New-Genesis, quelque part sur le monde verdoyant :
Six mois plus tôt :A nouveau je m’effondre, à nouveau le sol m’attire et m’entoure de son linceul, peu à peu je vois le ciel s’obscurcir et je me sens m’enfoncer dans cette terre fertile qui me prend dans ses bras et me recouvre finalement, apaisant mes douleurs.
Alors qu’une myriade de racines et de radicelles s’insinuent dans mes chairs, je sombre dans l’oubli et l’inconscience bienheureuse alors qu’elles se nourrissent de mon être, drainant mes fluides empoisonnés de Radion.
Rien en surface ne laisserait penser que le corps que j’habite gît à quelques profondeurs car très vite fleurissent une multitude de petites fleurs blanches au cœur jaune rayonnant au-dessus et bien largement tout autour.
Ces mêmes fleurs qu’on voyait sur les tombes des rois du Nord sur Terre, sur les tertres d’Hyperborée au temps des héros et des enfants des dieux.
Mais cette candeur mortelle n’est que passagère, je m’éveille bientôt et me retrouve debout dans un monde lumineux et fluctuant. On m’a donné une toge qui me drape jusqu’aux chevilles et je ne ressens plus rien qu’une douce chaleur qui me traverse et me réchauffe.
Cet endroit, je le connais, j’y suis déjà venu en d’autres occasions et j’en suis parti plus ou moins cordialement. Je suis au centre de la Source et en balayant l’horizon, je reconnais au loin le Mur qui en borde l’espace, revenu à ses anciennes limites, celles d’avant la Multiplication et la Chute.
Le vainqueur se reconstruit sur les ruines des vaincus dont les vestiges flottent tout autour du noyau et s’émiettent en particules immédiatement utilisées pour édifier autre chose.
Au milieu de cette anarchie ordonnée, de ce kaléidoscope multicolore et mouvant d’où ne s’échappe qu’un doux ronronnement, une mélodie fine et ressourçante qui imprègne l’espace, une clarté s’élève, pulsante et vivante, forte mais non agressive. Je m’en approche lentement du simple fait de ma volonté, mon corps n’étant qu’un amalgame d’ions et de photons que seul mon Ego retient en cohésion.
L’habit qui flotte autour de moi n’est qu’une illusion générée par l’entité qui régit ces lieux vers laquelle je me dirige, stoppant alors qu’elle s’adresse à moi d’une voix profonde et beaucoup plus féminine qu’elle ne l’était la dernière fois.
Je te salue, Orion, fils d’Apokolips, enfant et survivant du quatrième âge … Je me réjouis de te voir ici éveillé et si serein.Je restais dubitatif quelques instants, au moins, elle ne m’avait pas donné du « fils de Darkseid » … Faut dire qu’elle devait être dans la confidence depuis bien avant ma naissance, donc cela coulait effectivement de … source …
” Éveillé ?!? Je pensais être mort, non ?” Un petit rire cristallin se fit entendre, comme un doux cliquettement alors que la clarté modifiait ses limites et prenait une forme aux contours humanoïdes en corrélation avec l’anthropomorphisme qui émanait de cet échange pseudo-verbal.
Mort ? Crois tu ?
Que tu sois un problème aujourd’hui au même titre que quelques autres dont celui-là, d’un geste de ce qui était devenu un bras et une main, Elle me désigne un rocher suspendu dans le vide d’où s’échappaient des éclairs écarlates,
… c’est une certitude, mais que tu sois « mort » comme tu dis, c’est loin d’être un point établi.
N’as-tu pas encore intégré que vous autres qui vous nommez des dieux, certes presque avec raison, vous ne pouvez pas « mourir » aussi facilement ?
Combien de fois te souviens-tu avoir été « mort » toi-même pendant toute cette quatrième ère ou les précédentes ? Cinq fois ? Dix fois ? Plus ?
J’en connais le compte, mais je me garde de te le donner, ne serais ce que par charité et par respect pour ton esprit. Le savoir n’est pas toujours bon, Il en est la preuve incarnée …Encore une fois, Il/Elle désigne le rocher aux éclairs de feu sur lequel j’entre-aperçois une forme humaine agitée de folie qui semble être la source des puissantes gerbes d’énergie que contient une bulle.
