharnés, mais Diana ne se laissait pas faire. Elle poussait, écartait, rejetait et se débattait jusqu’à ce que, finalement, elle n’entre en contact avec le sol.

Elle se débarrassa de son bouclier en le jetant sur une nouvelle vague d’infectés qui revenait à l’assaut et joignit ses deux bracelets métalliques devant son visage pour les frapper avec force et ainsi libérer une onde de choc qui nettoya efficacement, bien que très temporairement, le terrain devant elle.

Au moins elle se tenait au pied du bâtiment, et elle était prête à le défendre coûte que coûte. Personne ne passerait !

Savoir la source de toute cette folie et contre qui ils se battaient ne leur conférait pas tout le pouvoir que Diana avait espéré. La situation ne cessait de s’empirer, et si elle était fine lame et brutalement efficace quand il s’agissait de combat en face à face, elle était, de toute évidence, impuissante contre un virus qu’elle ne pouvait même pas voir à l’œil nu. Les faits restaient troublants, et cette attaque de grande ampleur, aussi brusque que dévastatrice, du Corps de Sinestro était plus qu’inquiétante. John gèrerait l’enquête avec les autres Green Lantern, sans aucun doute, mais dans l’immédiat, il fallait trouver un moyen d’enrayer l’épidémie qui, à en voir Aztek et El Dorado, gagnait en intensité avec chaque seconde qui passait.

Barry s’envola – presque littéralement – à la rescousse du reste des réfugiés. Ils en avaient perdu un nombre inquiétant avec l’attaque du camp, mais il en restait, et tant qu’il en resterait, ils se battraient. Et même après, puisqu’elle préférait croire que les effets dévastateurs de ce Despotellis étaient réversibles.

Mais pour le moment, il fallait s’en éloigner rapidement. Par chance, Barry avait pris en main les civils, avec son efficacité légendaire. Diana, elle, gardait leurs arrières. Ce qui, aux vues des vagues d’infectés qui déboulaient sur eux, allait se révéler être de plus en plus dur.

« Comment on s’en débarrasse ?! » cria-t-elle en direction de Mid-Nite.

Elle chercha Barry du regard, tout en sachant qu’elle aurait dû mal à le voir de toute façon, mais elle se rassurait comme elle le pouvait. Face à cette menace, elle n’était en effet pas la plus efficace, mais Barry tout comme Pieter étaient des éléments vitaux. Ceci dit, ça ne voulait pas dire qu’elle ne servirait à rien, réalisa-t-elle tandis qu’Aztek et El Dorado continuaient à se battre et à mener les infectés vers eux en même temps.

« Allez-y, » cria-t-elle vers Fire et Docteur Mid-Nite. « Ecartez-vous ! »

Elle attrapa une voiture sur le côté de la chaussée et la lança vers la vague d’infectés en espérant les ralentir. Il lui fallait juste assez de temps pour… Elle attrapa son lasso et le lança d’un geste rapide et précis vers El Dorado et Aztek. La boucle se referma autour des deux héros sans aucune issue pour eux possible, et Diana tira dessus avec force pour la resserrer un maximum et raffermir sa poigne sur la corde, mais aussi le pouvoir que le lasso possédait.

« Qui êtes-vous ?! »

Avec un peu de chance, la vérité s’infiltrerait bien plus profondément que l’infection, et comme pour tout ce qu’elle confrontait, elle sortirait victorieuse et sur le dessus, forçant ainsi Aztek et El Dorado se rappeler de leurs convictions.
Ou alors la vérité s’infiltrerait en effet, oui, mais elle heurterait autre chose, quelque chose d’étranger à ces corps, mais d’assez conscient pour être saisi par le pouvoir du Lasso d’Hestia et être ainsi forcé à se révéler.

L’un ou l’autre… L’un ou l’autre lui irait. Elle continuait de reculer en tirant sur le lasso pour essayer de maintenir une distance de sécurité entre elle et les malades, et servir de dernier rempart entre les réfugiés et le danger.

Diana eut un mouvement de recul tandis que la paroi protectrice du dôme d’Aztek s’ancrait devant elle – et tout autour d’eux. De l’autre côté, les infectés qu’elle combattait encore quelques secondes auparavant se heurtèrent au bouclier, et elle eut ainsi tout le loisir d’observer les dommages faits par le virus conscient sur leurs corps. C’était dur de croire qu’il pouvait encore rester une conscience humaine derrière les regards fous et la chair rongée par la maladie, mais croire avait toujours été l’arme ultime de Diana – alors elle continuait de croire. Force était d’admettre, ceci dit, que la victoire serait peut-être plus longue à venir. Ils étaient en sous-effectifs face à des ennemis qu’ils n’avaient pas envisagés et qui étaient nettement mieux préparés qu’eux à ce combat. Sans oublier les communications coupées, le satellite en chute libre et les autres membres de la League qui pouvaient avoir été attaqués aussi.

Aztek avait probablement raison, et ça lui coûtait de l’envisager, mais battre en retraite était peut-être la meilleure chose qu’ils puissent faire à cet instant. Elle détestait ça, par Héra, elle détestait ça, mais ce n’était que ça, se promit-elle. Qu’une retraite, pas un abandon. Juste un regroupement.

Mais comment ?

Elle se tourna vers Flash, toujours à quelques centimètres des infectés avec comme seule protection la paroi du dôme entre elle et eux.

« Il faut que nous… »

Mais elle fut coupée par une voix qu’elle connaissait parfaitement et qui tombait à pic, comme souvent, bien qu’elle doutât qu’il s’agisse là d’une coïncidence. Ils étaient coincés, après tout, non ? A croire que Scott était attiré par les énigmes et les pièges sans issues apparentes. Ceci dit, aussi amusant que ça pouvait être, c’était surtout plus que bienvenue à cet instant. L’arrivée de Scott tout comme la technologie qu’il transportait, à savoir le Tunnel-Boum qui leur permettrait de mettre les voiles et de rejoindre le reste de la League, ou de stopper la chute du satellite.

(Cyborg était-il toujours dedans ?!)

« Aztek a raison, » dit-elle en direction du reste du groupe. « Nous devons prendre du recul. Je crois que ça va bien au-delà de ce qu’il se passe ici… »

Tous les signes étaient là. Ils subissaient une attaque à grande échelle, et sans communication, ça ne serait que plus dur d’y faire face. Il fallait se regrouper, et vite. Vite.

Mais pas sans d’abord faire une dernière chose – et probablement la chose la plus importante.

« Flash a rassemblé des civils qu’il a mis à l’abri dans le stade. Nous devons aussi les évacuer »