Des merveilles de la bienveillance [PV. Superman]

Taptaptaptaptaptaptaptaptaptaptaptap...

Oh non, pas encore.
Pas encore une fois, pitié.
Me faites pas ça, c'est un enfer !

Clic clic !

Vite Derek !
Le temps file trop vite, et si tu te rates comme un nul, c'en sera fini !

Taptaptaptaptaptaptaptaptaptaptaptap...

Une goutte de sueur roule le long de ma tempe, alors que je ne peux m'empêcher de surveiller nerveusement ces petites barres blanches, auxquelles se raccrochent mon avenir. Chier, chier, plus vite, accélère !

Clic clic ! Taptaptaptaptaptaptap...

Allez... allez... ALLEZ... OUI !
Entrée, valider, et pouf pouf ! C'est bon, c'est fait, victoire !
Que soient loués tous les gens qui me regardent ou lisent dans ma tête (oui, même toi là), j'ai réussi ! J'ai triomphé de la plus terrible épreuve qu'un élève de dernière année a à affronter dans sa scolarité: lancer les inscriptions aux différentes écoles supérieures via le site tout pourri du gouvernement.
Le site qui crache plus ses poumons qu'un routard quinquagénaire quand trente mille élèves se connectent simultanément au serveur.
Genre... on est le premier jour, et y a sûrement trois ou quatre fois plus de gens encore !
Mais j'ai vaincu la bête !
Et j'ai pu m'inscrire à l'université d'Ivy Town.
Brrrr... j'ai la main qui tremble et la gorge qui se serre rien que d'y penser.
Vite, un bol d'air, ça me fera du bien.

Délaissant l'ordi sur le canapé du salon, mes pas me mènent d'abord jusqu'à la cuisine. Rutilante. Suréquipée. Avec le plus gros frigo du monde. Hum...
Un goûter.
C'est pas idiot, Pieds. Je suis très fier de vous ! Vous formez un tandem d'enfer avec mon estomac, c'est parfait.
Mais quand même. Avant, la terrasse.
Et avant la terrasse, déblayer les restes de vaisselle de l'évier pour les mettre dans le lave-vaisselle. Je sais pas qui de la Tour laisse toujours traîner ses affaires sales, mais si je viens à le découvrir... hum. Rien. Rien, parce que j'arrive pas à m'énerver ici. Comme si les merveilles apportées par ce cher Boss contrebalançaient tout. Même la solitude, fréquente ces dernières semaines.
On vit à des rythmes différents. Ca se comprend. C'est un peu lourd à vivre, mais ça se comprend.

Petits pas petits pas petits pas, et hop, me voilà en train de faire coulisser la porte-fenêtre.
D'un coup, le vent printanier vient me chatouiller les joues.
Juste le temps de bénir mes super-pouvoirs d'avoir éliminé mes allergies, et je sors. Quelle vue mes aïeux. San Francisco, dans son intégralité. Avec le Golden Gate bien visible, en plus ! Pour une fois, la brume ne cache pas tout, et c'est un franc plaisir. Lutter contre les tracas de l'orientation rendus plus problématiques encore par les aléas de l'informatique, ça pèse, faut dire. Ne pas profiter de cette terrasse serait un crime, dans ces conditions.

Mais (parce que oui, rappelez vous, Règle n°1: il y a TOUJOURS un mais...) ma petite antenne s'affole. Ma perception naissante des Multivers qui m'entourent est toujours frémissant, surtout en ce moment. Là, il bout, il s'agite, il bondit et feule comme un fauve en cage ! Mais si, comme cette vidéo du lion dans un zoo qui essaie de manger un bébé avec un vêtement zébré. Heureusement protégé par la vitre, hein.
Bah là, c'est pareil.
Mon petit lion en cage a repéré un bébé humain habillé en zèbre.

J'aurais préféré que ce soit un bébé zébré.
Parce que ce qui franchit la barrière de notre réalité, derrière moi, c'est franchement moins enthousiasmant. Et Tempus seul sait que j'aime pas trop les bébés.


Spinner.
Qui n'est pas sensé être capable de se déplacer, comme ça.
Qui ne devrait pas se trouver là.
Parce qu'il a réglé sa dette envers moi, comme tous les autres, lors de l'attaque de Superboy-Prime ! Mais vu la tête qu'il fait là, c'est pas pour me faire coucou qu'il est venu.

