Et toi qui te sauvera?

Freeze était passé par la grande porte. Les femmes et les hommes avaient rafraîchis leur corps contre son armure, mais ce n’était pas ce que tu cherchais, n’est-ce pas Victor ? Edward l’avait vu venir à des kilomètres et la surprise avait vite laissé place à l’évidence. Il ne voulait le nuire.

On voulut le retenir quelques secondes, par des mots, des baisers maquillés sur le coin de la visière comme l'avait demandé Edward, comme un service. Depuis combien de temps n'avait-il pas serré un corps contre lui ? Même à travers sa combinaison ?

- Pitié, ne sois pas si froid.
- Amuse-toi un peu !
- Réchauffe-toi avec nous.
- Tu n’es pas attendu ailleurs, n’est-ce pas ?

Edward détourna les yeux des caméras de surveillance. Il savait déjà qu’il ne resterait pas. Après tout, il avait Nora. Il avait manqué de plongé Gotham dans une nouvelle aire glacière plus d’une fois, pour elle, rien que pour elle. Edward était incapable de comprendre ce raisonnement. Le monde étouffait, le monde implosait ci et là. Il fallait s’endurcir, être égoïste. Il fallait survivre. Victor n’avait jamais été autre chose qu’iceberg humanisé, pourquoi refuser de partir alors ? Ils avaient été très clairs, non ?

Reste ou part.

Edward ne voulait pas le voir, il craignait une attaque, une menace. Voulait-il l’utiliser comme cobaye pour sauver sa femme ? Il l’aurait parié. Pire, il voulait lui voler toutes ses recherches pour les utiliser à son compte ! Edward était encore dans un de ses mauvais jours mais surement parce qu’il respectait son intelligence, un peu au-dessus de la moyenne, il lui avait laissé une chance de partir et de le laisser à sa solitude. Personne n’était venu le chercher quand il s’était perdu dans ses banquises ! Cependant, il y avait une question qui demeurait en Edward. Une question qui le dévorait de l’intérieur, plus férocement que sa tumeur. Et si ? Le chemin était tout tracé, ou presque, il ne lui faciliterait pas les choses. Quand il fut devant l’entrée, la porte était close, métallique et renforcé, le Sphinx ne faisait pas les choses à moitié. Après tout, ce n’était pas seulement son « QG » c’était aussi son chez lui depuis son évasion.

- Qu’est qu’aucun homme ne veut, mais qu’aucun homme ne voudrait perdre ?

Au loisir de Victor de répondre à la menace ou bien de forcer la porte avec tout son attirail. Edward l’en savait capable. Il se préparait cependant. Il n’avait aucune chance contre lui et il était prêt à se défendre, à riposter, à attaquer. Il n’était pas le seul à posséder une belle armure et Edward pouvait se vanter dans avoir construit une immense, forte et protectrice. Il était à l’intérieur, protégé, en sécurité dans son salon que ses robots terminaient de vider. Il restait deux gros fauteuils usés, un frigo couvert de petits mots, d’encouragement, des mots sur du papier rose avec une écriture parfaite. Sa fille était parfaite et elle était enfermée dans sa chambre, le temps de gérer cette affaire. Elle n’avait pas apprécié.

- Tu aurais dû les écouter Victor et partir, comme ils te l’ont demandé.

Car oui, c’est ce qu’ils avaient fait. Cependant, cette fausse sympathie se transforme vite en agacement. Il croise les bras, bien à l’abri derrière le verre et le métal. Cela ne cache pas l’état catastrophique de son corps, ni même son regard qui trahissait son immense fatigue. La migraine était bien installé aujourd’hui et celait était une torture d’entamer une conversation cohérente. Il n’est pas à l’aise et le cache bien difficilement. Il craignait le pire mais la curiosité était un de ses nombreux défauts. Le fuir ou le questionner ?

- Navré pour l’armure mais je suis plutôt frileux et peu tenté par les risques. Il reprend, sur un ton plus dur : Tu n’auras pas mes recherches, elles ne sont même pas ici, ah ! mentit-il. Alors, tu devrais repartir avant que mes robots mystères ne te démontent boulon par boulon.

- Imbécile au cerveau nécrosé, siffla-t-il aussitôt en attendant sa réponse.

