Rouge planète et vert royal [Secret Santa : Aquaman & Miss Martian]

Le Phare Curry est inhabité depuis de bien trop longues années. Demeure des Curry depuis des décennies, elle s'est subitement vidée avec la mort de Tom et le départ de son fils. Résultat: les vieilles pierres et les planches de bois font aujourd'hui grise mine lorsqu'on leur demande d'être un foyer, un chez soi où il fait bon vivre. Et ça irait très bien à Arthur, si ses amis d'Amnesty Bay n'étaient pas passés pour l'encourager. Pour lui proposer de fêter Noël, et le Nouvel An en leur compagnie.
Ce qu'il a refusé en bloc. Avec moult mouvements dissuasifs de harpon doré et grognements mécontents.
Au début tout du moins.
Face aux yeux de chien battu d'Erika Watson, l'intrépide agent de police, Arthur n'a au final pu que capituler, à la condition sine qua none qu'on le laisse tranquille le 25 décembre. Fêter une naissance, ce n'est pas quelque chose qu'il tient à faire. Pas avec ce qui est arrivé à Atlantis il y a peu. Nouvel an dans la salle des fêtes, donc. En compagnie des citoyens encore sous le choc de l'attaque récente de la ville. Rien de mieux qu'un héros qu'ils connaissent depuis tout petit pour leur redonner confiance. Pour chasser la peur de leur coeur en ce début d'année 2020.
Et tant pis pour Ray Palmer. Il ira s'excuser et le saluer lorsque qu'Ivy Town sera en danger.

Quand à Noël... bien que prévu dans la solitude, les mugissements à fendre le coeur de Tusky ont eu raison de la volonté d'Arthur. Réveillon et cadeaux à trois, dans le grand salon du phare, près du feu. Dans la simplicité. Peu de monde et pas d'embrouilles. Que demander de plus ?
Faire plaisir.
En offrant des cadeaux. Et pas des boîtes de chocolat à trois francs six sous, non. Pour son toutou incapable de nager, Arthur a récupéré sur le cadavre d'un narval sa grande dent. De quoi mâchouiller pendant des heures ! Le morse super-intelligent, lui, va avoir droit à un set de déguisements résistants à l'eau de mer commandé à la tailleuse du coin, histoire d'aller batifoler sur la plage grimé en girafe ou en rhinocéros.

Et le 25 décembre, en milieu de matinée, quand le soleil darde enfin quelques timides rayons sur l'état du Maine, vient le moment de la distribution. Des présents. Et des sourires. Enfin... autant qu'un chien puisse sourire. Et un morse. Et un Arthur Curry.

- Joyeux Noël mes vauriens.

Il les gratifie, en plus, d'une séance de gratouilles chacun, amenant l'Atlante à se demander si Tusky n'a finalement pas plus l'âme d'un toutou que d'un énorme mammifère marin.
Et, au milieu d'un délicieux mais à jamais incomplet frottage de ventre dans les règles de l'art, quelque chose les interrompt. Quelque chose de commun pour beaucoup de monde, mais qui dans le cas de l'éloignement du phare de la ville, témoigne d'une vraie volonté. Quelque chose qui fait se froncer les sourcils d'Arthur, et qui met ses sens en alerte.

- Hmm ?

C'est la fin du monde pour Tusky, qui geint et se retourne pour appeler aux papouilles de Salty, bien trop occupé à grignoter la défense de narval.
Rendu ronchon par cette soudaine intrusion dans son intimité, Arthur va ouvrir la porte, plein de mauvaise volonté.

- Erika, je t'ai dit que...

Mais ce n'est pas Erika derrière.
Loin de là, même.
Peau verte, cheveux de feu. La petite martienne dont John est l'oncle.
Que peut-elle bien faire ici, un matin de Noël ?

- Oh. Bonjour. M'gann, non ? Que puis-je pour toi ?

- Hrm...