- Derek James, Il te veut.

Pas de réponse de ma part.
Normal. Je tombe dans le vide.
Volontairement hein !
Ca me laisse quelques secondes bienvenues pour...
Un portail s'ouvre, juste devant moi. En pleine chute.
Et une grosse main rouge m'agrippe.
CRAC. Des côtes cassées... argh... fait mal putain.
Je me fais entraîner... vers un vieux bâtiment en ruines. En grosses pierres.
On est toujours sur Terre, dans ma dimension. Je le sais. Je le sens. Mais tout ça me rappelle de bien mauvais souvenirs.

- Derrecjaims. Te voilà. Tu as manqué à Ma bénévolence !

Oh chouette, Perrus le bén...
Pas le temps de penser, il m'envoie me fracasser contre un mur.
Foutu parasite pompeur d'énergie...
Je m'effondre comme un sac à patates sous un tas de pierre, dans les gravats.
Mal. Après les côtes, un bras en vrac.
Aïe...
J'ai aucune chance, là.
Aucune.
Sauf si...
Je regarde mon poignet paralysé de douleur.
LA montre.
Je l'active. Pas le choix.
J'ai besoin de lui.


J'ai aucune idée de comment il s'est échappé du Multivers Sombre...
Ni comment il a de nouveau réuni ses "disciples" sous sa houlette.
Tous. Même ceux sensés être libres.
Mais les réponses viendront après.
Je me relève difficilement, alors que le monstre face à moi exulte.
Il nous a tous réunis.
Lori, ChèreLois, Spinner, KentClark, Olsen, Rant. Et moi.
Pouvait pas m'oublier ?
Ouch...

J-j'y crois pas...
Ca... ça a marché...
En même temps, j'aurais dû m'en douter.
C'est Superman !
Impossible qu'il n'entende pas la montre.
Impossible qu'il se pointe pas. Même si c'est que pour moi.
Il est là pour tout le monde, Superman. Il abandonne personne.
Pas même ces... traîtres ?
Je sais pas, ils ont l'air vachement mal quand même. Ou alors c'est parce que j'ai la tête à l'envers, que je suis couvert de gravats et que ma conscience vacille un peu trop à mon goût.

- Oh, un Autre !

L'immense femme-cervelle sur pattes, dotée de pouvoirs psychiques hors du commun, s'avance, curieuse. Intriguée, même. Intéressée ? Ouais, ça a l'air. Je me redresse doucement, touuuuuuuut doucement pour pas faire de bruit.
C'est un peu égoïste, mais j'ai moins peur quand l'attention des gros méchants pas beaux est dirigée vers quelqu'un d'autre que moi. Encore plus quand ce quelqu'un est le méga Homme d'Acier !
Même si la voix de Perrus me fait douter, l'espace d'un instant.
C'est bien un démon tyrannique, Perrus, non ?
Est-ce que Superman poutre les démons ?
Est-ce que j'essaie vraiment de me référer à un bouquin de règles de jeu de rôles pour déterminer si mon sauveur, celui dont tout le monde rêve lorsque ça va mal, a une chance ? Un peu. Mais à ma décharge, il est drôlement bien foutu ce livre.

- Non, ChèreLois. C'est l'Autre. C'est Lui. L'original.

Une certaine excitation paraît dans ses intonations.
Il vibre d'un plaisir non dissimulé.
Celui du chasseur. Ou en tous cas du manipulateur.

- Bonjour, VraiClark. C'est un plaisir. Vraiment. Cela fait longtemps que je n'ai pas vu un Superman en bon état... alors LE Superman.

VraiClark ?
Hrm...
Aucune idée de ce que ça veut bien dire.
A peine un regard est adressé à KentClark et Rant, pourtant arborant tous deux le légendaire écusson S. Deux anciens Supermen. SDF. Sans Dimension Fixe. Isolés, exilés, rendus orphelins par les horreurs de mondes dont Tempus refuse encore de me parler.

- Mais malgré la joie qui est mienne et grande, et forte, je ne peux accéder à ta requête. Derrecjaims est mien. Ma très magnanime main l'a jadis sauvé d'un sort pire que la mort, alors il doit accepter ma Bénévolence. Et m'aimer. Pour me remercier. Pour s'excuser du mal qu'il a causé à tous mes bons enfants.