La guerre, évidemment que la réponse était la guerre ! Pensait-il réellement qu’il aura choisi une réponse aussi stupide et peu philosophe ! Est-ce que le Sphinx dont il avait emprunté le nom aurait seulement frémit si Œdipe lui avait répondu par exemple « un bébé amputé » ? La guerre était la plus grande crainte de l’humanité. L’entamer n’avait que pour finalité la mort, c’était une évidence. Pourtant, ô pourtant, qui avait envie d’être le premier à périr dans ses bras ? Personne ne veut perdre la guerre.

Il glissa ses doigts sur la boite de commande à son bras, prêt pour un jeu plus violent, inspiré des salles de torture du XVième. Ça lui fera les pieds. Cependant, ses extrémités ne font que caresser son clavier. La curiosité encore le freine et le fait douter. Devait-il prendre cette réponse pour une provocation. L’information fait son chemin puis il rit avant de lui accorder l’entrée dans son repère. Si jamais il tentait quoi que ce soit il était prêt. Alors, qu’il parle.

Edward avait confiance en ses capacités mais cette armure avait bien plusieurs années maintenant. Entre la prison et sa recherche incessante de guérison, il avait abandonné la mécanique et la conception. Il s’était contenté de dégraisser les mécanismes et de s’assurer de sa fonctionnalité. Lex Luthor le lui avait bien fait comprendre, lors de leur rencontre, que ses créations étaient obsolètes. Heureusement, il s’était rattrapé depuis. Un lourd bruit se fit alors entendre dans le couloir. Le Sphinx prit alors brusquement la parole.

- Tu veux poser une question au grand Homme-mystère ? C’est à se demander si ton cervelet fonctionne encore malgré toutes tes engelures ! Ce n’est pas à toi de poser les questions ici, c’est à moi !

Sa voix raisonne fortement dans la salle, presque vide. Il reprend d’une voix doucereuse :

- Mais peut-être attends-tu de moi que je te guide ? Je t’écoute, Victor. Surprend-moi.

Il observe ses mains, ses ongles dans un geste mesuré et confiant. Edward, dans sa bulle de métal et de verre, joue les divas. Il parle avec confiance et mépris alors que Tambours du Bronx sont à leur apogée dans son crâne. Quelle question pouvait bien tarauder le glaçon pour qu’il prenne le risque de venir ici ?

Le coup par presque tout seul. L’immense main mécanique d’Edward fonce et vient se cogner durement contre le costume de Freeze. Si le coup est violent, s’il y a dégât, ils ne sont pas assez importants pour le tatoué s’en préoccupe. Ceci n’était qu’un prototype rustique et grossier. Enfin, du point de vue du génie. Il se contente de hausser les épaules et d’offrir un sourire mi amusé, ni gêné. Il lève les mains pour signifier qu’il ne recommencerait pas, pour l’instant.

- Il fallait que j’en sois sûr.

La question avait fait bouillir ses veines. Il pose ses mains sur ses genoux comme pour se contenir de céder une nouvelle fois à cette pulsion violente. Bien sûr, tout haut il affirmait que c’était pour la science, l’expérience, mais en réalité, c’était bien autre chose que la raison qui avait guidé ses mains. Il ne mentit pas. Edward mentait rarement. Il masquait habilement, il détournait l’attention mais ici, à quoi bon ? Il connaissait les rumeurs et il n’était pas assez stupide pour nier de quoi il avait l’air. Il se voyait chaque matin.

- « Ailleurs que dans ma tête », le singe-t-il. Ne t’essaye pas aux blagues, nous avons déjà un clown mythomane sur le coup. […] Je dois dire que je ne suis pas surpris, mais si tu poses cette question, c’est que tu as déjà une idée de la réponse, Victor. Alors quoi ? Tu viens te repaitre du pauvre spectacle de mon génie agonisant ?

Un nouveau boom résonne et il poursuit :

- Non, tu es un profiteur mais pas un spectateur, ce que je respecterai si cela n’était pas pour.. Comment elle s’appelle déjà ? Ah oui. NORA. Tout a toujours un rapport avec elle, n’est-ce pas ?

Edward craque et se fissure. La colère lui sert de bouclier, bien plus solide que son armure. La presse avait vaguement parlé de son état de santé mais le mot « cancer » n’avait jamais été évoqué. Edward avait emporté son dossier médical en quittant l’asile, d’autant plus que pour la plupart, il s’était noyé dans la mer.

