L'oeil de la tempête (Khalid)

Diana jeta un regard circulaire autour d’elle avant de pousser un soupir puis de s’asseoir sur le béton froid à ses pieds. Elle aurait pu attendre Khalid dans sa chambre – encore – et cela aurait même donné à leur première rencontre une valeur presque symbolique. Elle était recherchée, rejetée, et lui était si jeune et cherchait encore l’équilibre entre ses deux vies si différentes. Se réunir dans sa chambre plutôt que dans la Tour du Destin par exemple, ou dans une des grandes salles de l’Ambassade aurait pu adoucir tout ça. Elle n’aurait pas été contre, mais il lui avait semblé bien trop violent de dire ce qu’elle avait à dire à Khalid dans le cœur même de son foyer, là où il venait pour se ressourcer. Alors elle avait préféré laisser un simple mot sur son lit afin de le rediriger vers elle.

Je t’attends sur le toit de ton immeuble. D.

Et voilà donc ce qu’elle faisait. Elle attendait. Elle ne s’ennuyait pas ceci dit, car son esprit bourdonnait de pensées et de questions qui ne lui laissaient aucun répit. Elle avait de quoi s’occuper.

Elle changea de position pour se mettre à genoux, puis elle joignit ses mains devant elle avant de fermer les yeux et de s’abandonner à quelques prières qui lui laissèrent un arrière-goût de dernière mesure un peu trop tardives dans le fond de la gorge. Elle persista, cependant, car elle venait à peine de rentrer de Themyscira et le ton formel et dur de sa mère était encore trop réel dans le creux de son oreille. N’oublie pas tes Patrons, Diana, alors Diana n’oubliait pas. Malgré toute sa colère, son amertume et le pardon qu’elle refusait d’offrir encore et encore, elle n’oubliait pas. Retourner chez elle lui avait fait du bien – autant de bien qu’il était possible de ressentir quand on faisait face à une menace comme l’Homme à l’Envers – mais elle s’était quand même hâtée de rentrer. Tellement hâtée, d’ailleurs, qu’elle portait encore, sous sa longue cape, une des robes fluides propres à la mode sur son île.

Ainsi que les bracelets métalliques qui faisaient partie de sa tenue de Wonder Woman, et qu’elle n’avait pas enlevé une seule fois depuis l’affrontement qui occupait chacune de ses pensées.

N’oublie pas tes Patrons, Diana.
Mais que disaient-on aux Déesses et Dieux qui avaient oubliés leurs enfants ?

Elle sortit une branche d’olivier de sous sa cape et la posa au sol devant elle. Aucune prière ne passa la barrière de ses lèvres, mais elle la contempla pendant de longs instants avant de pousser un petit soupir.

« Ne nous abandonnez pas maintenant, Athéna. Pas maintenant, s’il vous plaît. »

Elle ferma ensuite les yeux, posa une main hésitante et protectrice sur le bracelet de son poignet droit et continua d’attendre en silence.
Mais sans s’ennuyer.

N’oublie pas tes Patrons, Diana.

Mais peut-être avaient-ils autant besoin d’aide qu’eux, sans avoir personne à qui adresser leurs prières.
Peut-être était-elle aussi seule qu'elle l'avait toujours craint.

L’heure était grave.