Hé !
T'es un patron tyrannique, colérique, déphasé avec la réalité !
Tu maltraites tes suivants, pour absorber leur énergie.
Tes cheveux brillent en bleu dans le noir.
Et en plus, tu sens le soufre. Et le soufre, ça pue.
T'es qu'un parasite.
Et moi, je suis trop faible pour faire autre chose que supporter le regard lourd dudit parasite.
Qui m'a vu bouger.
Et merdouille.
Tant pis, autant... essayer de maintenir mes côtes en place en me relevant.

- Ils ne peuvent pas ne pas aimer Perrus le Blanc. Perrus, dit le Bienveillant, qui a chassé de son poing d'acier la tyrannie et la vilenie !

L'ego de ce gars n'a aucune limite.
Il a dû être boss d'un groupe, lorsqu'il était encore humain, c'est pas possible autrement.
S'il a jamais été humain, cela dit...

- Maintenant, retourne à tes occupations, VraiClark. Cette affaire ne te concerne pas. Ma Bénévolence ne te veut pas de mal. Elle ne répand que le Bien.

Pourquoi il parle de Bénévolence et de Bien en me fixant moi ?
Avec les poings serrés.
J'ai un truc coincé entre les dents ?
Ou un bouton sur le nez ?

Tous se préparent.
Chacun connaît Superman, à sa manière.
Ancien patron, ancien ami, ancienne amante...
Tous savent qu'il ne se contentera pas de ça, malgré la verve enflammée de Perrus.
Allez, 7/10 pour l'effort. Mais peut mieux faire.
Le combat semble inévitable, et moi, petit bonhomme fragile au milieu des dieux, je suis désespérément coincé.

Ouh.
C'est osé.
Mais ça me plaît, en tous cas !
Pas d'appartenir à Superman, hein. Il a beau être le plus grand, le plus fort, le plus mieux comme disent les jeunes de nos jours (ou pas), faut dire que j'aime bien ma petite vie de Derek libre. Jouer aux jeux vidéos, trainer avec la Young Justice, faire du jeu de rôles, refaire le monde avec m'sieur Ralph, me perdre dans les laboratoires de Ray Palmer et menacer la continuité de l'espace-temps en appuyant sur un bouton au hasard... ouais, j'aime bien.
Ce qui me plaît, c'est que j'aurais peu ou prou tenté un truc similaire. Risqué. Non-violent. Et probablement voué à l'échec. Parce que moi, je suis Sideways, pas Superman. Si quelqu'un peut bien réussir, c'est Lui. J'ai confiance, en tous cas. Enfin, j'aurais confiance si j'étais pas aussi affolé qu'une souris sous perfusion constante de café, prise au milieu d'une escarmouche à Mogadiscio.

Un instant, le sourire plein de grosses dents pointues et dégueux de Perrus se fane.
Il fond comme... une tarte à la rhubarbe laissée sur mon bureau.
J'aime la rhubarbe.
Pas le sourire de Perrus.

- Ah. Voilà une nouvelle bien fâcheuse s'il en est, VraiClark.

Victoire ?
Dites moi que c'en est une, toute jolie, qu'on puisse...
Non, on peut pas les renvoyer chez eux. Ils en ont plus. Et Perrus ne les lâchera jamais... on va quand même pas les abandonner ?
Mais avant que je ne puisse pousser plus loin ma réflexion, il se passe un truc. Le genre de truc qui me glace le sang. Le sourire de ce monstre ailé revient, au triple galop. Il est content. Il a eu une idée. C'est pas bien quand les méchants ont des idées. J'aime pas ça, personnellement.

- Mais... mon immense bonté me permet de percer le voile du doute et de la défaite. Superman, je vais te défier en duel pour ce garçon, et te vaincre, comme j'ai vaincu le Kryptonien de ma Terre, et ceux de toutes celles qui ont eu l'honneur de m'accueillir. Qu'en pensez-vous, vous tous ?

Il se tourne vers ses "adorateurs", qui hochent tous, unanimement, la tête.
C'est comme ça qu'ils me remercient de les avoir sauvés ?
Meh.

Pas bon ça.
On est au XXIème siècle.
Je suis pas une marchandise !
Bon, je suis un latino né à Porto Rico d'une maman trop jeune pour s'occuper de moi et un papa inconnu, mais bon... ça justifie pas, si ?