- Plus évidant que ça, tu meurs.

Un rictus fané flâne sur ses lèvres un instant face à cette révélation à demi-mot.

- Je te laisse deviner ma question donc, si cela t'amuse tant.

Est-ce la conjugaison ou l’aveu de Freeze qui le surprit davantage ? Si elle était morte, alors, il ne serait pas ici. La vie de Victor ne tournait qu’autour d’elle, il n’avait jamais vécu que pour elle. Sa mort n’aurait pu annoncer qu’une seule chose, celle de Victor. S’il osait croire aux âmes sœurs, il aurait théorisé que la mort de l’un aurait provoqué la chute de l’autre. Non, pas comme les inséparables comme les naïfs pouvaient le croire. De même, s’il l’avait sauvé, il ne les aurait pas rejoints à leur petite réunion. Il y avait quelque chose de mystérieux dans cette affaire, il oserait même penser : c’est une énigme.

- Je ne suis pas ta fille, Victor. Fit-il moqueur avant de reprendre, conscient de sa mémoire défaillante et du lapsus. Je veux dire ta femme. Il poursuit, les dents serrées. Je n’accepterai pas d’être gentiment congelé, en attendant que tu réussisses et d’attendre encore et encore ! Vainement.

Que cherchait-il avec ce rapport ridicule ? Edward et Nora n’avaient pas l’exclusivité du cancer, loin de là. Le Sphinx, comme Victor autrefois, courrait après un remède qui ne semblait toujours pas voir le jour. Il n’avait qu’une rumeur, il n’avait qu’une légende, il n’avait que Ra’s. Il eut un frisson. Il l’avait vu, si proche de lui. Edward avait été si proche de la guérison mais encore une fois, le temps se raccourcissait. La course contre le temps avait repris et chaque jour, un peu plus, cela l’épuisait. Edward posa sa nuque contre le siège en cuir. Il était si fatigué de courir. Ses oreilles bourdonnent face à la douleur lancinante dans sa tête. C’est un pas dans sa direction qui le fait sursauter et se redresser.

- Ne t’approche pas ! Ne me touche pas !

Il ne l’a pas fait mais l’idée l’angoisse. Il ne supportait pas que l’on pose la main sur lui, depuis de ça bien longtemps. Bien avant le Batman. Freeze était menaçant et Edward ne pouvait pas croire une seconde qu’il veuille son bien. D’où sa surprise ! Il se redresse dans sa machine et vocifère :

- Ne me mens pas Victor ! Pourquoi ferais-tu quelque chose pour moi ?! Nous ne sommes pas collègue, encore moins ami! Je te fais pitié ?! Tu penses que je ne peux pas y arriver seul ! Qui a parlé ? Luthor ou Catwoman ?

Certainement pas Oswald. Edward questionnait puis répondait tout en même temps à ses propres interrogations. Oui, il n’y arrivait pas seul. Dès sa sortie d’Arkham, il l’avait compris. Il s’était rapproché d’Oswald, de Luthor, de Catwoman. L’ami, l’ennemi et la neutre, dans ce triangle où se plaçait Freeze ? Pour Edward, il n’y avait que la pitié et l’intérêt qui aurait pu le pousser à venir ici.

- Je suis le Sphinx et je devance ta question ! Combien de temps reste-t-il ordinateur ?
- Taux de survie médiane à 48% au-delà de 5 ans, après diagnostique.
- IL NE M’EN RESTE PLUS QUE DEUX, hurle-t-il. Alors ne gaspille pas davantage de mon temps ! En quoi ma survie te serait profitable ?

Freeze avait travaillé bien plus longtemps que lui sur la question. S’il n’arrivait jamais à trouver l’emplacement d’un des puits, il ne lui resterait que la vraie médecine pour le guérir et Edward avait une conscience infinie du temps qui lui restait à vivre. Freeze serait son dernier espoir, un espoir tourné vers la science et non pas vers les mythes. Cependant, la confiance n’était pas quelque chose qu’Edward connaissait au mieux.

Edward avait raison. Évidemment, qu’il avait eu raison. Nora n’était pas morte et Victor ne l’avait pas sauvé. Cependant, elle était en vie et c’est cette information qui calma sa crise de paranoïa. Il arrêta de se tortilla dans son siège, mais ses mains continuaient de tripoter les boutons de son robot dans un doute toujours plus grandissant. Cette fois-ci, ce n’était pas dans les raisons de Freeze que l’Homme-mystère éprouvait des réserves. C’était pour tout autre chose et cela n’était en rien rassurant pour la suite de cette conversation.

