[Opal City] Le Grand Smog [PV. Elongated Man]

Tip tap tap tip tap tip clic clic

Hum... non, toujours rien.
En plus, tous les titres sont en... on dit bien le cyrillique, pour l'alphabet des russes ?
Bah, peu importe.

Tap tip tap tap tap clic

Presque un milliard de résultat pour Superman. Et c'est kif-kif pour les autres grands. D'ailleurs Cyborg, si tu me lis, coucou ! J'adore ce que tu fais, tes pouvoirs sont trop cools, mais des clones robotiques de toi ont tenté de me tuer l'autre soir ! Ce serait sympa que ça se reproduise pas, ça, quoi. Merci mon pote.
Ce site là ? Non plus. Non. Pas ça, c'est un torchon de rumeurs infondées. J'ai déjà donné. Mais peut-être que, celui-là, en dessous, ça peut le faire ?

Clic clic... roll roll

Ca, c'est un peu plus intéressant. Une liste détaillée de toutes les identités publiques connues des héros, plus quelques théories plus ou moins loufoques sur qui sont Batman, Superman et Wonder Woman. Palme à celle des trois frères et soeurs, nés et élevés par le gouvernement russe sur une station spatiale secrète en orbite autour de Mars. J'ai rarement vu autant de bien belles conneries sur le net. Oh, fichus super-héros ! On entretient une espèce de gros mythe autour de nos nous du quotidien. Y a tellement d'idées différentes, allant du plus grotesque (Aquaman est un poisson qui a mis une peau d'humain pour passer inaperçu) au très intéressant (réflexions profondes sur les raisons de chaque justicier, en fonction des mots échangés avec les presses du monde entier)... c'est fou ! M'enfin, petit verre de soda pour tenir, et concentrons nous. Ah, ça pétille, ça réveille ! Alors, épions la liste. Mine de rien, ils protègent vachement bien leur petite vie privée, les héros. On trouve presque aucune donnée, même dans les plus lointaines profondeurs d'Internet. Alors on s'accroche, on lâche rien, et on décode. Sauf que le résultat final est assez peu concluant, SAUF...

Sauf pour ce post de Carapupuce12560 !
Ah, là y a des choses. Bon, beaucoup de de blabla romancé, des histoires à la mort moi le nœud, des photos de petits "artéfacts" récupérés là où les héros sont passés... ah ouais, c'est un blog, en fait. Brrrr... ça a pas disparu au siècle dernier, ces... machins là ? Mais au milieu de la fange, j'ai trouvé un diamant: un nom ! Randolph Dibny, Elongated Man.

Tap tip tip tip tap tip clic

Petite googlisation.
Hé ouais, il a bien été un super-héros. Un de la Justice League même !
Pouvoir élastique. Actuellement retiré. Bureau de détective privé actuellement à Opal City. Oh. J'aurais pas à me poster sous la pluie sur un toit de Gotham avec de la nourriture pour chauve-souris dans les mains ! Victoire ! Je prends l'adresse, et toutes les infos possibles. Demander des conseils à quelqu'un dont le boulot c'est d'analyser, ça me semble pas une trop mauvaise idée.
Oh, je baille ! Attends, il est quelle heure, là ? Merde, 2h du mat', demain j'ai cours !

CLAP TIC

Ordi portable fermé à la va vite, lumière éteinte, et on se jette dans le lit pour cinq petites heures de sommeil.
Ça commence à devenir habituel...

Le lendemain, 17h
Comme une ombre dans la nuit, à peine la sonnerie a-t-elle sonnée que je m'éclipse de la salle de classe, laissant une Ernie dans le coup détourner l'attention. Je file dans les couloirs encore vide à toute allure, cheveux au vent, épris de liberté, vers la sortie. Mais au dernier moment, avant de franchir les portes du Saint-Paradis du dehors, je bifurque et bondit dans les toilettes du bahut. J'y dérange Jimmy et sa nouvelle petite amie de la semaine.
Quel coquin ce Jimmy.
Mais il est sympa, Jimmy.
Il sort en ronchonnant avec... je la connais pas celle là, tiens.
Bref. Il sort, me laissant profiter pleinement des WC dernier cri fabriqués sur mesure pour notre prestigieux établissement (c'est faux). M'enfermant dans une cabine, cuvette fermée (risques de portable trempé minimaux), je retire tout: chaussures, chemise, t-shirt, bonnet ! Tout en esquivant les traces étranges et inconnues au sol. Un travail digne d'un héros, mon bon Derek. Tu peux être fier.

Et enfin, dans l'espace exigu et malodorant, je plonge mes doigts dans la trame même de l'univers pour en écarter les fils, et créer mon rift.

RFFFFFFFFFFFFFFFFFFT

Un sourire naît sur mon visage.
C'est toujours aussi satisfaisant.
Here we go, comme dit si bien le célèbre petit plombier moustachu !

Ah ouais.
C'est pas Gotham, c'est sûr.
A peine arrivé sur un banal toit, je m'en prends PLEIN LES MIRETTES.
Le soleil est en train de lentement descendre derrière la ville, en plus !


Je dois avouer qu'Opal, c'était clairement pas le coin que je voulais visiter. Sans être horrible dans ma tête, elle manquait un peu de piment. Là-bas, les protecteurs sont les Stars, Men ou Girl, y a pas beaucoup de vilains iconiques, et si la ville est plutôt réputée pour son architecture, faut dire que je suis un gosse de dix-huit balais: ça m'est longtemps passé au dessus de la tête.
Mais là, un pied posé sur le rebord du toit, avec les lumières de la cité sous moi, les formes originales des bâtiments, les flèches, les sculptures, les couleurs... je me rends vite compte qu'Opal est un sacré beau coin. Un petit bijou, une gemme dans son écrin.
Et, mine de rien, tant mieux qu'elle ne soit pas considérée au même niveau que Metropolis: ça préserve son petit cocon.

Eh bah. Agréable surprise, pour commencer !
Maintenant, concentrons Derek, si tu le veux bien. Mission du jour, trouver le bureau du détective Elongated Man... Dibny ? Ouais tiens, c'est vrai ça, comment je l'appelle moi ? S'il est en civil, vaut mieux son nom d'usage. Mais si je veux lui demander de l'aide, peut-être qu'utiliser son pseudonyme héroïque va réveiller en lui la fougue de sa jeunesse !
Bon. Avant tout, le trouver.
On improvisera sur le moment. Dibnated Man, un truc du genre.


Oh... c'est pas possible de venir se balader à un endroit sans subir, au choix: des explosions, des lacérations, des contusions, des éviscérations, des insultes, des kidnappings, des voyages temporels, des balades dans les égouts, des tarés en costume, des bananes flambées trop flambées ?
Je me frotte l'arête du nez, et, bien évidemment, commence à bondir de toit en toit pour trouver l'origine de ce gros boum. Et sauver des gens, s'il y en a encore en vie.

Le monde va mal, Sue… Très mal...
Et le pire reste à venir.
Je suis encore de ce monde, je suis encore là pour le vivre. Le dos posé sur la pierre tombale, je reste là, je… Je réfléchis… J’avais juste besoin de ta présence. En quelque sorte… Si on m’avait raconté toute l’histoire, je pense que j’aurais trouvé le moyen de changer de planète...
Mais j’ai décidé de ne plus fuir, de ne plus rester inactif et enfermé dans ma dépression. Je dois me sortir de là. L’affaire de Ray va me prendre toute mon attention et je compte bien sortir mon ami de prison, mais ce qui est en train d’arriver dans le monde est terrifiant et mérite qu’on s’y attarde également …
Lex Luthor a lancé un défi à l’Humanité… A tout le monde. Il veut voir l’Humanité devenir les acteurs principaux de la violence en prouvant qu’elle est capable de se battre, en renversant les Gouvernements et le système en place. Et les problèmes ont déjà commencé, touchant certaines villes… Si personne ne fait rien, des pays risquent d’être débordés par des actes terroristes et de vandalismes…
Je risque d’être fortement occupé. Et… Quelque part, je crois que c’est mieux ainsi.

Je lève les yeux vers un ciel qui prend des teintes orangés. Le soir commence à tomber sur Opal City, ce petit joyau de tranquillité. Cité de Starman. Ville lumineuse, colorée, aux bâtiments hauts mais qui ne cachent pas pour autant ce ciel. C’est son architecture unique, ses sculptures, ses quelques endroits pavés et ses coins tout en verdure qui t’ont marqué, chérie. Elle fait penser aux villes Européennes que nous avons pu visiter, autrefois. C’est pour ça que nous nous sommes résolus à nous installer ici… Puis Starman est parti…
Et Opal City est devenu mon foyer et ma responsabilité.

Je me relève et je jette un dernier regard vers toi, ta pierre tombale. Je vais m’absenter un long moment… Je dois me préparer pour partir sur Central. J’ai fini par faire retoucher mon costume et lui faire apporter quelques modifications. Est-ce couvrir mon visage servira vraiment à quelque chose, d’ailleurs ? Sait-on jamais… Je doute que les gens qui m’ont connu ne se souviennent pas de moi, mais les événements actuels me poussent à vouloir me cacher au moins de l’autre partie du monde qui ne connaisse pas mon nom. Affublé d’une longue veste et d’un chapeau, j’ai préféré passer inaperçu pour venir te voir, ce soir. Mais en dessous je les mis, pour l’essayer… Il me va mieux. Je soupire face à une évidence… Je suis devenu plus sec qu’autrefois.
- Ne te moques pas, Sue...

Taquine… Je souris tristement et je finis par avancer sur un petit chemin pour sortir du cimetière. Il faut maintenant que j’aille préparer une réserve d’élixir, si je veux être prêt pour l’enquête. Sauver Ray est ma priorité. Je dois l’aider. Il faut absolument qu’on le sorte de là. Hors de question que je le laisse plus longtemps plus bas que terre et dans la mouise jusqu’au cou. Si je peux faire quelque chose, je dois agir. Opal City n’aura peut-être pas besoin de moi dans l’immédiat. J’espère que ses habitants n’écouteront pas Lex…

KA-THOOOOOOOOM

… Luthor…
Oh les mauvais bougres… Même Opal City ?!
Bon sang… A la guerre comme à la guerre, comme on dit. Ils avaient pourtant dit que c’était la Der des Ders. Mais visiblement, je vais devoir me rendre sur place pour voir ce qui se passe.
Quel beau monde de fous furieux…

Je me rends en courant vers le centre-ville. En vérité, pas besoin d’aller aussi loin, car à la vue de la fumée et des flammes qui s’élèvent, je suis tout proche. J’essaye de passer entre les personnes qui s’enfuient et j’entends des bribes de paroles au milieu des cris : Une sorte de rébellion a éclaté, un soulèvement ou “des gens qui veulent répondre à son appel”. Luthor…
Mais pas que ça, j’ai l’impression qu’il se trame autre chose… Quelqu’un tire les ficelles, car le groupe paraît très organisé. Ils ne sont pas dispersés mais parfaitement coordonnés. Il se regroupent déjà pour fracasser les statuts, symbole de la cité et des Starman. J’entends les sirènes des secours et des autorités, mais il faut les empêcher de détruire ces œuvres.
Mais…
Suis-je prêt ? Vais-je réussir à les repousser ? …
La dernière fois que j’ai voulu m’étirer, c’était douloureux et… Zut. Allez. Je ne peux plus reculer.

J’enlève ma veste et mon chapeau, car ce n’est plus l’heure de se planquer. Le temps est venu de mettre des roustes de très bonne qualité ! Mon costume arbore toujours le rouge et le noir, avec mon symbole sur la poitrine, et un tout nouveau masque sur le visage. Je m’élance à leur poursuite, veillant au passage que les innocents sont à l’abris, attrapant le bras d’une jeune femme et le col d’un vieil homme pour les tirer de là. Une fois chaque personne hors de portée du danger, mon bras s’allonge vers les forcenés, touchant chacun d’entre eux, les faisant tomber à la renverse.
- On ne touche pas à Opal City sans se frotter à Elongated Man !

Le monde devient fou.
Ca ne peut qu'être ça. La folie.
Oh, j'aimerais bien être chez moi, là. Et pourtant, dieu seul sait que j'aime pas Gotham.
La paix qui m'a envahi en arrivant à Opal City se dissipe, alors qu'en contrebas, dans la rue, l'enfer se déchaîne. Des dizaines, des centaines de personnes même,, battent les pavés, armés de barres de métal pour les moins dangereux d'entre eux. Les pires se sont munis de leurs fusils. Et partout où ils passent, des gravats jonchent le sol. Les icônes des grands héros de cette ville sont jetées à bas, les civils fuient; quand ils le peuvent.
Chier, évidemment, c'est quand je pointe le bout de mon nez ici !

- Et ça a commencé... aaaaah fichu vieux chauve aigri, tu pouvais pas juste te trouver un perruquier compétent au lieu de mettre le feu aux poudres ?

Et ça gueule du "Luthor président", "Humains prédateurs", "Nique les héros" à tout bout de champ. Eh bah, ça va pas être une sinécure de trouver Elongated Man dans toute cette agitation. Si ça se trouve, il est en train de faire des étirements pour se préparer.
Bon, trêve de plaisanteries, réfléchissons. Gros cons grand groupe d'émeutiers, check. Armes et violences, check. Pas d'autres expl...

KA-THOOOOOOOOM

Moi.
Et ma.
Grande bouche.
Sans attendre que les flammes faiblissent, je bondis droit vers la petite place meurtrie. Pas de portail, j'y pense même pas. Donc ces joyeux lurons passent, et lâchent des explosifs derrière eux comme le ferait le Lapin de Pâques. Sans même se soucier de qui peut être blessé...
J'ai envie de vomir.
Vraiment, je crois que ça va pas tarder.
Et... arrivé sur place, je retire illico mon masque avant de me vider à même le sol, comme ça. Les bancs publics brûlent, les arbres ont été soufflés, toute une façade s'est effondrée, et... une famille a été prise dans le piège des flammes. L'odeur m'a grimpé au nez. Oh... j'ai pas envie de revivre les attaques sur Gotham. Pas ici.
La colère monte. MA colère.
Une sirène de pompier résonne au loin.
Alors je m'essuie la bouche, je remets mon masque, et j'ouvre rift après rift pour prendre de l'avance sur ces ordures ! Et là, j'exhorte toutes les personnes qui veulent bien m'écouter à fuir. Fuir pour leur vie. Fuir pour leur ville. Car la horde arrive.

Après de longues minutes à essayer de convaincre des citoyens incrédules de fuir, je me rend compte que les émeutiers n'arrivent pas. Alors qu'ils devraient, quoi !
Bon, la honte, pour commencer.
Et ensuite, mais qu'est-ce qu'ils foutent ?! Si la police a pu les arrêter, c'est tant mieux. D'ailleurs, où elle est, qu'est-ce qu'elle fait ? Faut arrêter les donuts messieurs !
Je rebrousse chemin, navigant par les toits pour davantage de sûreté. Et là, surprise !

- Oh !

Elongated Man est venu rejoindre le combat ! A NEW CHALLENGER !
Mine de rien, voyons le positif, j'aurais pas à fouiller chaque recoin d'Opal, et tant mieux, si belle la cité soit-elle. Ouais, le positif... oh, il passe à l'action !
Et BIM, et BAM, le Détective Ductile distribue des marrons aux vilains, et c'est bien la plus belle vision de toute ma journée. Alors, et seulement là, je m'ouvre un petit portail pour le rejoindre...

