La sonnerie caractéristique d'une plate-forme d'élévation attira le regard de quelques travailleurs proches qui attendaient leur bus pour la banlieue. L'employé municipal qui se dressait dessus observait lentement s'approcher la guirlande lumineuse éteinte qu'il devait détacher. Les décorations de Noël ne s'attardaient pas cette année. Le premier de l'an fut l'objet d'une fête très particulière à Fawcett City : une commémoration d'un massacre et de dommages causés en pleine fête d'Halloween.
La ville était habituée aux Sivannah, Mister Mind et autres criminels de la Monster Society of Evil, que Shazam et ses proches avaient toujours neutralisé in extremis en évitant de terribles drames. On pouvait retracer les combats des justiciers et de leurs némésis en observant les plans d'urbanisation, de construction et de reconstruction de la ville, mais tant que les victimes n'étaient qu'en béton et en asphalte, la population s'en accommodait.
Il s'agissait cependant, lors de cette étrange veillée, de pleurer des proches, des amis, de la famille, tombés dans la violence d'une nuit, frappé par la soudaineté. Et aussi et surtout par les affaires qui s'en étaient suivies. Depuis novembre, en effet, la ville s'enfonçait dans la terreur et la folie, comme si l'implacable fatalité devait achever cette ville pourtant forgée dans l'enthousiasme et l'espérance.
Tout d'abord les premiers tombés : une famille accompagnée de la petite Giselda et de son père*. Massacrés, violentés, écharpés, sans pitié aucune. Les restes ignobles de quelques créatures retrouvées calcinées dans une rue avaient ensuite plongé la police dans la perplexité, mais l'affaire avait été rapidement enterrée, inutile de paniquer la population surtout après une nuit aussi... surprenante.
Le 3 novembre, c'était au tour d'un jeune homme d'intriguer. Il avait eu entre ses mains une pierre d'éternité et avait parlé d'une petite fille démoniaque accompagnée d'une criminelle qui projetait des éclairs. Sous le choc, il avait été pris en charge par l'hôpital local et un psychiatre qui s'inquiétait de le voir plonger dans une forme rare et puissante de choc post-traumatique s'occupa soigneusement de lui. L'enfant parlait de voix dans la nuit, d'image à ses fenêtres, il tremblait à l'idée d'être seul, s'évanouissait dans le bus suite à des visions d'horreurs, tout les symptômes d'un effondrement. L'enfant avait été interné, on lui avait prodigué quelques soins dans la ville voisine mais tout cela continuait, cauchemars, pleurs, hurlements. Les médicaments n'y faisaient rien.
On l'avait alors envoyé à l'aile de pédopsychiatrie d'Arkham. Sur le chemin, pendant une courte pause, il se suicida en sautant d'un pont. C'était le 15 novembre, dans l'ombre d'une pièce maudite, un occultiste jetait au feu les dernières affaires volées de sa victime, il n'en aurait plus besoin.
Le 4 novembre, un autre jeune homme qui avait montré de brillantes capacités à courir vite dans cette étrange nuit avait commencé à s'isoler, à se montrer sombre. Ses récits de super-justicier-de-la-mort-qui-tue avec qui il avait parlé s'étaient effacés dans les ténèbres de sinistres pensées. Ses crises de mélancolies trouvèrent leurs points culminantes lors d'une journée classique d'école où on le retrouva dans le toilettes des filles, le cadavre d'une de ses amies sans vie. Strangulation. Un si gentil garçon disaient les voisins... Une porte d'armoire se ferma dans les ténèbres, avec elle un sweat-shirt usé d'enfant et un bocal avec des cheveux. Plus nécessaires pour l'heure...