La conversation commence assez mal. Et malheureusement, Arthur n'est pas étranger à cela.
Le regard ombré par son humeur de chien, il croise les bras, en observant de haut en bas la petite martienne devant lui. Cela faisait longtemps qu'il ne l'avait pas vu. Très longtemps. Elle a l'air encore bien jeune, d'apparence en tous cas. Et emplie d'un malaise quasi-palpable. Sa candeur et son émotivité rappellent tout sauf le stoïcisme de façade dont fait preuve John Jones. Difficile de croire à une quelconque relation entre eux, sans en avoir eu la confirmation.
Mais même en ce jour de Noël, cela ne suffit pas pour adoucir Arthur. Toute agréable qu'est cette demeure en bord de mer, ce phare au coeur de la nuit, elle convoque beaucoup de souvenirs. Très bons pour la plupart, mais tous fortement teintés d'une lasse mélancolie. Qui n'arrange pas le caractère compliqué de l'Atlante.
Son esprit bouillonne.

- Hrrrrm...

Il écoute cependant.
En grondant régulièrement, quand Megan fait preuve d'une maladresse que d'aucuns trouveraient touchante. La dureté de ses traits n'invite pas à l'épanchement le plus absolu, et le moignon de son bras gauche, mutilation dont les séquelles mentales sont encore loin d'être cicatrisées, parachève le portrait d'un homme en détresse.
Qui grogne, encore, lorsque la petite martienne parle de poissons.

- Hrrrrrrrrm...

Mais, ô miracle de Noël, quelque chose vient allumer une flamme dans l'oeil du blond justicier. Une étincelle fugace, qui fait fondre la glace et apaise sensiblement la tension grandissante. La vue du fossile arrache lui arrache même un sourire, alors qu'il prend dans sa main droite la pierre.
Qui est bien plus que ça à ses yeux.
Qui fait naître une idée.
Un projet fou.
Transcrit lui aussi par un grondement, quoique plus tranquille.
Moins agressif.

Arthur se retourne pour jeter un regard à ses deux animaux, pour hocher la tête lorsque ses yeux croisent ceux de Tusky. Alors, le fossile bien en main, Arthur passe le seuil et rejoint Megan au dehors, avant d'aller en direction de la plage en contrebas.

- Hum. Suis moi.

Le chemin est en pente douce, lisse, de terre puis de sable.
Il n'est pas bien difficile d'y accéder, mais l'aisance qui transpire des mouvements d'Arthur témoigne à la fois de ses habitudes, mais aussi de ses facultés physiques hors-normes. Qui vont crescendo en se rapprochant de l'océan.
Il n'hésite pas à s'avancer dans l'eau jusqu'à la taille, emportant avec lui l'animal devenu roche.

Sans même regarder la Martienne, il s'adresse à elle, par la pensée.
Ses mots sont comme les embruns qui rafraîchissent le visage, et sa présence mentale amène un petit goût de sel sur la langue... ou peut-être n'est-ce que l'air marin ?

- Je n'ai rien à t'offrir, à part peut-être ceci: un petit bout de Mars en vie sur Terre. Joyeux Noël à toi aussi, M'gann.

Des symboles lumineux apparaissent alors sur son corps.
Des lignes, des courbes, qui se croisent et s'entremêlent en un schéma occulte étrange.


Et, plongeant à la fois le fossile dans l'eau et son âme dans la Life Force, l'énergie qui lie toute la vie marine, Arthur vient accomplir... un miracle: comme se libérant d'une gangue de pierre, l'animal martien se dégage de la roche et fait ses premiers mouvements depuis... une éternité. Arthur l'entend, dans sa tête.
Il sent cette créature, qui lui parle.
Qui pousse ses premiers gémissements terrestres.
Et l'Atlante sourit. Avant de... rire.

- Oh, et il me dit qu'il a bel et bien un nom. C'est assez difficile à traduire, mais en anglais, ça se rapprocherai de... Georges.