- Bien. Mon ouverture d'esprit a laissé le peuple s'exprimer. Et il est unanime.

Il s'avance, lentement.
Son pas fait trembler le sol.
Quel gros lourd. Littéralement.
Mais à peine j'ai pensé ça que son regard me transperce net.
Comme s'il m'avait entendu.
Hasard malheureux ou pouvoir supernaturel ?
Si j'ai le choix, je préfère pencher vers la première option. Il a l'air déjà assez bourrin comme ça pour éviter de lui rajouter la télépathie en plus !

- Quant à toi, Derrecjaims, reste là. Bien à l'abri sous ma Bénévolence, le temps que je règle cette affaire.

Les pierres du sol hurlent à chacun de ses pas.
Sa petite cour des horreurs se tient silencieuse, derrière. Abattue. Epuisée. Inerte. Il a dû leur pomper des quantités phénoménales d'énergie pour se recharger...

- Le Vrai va mourir, de la main de Perrus le Blanc ! De la même manière que ton Perrus tient ta destinée entre ses mains pleines de pouvoir, moi, le Bienveillant, je vais t'offrir l'ultime liberté.

Et d'un coup, il bondit, à une vitesse effarante, prêt à mettre en pièce son rival.

La frappe de Perrus part dans le vide.
Ah ah, bien fait !
Il est trop rapide pour toi, gros lourdaud !
Tu vas te faire rétamer, en trois coups de cuiller à pot !
Mais... même si ce Superman là, le nôtre, le mien, c'est le plus grand de tous, c'est bizarre que Perrus ait réussi à s'en débarrasser sans réellement échouer... ils sont pas tous TOTALEMENT moins bons dans les autres univers, si ? Peut-être que dans le Dark Multiverse, là d'où viennent ces étranges chimères, si.

- Tu... HRM.

Ah, une grimace de mécontentement.
C'est à la fois très satisfaisant, et éminemment inquiétant.
Parce que les gars comme ça, les chefs sans autorité autre que la force brute, ça triche. Règle numéro 2: les bullies, ce sont généralement des gens pas bien.
La première étant qu'il y a toujours un Mais, je vous le rappelle.

- Perrus le Blanc salue ta vitesse, VraiClark. Mais elle ne l'empêchera pas de te tuer. De ravager ta Metropolis pour soumettre ses habitants. Pour aspirer leur énergie. De s'occuper de ta ChèreLois. Pour le plaisir.

Ah.
C'est... déstabilisant, ça.
Je... je suis pas directement touché, c'est sûr, mais j'imagine. Mon père. Ernestine. Mes amis de la Young Justice. M'sieur Ralph. Professeur Palmer... je sais pas comment Superman va réagir... bien, je suppose ? Il est toujours bien.
Mais un cri me sort de mes pensées.
KentClark.
Qui réagit, vite, à la vision chaude du Kryptonien.
Son jumeau. Son frère. Qui a eu plus de chance. La chance de naître dans un univers qui n'était pas vicié. Un Autre qu'il doit envier. Je l'envierais aussi, je pense.

- PERRUS, IL...

Mais il est directement coupé par le colosse colérique, qui le regarde.

- JE SAIS. ILS LE FONT TOUS. TOUJOURS. AVEC MOI !

Et, à une vitesse proprement effarante, bien plus rapidement qu'il n'avait attaqué quelques secondes auparavant, il pivote à nouveau et bondit sur l'Homme d'Acier !
Pour... le mordre. Directement à l'épaule.
Ses dents, longues et effilées, pénètrent la chair. Le sang coule.
Le monstre jaugeait son adversaire, avant d'attaquer.
Brrr... j'en ai les mains qui tremblent. Un frisson me parcourt tout le dos ! La douleur doit être atroce !

- P-pourquoi ?

Ca, c'est moi.
Enfin, moi qui demande à la cour de Perrus pourquoi ils avancent.
Pourquoi ils lui obéissent.
Pourquoi ils ne décident pas de faire ce qui est bien. Car ils l'ont su, là, tous autant qu'ils sont. Ils ont su ce que le bien est. Ils le savent sûrement encore. Et pourtant, pfiout, ils l'occultent. L'oublient. Le jettent aux oubliettes, comme s'il n'avait pas la moindre importance.