RFFFFFFFFFFFFFFFFT

... pile au bon moment pour arracher des mains d'un luthorien un pistolet prêt à faire feu. Je jaillis du portail lumineux, et broie l'arme en une grosse boule métallique.
Bon timing Derek, c'est ça mon champion, tu t'amélior...

CLONK

Ouch !
Tout solide que je suis, la batte en alu derrière la tête, ça picote.
Très maladroitement, je la tords en deux, et l'envoie dans les jambes du gars, qui chute.
Grand sourire aux lèvres, je peux pas m'empêcher de lancer au VRAI super-héros à côté de moi:

- Salut m'sieur Ma... Dib... m'sieur E-M, je suis fan !

De derrière notre fine équipe (oui, on est une équipe désormais) s'élève une voix puissante, virulente. Sur un gros camion, en équilibre relativement instable, un émeutier au front bas et bas du front, à la musculature massive, harangue les autres terroristes avec quelques bons mots, il faut l'avouer:

- VOUS NE NOUS ARRÊTEREZ PAS TOUS ! NOUS SOMMES DES PRÉDATEURS ! LES STARMEN SONT LES IDOLES DÉCRÉPIES D'UNE ÉPOQUE RÉVOLUE ! GLOIRE A L'HUMAIN, MORT AUX FAUX DIE...

Et...

BONK

... il se prend une poubelle dans les dents. Ce qui le fait basculer et chuter sur le trottoir.
Ah, bien fait !
J'ai vu qui c'est qui l'a lancé, mais je dirais rien.
(spoiler, c'est moi)

- On t'a assez entendu.

Pas mal comme punchline, mais faudra continuer à bosser ça, hein.

Leurs exclamations arrivent à mes oreilles et elles font mal…
“Luthor Président” ? “Humains prédateurs” ? Mais où allons-nous comme ça… ? Si leur langage est peu fleuri, leur motivation est grandiose, bien trop à mes yeux. Ils sont résolus à prouver à Lex Luthor de quoi ils sont capables. Ils démontrent parfaitement que l’être humain est prêt à faire les pires choses pour survivre… Ma présence ne change pas grand chose, à part de les avoir mis en rogne. Les civils qui ne font pas parti de ce violent esclandre, encore coincés, me scrutent du regard. Les “prédateurs”, eux, ne font aucune différence, ne prenant pas le temps à la réflexion. Je passe encore à peu près incognito aux yeux du monde, mais dans le tas se trouvent très certainement des témoins dont le métier est journaliste. A tous les coups.
Les émeutiers obéissent aux chefs des meutes, décidés, peut-être désespérés pour certains. Je refuse de croire qu’ils sont tous là pour casser la ville, du policier ou du héros… Mais plus par la force des choses ou par crainte des représailles s’ils n’agissent pas…
Il faut que je les arrêtes, je dois me concentrer sur-




Non…
Une partie des émeutiers ont continué à lancer des explosifs sur les vieux bâtiments. La fumée, les flammes, les débris, les cris, les appels à l’aide, l'odeur, les grondements d’une foule en colère, les réclamations d’un monde à eux... C’en est trop. La colère monte. J’essaye de la réprimer, de garder le contrôle sur mes émotions. La haine n’engendre que la haine et je serais plus enclin à utiliser la diplomatie envers des civils. Mais leurs actes sont plus proches de ceux d'un super-vilain que du simple clandestin.
Les révoltés que j’ai repoussé commencent à se relever et à s’avancer vers moi. Oui, c’est ça, venez, acharnez-vous sur moi ! S’il le faut, si cela laisse le temps aux secours d’arriver et aux forces spéciales de se préparer, alors soit… Visez-moi !
- Hé, il s’agirait de se détendre, les gars…

Hmm. Ce n’est vraiment pas le moment de blaguer, mais je leur lâche un sourire narquois, prêt à-
RFFFFFFFFFFFFFFFFFFT
- sursauter !! Bon sang !!! C’était quoi ça ?!

Je me retourne et un homme broie une arme à feu sous mes yeux, sorti de nulle part. De nulle part ?! Je me le demande bien… Ce bruit…
Je visualise rapidement le personnage : costume, possédant certaines capacités physiques exceptionnelles pour réussir à broyer un objet… Pour le moment ça me suffit. Concrètement, je ne vais pas chercher plus loin s’il est un allié ou un ennemi, il vient de me sauver la vie. En temps normal, Elongated Man aurait pu survivre d’une perforation. Mais je n’ai pas encore regagné le maximum de mes pouvoirs et je crains fort d’être démuni face à ces fous furieux. Donc, nous poserons les questions plus tard.
...
Plus tard, on a dit !

En tout cas, il a l’air de bien se défendre. Il tort une barre de fer comme si on tordait du caoutchouc et il se tourne vers moi, tout sourire dehors (que je devine sous son masque) avec légèreté. Il a beaucoup de fougue, il a l’air jeune… Ses paroles et son comportement me surprennent, mais me font sourire. J’apprécie ses mots, mais je ne sais pas quoi lui répondre… Bon sang, peut-être y a-t-il encore un peu d’espoir au milieu du chaos ?
Mais soudain, les admirations et autres joyeusetés cessent illico lorsqu’une voix s’élève. Ah, en voilà un, un de ces mecs qui s’est autoproclamé guide de la meute. Il harangue la foule, avec talent je dois l’avouer. Ils l’écoutent, ils hurlent, ils approuvent ses dires… Ils me rendent malades. Pourquoi obéissent-ils aux désordres et non à la raison ? Nous devons trouver des solutions pour stopper Lex Luthor et non l’encourager dans son délire !

BONK… Boom.

L'émeutier s'écroule. Je regarde l’autre héros avec surprise. Je…
D’accord, il a le don d’envoyer valser une personne, pour sûr. Mais la foule indignée n’a pas vu cela d’un très bon œil. Elle s’approche de nous, mais je remarque une partie qui lève des cocktails molotov se dirigeant vers les monuments et bâtiments, des édifices uniques commémorant les Starmens.
Je recule pour pouvoir parler à mon nouvel équipier… Un équipier… Une équipe de héros, hein ?
- Je ne sais pas qui tu es, mais merci. Ton aide est très appréciée…

Je n’ai pas vraiment le temps de lui en dire plus que les prédateurs nous embarquent dans une bataille, soyons honnête (et c’est pas pour nous jeter des fleurs), qui est perdue d’avance.
Pas pour nous, pour eux, bien entendu !
- Vous ne toucherez pas à cet endroit !

Je m’étire, mes bras repoussent, mes mains tentent même de désarmer. Je grimace, mais juste pour moi. La douleur est vive mais ne dure pas. Il faut toujours faire ses étirements après une bonne session sportive mais je manque de temps. Ceux qui sont trop près de nous, je les camisole, enroulant mes bras et même mon corps. Bon sang… Il me faudra une bonne rasade de gingold après ça, j’ai trop rouillé.
- Il faut les repousser jusqu’à ce que les forces de police d’Opal arrivent ! Fais de ton mieux, mais ne-

BOOOOM KRRRRRRRRRAAAC

- … prends aucun risque…

La fin de ma phrase est devenue un murmure presque inaudible avec tout ce boucan. Ils ont déjà commencé à s’attaquer au lieu, qui fait office de mairie dans ce quartier. Bientôt il n’en restera que des cendres si on ne les arrête pas. La colère revient, elle fait battre mon cœur et mes poings se serrent… Elle l’étreint aussi, très durement et elle noue mon estomac… Non, attendez, ça, c’est plutôt de l’angoisse. Je subis un mélange détonant et il me faut beaucoup d’effort pour rester concentré, mais aussi pour ne pas mettre des coups plus fort qu’un humain normal ne peut encaisser… Toutefois, briser le nez d’un émeutier enclin à me planter d’un coup de couteau ne m’émeus point. Je continue à distribuer des baignes puissantes et je m’allonge en direction de la mairie. Hors de questions qu’ils détruisent davantage Opal City. Pas tant que je suis en vie. Je jette un regard vers le héros qui m’a rejoint plus tôt. Est-ce qu’il va refaire ce que j’ai cru voir tout à l’heure ? C’est peut-être mon esprit analytique et mon désir de tout savoir qui parlent mais… Ce bruit m’a rendu extrêmement soucieux et curieux d’en connaître plus sur cet homme. J’ai déjà rencontré des fifous capables de choses extraordinaires ! Certains viennent même de siècles avancées que je ne pourrais pas connaître. Alors, pour lui, est-ce le cas ? Vient-il d’un autre siècle ou d’un autre monde ? Se téléporte t-il avec une technologie ou par la pensée ? Ou est-ce qu’il est issu d’une divine providence, dont le but est d’aider les héros face à cette crise ? Je peux avoir beaucoup d’imaginations, mais je préfère les réponses concrètes !

Ah.
Derek: 1 / Harangueur de foules: 0, peut-être, mais ça ne fait qu'un gars en moins... sur plusieurs centaines. Qui préparent de quoi ravager d'autres monuments. Un combat perdu d'avance ? Peut-être, mais Elongated Man ne tremble pas des genoux, lui. Et... en plus... il me remercie ! Ah, le plus beau jour de ma vie ! Ca existe pas trop la politesse, à Gotham. Lorsque qu'un gars en voiture prend un sens interdit et manque de te renverser, c'est toi qui doit t'excuser de lui avoir barrer le chemin. C'est pour dire ! Alors là, un petit mot sympa, ça ne peut que donner la banane, quoi.

- De rien m'sieur !

A ses côtés, je me campe sur mes appuis, prêt à la baston.
Je me suis jamais vraiment battu, il faut dire. J'ai jamais vraiment été super sociable non plus. Ouais, si on devait résumer ma vie, on pourrait dire ça comme ça: pas assez cool pour être apprécié, et pas assez con pour être détesté. Et je peux vous dire qu'être ignoré, au final, c'est pas mieux.
M'enfin, là, j'ai un public de plusieurs centaines de personnes prêtes à m'écorcher vif parce qu'un vieux chauve ambitieux leur a demandé. Alors me battre, va falloir apprendre ça fissa ! Si j'avais eu que les rift, ça se serait révélé vachement plus ardu.
C'est parti !
Pas fou, hors de question que je m'éloigne d'Elongated Man. Si on se sépare, on va le regretter. Alors j'attends que quelques malins passent ses défenses, et bim, bam, crack je cogne ! Pif, paf, kapow dans les nez et les dents ! On me saisit par derrière, enserrant mes bras; et boum coup de tête en arrière, et scrouch, je bondis pour lui retomber dessus !


BOOOOM KRRRRRRRRRAAAC

Mais notre lutte n'aura servi qu'à ralentir l'inévitable: l'antenne de la mairie est touchée, et une partie de la façade prend feu. Oh, bande de criminels ! Surtout qu'à l'intérieur, des cris se font entendre. Des familles, des employés, des élus sont pris au piège, à la merci des flammes !

- Pas le temps pour la prudence, je crois bien.

Non, en effet.
Alors, ni une ni deux, prenant mon courage à deux mains, je m'élance au milieu de la foule, repoussant tous ceux qui essaient de me barrer la route.
Des mains tirent sur ma tenue, sur mon masque pour l'arracher, des pieds frappent mes jambes pour me faire tomber. La mairie est encore trop loin... y a peu de chances que j'y arrive. Mais je tiens, je ne lâche rien, et... mais pourquoi j'ai fait ça ? Je pouvais pas... euuuuh juste... ouvrir un rift pour monter sur le toit du bâtiment ?
Derek, tu les as mérité, ces bleus, et tu le sais très bien.
Alors j'attends pas une seconde de plus. J'illumine mes doigts, ce qui effraie pas mal de monde, pour ouvrir une faille.

RFFFFFFFFFFFFFFT

Ouf, fait chaud !
La chaleur du brasier grimpe jusqu'à moi, et m'étoufferait presque. Raison de plus pour ne pas trainer. Des mains se tendent à travers mon rift pas encore fermé, et je leur file des bonnes grosses pichenettes boostées à la super-force pour les chasser. Pis je le clos, direct. Évitons donc de couper un bras, cette fois. J'ai déjà bien assez d'une Killspeed.
De là où je suis, la vue est démente. Dans le mauvais sens du terme. Cette petite place d'Opal City ressemble à l'anti-chambre des Enfers. La folie a gagné le coeur des hommes, et Elongated Man et moi sommes le dernier rempart des gens de bien.
Mais que fait la police ?!
Conscient que la plus grande menace, pour le moment, reste le feu grondant, je me craque les doigts. Va falloir pas se louper ! La vie d'innocents est en jeu !

RFFFFFFFFFFT

Eeeeeeet... rien. Comment ça, rien ? Je regarde de l'autre côté.
Ah bah oui, raté de dix bons mètres. Bon, on recommence.
Et cette fois, cette fois... bon, je promets rien, si jamais je me loupe encore, je passerais encore plus pour un idiot. Mais j'y mets tout mon cœur, hein, vous y trompez pas !

- Accrochez-vous ! YAH !



YEAH !
Une immense cascade cristalline déferle depuis mon rift, étouffant les flammes sous plusieurs tonnes d'eau, qui emportent également les manifestants incapables de s'accrocher.
La scène doit avoir l'air un peu folle: un gamin, costard en spandex, sur le toit de la mairie, qui fait s'abattre la moitié d'une cascade du Colorado pour éteindre un brasier ardent. Vous m'auriez dit ça, j'aurais ri.
Enfin, quand tout me semble bon, je ferme le robinet.
C'est sacrément le chaos en bas.
Eeeet un groupe de réfractaires plus solide que les autres n'en a pas encore eu assez ! Regroupés, comme une meute de loups, ils fondent sur m'sieur Dibny !

A peine ai-je eu le temps de passer un portail que je me retrouve face à... du noir ? Enfin, je dis du noir, mais c'est genre le vide, l'absence de tout, le néant absolu, hein ! Pas juste la lumière qui a grillé dans le grenier ou le t-shirt que tu dois pas mettre en été sinon tu crèves de chaud. Le vrai noir, plus intense et plus profond que j'ai jamais vu. Un noir qui enveloppe les émeutiers, et les envoie retomber plus loin, trop blessés ou assommés pour continuer. Un silence se fait, seulement brisé par le glougloutement de l'eau qui s'écoule.
Et à la base de ce noir, une voix s'élève, et se dévoile lentement.

- Elongated Man. Jeune homme.

Une voix suave, riche, élégante, qui appartient à quelqu'un qui a l'air de l'être tout autant. Brrrr... il fait froid dans le dos. Mais il a clairement du style. Canne et haut-de-forme à la main, il nous observe, et continue:


- Fou d'attiser ainsi la rage des gens. Surtout quand elle risque de blesser Opal. Mon Opal.

Mémo perso: ne jamais foutre le boxon à Opal City. Ce gars me fait bien trop flipper. Il donne l'impression de pouvoir engloutir le monde à la moindre contrariété.

- Mais Luthor n'est pas votre priorité. L'instigatrice de tout ceci est ailleurs.

Ah. Forcément, fallait qu'il y ait un cerveau dans l'ombre. Après tout, y a toujours un cerveau dans l'ombre.
Et... ce ailleurs, vous pourriez nous dire où c'est sans plus de suspens, Mr. Ténèbres ?

- J'ai... promis à un ami que je ne lèverai pas la main sur elle. Et je suis un homme de parole. Mais vous, vous le pouvez.