Mon cœur fictif a fait plusieurs bonds dans ma poitrine irréelle alors que mon esprit évaluait la connaissance issue de ses propos, et le rire de cristal retentit à nouveau dans l’Ether alors que mes pensées cheminaient et que j’analysais tous ces indices.
Mon propre compte s’arrêtait à trois, peut-être quatre, Y en avait il eu plus ? Comment ne pouvais je m’en souvenir ?
Il est parfois plus facile d’effacer que d’intégrer pour relancer un processus, il en est de même pour un sujet …
En arrivant dans le Cinquième Âge, tes ex compatriotes ont hérités d’une mémoire neuve ou presque alors qu’ils auraient été totalement vierges si celui que tu nommes Scott Free n’avait contrarié mes plans.
Les dés sont pipés d’avance malheureusement maintenant et ce qui en résultera sera en conséquence. Il y eut une pause pendant laquelle je restais silencieux autant qu’Elle, cherchant du regard à identifier celui qui se trouvait emprisonné là-bas même si déjà j’avais la certitude d’en connaître l’identité.
”Darkseid ?” je murmure finalement
Oui, j’ai amené le seigneur d’Apokolips ici plutôt que de le laisser retourner au vivier et revenir comme les autres. L’expérience précédente a été pour le moins dramatique et perturbante pour nombre d’être innocents.
Mais ce n’est que temporaire, il sera relâché après quelques aménagements et une reconversion.
Les Matrices anciennes ont été détruites et leur code remisé, il ne reste que très peu d’individus à reformater avant que ce que vous appelez le Cinquième Âge ne puisse commencer vraiment pour tous même si les bases ne sont pas celles prévues initialement.Elle m’invite alors à l’accompagner et j’observe ce qu’Elle fait et écoute ce qu’Elle révèle pendant notre déambulation. Sous mes yeux se déroule la création et je découvre des pans miroitants où se déroulent des portions de passé, de présents et d’avenirs fugitifs. Un éclat tournoyant dérive dans le néant vers nous et je reconnais sa forme bien avant qu’il n’arrive à portée.
Mon ancien casque est là, si proche que je pourrais l'attraper, du moins est-ce lui que je reconnais dans ces nouvelles formes.
Avant moi, Elle tend le bras et le saisit puis me l’offre. Il est glacé quand mes mains se referment sur lui, mais ce contact revivifie mon âme et m’amène à penser en d’autres termes alors que nous reprenons notre route en silence.
Tout à coup, après un long moment à cheminer ainsi en bavardant comme d’anciens complices qui se retrouvent après des années de séparation, ou comme le Maître à son élève qui donne ses dernières recommandations autant qu’il démontre la grandeur de son œuvre, Elle s’arrête soudain et je sens son regard se fixer sur moi chargé de sévérité.
Je lève le menton de défis bien que je n’en mène pas large car par la pensée maintenant accordée à la sienne j’ai pré-senti son raisonnement et Elle deviné mon intrusion et ma tentative de percer ses desseins.
N’aie pas cet espoir, la Terre est le semi où germeront les jeunes plants, mais les anciens mondes devront mourir en s’unissant afin que leur demeure leur soit donnée et qu’ils puissent croître. Apokolips et New-Genesis seront le seul limon où ils pourront grandir jusqu’à ce qu’un jour le nouveau monde vous soit totalement livré.
Scott, toi et quelques autres serez les derniers, impérissables encore quelques temps, mais finalement, je vous ôterai cela pour que le flux puisse poursuivre et l’expérience aboutir. Vous devrez tous passer par le code vierge et le retour A Minima. J’eus un haut-le-cœur d’indignation.
”Pour quoi faire ?!? C’est injuste et presque pire que ce que prévoyait Darkseid ! Tu ne vaux pas mieux que lui finalement !” Je m’insurgeais, une lueur violette commençant à poindre de mon être. Mais je ne pus poursuivre. D’un geste à peine esquissé, Elle me tint au silence et m’immobilisait tout en éteignant la flamme qui venait de naître.