- Nous... le devons.

Non.
La réponse me plaît pas.
C'est pas vrai.
Vous ne lui devez rien. Ou en tous cas, vous avez remboursé votre dette depuis longtemps.
Il vous a assez ponctionné comme ça.

- Vous étiez libre, ici... pourquoi ?

Oui.
Je leur ai offert une chance de vivre.
Ils sont étrange, déformés, pas adaptés à notre monde.
Mais ces créatures sont d'abord des femmes et des hommes comme moi. Comme Superman. Comme tout le monde. Elles ont simplement vécu des choses terribles, qui les ont changées. Avec un petit coup de pouce, je me suis dit qu'ils pouvaient retrouver leur dignité. Retrouver qui ils étaient.
Et je le crois toujours.

- Parce qu'Il nous domine.

C'est pour ça que je me montre sec.
Cassant.
Mécontent.
Alors que Superman se bat contre Perrus, alors que les coups sont échangés avec puissance, je leur balance, en me détournant d'eux:

- Non. Vous avez peur. C'est tout. Si vous voulez lui rester soumis, allez-y. Mais ne le faites pas en vous mentant à vous-même.

Puis je leur tourne le dos. J'avance.
Je fais un pas. Puis un autre.
Vers l'affrontement.
Mes doigts s'allument difficilement. La lueur grésille, mais se stabilise, et reste.
Je vais aider Superman.
Parce que là, il se bat pour moi.
A cause de moi.

Naïf ?
Hum...
Oh si, sûrement un peu. J'ai pas envie de casser le mythe de Superman en découvrant que derrière le grand S rouge et jaune se cache un monsieur tout le monde, banal et discret. Même si... ce serait pas si mal, en fait. Je sais pas. J'ai pas le temps d'y penser, surtout. Pas maintenant, avec ce gros vilain démon à la chevelure digne des plus beaux néons des années 80. Il faut que... que je ne fasse rien, en fait. Rien du tout. Parce que Perrus, après un combat de titans... tombe. Pouf. Bon, mes dents ont claqué toutes seules lorsque le poing de Superman a heurté sa mâchoire. C'est pas juste "un coup et réglé". N'empêche, j'aurais pas voulu être à sa place ! Ni à la place de Superman quand il s'est fait mordre, cela dit.

...
Pourquoi tu joues au héros, Derek, déjà ?
...
Meh.

Tu as le pouvoir d'aider, alors tu le dois. Si tu peux éviter à des gens le même sort que ta mère, il faut agir. Il faut devenir meilleur. Et tu le sais. Donc on ronchonne plus, on serre les dents, et on cache le boitement ! Il le verra, tu le sais, mais peut-être pas les autres...
Je laisse mon regard glisser sur la cour de Perrus.
Mouais. Y a quand même deux anciens Supermen. Ils verront.
Ils le voient sûrement déjà. Mais... ils ne réagissent pas. Comme si... quelque chose les avait touché. Comme si leur eux de mon monde les avait touché, d'une manière ou d'une autre. Ca m'étonnerait pas, c'est son plus grand super-pouvoir à mon avis ! L'Ange de Metropolis touche les gens, et les pousse à devenir meilleurs. Toujours. Et des fois, devenir meilleur, ça passe par ne pas prendre parti dans un combat qui oppose leur tortionnaire et leur sauveur.
C'est Superman leur sauveur, hein !
Pas moi. Moi, je suis que Sideways.

Et oh la la !
Ils vont paniquer si j'interviens pas !
La proposition de VraiClark est bien, hein, y a pas de soucis. Mais je connais un peu ces gugusses. C'est le genre à avoir du mal à différencier une offre d'une menace, et à partir au quart de tour. Et s'il y a bien une chose que personne ne veut, c'est prolonger la bastonnade.
Alors, grimaçant derrière une grande mèche brune (faudrait que je me coupe les cheveux, mais j'ai la flemme faut dire), je fais fi de la douleur pour m'élancer et me positionner entre les deux camps encore debout.

- Ils ont juste peur, Superman. Il faut... il faut l-les aider.

Mon regard glisse ensuite sur Perrus, derrière l'Homme d'Acier.
Sourcils froncés, voix plus dure.
Toi mon coco, t'es mal barré.

- Et se débarrasser de lui.