Mais si, rompez votre promesse, vous avez l'air trop fort !
On aurait bien besoin d'un coup de main, surtout contre quelqu'un qui arrive à organiser tout ça !

- Le commissariat central. Une prise d'otages s'y déroule en ce moment même. Occupez-vous en. Cette manifestation de cloportes ne devrait pas me poser trop de problèmes.

Bon, bon, s'il gère la manif, alors ça va.
J'aurais pas été contre qu'il arrive plus tôt, mais soit. Je hoche la tête, et me prépare à ouvrir une faille.

- Jeune homme ?

Glups. Je vais prendre cher.
Est-ce qu'il va considèrer que j'ai abimé sa chère Opal avec mon torrent ?

- Ouiiii ?

Un peu hésitant, Derek, tu devrais faire preuve d'assurance ! Ouais, non, peut-être pas là, avec ce dandy aux ombres taquines. Tu as d'ailleurs sacrément l'impression de voir la tienne bouger sans ta permission, avoue ! Flippant, je dis.

- Veillez à tempérer vos ardeurs. Vu ?

En sueur sous mon masque, je lâche un gros gros soupir, relâchant une bonne partie du stress accumulé en quelques secondes. Ah, ça va, c'est juste une mise en garde. J'incline la tête en répondant:

- Je... d'accord...

Puis, il se tourne vers Elongated Man, comme s'ils se connaissaient déjà. Les yeux perçants du gentleman semblent détailler de haut en bas la silhouette du héros et, comme pour valider ce qu'il voit un sourire naît sur ses lèvres.

- Mr. Dibny. C'est un plaisir de vous revoir en activité.

Il est volontaire, motivé, plein d’énergies. Il distribue des coups comme un combattant aguerri. Toutefois, il néglige un peu sa défense. Il fait attention à ce qu’il se passe, à moi, à la sécurité des civils. Il se débrouille bien, même très bien ! Et tout comme moi, il a tout de suite réagi à l’énorme bruit vers la mairie. J’entends ses mots et je fronce les sourcils. Certes, nous n’avons pas trop le temps de réfléchir à un plan mais cela ne nous empêche pas d’être prudent ! Mais je doute qu’il m’écoute alors qu’il est déjà parti. C’est un fonceur, il est téméraire… Je me verrais presque en lui, tiens. Il se jette au milieu de cette foule enragée et tout ce que je peux faire c’est lui dégager un maximum le chemin. Il se prend des coups et je chope, repousse, décoiffe tout ceux qui tentent de lui faire plus de mal. Quelle bande de rustres !
J’évite de me faire submerger tout en jetant un coup d’oeil vers le jeune. Il n’est pas loin et il commence à faire des gestes… Puis de la lumière jaillit et... Mais ?!
Il a disparu ?!?

D’accord. Restons calme.
Tout va bien… Non, tout va mal ! Comment ais-je pu le perdre de vu en l’espace d’une micro-seconde ?
Mais poussez-vous, bon dieu ! Je m’acharne sur les émeutiers, prenant à chaque fois le soin de leur laisser des gnons. Je m’approche et je vois cette espèce de portail encore ouvert. Je comprends mieux… J’attrape par le col ceux qui suivent le jeune héros. Pas question que vous le suivez… Je ne sais où… Il est passé où ?? Le portail finit par disparaître après qu’un gars se soit fait violemment repoussé.
Oh… mince… Je me retrouve seul, dernière cible valide. Je vais passer un sale quart d’heure... Les émeutiers m’entourent, prêt à m’exploser la tronche, tandis que des cris et des appels à l’aide s’élèvent du bâtiment en feu derrière moi. Je suis cerné et je n’ai pas beaucoup de choix de manœuvre. Les innocents sont la priorité, je peux tenter de me frayer un chemin et de…


Quel est ce bruit, encore ?





Je…
J’en ai vu des choses dans ma vie…
Invasion, tabassage de vilains, guerres, monstres en tout genre, l’Enfer… (enfin je crois)
Alors une tonne d’eau sortant d’un portail, hein !, qui vous arrive sur le coin du nez, ce n’est pas commun, certes !, mais sur le moment j’ai juste souri. J’ai souri, hé... Je ne sais pas encore très bien comment il fait ça, mais c’est un gé-nie ! Je m’allonge à temps pour éviter de finir comme nos ennemis, emportés par les vagues. Le spectacle est fabuleux. Je ris aux éclats devant cette prouesse. Bon sang, je n’ai plus ri de cette façon depuis… bien trop longtemps !
Titre d’un journal, note à celui qui passe par là : Une cascade à Opal City sauve la vie d’un héros et des civils.
Aouch ! …
Non, ce coup de poing me ramène à la réalité et me démontre que je ne suis pas encore tiré d’affaire.
Je vais pour riposter et rendre coup pour coup, lorsque soudain, plus rien. Tout s’est éteint. Ni lumière, ni forme, ni couleur… Je ne suis pas devenu soudainement aveugle, hmm ?… Non, c’est “présent”. Pas palpable, mais parfaitement là. C’est quelque chose que j’ai déjà connu par le passé, on dirait…
Les émeutiers sont repoussés et ne semblent plus enclin à se battre. Je cherche des yeux, par instinct, l’auteur de cette mise en scène. Bientôt, j’ai une réponse à ma question muette, car une voix s’élève et je la reconnais. Pas d’erreurs possible, c’est bien The Shade. Haut de forme et manteau tout en élégance, l’homme se présente face à nous. Je souris très légèrement.
The Shade, oui. Il est vrai qu’il réside à Opal. A l’époque, j’ai pu le rencontrer alors qu’il n’était pas de notre côté. L’immortalité c’est quelque chose de long à vivre, alors il volait. On l’a arrêté plusieurs fois pour ces petits crimes. Et bien plus tard, il s’est mis avec une policière et il s’est rangé ! Comme quoi, il ne faut pas douter sur la seconde chance… Nous avons pu collaborer en ce temps-là pour restaurer un peu d’ordres à Central et Opal City. Je ne l’avais plus vu depuis plusieurs années. Je suis bien content qu’il soit présent pour nous aider et non pas du côté des fous furieux.

Je me tourne vers le jeune qui semble nerveux à la présence de The Shade. C’est vrai qu’il peut impressionner. N’importe qui est nerveux si on lui supprime totalement le sens de la vue sans prévenir. Et ce gars tout en noir est très doué pour ne pas prévenir à l’avance la prochaine extinction des feux ! Cependant, malgré cette drôle de scène, ce qu’il dit me fait avoir la mine grave. Luthor n’est en faite qu’un arrière plan de l’histoire, un décors de discorde qui s’installe à Opal. Les émeutiers sont des marionnettes, donc la personne qui dirige les opérations aspire peut-être à plus que semer le chaos. The Shade confirme mes doutes et nous indique même où se déroule l’action principale dans toute cette confusion. Ceci explique donc pourquoi la police met autant de temps à venir sur place. Ils sont sans doute tous resté là-bas, ne pouvant pas gérer plusieurs fronts...
- Le Commissariat ? Bien. On s’en occupe, Shade, merci pour ton aide !

Il dit un dernier mot au jeune homme et je sens toute la pression redescendre. Le pauvre… Il va peut-être éviter Opal City pendant longtemps avec tout ça, ce qui serait bien dommage… Ces ombres-là ne plaisantent pas lorsqu’il s’agit de cette ville. Oh que non.
- Et c'est un plaisir de te voir à nos côtés, encore merci ! Tu peux compter sur nous, Richard, nous n’échouerons pas !

Je m’incline et après un hochement de tête, il disparaît. La lumière reparaît et le sens de la vue revient quasi immédiatement. Après un léger temps d’adaptation, je me tourne vers le jeune, dont je ne sais toujours pas le nom. Je prends le temps de le détailler. Juste un spandex, pas d’outillage, pas de technologie... Il n'est pas beaucoup plus équipé que moi. Capacités innés, donc ? Hmm… Je croise les bras et je laisse un léger sourire apparaître.
- Magie ou génétique améliorée ? En tout cas, belle performance, je suis impressionné ! - Veillant à ce qu’aucun malades ne nous tombent dessus, je lui tends une main amicale - Nous ne nous sommes pas présentés correctement ! Ralph, Ralph Dibny.

Alias le détective qui s’allonge mais il semble au courant de ce détail.
- Si tu es toujours prêt à m’aider, le Commissariat Central n’est pas très loin d’ici. Je respecte la décision de The Shade de ne pas avoir levé la main sur “elle”, même si j’ignore de qui il s’agit. Allons le découvrir et sauver ceux qui peuvent encore l’être…

Si ce n’est pas trop tard. La fougue et la jeunesse de mon nouveau compagnon m’a redonné de l’énergie. Mais je suis revenu depuis peu, sans toutes mes capacités et rongés encore par mes démons… J’en suis encore à découvrir toutes les horreurs qui sont arrivés à des amis, à des héros de renoms, à des anciens coéquipiers… Et aujourd’hui, une autre catastrophe profile à l’horizon et je ne suis pas certain d’avoir les épaules pour... pour combattre cette nouvelle menace. Je...
Essayons… oui, essayons, au moins…
- Bien… C’est pas là !

Oui… Je dois essayer… Profiter que je sois encore capable de faire quelque chose.

- Au nom d'Opal, vous n'avez pas intérêt, Elongated Man. Croyez moi.

Shade regarde Elongated Man, comme s'il cherche à percer de ses yeux nus ce qui se passe dans la caboche élastique. Il nous a aidé, mais ça a pas l'air d'être un enfant de coeur, le Richard. Surtout quand il sort lentement une très fine paire de lunettes aux verres fumés pour la poser sur son nez. C'est élégant, ça, on peut qu'admettre, mais j'ai l'impression de voir un T-800 se rhabiller, quoi. Sauf qu'en lieu et place d'une petite diode rouge lumineuse dans les orbites, un vide abyssal, biblique même, est à contempler.
Et sur ces mots, l'ombre s'en va, et le poids dans mes tripes aussi. Un peu. Pas beaucoup à vrai dire. Les mots lancés restent dans ma tête, lancinants. Je... je suis pas un flambeur qui pige que dalle à ce que c'est un héros ! J'essaie de bien faire, d'être poli, de bien présenter, de pas me ridiculiser, d'aider les gens. Qu'est-ce que ça a de plus, un héros ? Et un super-héros ? Qu'est-ce qui me manque pour que ça aille mieux dans mon cœur ? Parce que là, j'ai la désagréable impression de me mentir à moi-même sans savoir ni comment, ni pourquoi...

- Humf...

Heureusement, m'sieur Dibny vient me tendre une main bienvenue. Au propre comme au figuré. Une main que je saisis avec la même ferveur qu'un explorateur perdu au milieu de la jungle péruvienne en train de s'enfoncer dans un sable mouvant. C'est dire !

- Euuuuh... j'en ai aucune idée, à vrai dire. Ca m'est tombé dessus, pouf ! Et merci, mais c'est surtout grâce à vous !

Oh le filou, je vais rougir sous mon masque moi !
J'ai juste empêché les flammes de devenir un barbecue géant, pendant que lui se battait comme un fou en contrebas, et à mains nues en plus ! J'ai aucun mérite, à part celui de pas trop mal avoir utilisé mes pouvoirs, quoi.
Non m'sieur, je me sens PAS DU TOUT légitime pour des compliments pareils ! Et je sais pas si je le serais un jour, mais ça, c'est une autre question.
Oh, et bon, maintenant, il s'agirait d'être poli et de se présenter, ô grand et puissant Sideways ! J'hésite quelques secondes à n'utiliser que mon pseudonyme, mais puisqu'il donne son vrai blaze, je me dis que ça doit pas être trop gênant, avec lui.

- Moi, c'est... James. Derek James. Agent secret au service de... non, laissez tomber, blague avortée, blague avorté.

Bon, parlant de gênant, en voici un merveilleux exemple !
Laissez le Derek sauvage tenter de faire de l'humour, et voilà où en arrive. Des références culturelles nulles et datées pour se présenter à un vrai super-héros qui a sauvé le monde plusieurs fois, à n'en pas douter (les wikis sont pas très clairs sur le sujet...).
Du coup, je merde.
Donc je stresse.
Donc je panique.
Donc je fais n'importe quoi.
Donc ça se traduit par un débit de parole BEAUCOUP trop élevé et nécessairement inutile pour la compréhension d'autrui. Genre, là.

- C'est fou, c'est sur vous que je voulais tomber. Après, y a pas énormément de héros à Opal City, donc ça semble moins fou que si je cherchais le Bat qu'on a pas vu depuis quelques temps déjà, et tout ! Je suis content de vous rencontrer ! Bon, pas dans ces circonstances, mais...

Mais des vies sont en danger, Derek.
Donc tu tournes ta langue quarante-deux fois dans ta bouche, et tu acquiesces avec enthousiasme à l'idée d'aller les aider. Point, à la ligne, pas plus !

- Oui, non, on verra ça plus tard !

Qu'est-ce qu'on a dit, Dereeeeek ?

- Moins de babillage, plus de concentration, comme dit Tempus !

Bon, m'sieur Dibny risque de se demander qui est Tempus, mais si c'est la pire nouvelle de la soirée, ce sera déjà une super nouvelle. Alors je m'étire les doigts, et tend index et majeur droit vers le ciel, comme si je m'apprêtais à faire s'abattre la foudre sur ce monde !
Comme Captain Marvel, en fait.
Hum... ce serait trop stylé !
Bref, focus.
Pardonnez moi.
Ca se reproduire plus. (=> JE MENS !)

Reprenons. Le commissariat central, donc.
Une énorme prise d'otages.
La personne que l'ombre peut pas arrêter.
La raison pour laquelle la police n'est pas encore arrivée.
C'est super inquiétant, dit comme ça ! Mais à deux, même si on se connaît quasiment pas, ça devrait pouvoir le faire, non ? Surtout avec autant d'expérience de notre côté ! (non, je pense pas du tout à moi, pour le coup.)

- Je peux nous y mener en deux temps trois mouvements si vous voulez !

Hé hé, il est bien brave, ce pouvoir.
Grâce à lui, je peux ouvrir des failles un peu partout dans le Multivers, m'y faufiler, et explorer l'entièreté de la création ! Si ça c'est pas cool ? Mais est-ce que je mérite bien ce pouvoir ?

- Genre, comme ça.

Un poil dépité, je déchire le tissu de la réalité avec mes doigts, pour ouvrir un rift, droit direction le commissariat.

RFFFFFFFFFFFFFT

Directement, une épaisse fumée grise et blanche en émerge pour nous envelopper, comme un fin drapé aérien. C'est... pas rassurant. Surtout que tout à l'air très calme là-bas ! Un peu trop calme. Je préfère quand c'est un peu trop plus moins calme, moi...
Méfiant, je passe à travers mon portail, laissant très vite passer m'sieur Dibny avec moi.

