Londres. L'ancienne Londinium, fondée par les Romains il y a presque deux mille ans, est une boule d'énergie et de puissance. Un véritable concentré de cultures, de dynamisme, de mouvances nouvelles, en pleine confrontation avec un Empire déclinant et une somme de traditions terribles. Londres vit un pied dans le passé, un pied dans le futur, et le nez dans un présent que ses habitants ne veulent jamais lâcher.
Londres est un mystère ; insondable, incompréhensible. Inaccessible. Et définitivement brut, sec. Violent. Intense. Punk, au fond. Littéralement magique.
Magique, oui. Avec des sortilèges, des magiciens ; des sorciers. Des monstres, cachés dans les ombres. Et dans les beaux quartiers, aussi.
Londres, oui. Ville puissante. Ville moderne. Ville ancienne. Ville magique. Complètement diversifiée. Complètement jeune. Complètement folle. Complètement dangereuse.
Même pour ceux qui y vivent depuis longtemps ; même pour ceux qui en viennent. Même pour les natifs.
Comme John Constantine. Un homme troublé ; troublant. Un homme étrange. Un homme puissant. Un homme faible face à ses vices, aussi. Un homme. Un Sorcier, un Magicien ; un homme. Qui a ses habitudes, aussi.
Comme son mode de transport. Comme... le taxi de Chas Chandler, qu'il appelle et sollicite régulièrement ; son vieil ami. Son seul ami. Son chauffeur. Son proche. Son plan de secours.
Qui n'est pas là, en fait. Qui n'est pas au volant de son taxi. Qui n'est pas à sa place. Qui n'est pas là.
Et la porte du véhicule est ouverte ; n'est pas fermée à clé. John Constantine peut l'ouvrir. … et découvrir quelque chose, dedans. Un mot ; une carte. Avec quelques paroles, inscrites dessus.
Citation :
Derrière toi.
Chaque être humain aurait alors le réflexe de se tourner ; de se retourner. Pour voir. Pour regarder. Pour découvrir... quelque chose, dans la ruelle derrière John Constantine.
Quelque chose. Quelqu'un, en fait. Un homme.
Un homme qui approche. Un homme qui s'avance. Dans les ombres.
« John. Constantine. »
Un homme qui parle. Qui détache chaque mot, chaque syllabe ; comme s'il était dans le contrôle absolu. Comme s'il se forçait à une maîtrise totale. Inhumaine.
« Hrm. »
Un grognement se fait entendre ; alors que l'homme s'arrête. Alors qu'il laisse découvrir son visage.
Un visage froid. Un visage dur. Un visage terrible ; où tout peut se lire. Et surtout une sécheresse farouche, et puissante. Pleine d'une sauvagerie impossible à gérer, qui ne peut qu'être limitée, pour l'instant.
Un visage que d'aucuns pourraient reconnaître comme celui de Bruce Wayne. Le milliardaire. Le Président des Etats-Unis d'Amérique, aussi ; récemment assassiné par Lex Luthor. Mais bien présent, là. Avec une barbe drue.
Vivant. A Londres. Face à John Constantine. Vivant, oui ; mais perdu... ô combien perdu, vu l'expression qu'il fige sur le visage du Britannique !
John Constantine
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Re: Truth [John Constantine] Dim 16 Fév 2020 - 23:47
Dans la rue, l’obscurité de la nuit se battait éperdument contre les lumières électriques de Londres – sa défaite était visible et annoncée, entérinée d’ici plusieurs heures par la cavalerie solaire sonnée aux premières heures du matin. Les ombres tentaient tant bien que mal de se faire une place au sein de la cité londonienne, se glissant dans les angles morts des néons, panneaux publicitaires et lumières de vitrines. Par endroit, elle devait fuir les innombrables reflets électriques, crachés par les hauts lampadaires et reproduit avec un réalisme trouble dans les flaques d’eau marbrant le macadam, restes encore frais d’une pluie qui s’était arrêté il y a peu. Ailleurs, la nuit était plus dense. Plus libre de mouvement. Elle se tapissait patiemment dans les recoins de ruelles, entre les auras jaunâtres des phares de voitures, juste derrière vous, tranquilles. Le duel acharné de l’obscurité et de la lumière faisait partie des constantes de la physique du monde et de l’histoire Londonienne – il ne s’agissait pas tant de savoir quel belligérant étoufferait l’autre, mais de voir quel territoire aurait la côte comparé à son homonyme.