C'est quoi la règle numéro 1 ?
Hein, j'entends pas.
Il... y... a... toujours... un... mais.
Perrus est pas kaput.
Pas du tout. Il doit avoir mal, oui. Quelque chose me dit que ça l'énerve plus qu'autre chose.
Lentement, la gueule en sang, avec des dents en moins, il se redresse. Un peu comme moi tout à l'heure, quoi.
Je lui dirais bien "RETOUR A L'ENVOYEUR !", mais ça me semble pas être le bon moment.
L'instinct de survie que ça s'appelle, je crois.

- Personne... ne se débarrasse... DE PERRUS LE BÉNÉVOLENT ! PERSONNE !

Il tremble.
Mais pas de faiblesse.
De colère.
Eh minçouille. Pour pas dire merde... oups.

- JE VAIS VOUS DÉTRUIRE, TOUS AUTANT QUE VOUS ÊTES ! FAUX FRÈRES, FAUSSES SŒURS, MONSTRES D'ÉGOÏSME ! LA MORT AUX MAINS DE PERRUS LE BLANC SERA VOTRE FIN A TOUS ! LA FIN DE TOUT ! PERSONNE NE POURRA M'EN EMPÊCHER !

J'ai peur.
Je vais pas vous mentir, vous me voyez de toutes façons.
Je flippe comme pas permis, mes genoux jouent des claquettes, et un caillou gros comme la pierre de Rosette m'est tombé dans l'estomac. Et froid, le caillou, hein. Pas un truc chaud et réconfortant. Même si j'ai jamais entendu personne dire qu'un caillou dans l'estomac ça pouvait être agréable...
Passons.
J'ai peur.
Mais je suis pas seul.
J'ai Superman avec moi.
Et... j'ai...
Hum...
Kézako ?
Quelque chose me titille le dos. Et les épaules. Et les jambes. Les bras aussi. Mais surtout les doigts. Surtout surtout les doigts. Ca fait fondre le caillou. Ca donne un tempo plus mélodieux à mes genoux-claquettes.

Je me retourne.

La cour de Perrus. Tous se sont regroupés autour de ChèreLois, pour poser une main sur elle.
Et de son immense et étrange cerveau, un rayon doré part. Direction ? Je vous le donne dans le mille: votre dévoué serviteur Derek James ! Ils me transmettent de l'énergie. Volontairement. Et c'est fort. C'est bon. Normal que l'autre gueule de cure-dents adore ça.
Et ça me redonne courage, surtout.
Je peux me battre, pour des gens qui croient en moi. Pour tous les gens même.
Et je vais me battre.

- Si.

Je fais un pas.
Un filet doré s'échappe de sous mon pied, et file vers Perrus.

- Moi, je vais t'arrêter.

Quand il l'atteint, un portail s'ouvre sous lui. Le genre puissant, qui l'aspire, qui le tire, qui le traîne. Qui l'amène jusqu'à lui. Qui le chasse de notre monde, avant qu'il ne puisse relever sa vilaine patte griffue sur quiconque.
La fin ?
Non, car le bougre s'accroche ! Il plante ses doigts dans le sol, les y enfonce profondément, et commencerai même à... regagner du terrain. Alors que le flux émanant de moi est sur le point de se tarir, faute de contrôle sur toute cette puissance.

- Un... un coup de main Superman ?

Allez, qu'il aille mettre les points sur les I et les poings dans les dents !
Pif paf !

C'est SUPERMAN !

C'est aussi... un gros... SOULAGEMENT. J'ai cru qu'on l'avait perdu, lorsqu'il a repoussé le grand méchant Perrus dans le portail dimensionnel. Ça aurait été catastrophique ! Un monde sans Superman... bon, y a toujours Wonder Woman et Batman, et ils sont trop cools. Mais Superman quoi... on l'a pas ramené chez nous lors de l'attaque de Superboy-Prime pour le perdre là, dans un vieux souterrain abandonné qui sent le renfermé et le Multivers Sombre, hein ! J'peux pas m'empêcher de sourire, c'est fou. Il file la patate !
Oui Derek, tous les super-héros te filent la patate, on sait. Tu t'enthousiasmes plus vite qu'un pingouin qui voit un bloc de glace en plein milieu du Sahara, c'est dire ! Alors du calme l'ami, te ridiculise pas trop, faut garder l'image de marque de Sideways intacte. Manquerait plus que tu nous fasses une Booster Gold...