Telle sera votre punition, vivre avec et guider des inconnus aux visages parfois chers et finalement redevenir mortels et les regarder s’élever au panthéon tout en restant derrière, cloués au sol par le poids de vos fautes. Une fois repentis et terminés, vous passerez le gué et embrasserez l’oubli. En attendant, il vous sera imposé de construire le futur à ma place au prix du sang et des larmes.D’un geste brusque Elle annihile ce qui était moi ici et me voilà plongé dans les ténèbres, une pression indescriptible m’assaillant de tous côtés et une douleur incommensurable inondant mon corps retrouvé alors que mon esprit était empli de lassitude.
Quelques jours avant l’arrivée de Mister Miracle et de Wonder Woman sur Apokolips : Atinai était satisfaite de son travail, satisfaite mais fatigué de toute cette agitation où était plongée New-Genesis depuis ces quelques mois terrestres pendant lesquels les Néo-dieux avaient peu à peu réintégré la mégalopole suspendue au-dessus du monde livré aux forces naturelles et depuis que le Haut-Père lui avait donné comme mission de restaurer la magnificence et la gloire de leur patrie meurtrie par les derniers événements qui avaient presque sonné le glas de toutes choses.
Cherchant la solitude et le repos après d’âpres moments et un travail acharné, elle avait quitté la cité suspendue en cette fin de journée pour fouler le sol de leur monde et respirer le parfum primitif de la vie afin d’en raviver le souvenir avant de mettre la touche finale aux jardins du palais et des places communes.
Elle cheminait donc pieds nus dans l’herbe, savourant ce contact avec l’humus et la douce brise qui balayait perpétuellement la surface quand elle déboucha sur une vaste clairière comme il en existait tant sur la surface. Elle fut immédiatement frappée par la présence d’un tapis de fleurs blanches au cœur d’or qui en couvrait pratiquement toute l’étendue si ce n’est quelques chemins de pelouse qui serpentaient et en permettait la traversée sans devoir écraser la moindre corolle.
Elle s’engagea donc avec précaution dans ce labyrinthe embaumé d’un parfum puissant mais apaisant, observant alors que toutes ces fleurs n’étaient pas identiques, ou du moins que certains aspects différaient subtilement sur une portion de l’ensemble circonscrite à une bande du terrain. Certaines fleurs avaient leurs pétales plus sombres ainsi qu’un cœur de sang aux volutes de nuit.
Elle s’était arrêtée et réfléchissait à cette énigmatique différence.
Atinai a beau être la déesse de l’architecture et des bâtiments, une citadine donc, elle n’est pas sans connaître les divines lois naturelles et de fait se demandait quelle substance dans le sol pouvait engendrer cette anormalité
Brusquement, sous ses yeux, le parterre est dévasté par un poing qui surgit du sol, suivi d’un bras puis de tout un corps presque nu.
Médusée, elle assiste à cette extraction qui ressemble bigrement à une exhumation.
La forme humanoïde qui se dresse à quelques pas lui tourne à demi le dos. Elle porte les stigmates de la décomposition que subissent tous les organismes après que ce qui tenait la cohésion du corps, ce qu’on nomme usuellement l’âme, n’ai quitté l’enveloppe charnelle. Avec des gestes gourds et maladroits, le revenant arrache de sa main libre les racines qui se sont ancrées dans son torse et principalement tout autour d’un petit trou encore béant et sombre alors que de l’autre, il serre contre lui une forme ovoïde qu’elle ne peut identifier encore qui brille doucement sous cette luminosité.
Ce n’est que quand il échange son trésor de main pour terminer de se débarrasser des derniers végétaux qui s’agrippent encore à lui et qu’il laisse échapper son précieux chargement, qu’elle reconnaît enfin celui-ci pour ce qu’il est et de là l’identité du pseudo-cadavre qui se dresse devant elle, racorni, légèrement voûtée, les bras finalement restant sans forces le long de son corps, à regarder ce casque gisant à ses pieds. Même ainsi diminué, il fait plus de deux têtes de plus que la Néo-déesse qui semble d’une fragilité juvénile face à lui.