- Captain Atom ?

Edward se considérait seul sur la route qui le conduirait vers deux destinations. Pourtant, il était entouré mais hormis Oswald, personne n’était pas là par soucis pour lui. Victor n’était que la preuve supplémentaire et Edward avait vu clair dans son jeu depuis qu’il était entré dans la pièce. Tout avait un rapport avec Nora. Toujours ; tout le temps ; à jamais. Edward se fit la réflexion. Qui serait capable d’autant de dévotion ? Il aurait dit Oswald à bien des titres mais dans le monde cruel du crime, il y avait toujours la ligne, une extrémité, et avec toute l’affection qu’il avait pour le Pingouin, il y avait toujours un moment où un pas les trahirait. Et Edwine alors ?

- Tu parles d’amour. Le docteur Fries me parle d’amour. Est-ce que tu t’entends ? Ce n’est qu’une question rhétorique, ne répond pas.

Un nouveau coup part, cette fois, Edward ne s’arrête pas.

- Tu as enneigé les cieux de Gotham, tu as gelé des corps d’époux et d’épouses et tu as recommencé à chaque fois. J’ai piégé la ville dans mes jeux. J’ai tué tous ceux qui échouaient. Tu penses que nous pouvons obtenir la rédemption ? Ce que nous avons volé ne peut se rendre, Victor ! Nous n’avons pas le droit de prendre plus !

Il frappe encore, et encore tandis que ses robots mystères restent à l’entrée de la pièce. Ils attendent un ordre qui tarde à venir.

- Je ne dois donc ma survie qu’à ton amour désespéré ? L’amour n’est pas logique. L’amour ne repose sur rien d’autres qu’un peu de chimie et cette faiblesse pitoyable, tu viens me l’offrir pour que je vive ? Mais c’est ta faiblesse qui l’a empêché de vivre ! C’est ta faiblesse qui t’a limité, réfléchie ! Et c’est ta faiblesse qui risque de me tuer, moi, quand Nora te reviendra ! Je ne t’intéresserai plus ! L’amour ne me sauvera pas ! Je ne veux pas mourir ! Je ne veux pas mourir.

L’affrontement dure. Le robot de Nygma subit des dégâts évidant et là, Freeze se heurte à un nouveau problème. Les énigmes sur la glace ("Plus je suis chaud, et plus je suis frais ! Qui suis-je ?") laisse place à tes répliques méprisantes et acerbes, qui ne lui était pas adressé en réalité. Edward ne l’affronte pas lui. Il n’affronte pas Victor Fries. Il affronte Batman. Edward murmure, puis crie, il injure son adversaire mais bien vite, tout prend sens.

- Tu es aussi stupide que le mammifère hideux dont tu as pris l’apparence !
- Je suis meilleur que toi, Batman !
- Tu as triché chevalier noir, comment as-tu trouvé tous les trophées ?!

Stupide mémoire, stupide tumeur, stupide tout. Très vite, le robot rouillé ne fait plus l’affaire. Un geste fit exploser l’un des murs. Difficile de dire qui en était le responsable (indice, le coupable est habillé en vert), mais quoi qu’il en soit, Edward est épuisé. Il se recroquevilla dans son siège. Incapable de se battre.

- PAPA !
- Qui ?

La jeune fille, dont l’épaisse chevelure avait été grossièrement attachée, observait les décombres de plâtres dans sa chambre d’un bleu givré avant de sautiller pour les éviter. L’adolescent grimpa comme elle le put sur le métal rouillé et sortit son père sans aucune difficulté. La fille était forte, ou l’homme trop maigre.

- Tu ne vas mourir, papa. D’accord ? Je suis là. Je suis là.

Elle le sert contre lui et Edward reste un moment, les yeux dans le vague, cherchant à trouver un point de repère pour se situer dans l’espace-temps. Il ne semblait même pas la reconnaitre et sa fille semblait chagrinée mais pas surprise. Ça lui était déjà arrivé. Edwine caresse brièvement ses cheveux et sur son visage angoissé, on sentant une détermination farouche. Elle regarde Victor.