James. Derek James. Un garçon avec beaucoup d’énergie, pour sûr ! Un jeune homme dont ses pouvoirs sont venus à lui, genre pouf, comme ça ? C’est surprenant, mais il existe des êtres surprenants dans ce monde. J’en ai rencontré, j’ai eu la chance de combattre à leurs côtés et je suis heureux de constater que les jeunes générations préfèrent suivre la voie des héros. Difficile, risquée, mais louable ! Et ce jeune-là a déjà sauvé des centaines de vies ce soir.
Je souris devant sa gêne, alors que je le complimente et qu’il essaye de faire de l’humour. Il part un peu vite et on ne peut pas l’arrêter, pas avant qu’il cesse. Et alors que je sens venir une ouverture, il reprend. Il me cherchait ? Moi ?
- Pour quelle raison me cher-

Trop tard vieux, trop tard. Il est lancé. J’essaye d’attirer son attention mais je sens qu’il me faudra trouver le truc pour qu’il m’écoute. Mais la situation ne se prête pas ni à l’écoute, ni à l’attention. Il a tout à fait raison, l’heure est à l’action et le temps presse. D’après The Shade, le Commissariat est attaqué et des otages sont en danger.
- Tu as raison, mettons notre discussion de côté. Tempus ne gagne pas les batailles, il aide les guerriers dignes de son attention à remporter la victoire !* Alors allons-y !

J’ai voulu m’étendre pour effectuer des grands pas, mais je suis stoppé dans mon élan lorsque je vois Derek effectuer des gestes. Les même que tout à l’heure. En bon observateur, je le regarde faire. Je suis à la fois intrigué et perplexe à l’idée d’être confronté à quelque chose d’inconnu, à une énergie différente de tout ce que j’ai pu voir. Je me demande comment il fait, comment ces portails fonctionnent. Il prétend pouvoir nous amener à destination en peu de temps. A quel point peut-on mesurer le temps ? J’ouvre de grands yeux lorsque des étincelles jaillissent de ses mains et que le portail se forme. De près, je me rends compte que le temps n’est donc pas le sujet. C’est instantané ! Il peut donc ouvrir des portes partout dans le monde de cette manière ? Vraiment n’importe où ? C’est fascinant !
- Ouah !!!

RFFFFFFFFFFFFFT

Bientôt, je peux voir le quartier du Commissariat, que je reconnais sans peine. Ce qui me chiffonne cependant, c’est l’épaisse brume qui se faufile et nous fait avoir des frissons. Si ce n’est pas la magie de Derek qui fait cet effet, alors c’est météorologique… Ou est-ce… ? Je dois en avoir le cœur net !
Je suis le jeune super-héros au pas, vraiment fasciné de vivre cette expérience. C’est comme si vous passiez une porte qui vous amène dans une autre pièce de votre maison, mais nous traversons là plusieurs kilomètres en une seconde. Ceci explique comment il a pu éteindre les flammes de la mairie si aisément ! Mais est-ce qu’il a pensé à de l’eau ou à l’endroit ? Ou il pense à la distance à parcourir… ? Toutes ces questions me brûlent la langue… Ce n’est pas le bon moment pour l'assommer avec tout ça !
Revenons donc à nos moutons et pas des moindres.
Le quartier du Commissariat central est silencieux. C’en est troublant. Ajoutez à cela cette brume épaisse qui rafraîchit considérablement l'atmosphère et on se croirait dans une scène tout droit sortie d’un film d’horreur. Je fronce les sourcils, mettant instinctivement un bras pour retenir le jeune. Juste comme ça, au cas où…
- Ce n’est pas naturel… J’ai déjà vu ça.

Mon ton est grave et je fais marcher mes méninges. Wizard ? Non… Pas ici. Mist ? Est-ce seulement possible ? Je ne l’ai plus vu depuis une bonne paire d’année et … Il avait déjà un âge avancé lorsqu’il terrorisait Opal City. The Shade a dit “elle”... Je suppose donc que Mist a eu une descendance.
Les choses se compliquent. Je ne m’attendais pas à devoir affronter pareil adversaire aussi tôt. Je suis à la moitié de mon plein potentiel et Derek manque d’expérience… Cependant, avec ses pouvoirs, nous pouvons très certainement sauver les otages sans nous faire remarquer. Sans nous faire remarquer ? Hinhin…
- Il faut agir maintenant ! L’effet de surprise est raté, elle sait sans doute que nous sommes là.

J’en suis certain… Cette brume est un élément qu’elle utilise. Si elle possède les capacités de Mist, elle est même capable de venir à nous en quelques secondes, peu importe où nous nous trouvons.
- Je vais me rendre devant le Commissariat pour attirer son attention. Essayes de sauver les otages, et nous nous rejoindrons.

Je lui en demande beaucoup, mais je ne vois pas tellement d’alternative. Les otages sont notre priorité, le vilain la seconde… Il faut trouver où elle se trouve et la neutraliser.
- Nous devons réussir ! Je suis sûr que tu peux le faire et surtout… Fais attention. Elle peut apparaître n’importe où.

Nouveau Mist, nouveau pouvoir ? Nous n’avons clairement pas le temps de réfléchir à ces hypothèses. Je lui fais un signe de la tête et je m’étends, descendant en bas de la rue. Comme prévu, j’avance devant le Commissariat… Au mieux avec un champ de vision largement réduit. Autant vous le dire, je n’y vois que dalle ! C’est à peine si je peux apercevoir les éléments à un mètre. J’avance à l’instinct, ayant mémorisé le chemin que je dois faire… Mais mon sens de l’orientation risque d’être compromis si la brume se met à s’épaissir davantage. Comme là, maintenant… Foutredieu !
J’entends une voix peu audible, au point qu’elle peut venir de n’importe où. C’est ce que je craignais … Mist est partout et nulle part dans la brume. Elle “est” la brume. Elle tente de me désorienter… Et ça fonctionne. Je finis par m’arrêter, restant parfaitement immobile. Je serre les poings, aux aguets du moindre mouvement. Le cas échéant je peux me repérer avec d’autres sens… Mon plan est surtout d’attirer son attention, de laisser le champ libre au jeune.
- Allez… Montres-toi.

Je doute qu’elle le fasse. Ou si elle tente quelque chose, ça ne sera pas pour faire la causette avec un vieux héros.
- Que veux-tu ? Pourquoi semer le désordre ici… ?

Je le sens mal… Vraiment mal.





[HRP : * http://www.gemmaline.com/tempus.htm ] /HRP]

Spoiler:

Du côté de chez Swann Elongated Man

C'est fou comme des volutes aussi claires, aussi pâles, aussi pures puissent autant ruiner un champ de vision. Et pourtant, c'est exactement ce qui arrive à Ralph, où qu'il pose son regard. Des bruits, évanescents, se fond entendre dans le fond, comme l'écho lointain de la civilisation. Et un murmure, lent, grave, puis de plus en plus rapide. Il monte dans les aigus, jusqu'à en devenir désagréable puis, d'un coup, s'estompe, remplacé par ce qui pourrait être un aboiement lointain, mais difficile d'être sûr.
Et au moment où il a le plus l'impression d'être perdu, si cela arrive, Ralph sent quelque chose.
Au milieu de toute cette intangibilité, quelque chose apparaît, et s'approche. Et une voix s'élève. Une vraie voix, pas une de ces illusions.
Veloutée et froide, elle est la messagère d'une bien triste personne.


- Hmmmmmmm...

Une silhouette féminine, inconnue de Ralph, émerge des brumes. Bien que très simplement habillée, il se dégage d'elle une assurance à couper le souffle. Son sourire, également, donne le tournis. Séduisante, dangereuse, une prédatrice. Son pistolet n'aide pas, il faut dire.
Lentement, laissant son débardeur lâche dévoiler un peu de son intimité, elle se penche vers le héros, les yeux pétillants d'une malice des plus désagréables.

- Ce que je veux ?

Puis, d'un coup, elle se recule, brutale, se grattant le menton à l'aide de l'arme à feu, comme si elle réfléchissait. Pour un enquêteur comme Elongated Man, il lui semble bien logique qu'elle se joue de lui, en restant à distance respectable pour réagir à la moindre agression.
Et elle disparaît de nouveau dans la brume.
Sa voix s'élève, encore.
Tout autour du détective.

- Mais réduire en fumée tout ce que sont les Starmen, bien sûr. N'est-ce pas évident, Mr. Dibny ?

Et sans crier gare, des coups de feu retentissent dans le dos de Ralph.
Le combat commence.

________________________________________________________

De mon côté

Me voilà en infiltration au milieu de toute cette brume épaisse, avec comme seule lumière une étincelle riftique au bout des doigts. Ça balance pas mal niveau éclairage, en vrai !
M'sieur Dibny a l'air de me faire confiance. Je me serais méfié, à sa place, mais je suppose que c'est un trait de personnalité qu'on ne peut pas trop développer à Gotham City, quand on porte un masque.
Ca a pas été facile de se frayer un chemin dans le commissariat, je vous le dis. Entre les pièces mal foutues, les bureaux de partout, les vitres sans teint et les otages enrubannés, ça tient plus du parcours du combattant à l'aveugle que de la promenade de santé avec grand-mère dans le brouillard matinal. En plus, j'ai cru sentir des courants d'air à plusieurs reprises, et entendre des battements d'ailes, ça fait devenir parano ce genre d'ambiance ! M'enfin, je ronchonne, je ronchonne, mais y a moins de brume par là où je suis. A l'intérieur.
Mais n=bon, quand y en a marre, y en a marre ! Et là, y en a très marre !
De frustration, j'ouvre un rift menant à la limite de la stratosphère !

RFFFFFFFFFFT

Je dois ma survie qu'à mes bons réflexes.
Et à la solidité de cette barre pour handicapés.
A peine ai-je fait ça qu'un vide se crée, et si un gros volume de fumée part direction les étoiles, vers l'infini et au-delà, bah moi aussi. Quasiment asphyxié, je retombe au sol une fois le rift refermé, et vient le moment où il faut demander à mon cœur de ralentir. Exercice difficile s'il en est !
Eh bah bravo pour l'effet de surprise, bien joué Derek !
Si mes mains n'étaient pas les tiennes, j'applaudirais à tout rompre.
Bah, au moins, on y voit quelque chose, maintenant.
Autour de moi s'étend une grande pièce circulaire, genre salle de réunion. Avec, au centre, comme entouré de papier cadeau et d'un ruban coloré, un monsieur roux et élégant aux temples blanches. Bien sûr, scotch épais sur la bouche. Casquette et symbole, ça ne trompe pas, c'est le chef ici.
Mais c'est un peu trop facile...
M'enfin, au pire, ça fera un autre allié debout.


- Vous devez être le commissaire, vous.

Le petit sourire sous mon masque n'aurait trompé personne, si on pouvait le voir.
C'est sympa, mine de rien, d'être la personne qui libère la force de l'ordre. Ça donne l'impression de faire du meilleur travail qu'eux, hé !
C'est qu'il se débat, le bougre !

- HUM HUMF !

Mais à peine ai-je retiré le vil ruban adhésif qu'il inspire profondément et me lance:

- T'approche pas, fis... !

Sûr de mon coup, je déploie toute ma palette de mec cool et charismatique pour le convaincre que je suis avec eux.
Roulement des mécaniques, pose épique mais détendue, voix cooool.
Si ça ça marche pas, je mange mon masque, je vous jure.

- Vous inquiétez pas, monsieur le commissaire, j'suis avec Elongated Man ! La cavalerie arrive, comme on dit... par... chez nous ?

Il rit.
Nerveusement, on dirait. Hum.
Je vous jure, je vais manger mon masque, me faites pas faire ça, s'il vous plaît, je crois pas avoir un système digestif de super-héros, moi... please...

- Mais non idiot, Mist est pas seule !

Ah.
Je mets deux secondes à raccorder les neurones qui fonctionnent encore.
C'est bien ce que je me disais. Trop simple. Trop facile. Pourquoi j'ai pas fait dentiste, ou danseur de tcha-tcha-tcha, moi ? Des métiers d'avenir, quoi. Ou les pompes funèbres, tiens ! Il paraît que c'est bien, ça, en pleine expansion !

- Pas... seule ?

Le même mouvement d'air que plus tôt !
Pas le temps de me retourner, mon visage (et tout le corps rattaché) va rencontrer le pilier devant moi. AÏE... ça fait pas du bien, et j'ai du plâtre plein le masque, maintenant. Peuh, dégueu ! C'est meilleur que l'eau des égouts de Gotham, mais quand même.
Et apparemment, on pense qu'il y a encore un peu de place dans mon estomac. Souriez, vous vous faites écraser !

BRAM

- UNGH !

Je passe à travers le pilier, poussé par quelqu'un de fort, très fort. Comme un sac à patates (ou une grosse... vous voyez), ça m'amène à rencontrer le sol, qui m'a l'air fort douillet, avec cette moquette verte et bleue d'un autre âge. Espérons qu'ils passent l'aspirateur régulièrement.
Bon, tout mon corps me fait déjà mal. J'ai pas pleinement repris possession de mes moyens depuis Basilia, on dirait...
Au sol, blanchi par le plâtre, je me retourne difficilement sur le dos, pour découvrir mon agresseur. Mon très puissant agresseur. Avec un peu de chance, il peut lire mes pensées, voir que je lui cire les bottes le respecte, et comme ça, plus besoin de se battre, il a rien à prouver !


Chaque petit toussotement m'aide à me redresser. Mais pas à dissimuler ma surprise, parce que rien ne m'empêche de m'exclamer, sacrément étonné:

- Mais... mais t'es pas un héros, toi ?!

Brrr… On se croirait au milieu d’un des Neufs Mondes du mythe ; un endroit froid et brumeux où vivent les morts. Le Hell ou le Hölle… Banalisé et finir par se faire appeler l’Enfer…
Mais je n’ai pas envie de faire un séjour dans cet endroit, pas tout de suite ! Alors la première chose que j’ai à faire, c’est vite trouver la personne à l’origine de ce brouillard. D’où ma question, où j’ai surtout voulu faire réagir. Mais c’est bien bête car elle peut me laisser dans mes interrogations et agir sans même que je puisse voir venir le coup. Elle tente de me désorienter davantage avec des bruits étranges, des sons venus de nul part, où je crois même distinguer une voix sans en être certain… Elle essaye de me perdre et elle réussit… J’ai dû mal à me repérer. J’ai cessé de bouger et je reste en alerte. La vue et l’ouïe étant biaisées, je m’attends à tout. Même à voir le sol s’effondrer sous mes pieds et le ciel devenir rouge sang… Mince, je m’égare !
Perdu mais prudent, je regarde partout autour de moi et bientôt… Je vois enfin quelque chose… Au début, c’est flou, difficile de percevoir des formes. Pourtant elles se matérialisent au fur et à mesure que ça se rapproche. Qui ça ? Je parle de Mist bien sûr. D’elle.
Elle finit par se montrer, je peux désormais mettre un visage sur la personne qui trouble ces lieux. Je la toise et je ne peux pas m’empêcher de remarquer certains traits, son assurance, ses yeux taquins, comme une joueuse qui se délecte du moment présent dans cette partie du jeu. Où son adversaire à clairement les mauvaises cartes.
Soudainement, son comportement change, passant d’une mise en scène terrifiante à la brutalité, sortant même une arme. Tout son être a de l’audace, elle est sûre d’elle. Elle doit penser qu’elle va gagner. Et j’imagine qu’elle le peut… Mais je vais lui donner du fil à retordre !
Lorsqu’elle disparaît de nouveau dans la brume, elle daigne me répondre et je fais la moue de quelqu’un qui s’attend toujours à plus.
- Oui, bien sûr, évident ! Mais je suis sûr que tu me caches un plus gros projet !