- Yeah !

Ah bah bravo. Après le sourire de noeunoeud, le cri de joie, venu de tes tripailles. Comment avoir un tant soit peu l'air sérieux avec ça, mon Derek ? Hein, comment on fait ? Eh bah on fait pas, et tu passes toute ta carrière super-héroïque à te trimballer l'étiquette de "gamin" sur le dos. La classe. T'as bientôt dix-neuf ans, andouille !

Pour oublier ces bien vilaines pensées, mon regard glisse sur la scène, détaillant la destruction, et s'arrête sur les Invisibles.

En vrai, je m'y serais pas attendu, mais les membres de l'ex-petite cour du démon se regardent les uns les autres, l'air... content. Heureux, je pense pas à ce point là. Suffisamment contents pour se tapoter mutuellement, et s'avancer vers moi, pour commencer.

- Derrecjaims. Merci. Merci de nous avoir encore aidé, alors que nous t'avions trahi.

D'habitude, j'ai l'impression que KentClark a un balai dans le... super-slip quand il bouge, quand il s'adresse au monde. Eh bah croyez moi, croyez moi pas, mais pour une fois, il me fait vraiment penser à un super-héros, avec de l'assurance et la force de faire ce qu'il faut pour sauver la veuve et l'orphelin ! Après tout, c'est quelque chose d'héroïque qu'ils ont fait là: refuser la victoire de leur ancien maître en m'aidant... du courage, voilà ce que ça demande. Je suis fier d'eux. Tellement.
Un peu fâché aussi.
Parce que ça aurait pu être la vraie cata, toute cette histoire.
Alors que je voulais juste prendre un peu de repos dans la Tower, quoi. Pour fêter la réussite de mon inscription à Ivy Town ! Un jour, faudra que j'essaie de planifier une journée normale et calme. Un jour.

- Nous... sommes libres, donc ?

Spinner semble hésitant.
Oui vous l'êtes !
Tant que vous vous battrez pour le rester, vous le serez.
Le plus important reste de ne pas perdre cette liberté par apathie.
C'est pas leur cas, hein, soyons d'accord. Ils ont perdu leur monde, pour se retrouver sous la coupe d'un seigneur cruel et tyrannique, un sacré bout de temps. Ca en laisserait plus d'un traumatisé, ça.

RFFFFFFFFFFFFFFFFFFT

Allez.
Va pour un rift direction la campagne canadienne.
Isolée, paisible. Pas un problème pour des surhommes comme eux.
Un petit vent frais vient me chatouiller le dos.
Je crois que mon super-pouvoir latino de résistance à la chaleur vient de trouver son point faible: le frais. Bon, c'est pas comme si j'avais combattu en plein milieu de l'Antarctique, y a quelques semaines de ça...
Bref, je m'égare. Ouais, je sais faire que ça.
Enfin, je sais aussi pardonner.
Et pour ça, rien de mieux qu'un bon contact visuel, et un timide sourire.

- Juste, avant que vous partiez... J'vous en veux pas. Vraiment pas. Vivez pas avec la honte chevillée au corps. Avec elle, vous pourrez pas profiter. Vous pourrez pas oublier.

Ils me sourient en retour.
Avant de regarder Superman. Avec une intensité qui m'aurait fait fondre, à n'en pas douter ! J'arrive pas à comprendre ce que ça signifie, mais ça ne dure pas, et ces pauvres hères s'en vont, doucement, presque silencieusement. Me laissant avec Lui.
Pas Perrus, hein.
Il a disparu, pour de bon j'espère !
Non, Lui. L'Homme d'Acier.
Je m'étais encore jamais retrouvé tout seul, comme ça.
C'est... intimidant.
Ou alors c'est juste moi qui suis une flipette, c'est largement possible aussi.

- Je... merci m'sieur Man...

Te frapper, là, maintenant, ça risque de lui donner pitié.
FAIS LE ! FAIS. LE. TOUT DE SUITE.
CE SERA MOINS PIRE QUE DE DEVOIR VIVRE AVEC LE SOUVENIR DE L'AVOIR APPELÉ M'SIEUR MAN !
Un jour, je serai moins timide, moins impressionnable !
Je me le promets !