- Vous pouvez l’aider, s’il vous plait ?

Elle ne parlait pas seulement de maintenant, cela ne faisait pas l’ombre d’un doute.

La fille de métal offrit un immense sourire à l’homme de glace. Elle redresse son père, ignorant tout de ce que cela impliquait. Edward se laisse aller dans ses bras. Il pose ses mains sur les siennes par automatisme. Il ne l'arrête pas, il ne lutte pas. Il se perd à l’intérieur de lui-même. Il respire lentement, par grande bouffée. Son palais mental s’ouvre pour lui. Les souvenirs se cognent comme des billes contre des remparts familiers. Les vieux murs aux parfums métalliques ont laissés place aux barreaux de l’asile d’Arkham, puis aux papiers peints treillis vert-de-gris, gris comme son enfance et son adolescente. Il se perd dans ses souvenirs et ses sens. Il avait très mal et il avait froid. Le feu de sa cervelle et le froid mordant de ses membres le paralysaient. Edwine le serre dans ses bras et n’en a qu’à peine conscience. Il bataille contre sa tumeur qui se joue de lui, toujours un peu plus jusqu’à ce qu’un jour, ce soit la dernière.

L’adolescente opine plusieurs fois de la tête pour remercier Freeze, de sa fougue si caractéristique de la jeunesse. Elle souriait mais dans son regard se lisait l’inquiétude. Elle semblait si humaine. Elle n’avait pas conscience de sa condition, elle vivait pleinement, candidement. Elle portait à bout de bras son père. La scène pouvait semblait surprenante. Une gamine de quinze ou dix sept ans qui portait son père, aussi maigre soit-il, cela pouvait porter à sourire mais ici, il n’y avait rien de drôle.

- Suivez-moi, les robots mystères vont s’occuper de vous retaper un peu !

Ils quittent la pièce, qui était désormais dans un état pitoyable à cause de leur affrontement. La rouquine jette un bref regard à sa chambre et aux débris ramassés par deux robots ovales d’un vert luisant. Elle soupire et lève les yeux au ciel, maudissant les deux hommes intérieurement. Une porte s’ouvrit automatiquement face à elle. La pièce était la deuxième salle la plus automatisé du sous-sol, en tête bien sûr la fabrique de robot. C’était l’infirmerie. Sur les murs étaient affichés des IRM de son cerveau sur tous les angles et sa grosseur mesuré, semestre par semestre. Il y avait quelques notes ci et là sur des post-it verts, des recherches médicales et puis des cartes. On pouvait reconnaitre certaines parties de l’Égypte, d’Iran, de la Libye, de Chypre et enfin de Gotham City.

- Il refait une crise, ça ne lui était pas arrivé depuis deux semaines, commenta-t-elle à voix haute.

Trois robots dont les extrémités étaient équipées par de solides outils s’approchaient déjà de Freeze. L’un deux analysa l’équipement endommagés tandis que les autres s’acquittaient déjà des taches premières. Edward était aussi bon mécanicien qu’ingénieur et ces robots étaient dignes de lui.

- Comment je dois vous appeler au juste ? Elle tente de prendre un ton enjoué alors qu’elle hissait son père sur la table. Je sais qui vous êtes « Mister Freeze », mais vous avez pas plus.. simple ? Moi, c’est Edwine !

Elle fouilla dans le placard à la recherche d’une grosse couverture pour couvrir le corps gelé du trentenaire.

- Merci de l’aider en tout cas et désolé pour votre armure. Je suis sûr qu’il le sera aussi à son réveil. Je sais qu’il est.. lui, mais il change. Je sens qu’il change, il a juste besoin de temps. C’est ce qui lui manque.

Elle soupire longuement avant de placer la couverture sur le corps malingre qui s’agitait sur la table.

- C’est de pire en pire.

Edwine tourna le dos à Victor sans répondre. Elle observa les différentes machines s’afférer autour du corps de son père. Des donnés parsemaient les différentes ordinateurs et elle s’affaira à en comprendre le sens. Il lui avait appris à le faire. Déjà, on lui injectait des choses pour la douleur mais son état restait préoccupant et Edwine n’avait pas été formé à la médecine, pas encore du moins.

- Bien sûr, un robot mystère va se charger de vous photocopier tout ça. Est-ce similaire à ce qu’a vécu votre femme ?