Et je m’en vais le découvrir, si je survis à cette discussion fort sympathique. Elle tire déjà et je ne reste pas sur place. Si je ne peux rien voir, je dois essayer d’entendre. Elle a clairement l’avantage, alors je dois moi-même la surprendre avec mes capacités. Du moins… Ce que je peux faire actuellement. Il serait judicieux d’éviter de se prendre une balle, d’ailleurs.
Je m’étends suffisamment pour tenter d’éviter les coups de feu que j’entends. J’ai l’impression qu’elle se trouve partout, j’ai besoin d’un point d’appui pour… m’orienter. Si la brume me pose un problème, je dois en sortir rapidement !
Un autre coup de feu et celui-ci frôle mon épaule. Bon sang ! Ce n’est pas passé loin… Cependant, je garde mon calme.
- C’est tout ?

Je balance un coup de poing allongé vers la direction d’où est venue la balle. Je la rate, bien sûr, mais j’ai eu bon. Elle s’est trouvée là. A l’instant. Mon bras fait un arc, j’essaye de la bloquer si elle a pris la direction vers moi. Sans succès. Je suppose qu’elle a dû… Sauter ? Merde !
Ce coup de feu là, par contre, ne me rate pas. J’ai senti la balle se loger dans mon épaule droite... Mais… Un de mes bras enlace désormais sa taille de guêpe.
- C’est bon, on a fini de danser ?

Pas que je n’aime pas faire ça, mais je préfère utiliser les vrais codes de la danse et sans arme à feu. Mon bras continue de s’allonger pour permettre à ma main d’empoigner son bras, dans le but de la désarmer.
Mais au même moment, je distingue à travers la brume quelque chose qui s’effondre dans un grand fracas. Derek !
Pourquoi je l’ai laissé tout seul… ?

Je serre les dents, gardant bien ma prise au bras, j’étends mes jambes pour faire un saut dans la direction du tintamarre. Je découvre l’intérieur du Commissariat central, où la brume est moins importante ici... C’est devenu un chantier. Je réagis immédiatement lorsque je vois un homme imposant face à Derek sur le sol. Oui, je peux le faire. Je permets à Derek de se relever et de se tirer de là.
C’est mon corps qui s’étend cette fois pour s’enrouler autour de l’homme, que je connais sous le nom de Black Condor. Décidément, c’est une réunion troublante, cette soirée à Opal City.
- Ryan ?!

Je doute qu’il me réponde et dans le doute puisqu’il a attaqué mon jeune compagnon, je préfère le garder là. Qu’est-ce qu’il me reste à disposition … ? J’allonge mon cou et ma main libre pour libérer le seul homme qui n’est pas en spandex ici :
- Commissaire O'Dare ! Je vous propose de vous éloigner d’ici et de libérer tous les autres ! On doit pouvoir gérer ces deux-là…

Optimiste. Toujours ! Enfin… On essaye. Mon cou va vite vers Derek :
- Tout va bien ?! Rien de cassé ? Il faut que tu t’occupes de madame, c’est le centre de tout. On gère Mist, on gère tous nos soucis ici et dehors !

J’entends par là Black Condor, que je l’espère est bien contrôlé par Mist. Si ce n’est pas le cas… Alors il va falloir qu’on discute ! En parlant de Mist, je crois qu’elle a fini par s’échapper de mon bras… Et merde !
Mais ma préoccupation la plus urgente désormais c’est le puissant Ryan Kendall, qui ne va pas se laisser faire bien longtemps.
Foutredieu de bordel de miséricorde ! …
Je récupère mes bras, ma tête est à sa place, je serre les dents, j’essaye d’immobiliser ce… Mais il est super fort, ma parole ! Ou alors, c’est moi qui est dû mal à le contenir, diminué par ma récente reprise du gingold…
Allez, petit… On montre ce qu’on sait faire à ces deux-là ! Et dans le même temps, on épargne à Opal City d’autres maux...

Ainsi, c'est ça le goût qu'a le sol d'un commissariat ? Je me serais attendu à quelque chose flairant l'injustice écrasée, la vilenie punie par les bottes vigoureuses de l'aveugle madame avec sa balance, là ! Pas... juste les bottes. Et sales en plus. Faudrait mettre des paillassons aux entrées et sorties du bâtiment, quand même. C'est peu cher, et ça pourrait tellement améliorer les conditions de travail !
M'enfin, pour communiquer ça, faudra que je me pointe à la prochaine réunion policière syndicale d'Opal, et on m'a même pas invité... bon, pour ça, faudrait que je m'en sorte en vie, et vu comment l'espèce d'homme-piaf s'acharne sur moi, c'est pas encore gagné.
Blanc de poussière de plâtre et rouge de sang versé, y a aucun doute que ma tête doit faire peur. Mon masque est à moitié déchiré, tout comme le reste de ma tenue. Ernie va me tuer. Même si je crève avant, elle trouvera le moyen de vendre l'âme de mon père ou de Tempus pour me ramener, juste histoire que je sois SA victime, à ELLE. Reste maintenant plus qu'à espérer que les ouvrages de nécromancie se trouvent pas au rayonnage consacré aux rites funéraires du monde à la bibliothèque de Gotham.

C'est fou à quel point mon cerveau fait tout ce qu'il peut pour détourner mon attention de la douleur et de l'imminence du stade irréversible des dégâts que je subis. Là, ça va, mais j'ose pas imaginer l'état dans lequel je vais être une fois au calme... Bel engin, la cervelle, mine de rien. Certes, mais si elle mouline toute seule comme une grande, bah l'autre emplumé refuse toujours d'ouvrir son bec. A croire qu'on lui a cousu les lèvres, hé !
Il est bien trop rapide.
J'arrive pas à le toucher.
Alors que lui...
Bah disons qu'à un moment, je me couche au sol, bras sur le crâne, pour encaisser et attendre que ça passe, comme les victimes au collège. Quoi ? Comment ça ce sont de vieux réflexes qui ressortent ?! Que nenni monsieur madame, j'aime juste me documenter sur la misère d'autrui. Ca me fait me sentir plus... vivant.
Comment ça, vous me croyez pas ?
...
Ouch.
Ah oui, ça pique ça.
Aaaaaaaaaaah oui ça fait mal.
Ah, un couteau planté dans l'épaule, dans le gras, ça fait bien mal ça.
Oooooooh encore plus quand il s'en sert de levier pour me faire décoller du sol et...

_____________________________________________________________________

Au même moment...

- Ah aha ah ah ah !

Résonne l'éclat d'un rire joyeux, bien trop pour la situation dans laquelle se trouvent Mist et Ralph. La super-vilaine évanescente se joue de son adversaire du jour, apparaissant et disparaissant au gré de ses envies, sans jamais oublier de lui envoyer une rafale de balles à chaque passage. Mais agile, malgré le relatif retour de ses pouvoirs, Dibny esquive et ne se laisse pas prendre au piège.
Ce qui ne semble PAS DU TOUT convenir à la criminelle.
Qui s'acharne, qui ne lâche rien, bien déterminée à écraser ce cloporte qui n'est même pas d'Opal City à la base. Cet homme qui revient sur le devant de la scène alors qu'il aurait mieux fait de végéter dans l'ombre, là où est sa place !

- Raaaah !

Mais s'énerver ne sert à rien, et si Mist parvient bel et bien à toucher sa cible, cela ne lui est d'aucune aide. Au contraire, elle devient de plus en plus téméraire, et joue moins de son intangibilité naturelle pour triompher.
Ralph peut lire dans les yeux de son ennemie du jour la folie. Une rage vengeresse transformée en obsession. Une inexpugnable colère qui ne saurait être enfouie sous de jolis sentiments. Une véritable furie.
Mais lorsque de ses bras proprement télescopiques, Dibny parvient à l'enserrer et à la désarmer, son expression change du tout au tout. L'arrogante assurance du début de combat retrouve sa digne place sur la figure pâle de la fille du premier Mist, et un petit rire étouffé franchit ses lèvres.

- Hé hé hé...

Son regard se fixe sur quelque chose derrière le plus grand détective d'Opal City. Quelque chose qu'il remarque effectivement très vite.
Je suis en foutu danger.
A croire que j'aime ça !
Vif comme l'éclair, il enroule son autre bras autour de ma taille, et me ramène en sécurité près de lui, loin du volatile en costume qui s'acharne sur moi. Fort heureusement, d'ailleurs, j'allais me faire lacérer le dos avec un autre couteau !
De nouveau près de lui, je m'écroule à genoux, uniquement retenu par une accroche mollassonne à sa guibole qui, je n'en doute pas, doit être aussi extensible que tout le reste.
Avec un petit sourire ensanglanté, à moitié visible sous mon masque ravagé, je lui lance, presque fier malgré tout:

- Hé, M'sieur D... Elongated Man... j'l'ai occupé !

Ouais Derek, ouais.
Bravo mon pote. Tu évites de peu l'humiliation, même si c'était pas gagné.
Heureusement que tu as pris cher, andouille, parce que ça aurait été dur de t'excuser, sinon.
Non seulement tu as occupé ton ennemi, mais en plus tu occupes ton allié avec tes conneries. Ton allié qui n'a pas le temps de voir le piaf dégainer un autre de ses couteaux, et...

BLAM BLAM

Deux balles.
Une qui casse la lame en deux. Une autre qui arrache un petit dispositif à la ceinture sombre du susnommé Ryan.
Précises, directes, efficaces. Un boulot de pro.
Le commissaire rouquin. Eh bah, à peine libéré et déjà prêt à sauver le veuf et l'orphelin. Quel homme !

- On emmerde pas les O'Dare sans en payer le prix.

Quelle réplique de héros !
Faudra que je m'inspire. C'est clairement le genre de punchlines qui fait défaut à la communauté héroïque, de nos jours. Ouais, mais en même temps, si tu as pas l'expérience, la bonne gueule et les raisons de sortir ça à ton ennemi... bah autant s'abstenir et laisser ça à ceux qui le méritent. Comme Mr. le Commissaire, qui a gagné tout mon respect en même pas trente secondes.
Un cri de colère retentit alors.
Venu de la limite de la brume.

- Noooooon !

Ah, la réponse classique du super-vilain défait !
L'expression la plus brute et la plus pure du désappointement. Le grand et théâtral "Nooooooon" ! Même les gentils y passent, en vrai. Luke Skywalker, dans la Cité des Nuages, avec une main en moins. Rick Grimes, avec son fils dans la prison. Et je suis certain qu'au moins chacun des grands noms de la Justice League l'a poussé au moins une fois ! Je parierai les prochains burgers de mon Papa là dessus, sans hésiter. Et Dieu seul sait à quel point j'adore les burgers de mon Papa.
Hum, oui, quoi ?
La vilaine a encore quelque chose à dire ?

- Ce n'est que partie remise, Mr. Dibny. Soyez-en sûr.

Des larmes roulent le long de ses joues. Des vraies de vraies, alors qu'elle disparaît, et... la brume avec elle ?
Efficace, ma parole !
L'épais brouillard laisse place à la lumière artificielle des ampoules du commissariat, et je manque par deux fois de tomber dans les pommes, incapable d'agir plus. Un bruit du côté du piaf qui m'a mis dans cet état m'interroge.

- Hum... hein ? Ralph ? Qu'est-ce qui se passe ?

Au sol depuis les deux balles tirées par le maître O'Dare, le pigeon (ce sera son nom désormais), se redresse lentement, l'air complètement perdu. Et en plus il a retrouvé sa langue. Si j'en avais la force, je lui hurlerais à la figure qu'il pouvait pas regagner ses esprits avant de me démolir, non ?!
Bon, en vrai, mon Papa m'a bien éduqué, et j'aurais jamais fait ça. Mais l'envie n'aurait pas manqué, soyez-en sûrs !

J’entends le rire de Mist à travers la brume et je grimace en réponse. J’ai dû nous éloigner, moi le petit, de la fureur de Black Condor, fort comme un titan ! Je ne lui connaissais pas cette force, mais je n’avais pas envie de la découvrir de ce côté là de ses poings… Derek me dit quelque chose et je lui souris doucement.
- J’ai vu, mais tu aurais dû être plus-

Bon sang, je peux parler ! Je ne l’avais pas vu venir, celui-là ! Il a en sa possession d’autres armes… Je m’apprête à me défendre lorsque soudain … !

BLAM BLAM

Et bang, un point pour le joueur Commissaire O’Dare ! Quel beau tire, quelle performance ! Il n’est pas le père O’Dare pour rien. Chef du Commissariat d’Opal City depuis bien longtemps, bien avant mon arrivé, il tient les reines avec force mais il reste juste. Il désarme ainsi Ryan et le destitue d’une ceinture, que je n’ai pas remarqué jusque là. Hmm … Tiens donc.
Mais je ne m’attarde pas encore dessus, je suis resté sur mes gardes. Black Condor a posé un genou sur le sol, mais on est jamais assez prudent. De plus, la brume est beaucoup trop proche de nous pour se permettre de baisser notre attention.
C’est un non inspirant une certaine détresse que nous entrapercevons à travers l’épais brouillard. Cela me rappel un film bien nul… Noooon ! Je me vengerais Philip ! Viens ici que je te bute, sale enc… Bref !
Mist apparaît furtivement sous nos yeux. Je vois son visage, son désarroi et sa colère vive. Elle me promet de revenir et son regard est tranchant. La vengeance incarnée… Oh oui, elle reviendra. J’en suis certain.
- Et je serais prêt… Mist.

Elle disparaît, la brume finit par se dissiper. Le calme revient. Je pousse un long soupire et je grimace devant la douleur qui me lance à l’épaule. Je me tourne vers Derek. Je le tâte, je regarde s’il n’a rien de cassé, si son crâne est intact. Il ne semble pas avoir subis de blessures graves mais il n’est plus tout beau, tout neuf. Je lui balance un sourire qui se veut rassurant :
- Tu vas t’en sortir ! Il faudra juste recoller ton nez, là…

C’est une plaisanterie, hein… Ç’aurait été terrible qu’il n’est plus son nez. Je plaisante mais au fond… Au fond je suis… Hors de moi. Pas par sa faute… A cause de moi et de mes erreurs. Je n’ai pas fait assez attention à lui et à nos arrières. J’ignorais que Mist était accompagnée…
Je me tourne vers Black Condor, qui reprend ses esprits. Je suis rassuré, je me suis douté que quelque chose clochait. Il est redevenu lui-même et non pas un fou furieux qui démolit du super-héros. Il s’interroge sur ce qui se passe et il semble totalement perdu… Avant de lui répondre, je jette un coup d’œil à la ceinture à ses pieds. J’allonge mon bras pour l’attraper, analysant chaque détails. Il est évident qu’elle est désormais inutilisable mais cette technologie me rappelle quelque chose… Hmm…
Je me tourne vers Ryan et je lui montre la ceinture.
- Tu ne te souviens de rien avant maintenant ?
- Je… Non. C’est assez flou.
- Tu étais avec Mist. Elle a attaqué le Commissariat, profitant des casses à Opal … Je pense que ceci te forçait à agir selon ses envies…

Il observe la ceinture et secoue la tête. Il ne semble pas se souvenir… Tant mieux quelque part, même si j’aurais préféré qu’il me donne plus d’informations. Je me tourne vers le Commissaire O’Dare, qui s’est rapproché de nous pour m’entendre. Je lui donne la ceinture, et il lève un sourcil à mon égard.
- Cela peut vous intéressez Commissaire… C’est une technologie qui me fait penser à celle d’Ultra-Humanite.
- Le scientifique ?
- Celui qui faisait des expériences sur des animaux… Et qui a fini par être capable de contrôler le cerveau d’autrui. Lui-même, oui… C’était un allié de Mist, premier du nom.
- Vous pensez la même chose que moi ?
- A remonter la piste jusqu’à lui et donc jusqu’à elle ? Bien sûr ! Mais j’ai un jeune sous le bras qui a besoin de soin…
- On a d’autres chats à fouetter en ville. J’aurais encore besoin de vous autres, les héros, pour calmer tout ce monde.

