Je comprends pas les gens qui ronchonnent sur le caractère mercantile de Noël.
Enfin si, avec ces grandes entreprises qui nous poussent à la surconsommation la plus totale afin d'engraisser les poches des patrons et des actionnaires, leurs plaintes semblent justifiées, hein. Faut pas me faire dire un truc que j'ai pas dit. Mais je pense sincèrement que ça va au delà. Bieeeeeeen au delà. Noël a cette espèce de magie qui donne envie d'être plus généreux, plus amical. Et ça se sent même chez ceux qui d'ordinaire respirent l'égoïsme et l'avarice. C'est pas pour rien que le Drôle de Noël de Scrooge existe: il témoigne d'un changement une fois nos rues teintées par les premières neiges. Oui les grandes boîtes profitent, et ce sont des crevards, mais les cadeaux, c'est trop cool ! C'est bien pour ça qu'en ce 25 décembre 2019 je me retrouve dans la Tour à San Frisco, à attendre comme un glandu Riko, un sac plein à ras-bord habilement dissimulé derrière mes jambes de gringalet.
J'ai rien prévu pour les autres membres de notre très fameuse équipe, parce que je suis un nul de compèt' évidemment. Il aura fallu que je passe au hasard devant le rayon adéquat pour craquer et emballer le tout d'un papier cadeaux aux reflets fort convaincants... oui, le froisser c'était voulu !
...
Le mensonge est trop gros, ça passe pas, hein ?
Ca fera encore une pièce à mettre dans le pot à conneries. Qui va servir à payer la retraite de mon père au rythme où on le remplit.
Quoi qu'il en soit, me voilà tremblotant et aussi habile de mes mots qu'un nouveau-né en voyant ma jeune collège... camarade... amie aux étonnantes origines japonaises s'avancer vers moi, avec un air tout autant rassuré que le mien. Bon, déjà, c'est pas bizarre que pour moi. Ca ragaillardit son bonhomme, c'est moi qui vous le dit !
Et là, THE cadeau.
L'Atlas. Tellement stylé.
La bonne idée du siècle.
Le truc le plus utile pour moi.
Et mon sac rempli me paraît soudain bien fade à côté.
Genre... Simon le Roi de la Tarte aurait assez fréquenté Riko pour penser à la même chose, c'est dire ! Alors comme d'hab, mal à l'aise, je bafouille:
- Je...
Allez, un joli sourire mon tout beau.
C'est Noël après tout. Fait pas croire à la petite que tu es déçu, ce serait sacrément con. Et vilain. Et stupide. Et... con. Je me répète, mais ça résume drôlement bien ma pensée, hé hé.
- Merci. C'est un super beau cadeau !
Whaou !
La couverture est bien belle.
Ca donne envie de la caresser des heures durant, comme un vilain de James Bond qui frotterait le poil doux et abondant de son chat avant de se retourner au dernier moment, pour lancer un "Mr. Bond, je vous attendais." terriblement efficace. Est-ce que ça veut dire que je peux faire ça avec cet Atlas, désormais ? Trop kitsch ?
Toujours plus intéressant que mes cadeaux, toutefois.
Que je tends à la jeune femme. L'adolescente. Cette amie en devenir.
Bon, je la ferme et j'agis avant de dire plus de conneries.
- Du coup, à mon tour. Joyeux Noël Riko !
Et d'un habile mouvement de la main, je sors le sac en papier MERVEILLEUSEMENT bien dissimulé de derrière moi, mi-embêté, mi-fier, mi-réembêté derrière. Boah, allez, au pire ça lui fera des mouchoirs sympas !
Parce que voilà, se trouvent dans le sac d'une taille relativement importante (tout est une question de relativité, toujours) de luxueux rouleaux de tissu jaune, rouge et vert, ainsi qu'un kit classique de tailleur du meilleur des goûts. Et surtout à hauteur de ma petite bourse d'élève avec des notes quasiment parfaites en absentéisme.
Elle doit déjà avoir tout ça en mille exemplaires en plus.
Bien joué amigo.
Et te désole pas trop tout seul, elle risquerait de remettre en question sa propre réussite ! C'est clairement pas le moment ! Mais je m'excuse quand même, attristé, vexé et craignant la suite.
- C'est moins inspiré, désolé...