Elle sursauta, comme surprise de sa propre question. Elle tourna sa tête vers lui dans une mine sincèrement désolée.

- Pardonnez-moi, Victor. C’était tout à fait déplacer de vous demander ça, je suis juste préoccupée. Je ne voudrais pas que vous lui donniez de faux espoirs. Il court déjà après les siens.

Elle réfléchit. Devait-elle lui parler de l’autre alternative ou le laisser se pencher sur la médecine, chose que Nygma commençait à mettre petit à petit de côté au profit de sa quête du puits de lazare ? Les robots continuaient de s’acharner sur le métal et faisait venir différentes pièces à la chaine, venu tout droit de l’usine robotique situé un étage encore plus bas. C’était assez rapide dans l’ensemble et bien coordonné bien que les robots mystères étaient tout aussi bien équipé d’armes que d’outils de soin. Ils étaient assez ronds et de la fibre de verre entouraient leur abdomen, là où l’ingénierie faisait son œuvre.

- Avez-vous déjà entendu parler de Ra’s Al Ghul ?

Elle ignorait bien sûr tout de la réunion de la veille, sinon, elle ne poserait pas cette question.

- Je ne sais presque rien sur lui, il me cache tout. A se demander s’il existe réellement ou si tout ça n’est qu’une légende qu’il poursuit, ou pire dans sa tête.

Elle se déplace et saisit un plan de l’Iran. Tandis qu’un tout petit robot semblaient comme manger les papiers avant de les ressortir de son thorax, en un second exemplaires.

- Il y aurait des puits, liés à Lazare de Béthanie. Des puits qui donnerait à celui qui y plongent, la jeunesse, la santé et bien d’autres choses toutes plus folles les unes que les autres. Mon père y croit. Il préfère croire à ce conte qu’en la science. Pire, il en a même peur.

Elle cracha tout ceci avec méprit et pendant un instant, elle ressemblait à son père en tout point. Elle serre les poings.

- Bien que ça me répugne de l’admettre, ça sera peut-être sa dernière chance si vous ne pouvez pas l’aider. Victor, vous savez qu’il est trop intelligent pour poursuivre cette quête sans indice.


Elle le regarde puis lui offre un sourire gêné derrière son regard décidé.

- Je sais comment tout ça fonctionne. Quel sera votre prix ?


Le petit robot lui tend les documents demandés.

- Tu es une machine. […] programmation […] Tu es comme çà parce qu'il l'a voulu.

Edwine reste parfaitement immobile. Son visage est fermé. Elle n’exprime aucune surprise. Aucun choc. Elle semble rejeté en bloc toutes les informations qu’elle venait d’entendre. Elle était plongée dans un état de réflexion avancé. Elle continua de parler au sujet de Ra’s mais elle semblait plus distante. Son regard dériva vers Edward Nygma tandis que Victor lui répondait en repoussant durement un des robots mystères qui s’occupaient de son armure. Le petit robot fila sans demander son reste auprès de Nygma pour lui placer une perfusion de soluté que l’épais ordinateur avait terminé de concocter.

Elle écoutait d’une oreille brève sa théorie sur la fusion entre magie et science, sur l’acceptation de cette première pour parvenir à ses fins. Edwine n’y croyait pas, même pas un peu, mais elle croyait en son père. Cependant, la révélation de l’homme de glace la laissait perplexe. C’était comme si deux choses en elle s’affrontait. La révélation lui semblait familière et pourtant, elle cherchait dans son esprit les preuves de son humanité. Cependant, si elle avait besoin de se prouver son humanité, c’est qu’il y avait un problème. Personne n’a besoin de prouver qu’il était robot ou humain. Pouvait-elle faire réellement confiance en l’Homme-mystère ? Malgré ce terrible trouble, elle enregistra (et c’était sans doute la formule la plus évidente à son sujet) tout ce qu’il lui dit.

Ainsi, quand Victor affirma qu’il existait quelqu’un en ce monde qui avait en main les coordonnées exactes de l’un des nombreux puits de Lazare, elle sortit de son apathie.

- Qui ? Répondit Edwine.
- Qui ? Répondit Edward tout en même temps.