Je me tourne vers Black Condor et nous acquiesçons. Je promets au commissaire de revenir, attrapant Derek par le bras du mieux que je peux pour lui éviter de souffrir et le passer par dessus mes épaules. Les hôpitaux sont sûrement sur le bord de l’explosion avec le nombre de blessés qui arrivent… Je vais devoir lui apporter des soins chez moi. Nous sortons du Commissariat doucement et le Commissaire n’a pas perdu de temps. Les policiers libérés sont déjà en alerte et en mouvement, se préparant à se rendre sur les lieux où la révolte fait rage. Black Condor s’est envolé pour apporter son soutien. Je pousse un soupire, un peu fatigué. La nuit sera encore longue…
Je regarde le petit et je grimace d’un air désolé.
- Tu n’as pas le vertige ? Je vais te montrer ma manière à moi de parcourir les distances !

Je le fais glisser sur mon dos, ses bras autour de mon cou, et je tiens ses jambes pour qu’il puisse se cramponner. Mes propres guibolles s’allongent et prennent plusieurs mètres de longueurs. Nous atteignons une hauteur suffisante pour donner un haut-le-cœur à n’importe qui d’un peu sensible à ce genre de sensation forte ! Ayant l’habitude de marcher de cette manière, je fais bien attention à lui, qu’il ne glisse pas et j’avance ainsi à l’écart de la ville, passant juste au dessus de là où nous nous sommes rencontrés. La mairie semble intacte et la manifestation s’est déplacée… La rue est légèrement dévastée mais rien d’irréparable. J’en profite pour attraper mon manteau où j’ai toute ma vie à l’intérieur… Papier, outils, et les clés… Juste un moyen très pratique pour rentrer chez moi !

Nous arrivons ainsi en quelques minutes dans la partie résidentielle. Les maisons se dressent le long de ce quartier, bien calme en comparaison du centre-ville… Il n’a pas encore été touché par la récente folie des prédateurs, comme ils se font surnommer.
Avec aisance, j’ouvre la porte de chez moi, je balance mon manteau sur le côté, et les clés sont à leur place, j’allonge un bras pour trouver hmmm… gnnhnn, salle de bain, serviette numéro une placée sur le canapé et je le pose doucem-
- Oops ! Pardon, j’ai été un peu brusque.
Et je vais moi-même tout entier à l’étage pour la salle de bain et rassembler tout ce qu’il me faut. Hé, je n’ai même pas besoin de plusieurs têtes pour faire tout ça !

Le salon autour de lui est ordonné, hormis un coin encore en travaux, où traînent des pots de peintures et le matériel du bricoleur. Au fond se trouve la cuisine, et en dessous des escaliers une porte, qui mène à une cave pour tout vous dire. La pièce où il se trouve est agréable, j’ai laissé tout en place même après le décès de Sue… Même après que ma maison se soit faite ravagée. Disons, plutôt, que j’ai tout remis en place… La maison dans son ensemble paraît grande. Bien trop pour un seul homme…
Je redescends rapidement avec tout le kit de soin et autres nécessités, passant devant quelque chose qu’il a pu remarquer en entrant… Un petit meuble où est posé un cadre avec une photo, reposant contre un pot de fleurs. Ces dernières sont très belles et encore pleines de couleurs. Il faut dire que j’en prends soin, et le cas échéant, elles sont changées régulièrement… Hem, alors, est-ce que… Je vais réussir à me concentrer là ? Oui !
Ma formation sur les premiers secours remontent à pas mal de temps, mais je saurais me débrouiller.
- Alors tire la langue et fait Aaaah … !

Il va se dire que ça commence fort…
- Non, pas besoin, hé. Je vais juste… retirer ton masque… Tout doucement ? … Allez…

Il a une belle coupure sur le front, d’où ce sang abondant, quelques coupures qui se courent après et son épaule gauche semble avoir pris sévèrement. Une fois le masque retiré, je constate à nouveau combien Derek est… jeune. Très jeune…
J'entreprends de désinfecter sa plaie principale, puis toutes les autres. Un bandage suffira pour sa tête… Quand à son épaule…
- Est-ce que tu as mal si je… ?

Je l’aide à faire bouger son bras. Il grimace, mais ça n’a pas l’air cassé. Il a eu de la chance… Un mauvais coup, une mauvaise chute, dans le feu de l’action tout peut arriver. Je n’ai pas été assez prudent… Fronçant les sourcils, mon visage est devenu plus grave alors que je bande son épaule après l’avoir également désinfecté. Je détourne le regard, comme si je réfléchissais à quelque chose. Il manque un bruit de fond. Mon bras s’étend pour aller allumer une radio dans la cuisine, un peu spéciale. J’ai accès au canal de la police d’Opal City. Je peux suivre où ils en sont, ainsi de comment se déroule les événements et vers où la manifestation progresse. Dans le même temps, mon bras va chercher une couverture que je dépose juste à côté de nous.
- Il faut que tu restes tranquille… Je… - Je soupire - … Je suis désolé. - Je le regarde - Je ne pensais pas que Mist serait accompagnée… Notre plan n’aurait pas dû tourner aussi mal. - Notre position aurait pu être bien pire mais… - … Mais nous ferons mieux, toi avec moins de témérités et moi avec plus de réflexions ! - Je regarde vers le meuble de la télévision, et non loin sur le mur repose un téléphone - Tu… Tu as besoin de prévenir quelqu’un ? De la famille ? Des amis ?

Je ne sais même pas d’où il sort. De partout et de nulle part ? Il peut très bien venir de l’espace que je ne serais même pas étonné, au vue de ses pouvoirs. Je lui grimace un sourire. C’est parce que mon épaule vient de me lancer de nouveau et me rappelle que je suis moi-même blessé. Je n’ai plus l’habitude de l’être… La dernière fois, ça remonte à … Ouhla… A loin.
- Je vais m’occuper de ça - Je lui désigne machinalement mon épaule - Si tu as besoin de quelque chose, n’hésites pas… Je reviens, et je t’apporterais tout ça. Évites de trop bouger !

Je lui lance un regard entendu et j’attrape de quoi me soigner. Je préfère monter à la salle de bain, pour lui éviter de voir cette scène de… souffrance. Je vais mettre un moment à sortir cette balle. Je me regarde dans le miroir… Mon dieu, cette tête… Je ferme un instant les yeux et je regarde mon épaule. Diantre… Ce n'est pas joli. Pince ou couteau ? Lui d'abord pour commencer et ensuite je l’attrape avec elle…
S’il est attentif, il peut entendre mes plaintes, un peu étouffées par une serviette que je mords de toute mes forces. La douleur est atroce et vas-y pour charcuter dans un homme, dont la peau est malléable. Enfin pas totalement. La chair est bien là. Le sang aussi… Je réussis à m’ouvrir un peu plus pour déloger la balle et la faire sortir. Je chancelle, tombant sur le cul. Je respire profondément, subissant un vertige. Tremblant, j’attrape le désinfectant et… OH.FOUT**. Je voulais dire, foutu machin… Je me sens mal, mais je tiens le coup, bandant cette maudite épaule qui me fait un mal de chien.
De longues minutes passent dans lesquelles, front en sueur, j’ai attendu d’être certain que mes jambes puissent me porter. La pression est redescendu, ce qui explique mon état de faiblesse que je n’ai pas ressenti avant…
Je me relève et je nettoie tout ce bazar avant de redescendre en bas, doucement, un pas après l’autre, les bras agrippant la rambarde d'escalier…

J’aurais dû prendre ma retraite… Bordel, quelle connerie… !

Ironique, n'est-ce pas ?
Mist et sa brume s'en vont, porteuses d'une sinistre promesse, et pourtant, j'ai de plus en plus l'impression d'être dans les vapes. Pouvait pas emporter ça aussi ? Egoïste va... on aime pas les gens comme toi par chez moi, ça j'peux te le dire. Les gens comme toi... sont légion, en fait. Y en a trop. C'est fatigant. Je fatigue. J'arrive plus à tenir une réflexion linéaire avec la douleur, les efforts et tous ces trucs de fou qui se passent autour. Je dois déjà me concentrer pour que les mots s'envolent pas comme des papillons loin de mes oreilles. Je vous ai déjà dit que j'aime pas les papillons ? C'est parce que j'ai trop l'impression d'en être, vous voyez ? A force de blablater pour tout et pour rien, on se perd, et c'est fatigant... comme être dans les vapes et délirer à moitié. J'ai besoin de repos, je crois. Mais c'est pas facile, là, surtout avec m'sieur Dibny qui fait à moitié le super-héros impressionnant, à moitié le pitre. Il croit que j'ai quoi ? Dix-huit ans ? Bah il a pas tort... c'est amusant, et j'aimerais bien si je comprenais, quoi.

- Mon... mon nez ?!

La panique, et mes mains grattent vainement l'air devant moi, comme mues d'une volonté propre. Sauf que, bien évidemment, mon tarin allait pas se trouver à soixante centimètres de mon visage. Même moi, là, ça me semble foireux comme tentative. Alors je mobilise toute ma concentration pour reprendre le contrôle de doigts et venir toucher la protubérance cartilagineuse au milieu de mon visage. Mais ! Il est toujours là mon nez ! Qu'est-ce qu'il a à me ficher les miquettes, le m'sieur Dibny ? Il me faut une bonne grosse poignée de secondes pour capter qu'en fait, certaines personnes s'en sont mieux sorties que moi, et du coup sont encore capables de faire ce qu'on appelle dans le jargon de "l'humour" ! C'est fou.

- Ah... ah ah... me faites pas peur comme ça...

Une fois la vanne saisie et intégrée, je ne peux empêcher un léger rire de me secouer. Pas bien, Derek, pas bien, ça pique fort, ça ! Mais je serre les dents, et fais le fier. Je suis un super-héros ou pas, moi, hein ? Un bonhomme ou pas ? Même si je me fais apôtre de la masculinité étouffante de notre début vingt-et-unième siècle, je regrette aucun de mes mots.
Ce sera peut-être moins le cas une fois la raison revenue.

Pendant que les adultes discutent, moi, de mon côté, je pars à la recherche de cette lueur de lucidité. Ca me ferait pas de mal, faut se l'avouer. Le temps est bizarre, mine de rien. Il s'étend ou se compresse tellement en fonction de notre ressenti. Et on peut voyager à travers, comme lorsque j'ai une balade à Bazilia, avec le roi Honsu, là. C'était pas mal flippant, ça aussi. Fichu Black Beetle, j'espère qu'il est en vie. Il a mérité de se prendre une roustée, mais j'ai pas envie d'avoir de sang sur les mains.

En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, je me retrouve porté par m'sieur Dibny. Genre, un mélange entre le sac à patates (apparence corrélée à 75% au moins) et la victime innocente à grosse poitrine des films d'horreur des j... oui, non, oubliez. Faut pas que je raconte trop de conneries. Après, ça va tout rendre compliqué. Par contre, je lance, même si je m'en fiche à moitié sur le coup:

- Hein ? Vous... m'emmenez où ?

A peine ai-je eu le temps de finir ma phrase que nous voilà haut, loin dans le ciel frais et agréable d'Opal City. Le joyau principal d'une couronne déjà plein d'héritiers perdus et d'échecs avérés. Je retiens un haut-le-coeur, subitement tendu.
Mais très vite, je lâche prise. Je suis en sécurité, dans les bras d'Elongated Man. Alors malgré le vent qui souffle fort, mes yeux se ferment doucement, signe qu'il est temps pour moi de faire une petite sieste. Avec le bruit des bourrasques, on m'entendra peut-être pas ronfler... euuuuh enfin non, je ronfle pas, hein ! Mais au cas où, on est d'accord, ça s'entendra pas, n'est-ce pas ? Non ? A moitié somnolent, je me rends à peine compte qu'on a regagné le plancher des vaches. Il faut la voix de m'sieur Dibny pour me réveiller, et pâteux, je ne parviens qu'à dire:

- Pas... eu le temps d'avoir le vertige.

Les quelques minutes de demi-sommeil et la fraîcheur des hauteurs opalines m'ont certes pas remis sur pied, mais au moins mon cerveau n'est plus en train de se dévorer lui-même pour trouver de l'énergie. J'ai retrouvé de la vivacité, alors qu'on passe le seuil d'un bâtiment.
Et on rentre dans... ah. Sa demeure. C'est... plus cosy que l'image que je me fais des piaules de héros. En même temps, j'en connais pas beaucoup. Ma chambre, et l'Aquacave du passé, quand tout était encore grotteux. Oh, et j'espère qu'il m'en voudra pas, l'Aquaman du présent, j'ai pas dû lui faciliter la tâche en faisant s'écrouler une grande partie du plafond...
M'sieur Dibny a l'air inquiet.
Il s'occupe de moi comme... un peu comme ma maman. Attention, c'est pas sexiste comme réflexion, mon père faisait juste pas trop ce genre de choses à la maison. Ca, ça l'est, par contre. Sexiste. M'enfin. Je me laisse ausculter, et, si j'ai un mouvement de recul instinctif quand le héros tend la main pour retirer mon masque, je n'oppose pas de résistance. Après tout, j'ai déjà donné mon nom, et les lambeaux qui couvrent mon visage ne cachent plus grand chose.
Avec un petit sourire, lorsqu'il s'applique pour nettoyer, désinfecter et panser mes blessures -putain ça me fait sacrément douiller quand même !-, je lui lance entre deux grimaces, mi-sérieux mi-amusé:

- Faut pas vous inquiéter, je guéris vite. Allez donc vous occuper de vous !

Parce que mine de rien, y a pas que Sideways qui a pris, ce soir. Entre les manifestants, les flammes, le torrent, Mist et l'autre plein de plumes, on en a eu pour tous les goûts. Du froid, du chaud, des balles, des couteaux, des coups de poing et de batte... la totale !
Le petit débrief qui suit m'amène à repenser aux failles du "plan". Mouais. On va appeler ça un plan. Parce qu'entrer en priant de pas se faire attaquer, aller libérer les flics et improviser ensuite, c'est pas ce que je conçois comme une infaillible programmation. Même le Club Med fait plus organisé.
M'enfin, tout le monde s'en est sorti, avec plus ou moins d'égratignures. Constat personnel, bien vite interrompu par les paroles de mon coéquipier du soir. Appeler mon père ? OUH LA MAUVAISE IDÉE ! Genre, ce serait peut-être la pire chose pour couronner cette soirée. Que Papa découvre mes petits jeux de super-héros... brrrr... veux pas y penser.

- Oh non, surtout pas, m'sieur Dibny. Moins de gens savent que je suis là, mieux je me porte.

Impossible de retenir un petit soupire.
C'est ni facile ni fun de mentir. De cacher des choses aux dernières personnes qui tiennent encore à toi. Bon, pour le moment, mes magouilles n'ont pas encore été découvertes ! Alors inutile de s'apitoyer sur de l'hypothétique, sourions, et voyons le positif dans tout ça !

- On s'en est pas trop mal sorti quand même, vous pensez pas ?