Le vent tiède fait flotter les quelques mèches rousses qui lui restent sur le crâne alors que des plaies provoquées par l’extraction des racines s’écoule un sang putride et épais dont quelques gouttes tombent au sol qui se met à fumer en les absorbant.
L’être qui a relevé le nez, semble fasciné par la contemplation de la cité de New-Genesis qui flotte dans le lointain, ses épaules bougent à peine sous l’effort qu’il fait pour respirer et Atinai, toute puissante qu’elle soit, ne bouge ni ne dit mot devant ce spectacle incompréhensible malgré la fureur qui l’a envahie dès que le nom de l’autre lui était venu à l’esprit.
C’est le couchant, et dans ces derniers instant de clarté, ce vieillard semblant usé par les années ou les siècles, aux cheveux gris-roux éparses, comme touchés par une forme de gale maligne, la figure et le corps couturés de cicatrices et la peau squameuse, n’est autre, à ne pas s’y tromper, qu’Orion, fils de Darkseid et pupille du Haut-Père, disparu mortellement blessé lors du combat qui mit à bas le seigneur d’Apokolips.
Il se détourne enfin de cette vue hypnotique et se baisse pour ramasser l’objet qu’il a fait tomber. Un dernier rai de lumière vient frapper alors le cercle qu’il porte sur la poitrine dénudée.
Orion ? Laisse t elle échapper, abasourdie par cette vision horrible même pour une déesse.
Et immédiatement, il lui fait face et elle découvre ses yeux aux franges écarlates luisant dans la pénombre qui s’installe … Un instant la peur la submerge balayant la rancœur quelle nourrit envers ce fils défaillant de son seigneur, car c’est bien le visage du fils d’Apokolips qui lui est révélé, et non celui généré par la boite-mère que lui avait fait Hima. Puis vient le moment de la colère et des forces s’amassent en elle, celles là même dont elle use pour créer et construire des immeubles à partir du néant.
Tu es donc vivant !?! Tout le monde te croit mort et perdu dans les limbes du Boom-tube que tu as ouvert pour t’éclipser ! Je croyais qu’enfin tu avais eu le prix de ta trahison et de tes erreurs ! N’est ce pas ce que tu as fait !?! Tu as empoissonné la Source et dans ta folie tu as détruit New-Genesis et le Haut-Père ! Oses dire que je me trompe !!!L’éclat des rubis pulse un instant puis s’assombrit alors qu’Orion détourne le regard pour fixer la cité volante.
” Les choses sont plus compliquées que cela pour celui qui ne les a pas vécues de l’intérieur, mais de fait, tu n’as sans doute pas tout à fait tords, Atinai …” Une crispation s’affiche sur son visage et ses mâchoires saillent un instant avant qu’il ne fixe à nouveau la déesse dont l’éclat du courroux illuminait la clairière. Une étincelle d’espoir traverse tout à coup son regard et un pauvre sourire le transfigure, ajoutant le pathétique à l’horrible.
” Pour faire amende honorable, j’aurai bien quelque chose à te proposer, écoute ma proposition avant de tenter un châtiment, …” Et elle le laissa parler et exposer ses pensées de sa voix éraillée, bien à la mesure de sa sortie d’outre-tombe, et au fur et à mesure, la fulgurante clarté qui se répandait d’elle disparaissait jusqu’à n’être plus qu’un souvenir tout en laissant à la place une jeune femme dont les yeux brillaient à l’évocation du rêve du Néo-dieux sorti de la terre.
” Acceptes-tu ma proposition ? Es-tu tenté par un si périlleux projet ? …” La déesse fait un pas vers le colosse et pose une main légère sur son avant bras.
La Source a bien fait de guider mes pas jusqu’à toi, J’accepte, mais ne te crois pas déchargé de ta dette pour autant …Orion, hoche la tête en retirant son bras pour le préserver du contact de la jeune déesse et lui sourit encore.
” Attends mon signal alors … ” To Be Continued Next Post