L’adolescente sursaute et se tourne vers Edward qui se redressait lentement. Il repousse la mince couverture qui le couvrait et passa une main dans ses cheveux pour retrouver un peu d’allure. Il était encore bien pâle et grimaçant mais si quelques frissons le parcouraient encore, il se sentait déjà mieux et suffisamment éveillé pour converser avec Victor. Il ne se souvenait qu’à peine de leur combat mais s’il s’était retrouvé ici, c’est qu’il avait perdu.

- Retourne dans ta chambre, Edwine.
- Les robots n’ont pas de chambre.

Edward posa un regard vers elle. Un regard profondément attristé et aussitôt celui de la rouquine se charge de colère et de déception.

- Tu aurais pu t’abstenir de le lui dire, Victor. Code : S.P.H.E.R.E 07

L’androïde s’immobilise puis ses bras retombent mollement le long de son corps. Son regard perd de son étincelle et à cet instant, elle ressemblait réellement à ce qu’elle était, une création d’un homme seul. Edward cherche sa canne des yeux, pour ne pas avoir à la regarder plus longtemps.

- Qu’est-ce qui l’a trahis ?

- Robot-mystère, ma canne, siffla l’Homme-mystère.

Et un des robots se précipita à son chevet, l’objet à la main tandis que le reste du groupe quittait la pièce pour nettoyer les dégâts qu’avait laissé leur combat dans le salon. Combien de temps s’était déroulé depuis ? Edward caresse le métal glacé et cela le rassura. Il se sentit moins démuni tandis que Victor lui expliquait en quoi Edwine avait échoué à paraitre humaine, les mains sur le lit. Heureusement, peu de personne à Gotham se baladait avec des lunettes thermiques !

- Je prends note, ce contenta-t-il de dire en posant ses yeux sur l’androïde. Ça ne demandera que quelques ajustements, mentit-il.

Edwine avait la tête légèrement baissé, les pupilles vitreuses. Ses bras étaient retombés mollement le long de son corps. Sa poitrine ne se gonflait plus pour imiter la respiration et ainsi immobile, Edward pouvait voir les petites imperfections, ou plutôt la perfection qui la caractérisait. En bref, tous les minuscules détails qui lui renvoyaient sa stupidité. Il avait voulu créer un enfant, mais ses mains restaient celle d’un ingénieur. Sa peau était aussi lisse que du plastique et malgré sa prouesse pour imiter la peau, il lui manquait ses traces, ses cicatrices, ses pores, cette peau disgracieuse d’adolescent. Elle était telle que n’importe quel père aurait voulu. Il aurait voulu dire qu’elle lui ressemblait mais hormis ses épais cheveux roux et ce regard bleu vert, elle était différente en tout point. Elle n’était pas réelle. Il avait incendié Freeze à propos d’amour mais au final, ne s’était-il pas pris au piège de ses émotions à son tour ? Un horrible pincement lui traversa et soucieux de garder son image, il quitta le lit contre toute prudence.

- Malgré ce que je viens de faire, tu tiens encore à m’apporter ton aide ? Tu dois être terriblement désespéré. Ne dit-on pas que l’amour nous rend stupide ?

Malgré les propos durs, il n’y avait aucune animosité dans ses propos. Victor avait rencontré Edwine et il était évidant qu’il savait le jeu d’Edward par son simulacre de famille. Malgré sa carapace, Edward montrait par la création de l’adolescente, qu’il se sentait seul et que la mort approchant, ce sentiment ne faisait que croître. Il a donc créé quelqu’un qui lui ressemblerait et qui l’aimerait alors sans condition, aveuglement. Il ignorait que l’adolescente serait si ingrate ! Mais il s’était pris au jeu à son tour et le voilà démasqué.

- Dangereux ? Il eut un gloussement.

Il trouvait que cette précision était parfaitement ridicule, compte tenu de sa situation.

A l’instant où le Joker ou Oswald deviendra maire, j’obtiendrais un casier lavé. Je compte bien en profiter mais avant cela, je pourrais sans doute t’accorder mon indispensable assistance dans ton plan ridicule si cela est profitable pour nous deux.


Évidemment, il préférait davantage l’option gagnant/gagnant plutôt que d’imaginer devoir une faveur à Freeze, ou à qui que ce soit d’ailleurs.

- Mais avant ça, pour qui travailles-tu ?

Il boitille jusqu’à une tablette. Le tuyau de la perfusion se tend. Il souffle fort, épuisé. Ses mouvements sont lents et lourds. Il serre les dents pour ne pas gémir.