Mais je suis pas le seul à avoir goûté aux joies des blessures, ce soir.
M'sieur Dibny regarde son épaule avec une grimace. Hum. Pas faute de vouloir l'aider, mais mon CV de guérissologue se résume à de la magie atlante, l'intégrale de Dr. House (c'est peut-être un lupus ?) et les films de guerre dans lesquels on recoud les blessures avec du fil de fer rouillé pour mieux se jeter dans la boue juste après. Pas sûr que ça aide. Et puis... c'est un peu égoïste, mais je suis bien, là, dans ce canapé, avec une couverture, des bandages partout, et un héros devant moi. Oui, c'est même certain, je commence à fusionner avec le siège ! Hors de question de me lever, du coup... si ? Par principe, mon éducation, qui me démange d'ailleurs drôlement là, m'impose de ne pas abuser de la gentillesse d'un hôte. Or, c'est clairement ce que je fais, là, comme un gros sac.
Mais la tension retombe.
Plus de risque de faire de conneries, de perdre de vies, de blesser quelqu'un.
On est au chaud, et c'est foutrement bon.
Le contraste est tel que je peux pas m'empêcher de lâcher une petite larme.
Alors plutôt que de refuser les bons soins de M'sieur Dibny, je ferme les yeux, et lâche doucement:

- Je... merci m'sieur.

Puis je me tais.
Et je l'embête pas plus. Il a bien mérité de s'occuper de lui sans qu'un chiard trop douillet vienne lui prendre la tête.
Par contre, je profite de son absence pour décoller mon postérieur de ce divin divan, couverture sur les épaules. Petit pas par petit pas, mon tour du rez-de-chaussée se fait, et ma curiosité vient à être satisfaite. La maison est déjà grande, pour quelqu'un tout seul, alors si en plus il y a un étage... la radio grésille régulièrement, en émettant les longueurs d'ondes... de la police ? Eh bah, si je pouvais avoir un truc comme ça, moi, ce serait drôlement pratique pour mes rondes.
Un bruit attire alors mon attention, à l'étage, un grondement étouffé...
A ma vitesse (une formule plus élégante pour dire qu'un escargot me battrait à la course), je me déplace vers l'escalier, et se faisant, je passe devant le meuble aux fleurs. Devant la photo. Qui me capte. Qui me fait me poser des questions. M'sieur Dibny et une très jolie dame. Ils ont l'air heureux. Et, même moi qui suis un nullos de première pour repérer ça, amoureux. Avec beaucoup de douceur, je tends ma main vers le cadre mais... non, pas touche Derek. C'est pas à toi, et ça a l'air précieux. Sensiblement précieux.
Alors je me détourne, assez difficilement et, du bas des escaliers, je lance à l'étage:

- M'sieur Dibny, ça va bien ?

- Nnnon… Enfin, si… Je veux dire… Oui !

C’est ça. Je suis sûr qu’il va me croire. 100%... Parce que j’ai l’air d’aller parfaitement bien ! A moitié affalé dans mon escalier, essayant de le descendre avec l’assurance d’un grand père sans ses béquilles. Haha… Quelle image de super-héros, vraiment magnifique !
Mais j’arrive à me redresser en inspirant un bon coup. La douleur va finir par s’estomper. Je descends les escaliers - en évitant de trébucher deux fois - rejoignant Derek, qui m’attend juste en bas. Je lui lance un regard suspicieux… Il me semblait lui avoir dit… Quelque chose qui ressemblait à ...
- “Evites de trop bouger”, hein… ? - Je ris doucement - Tu as peut-être raison, finalement, on s’en sort pas si mal.

Je suis surpris de le voir déjà sur pied. Il m’a dit qu’il guérissait vite, est-ce qu’il disait cela en plaisantant ou a-t-il des dons liés à la régénération ? J’en serais presque jaloux. Je grimace, passant une main à mon épaule. Remarque, je n’ai pas vraiment besoin de guérir vite, puisqu’à la base ce genre de blessure ne m’aurait jamais atteinte. A la base…
Il faudra encore du temps pour que tout soit remis en place…

Je le regarde plus attentivement. Alors que je vérifie si le bandage est correctement mis, je le détaille un peu… Derek est déjà marqué par des cicatrices en plus de celles qui viennent de s’ajouter ce soir. Ses cernes me rappellent que je ne dois pas avoir une meilleure tête que lui, est-ce là de l’insomnie ou la vie d’un jeune homme trop mouvementé ? Allez savoir…
Je lui donne pas plus de 20 ans et à cette âge là on se prive souvent de sommeil pour consacrer du temps à d'autres choses. Enfin jusqu’à ce qu’on tombe, haha. L’expérience qui parle ! Je remarque qu’il s’est arrêté, non loin du petit meuble avec la photo dans le cadre juste devant les fleurs. J’en déduis qu’il s’est déjà un peu baladé dans la maison… Un garçon bien curieux que nous avons là.
Je le regarde de nouveau et je lui souris. D’une façon moins enjouée…
- Elle s’appelait Sue.
Je toussote un coup, comme si j’essaye de faire passer un mauvais chat dans la gorge…
- Si tu as fait des recherches sur moi, ce n’est pas un secret ! Et au faite… Appelle-moi Ralph. M’sieur Dibny c’est plutôt pour mon paternel !

Je m’éloigne des escaliers pour me diriger vers la cuisine. Je lui fais signe de me suivre. Il est mon invité, autant qu’il soit à l’aise. J’allonge mon bras pour allumer la lumière puis pour aller monter le son de la radio. Hormis quelque soucis de grésillement, on peut entendre les avancées de la police. Pour le moment, rien de réellement inquiétant ne semble se produire, mais nous ne sommes jamais assez prudent. Alors que je me dirige vers le frigo, mon cou s’allonge vers l’entrée de la cuisine pour regarder Derek. Eh ouais, même pour le social c’est pratique de s’étirer dans tous les sens !
- Et… Derek ? Si mon nom n’est plus un secret pour personne, le tiens si ! Comment dois-je t’appeler en service ?

Parce que c’est un vrai métier à temps plein qu’être un super-héros… Surtout de nos jours, où il faut particulièrement s’accrocher. J’ai dévoilé mon identité depuis très longtemps… S’il peut éviter de faire la même erreur… Les héros mettent des cibles sur la tête de leurs proches… Il peut éviter bien des souffrances à sa famille en cachant son vrai nom.
En parlant de tête, la mienne revient à sa place pour chercher… Quelque chose dans le frigo, hmpf. Il me reste de quoi bricoler un petit quelque chose et à boire, au moins, c’est déjà ça… Oh… D’ailleurs… !
- Ah ! Règle fondamentale numéro une - Il peut apercevoir un bras allongé avec une main tenant une bouteille étiquetée et nommée “Gingold” - Pas touche, jamais, même pas une seule goutte. Sinon tu pourrais, disons… - Ma tête arrive pour lui faire un large sourire - Mourir ?

Et je ne déconne même pas. Je suis très sérieux. La plupart des gens dans le monde ne supportent pas le fruit du gingo, et je serais très triste qu’il lui arrive malheur à cause d’une boisson… Que je m’en vais boire, d’ailleurs. Je m’avance de façon normale cette fois-ci vers lui et je lève un sourcil. Après deux bonnes gorgées, je m’arrête et je lui souris doucement :
- Tu as faim ? Soif ? J’ai du consommable qui peuvent te sustenter sans te buter.

Je le regarde attentif, alors que je continue de boire le gingold… Ce n’est même pas très bon comme breuvage. Raison de plus pour ne pas le faire goûter !
Je m’arrête, fronçant les sourcils, en écoutant les ondes de la police que l’on arrive à capter. Ils ont l’air en difficulté mais ils vont recevoir du renfort. Il semblerait que Black Condor apporte un réel soutien, aussi. Tant mieux… Je pensais les rejoindre plus tard, si mon épaule arrête de me lancer. D’ailleurs en parlant de ça, je regarde Derek, un air plus inquiet sur le visage.
- Tu disais que tu préférais ne prévenir personne de ton entourage, hmm ? - Je fronce un sourcil, perplexe devant ces faits… Mais je respecte son choix. - Si tu as besoin de te reposer quelque part pour cette nuit, j’ai … - Je lève un doigt pour montrer l’étage du dessus - … une chambre d’ami ! Pratique pour les super-héros mal en point qui ont besoin de dormir. - Puis je lui souris, plus taquin, finissant mon gingold avant de reprendre - … Sauf si tu te sens d’attaque. Dans ce cas, cette chambre peut toujours servir pour te balancer dans le lit une fois qu’on se soit assuré qu’Opal City est en sécurité.

Mais pour le moment, inutile de se précipiter. Ma main s’allonge pour jeter la bouteille dans un bac de trie. Je remarque que je l’ai assommé de questions, bon sang ! Hé, que voulez-vous, on ne se refait pas et encore moins à mon âge. Des réflexes de détective, poser des questions et trouver des réponses, fouiller lorsque je manque d’informations aussi, c’est mon quotidien. Je m’adosse contre le mur, allant masser mon épaule. Elle va mettre du temps à guérir, sauf si l’élixir en décide autrement. Il faudra bien que ça aille mieux si nous devons prêter main forte aux autorités. Mais je me demande si Derek est vraiment remis, ou s’il essaye de se montrer fort… Je ne vais pas tarder à le savoir.

Plus le temps passe, et plus se confirme mon impression profonde que le boulot de héros n'est pas une sinécure. Genre... ça risque de mal fini, tout ça. J'ai du mal à réaliser, je dois avouer. Ma propre mortalité. Celle des gens autour de moi. Malgré le départ de Maman. Ou peut-être à cause de ça ? Tant pis si ça arrive, ça viendra nous cueillir à tout moment, alors autant être en train de faire quelque chose de bien le jour J ? Je suis pas sûr. Ça fait très "sûr de soi" comme réflexion, ça. "Oui bonjour, je sais ce que je fais, je suis un héros avec des convictions dures comme l'acier !". Ce qui n'est pas vraiment le cas. Ma boussole morale est encore imprécise, et ardue à déchiffrer. Pis mine de rien, toute cette pensée fait très... naïve ? La naïveté du petit gars qui essaie de s'expliquer des choses à partir de bribes d'infos qu'il a pu glaner ci et là, histoire de combler le creux béant dans sa poitrine.

Mais apparemment... je suis pas le seul dans ce cas.
Ni le premier, ni le dernier.
Lorsqu'il revient clopin-clopant en ronchonnant à moitié, je peux pas m'empêcher de lâcher un petit sourire angélique à mon hôte. Le plus innocent et adorable sourire qu'un petit gars de dix-huit ans avec quelques boutons, des poils au menton et des bandages partout peut offrir ! Le genre de ceux qui ont déjà renversé des dictatures, m'voyez ?

- J'ai bougé juste c'qu'il faut, M'sieur !

Puis je mets quelques secondes à capter la suite de la discussion. Parce que je n'y pensais plus DU TOUT. Mon jeune cerveau déjà malade part se balader dans les mondes infinis de l'imaginaire tout seul, en même temps.
Soûl ? Mais qui s'appelait so... oh mais quel teubé. Une andouille aux proportions aussi infinies que tout ce fichu Multivers. Un idiot interdimensionnel. Sue. La jeune femme sur la photo, avec Ralph.
Air désolé. Autant pour ma débilitude profonde que parce que ça a l'air difficile à évoquer...

- Oh.

J'ai jamais trop trop connu l'amour. Enfin, celui avec un copain ou une copine, hein. Je souffre pas de troubles sociopathiques non plus... même si à Gotham, effectuer des tests de prévention c'est jamais une mauvaise idée. Bref. Y a avec Ernie, sinon. On fait beaucoup de surplace sans trop savoir où se placer l'un par rapport à l'autre, c'est assez bizarre. Comme deux chiens qui se reniflent constamment le popotin en remuant la queue pour savoir où ils en sont.
...
Image cheloue, j'ai rien dit, enlevez-vous ça de la tête s'il vous plaît ! En gros, on est jeune, on comprend pas ce qu'on ressent, et en plus, j'ai pas envie de trop l'associer à mes escapades costumées, même si elle me laisse pas trop le choix, le laideron. Plus forte pour prédire ce que je vais faire, on trouve pas !

Bon, apparemment, vaut mieux changer de sujet.
Ça m'arrange bien, chuis pas trop à l'aise non plus.
Le cœur, c'est mieux qu'il reste à sa place: dans la cage thoracique.

- Je... d'accord M'sieur... Ralph. Je vais essayer, je vous promets rien, hein !

Faudrait que je me décide, un jour.
Y a quelques heures, impossible de savoir si j'allais utiliser du Mr. Dibny, du Elongated Man ou je ne sais quel autre surnom tordu sorti de ma caboche. Et là, alors qu'il m'offre la solution tant attendue, un espoir tel qu'on en a pas connu depuis des siècles et des siècles, moi, j'arrive pas à m'y plier. Genre, dire Ralph, c'est pas compliqué. Ralph. RALPH. ralph. Ouais, dans ma tête, ça va. Mais une fois l'idée transformée en son, bah y a un truc qui passe pas. Et impossible de décoincer les lèvres, hein. Faut que ce soit au moins du M'sieur Ralph.
Pourtant, les gamins pauvres des rues londoniennes, ça existe plus depuis le XXème siècle, hein. Mais impossible d'y couper. Tu te compliques tellement la vie, mon gars.

Mais la question concernant mon alias héroïque tombe à pic. Parce que ça, je sais y répondre ! Je m'appelle Sideways, car... euuuuh... c'était le seul nom qui me faisait pas payer de royalties ? Plus sérieusement, à la base, je cherchais un truc facile à dire, accrocheur et tout pour mes lives. Mais comme je me sens un grand original dans mon petit coeur, choisir un truc qui fasse underground marginal m'a paru stylé.
Et puis... ça reflète un peu mon état d'esprit; le monde mainstream m'a mis à l'écart, aussi normaux que puissent être mes homologues (traduire par autres ados tout aussi paumés mais vachement plus agressifs et possessifs que moi, merci).

- Alors moi, du coup, c'est Sideways.* Oui, je sais bien que c'est un peu bizarre, mais bon. Au bout d'un moment, on trouve ce qu'on peut pour éviter les copyrights, hein !

Oh la blagounette qui sort.
Tes côtes te font mal quand tu glousses. Mais ça fait du bien. Ca relâche les nerfs, ça change de l'ambiance pesante de mémorial, près de la photo. Et en vrai, la douleur passe. C'est moins la misère qu'à Bazilia, en même temps. Est-ce que je m'endurcis, je m'améliore ou j'ai de la chance ? Vraie question, qui me pousse à lâcher ça, sur le ton de la plaisanterie, lorsqu'il me présente une espèce de breuvage mortel qu'il garde bien dans sa cuisine, à la portée du premier gars venu.

- Est-ce que ça meurt vraiment, un super-héros, hé hé ?

Mouais. Plaisanterie de mauvais goût, cela dit.
On va pas s'attarder là dessus. Parce que mon hôte commence à jouer les papas poules, comme si avoir un jeune brisé de partout dans sa maison réveillait des instincts primordiaux hérités d'ancêtres lointains. Primal Elongated Man. Le super-héros nounou.

- Oh, ça va aller, vous en faites pas M'sieu... Ralph. Ralph. J'ai déjà grignoté au lycée.