6 novembre, deux jumeaux s'entretuent avec des couteaux de cuisine. 9 novembre, monsieur Glaswell, un quadragénaire pratiquant étouffe son fils aîné. Le 10 novembre, trois enfants quittent leurs chambres et s'enfuient de chez eux, sans laisser de traces. Le 16 novembre, une classe de primaire est en proie à une bataille générale, un professeur est violemment blessé, un enfant trouve la mort lorsque ses camarades l'empalent sur les grilles d'une maison voisine.
Dans la fuligineuse torpeur d'une pièce sale, une main s'arrête de tracée, les restes de sa dernière victimes ont été totalement consumé par ses maléfices, son oeuvre est terminée... pour l'instant.
Le 23 novembre, on retrouve la trace d'un enfant fugueur, une main plus précisément. Le 25 l'autre main et ainsi de suite jusqu'au 20 décembre, dans un décompte macabre.
La police ne parvint plus à étouffer tous ces incidents même si aucune piste raisonnable n'est lancée. On fait appel à des spécialistes, on interroge les enfants qui ne gardent pas ou peu de souvenir. Certains continuent de psalmodier des phrases sans cohérence, quant aux familles, elles s'entredéchirent lorsqu'elles n'éclatent pas violemment dans l'horreur des évènements.
Fawcett ne rit plus...
14 décembre. L'orphelinat Sud de la ville vit un évènement qui défraya les sites spécialisés qui s'emparent de la vidéo d'un surveillant : pendant dix minutes, tous les enfants de l'établissement se sont immobilisés et ont commencé à réciter des versets de l'Apocalypse selon Saint Jean.
Le FBI prit l'affaire en main, des unités formées pour enquêter sur les phénomènes paranormaux sont arrivés dans la ville, craignant une incursion démoniaque mais ils furent bientôt eux-mêmes victimes de cette étrange folie. Des enfants qu'ils interrogeaient leurs sautèrent à la gorge, certains mêmes se suicidèrent suite à leur entrevue. Les soupçons et la panique n'aidant pas, l'état dû démobiliser ses enquêteurs.
La situation se dégradait et Noël fut fêté dans l'angoisse et l'inquiétude pour les banlieue extérieure, étrangement seule touchée. Des groupes de protection citoyens s'organisèrent dans cette ambiance de mort et de tristesse, la vigilance et la solidarité trouvaient encore quelques âmes fortes pour agir de concert malgré la peur de l'inconnu et son intensité toujours grandissante.
Les feux d'artifices de la nouvelle année furent sanglants. De la nuit du 31 décembre au 1er janvier, 7 morts au parc sud. Un pompier d'astreinte, deux parents, un nourrisson, un couple d'adolescents et le gardien des lieux. Toutes retrouvées dans une promenade à l'écart de la foule qui s'était rassemblée. Toutes tuées par cinq enfants qui ne gardaient aucun souvenir mais dont les empreintes étaient partout.
Ce fut dès lors la paranoïa.
Mais pour les plus experts pratiquants des arts occultes, tout ceci était limpide : une influence maléfique s'élevait dans la banlieue de Fawcett. L'air s'était lentement saturée d'effluves démoniaques et monstrueuses d'une magie distordue à nulle autre pareille.
Dans un bâtiment, quelque part dans cette zone agissait quelqu'un, un occultiste de talent, une âme plus sombre même que les gouffres les plus profonds des enfers. Sa magie, ses manipulations s'étaient par force gravées en ses victimes qui devenaient à chaque jour qui passaient plus d'âmes et plus de marionnettes entre ses mains.
La vengeance, disait l'adage, était un plat qui se mangeait froid, mais pour qui n'est que noirceur, elle se dévore vive et au plus près de la curée.
De nouveaux traits de feutres marquèrent la pièce sinistre. Ce soir encore Fawcett vivrait la peur, mais elle déborderait de cette pathétique banlieue. En ce 14 janvier 2020, Fawcett était prête pour ouvrir un portail vers l'Outre-Monde...
* Voir :
https://dc-earth.fra.co/t6753-rp-d-halloween-des-pierres-d-eternite-ou-des-farces-libre