Pis bon, mon Papa m'a appris les bonnes manières, ça se fait pas de piquer dans les réserves des autres. Si j'ai faim, je sors m'acheter un truc, quoi. Et j'en profite pour ramener un petit cadeau à la personne qui m'accueille.
Un petit cadeau qui peut prendre la forme d'un objet, ou d'une aide pour lutter contre le crime. Les ondes de la police semblent faire part d'une situation tendue mais en passe d'être maîtrisée par le travail conjoint du gars à qui je dois mes nouvelles cicatrices, l'Ombre d'Opal et les forces de l'ordre. C'est beau quand ça fonctionne bien comme ça. Pas comme à Gotham. J'ai pas encore eu trop à m'en faire, mais ça pourrait me tomber dessus du jour au lendemain, cette histoire de vigilants hors-la-loi. Et maintenant que mon père sait que je suis un héros... oh ! En parlant de ça:

- Euuuh... va pas falloir que je tarde trop, mon père va s'inquiéter, mine de rien. Si je me balade pas torse nu devant lui, ça devrait pouvoir le faire.

Et un Papa qui s'inquiète, c'est... eh bah non en fait. C'est rien. Cet homme, une fois posé dans son fauteuil, et exclusivement à cet endroit de la maison, fait preuve d'un stoïcisme à faire pleurer d'envie tous les plus grands moines bouddhistes de ce siècle. Un vrai bonze. Ça m'arrive d'oublier sa présence, des fois... plus fort que Batman.
Je ne peux cependant pas juste envoyer balader mon hôte comme ça. Un super-héros de cette qualité. Surtout qu'il a été on ne peut plus généreux. Et des plus amicaux.

- Mais c'est très aimable, M'si... Ralp... oh si ! Je me rappelle ce que je viens faire ici !

Mais oui andouille !
Tu venais pas pour rencontrer quelqu'un, par hasard ? Genre, un super-héros détective au corps élastique ? Dont le nom commence par Elonga- et finit par -ted Man ? Ah la la, tu te foutrais des claques des fois, si tu avais pas une super-force et si peu de cervelle pour amortir...
Alors du coup, malgré la douleur qui me fait grimacer, je me mets au garde-à-vous, bien droit, et:

- Ralph Dibny, Elongated Man, M'sieur, je voudrais que vous m'enseigniez à être un bon super-héros.

[*Traduction: "De côté"]

Je lève un sourcil, amusé par le comportement de Derek. Il ne sait pas trop comment m’appeler, c’en est touchant … Il semble bien plus à l’aise à présenter le nom qu’il s’est choisi : Sideways. Un alias qui lui va bien, même si je me pose encore bien des questions sur le fonctionnement de ses pouvoirs… Je note qu’il a eu une bonne inspiration pour les représenter. Mais les explications qu’il me donne derrière me surprennent quelque peu et je ris. Moi-même je ne me suis jamais réellement demandé si mon alias en copie un autre… J’en ai pas rencontré beaucoup des gens comme nous, alors, nous ne devrions pas craindre des représailles. Beaucoup plus de notre position de héros, celle-ci même qui nous force à cacher nos identités. Enfin, surtout pour lui...
Cela fait longtemps que la mienne n’est plus un mystère…

Juste avant, d’ailleurs, j’ai préféré changer de sujet, car l’atmosphère s’est alourdi et j’ai eu l’impression d’avoir gaffé. Et là, je sens que l’on repart sur quelque chose d’un peu… sensible.

J’ai répondu à sa curiosité mais j’ai remonté quelque chose que… Que je ne souhaite pas aborder. Pas maintenant… Un jour peut-être… Et ce jour peut arriver bien plus vite qu’on ne le pense.
Les super-héros ne meurent pas vraiment, hein ? Hé… Si seulement c’est si simple. Cette idée est plaisante, mais est totalement faussée. Pourtant, des personnes ont foi en leurs héros, ils gagnent une force, puissante et indestructible. Sauf lorsqu’on met les moyens pour essayer de la détruire… Aujourd’hui, on ramasse des vestiges des héros passés et tous ceux qui restent encore debout sont éparpillés, rejetés par une société qui a interdit les formations de League de justiciers… Une époque bien sombre.
Mais tout n’est pas perdu, hein ? C’est ce que j’aimerais croire… C’est ce que je veux croire, là, en voyant ce jeune héros, déjà prêt à tout alors qu’il manque clairement d’expérience. Il est déjà prêt à sauver des vies et il l’a prouvé ce soir…
Alors ces pensées sont peut-être naïves, mais elles sont capables de donner la force nécessaire pour avancer. Elles donnent de l’espoir… à moi qui n’en ai plus du tout… J’ai veillé à ce qu’il ne se fasse pas tuer, sortant des ombres que je me suis créé. J’ai repris du service parce que… Parce qu’il le faut.
Oh si, les héros peuvent mourir et pire encore… Leurs proches sont constamment en danger… Mais si nous agissons, plus personne ne souffrira des machinations d’un homme qui n’a pas de limite...
Ces pensées là aussi sont peut-être naïves… Je n’ai moi-même plus grand chose à défendre. A part mes amis. Et j'agirais, pour eux.

Je continue d’écouter le jeune, tout en penchant une oreille sur les ondes radio intéressantes. Tout va bien pour l’instant… On peut décompresser. Mais Derek pense filer, rejoindre son père. Il plaisante à nouveau et je lève un sourcil. Difficile de cacher pareille blessure lorsqu’on est attentif, mais j’ignore quelle genre de relation il entretient avec sa famille. Moi-même, je ne suis pas vraiment doué dans ce domaine là… Je finis par lui sourire.
- C’est peut-être plus sage que tu rentres pour le rassurer, oui… Mais, tu devrais peut-être...

Pas de temps de terminer ma phrase, il a repris de plus belle et j’ai encore dû mal à m’y faire. Quel enthousiasme naturel, quelle fougue, quelle jeunesse, quelle pile sur patte ! Haha ! Je ne suis plus habitué à côtoyer des jeunes gens… La dernière fois date de la League Detroit… Fichtre, ça nous ramène bien des années en arrière...
Je le vois qui grimace et un instant après il se met… au garde-à-vous ? Mais…
Mes yeux s’agrandissent lorsqu’il me donne la raison de sa présence dans cette ville depuis le début, le pourquoi il m’a cherché.
- Tu veux que je t’enseigne... à ...
En plus de la surprise sur le visage, mon sourire est mi-amusé, mi-gêné.
- … à être un bon super-héros ? Tu m’as cherché, moi, pour ça ?

C’est… surprenant. Je ne sais pas trop comment le prendre. Je me pense, disons, assez… dépassé, vous voyez, comme une date de péremption. Un vieux héros que les gens ont oublié et que personne ne veut vraiment revoir. Je suis touché qu’un jeune pense que je puisse encore servir… Mais… Bon sang, qu’est-ce que je dois faire ? Suis-je vraiment capable de lui enseigner à être…
… A être un bon super-héros ? Haha… !
Ce jeune est plein de ressources !

Je jette un coup d’œil à la radio, perdu dans mes pensées. Suis-je vraiment le mieux placé pour lui apprendre quoi que ce soit ? Je finis par me rapprocher de lui, hésitant.
Et … Pourquoi pas ?
Je relève la tête, un léger sourire se dessine sur mes lèvres.
- Reposes toi, pour le moment ! J’imagine que tes pouvoirs ont besoin que tu sois concentré pour être utilisés, alors je ne te laisse pas prendre le risque de repartir dans cet état ! - Je le regarde avec curiosité - Est-ce que tu connais par cœur le monde ou tu fonctionnes avec un GPS dans la tête ? Ou alors ce sont des lieux d’autres dimensions… - Il a réussi à nous amener devant le Commissariat Central mais… Par où sommes nous passé ? - … Ou ce sont des portails parallèles à notre monde… Tu ouvres des portes qui nous sont fermés … Un peu comme de la magie... Bon sang ! - Je frappe dans mes mains d’un air décidé - Donc tu restes ! J’ai bien trop de questions qui restent sans réponses depuis le début de cette soirée - Je regarde l’heure sur une horloge, accrochée au mur - … de cette nuit !

Certes, il commence à se faire tard, et même si je risque de veiller une partie de la nuit au cas où, le gosse n’a pas de raison de rester debout une seconde de plus. Pas dans son état.
Je lui balance un sourire entendu :
- Derek James, Sideways, jeune homme… C’est d’accord. Je veux bien t’enseigner ce que je sais, ou au moins t’aider. - Je pousse un soupire et une légère vague d’inquiétude passe dans mes yeux - Si c’est vraiment ce que tu souhaites, devenir un super-héros ! Je ne te cache pas que ça ne sera pas facile… Bien au contraire...

Qui suis-je pour le convaincre d’abandonner, de toute façon ? On a tous eu son âge. On a tous des capacités, ou reçus des dons, qui nous ont propulsé là où nous en sommes. Et, personnellement, je ne suis pas contre de l’aide, et ce garçon est capable. Je suis sûr qu’il peut faire de grandes choses… S’il est bien guidé.
- Premier défi pour toi : Le repos. Tu verras, ce n'est pas si difficile !

Tu parles, pfeu... Comme si j'étais le mieux placé pour donner ce genre de leçon !

Allez, allez, dites oui, dites oui !
J'ai pas fait toute cette route depuis Gotham pour un "bravo bonhomme mais tu dois trouver quelqu'un d'autre." ! J'ai dû ouvrir pas moins d'un rift pour trouver Opal City, c'était franchement pas gagné, hein. Alors me faites pas le coup du héros blasé et solitaire, c'est beaucoup trop cliché en 2019... pis ça me ferait franchement très mal au derche de me faire rabrouer par le même comportement que j'ai avec les jeunes de mon âge. Non mais sérieux, est-ce que je mériterais ça ?! Peut-être, j'en sais rien, mais le plus important dans cette affaire, c'est que deux syllabes s'échappent d'entre les lèvres de mon potentiel ex-futur mentor: Ou et i. Et s'il peut rajouter "parce que tu es la meilleure personne que j'ai jamais côtoyé au cours de ma très longue existence", ça me va aussi. J'aurais rien contre.
En attendant, je transforme sa question étonnée en pure gêne, qui me fait me tordre les mains et grimacer de douleur parce que mine de rien, j'ai les paluches également bien abimées. Tu couples ça avec de la super-force mon gaillard, et je peux te dire que les regrets ils coulent presque le long de mes joues lacrymal style.

- Je voulais pas vous embarrasser, hein M'sieur ! C'est juste une demande comme ça, hein, faut pas vous inquiéter... faut pas... roooooh, désolé. Je suis un peu nul. C'est... pas facile de savoir comment parler comme il faut à un héros, vous savez.

Puis je la boucle.
A raison, je crois. Ça suffit les excuses, les blablas et les bavardages. Faut se comporter comme un bonhomme qui serre les dents, qui bombe le torse et qui bande ses muscles, ouais ! Sauf que non. Non, pas là. Parce que là, ça fait mal. Genre gros Ouïe. Ca tire, ça lance, ça pique. Ca démange la matrice sensorielle, c'est moi qui vous le dit. Suffisamment pour que je me dégonfle comme un soufflé.
Quelque part, tant mieux que ça arrive maintenant. Parce que mon interlocuteur est en fait un vrai curieux comme on en fait plus. Le type qui a la cervelle qui gratte quand il n'a pas de réponse à ses questions !

- Ouah ! Hé bah M'si... Ralph. Et moi qui me croyais pipelette. C'est l'élasticité de la langue, c'est ça ?

Et je pars dans un pouffement des plus irrespectueux. mais je vous jure, c'est pas volontaire ! C'est la fatigue qui me fait parler ! Je suis pris en otage ! En otage ! Mon corps n'est plus qu'une marionnette, qui réagit quand on la titille mais pas beaucoup plus ! Oskour !
Il me reste toutefois assez de neurones pour capter que... eh bah voilà, je suis devenu le Padawan d'Elongated Man ! Le seul, l'unique, le grand ! Je pourrais jamais étirer mes bras et mes jambes, mais bon... faut de tout pour faire un dynamic duo du tonnerre.
Elongated Ways full force !
Du coup, beaucoup trop hypé par tout ça, je lâche un très classe:

- Oh sérieux ? Trop cool ! Yeah !

Trop enthousiaste, Derek.
Plus de modération, sinon tu vas encore faire n'importe quoi.
Ecoute la voix de la sagesse. Que dirait Obi-Wan Kenobi ? "Hello there !" ?
On va dire que j'ai rien dit.
Mais du coup, j'expire un grand coup, chassant toute la tension accumulée ces dernières heures, et réveillant mes vilaines douleurs costales. Faut dire que traverser successivement trois piliers de plâtre de béton, ça fatigue un peu.

- Hum... je veux dire: "Vous ne le regretterez pas, M'sieur. Ralph. Man. Oui."

J'évite le garde-à-vous, cette fois. Un simple sourire sous le tas de pansements et bandages devrait suffire à faire comprendre ma satisfaction, n'est-ce pas ? D'ailleurs, à moi de soulager celle de mon illustre professeur, désormais !
Mais pas sans le taquiner un peu avant. Hé ouais, la Sideways Touch, c'est ça: on taunt amis comme ennemis, en faisant en sorte de sortir le plus de vannes le plus vite possible dans l'espoir que l'une d'entre elles fasse sourire... Oui, et c'est confirmé par la prod, je vous conseille de m'abattre avant de me faire boire le moindre café. Le monde courrait à sa perte. Je suppose que dans un des univers parallèles du Multivers, c'est arrivé. A un moment ou à un autre.
Et ça me fait vraiment rire.
Même si c'est pas bien.

- Ah ? Me reposer alors que j'ai tant de questions auxquelles répondre ? Vous êtes bien sûr, hé ?

T'es ridicule mon pauvre Derek, quand tu claudiques comme ça. On dirait une vieille momie pas fraîche sortie d'une série Z des années 60. Le summum de l'art à l'état brut. Très brut. Le genre qui te fait passer de sobre à bourré en deux verres.
Je termine ma course en m'affalant dans le canapé, comme le sac que je suis.

- Bon, alors, mes pouvoirs, c'est ça ? De ce que je sais...

Je me redresse en grinçant, et c'est parti !
Une quasi-nuit blanche.
Durant laquelle j'explique tout ce que je peux savoir sur l'origine de mes pouvoirs: souvenirs épars d'une silhouette encapuchonnée qui se penche sur moi, voix familière, inconscience avant même de piger ce qui m'arrivait. Puis réveil, découverte des pouvoirs, Tempus et mon futur rôle de gardien du Multivers, aventures contre des vilains, des démons, des scientifiques fous !
Et puis la perte de ma mère... moment terrible. Triste. Long. Qui vient gratter la cicatrice à peine refermée tout au fond de mon petit cœur d'ado mal dégrossi et en cours de reformatage cérébral.
Enfin, j'en arrive purement aux théories autour de mes pouvoirs, pour changer de sujet. Comme quoi ils seraient d'origine si ce n'est divine, au moins magiques, et suffisamment puissants pour que le bon vieux Tempus veuille me former et faire de moi un flic multiversel.
On alterne les moments de parole et d'écoute, jusqu'au moment où, sans même que je m'en rende compte, le sommeil m'emporte. Heureusement que j'ai pris soin de prévenir mon père par SMS.
Ou pas.
Oups.
...
Non, je déconne. Je l'ai prévenu. Je suis nul, mais pas à ce point.
Par contre, j'ai oublié de mettre un réveil.
Heureusement que demain c'est samedi.
Attends... ah non, ce sera vendredi demain. Je m'est trompé d'un jour.
Putain.
De merde.
Quelle galère la vie de super-héros lycéen !

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