Constantine poussa la porte vitrée de « La Botte » et marqua un temps d’arrêt sur le trottoir. L’air frais lui sauta au visage, déposant sur sa peau la fine trace de la bruine passée et de celle qui viendrait bientôt, patiemment lovée dans les masses nuageuses et sombres qui planaient au-dessus de la forêt d’immeubles qui l’entouraient. Le magicien inspira un grand coup : il n’avait rien contre les effluves de tabac, d’alcool et de joie un peu amère qui flottait dans les pubs anglais aux alentours de 3h du matin, mais il n’était pas tout à fait contre varier les plaisirs olfactifs avec un peu d’air extérieur. Il aurait pu dire « air pur », mais ce serait un sacré mensonge. La brise nocturne londonienne charriait des effluves d’ozone, de pisse vaguement discrète et du bitume mouillé. D’un autre côté, Constantine aurait été probablement beaucoup méfiant vis-à-vis de ses sens si la rue s’était mise à sentir le jasmin et les huiles essentielles. Il plissa les yeux, balayant les trottoirs du regard. Il n’y avait plus grand monde dehors, à cette heure – pas dans les quartiers civils et humains de Londres, du moins. Il n’eut pas à chercher longtemps pour remarquer le taxi – commun jusqu’au bout de l’antenne – garé plus ou moins habilement à cheval sur le trottoir. Le moteur tournait tranquillement, ronronnant sous le capot métallique. En écoutant bien, on pouvait entendre les notes étouffées du Blues « mou du bulbe, si tu veux mon avis » que Chas Chandler écoutait à longueur de trajet. Constantine l’attendait depuis une quinzaine de minutes, et c’était sa vue qui l’avait tiré hors du pub. Il se mit en marche, le bruit de ses pas résonnants solitairement dans la nuit. Qu’est-ce qui pouvait bien avoir retenu Chas aussi longtemps ? Il était presque sobre, maintenant. Approximativement 1h30 plus tôt, entre deux idées stupides murmurées dans le creux de son oreille par les vapeurs d’éthanol, John s’était résolu (pour occuper sa nuit) à se mettre une mine monstrueuse pour pouvoir ensuite se pointer complètement déchiré chez les Chandler et vomir l’intégralité du kebab qu’il avait englouti exprès pour l’occasion sur René. Maintenant, c’était un peu raté – il revenait progressivement à ses esprits. Etait-ce seulement possible que Chas eut pensé à ça et prit volontairement son temps pour éviter un nouvel épisode plein d’étincelles entre sa femme et son meilleur ami ? Mécaniquement, son regard se porta sur le pare-brise, à la recherche de la tête du Cabbie. Il ralenti la cadence presque aussitôt.
Le taxi était vide.
En un clin d’oeil, ébriété et scotch furent catapulté dans un recoin de son cerveau par une poussée d’adrénaline qui rétablit brutalement un sentiment alerte de conscience froide aux commandes. Constantine fronça légèrement les sourcils et jeta un rapide regard aux alentours. Il n’y avait personne de véritablement suspect – si ce n’était peut-être le pauvre hère ivre mort en train de vomir dîner, déjeuner, petit-déjeuner et collation dans le caniveau quelques mètres plus loin. La rue lui criait son silence presque moqueusement, exhibant son goudron vide et ses vitrines éteintes. Très peu de lueurs derrières les fenêtres d’appartements – la seule lumière qui baignait Constantine était celle des lampadaires et des panneaux à néons grésillants. Lentement, il contourna la voiture pour s’approcher du siège conducteur. Il jeta au passage un coup d’oeil à travers les fenêtres, à l’intérieur de l’habitacle. Rien. C’était toujours le même taxi un peu moisi, pas tout à fait propre, qui avait traîné son cul à travers tout Londres. Précautionneusement, le magicien posa la main sur la poignée de la portière. Il y avait quelque chose sur le siège conducteur. Il tendit la main vers le petit carré de papier abandonné bien en évidence sur le fauteuil. Et, au passage, coupa le moteur – déjà que Chas semblait avoir été kidnappé, il ne semblait pas très cool de lui faire payer des consommations inutiles. La musique se coupa aussi sec.
« Derrière toi ». Constantine poussa un soupire un peu agacé, claqua la portière et se retourna vers la ruelle que lui indiquait la carte. C’était déjà Halloween ? Ses yeux bleus sondèrent rapidement la ruelle qui lui faisait face, cherchant à tirer quelque chose des ombres humides qui y étaient lovées. Le magicien n’était pas vraiment d’humeur à jouer à cache-cache. Dans une réalité alternative étrange, ça aurait pu être une blague un peu bancale de Chas. Quelque part, le magicien l’espérait – mais il ne se faisait pas trop d’illusion. Cache-cache était un jeu honni par son chauffeur depuis la maternelle : il n’y avait aucune chance qu’il se découvre une soudaine passion pour un truc qui le débectait depuis qu’il avait eu assez de neurones pour avoir un avis. Crise de la quarantaine ou non.
« John. Constantine. »
Le Britannique fronça un peu plus les sourcils, plissant les yeux pour essayer de discerner plus exactement la silhouette qui s’avançait vers lui. Ses traits se marquèrent d’une honnête – quoi que flegmatique - surprise lorsque ses neurones firent la connexion et hurlèrent « Eurê-quoi ?! ».
- … Wayne ?
En chair et en os, le visage à demi-mangé par une barbe rêche, planté devant lui sur le trottoir ; Constantine se laissa aller contre la portière du taxi. Il dévisagea le milliardaire de haut en bas, l’air vaguement surpris et un peu méfiant. Remarquez, pour quelqu’un qui se faisait accoster par le Président des Etats-Unis-supposément-mort-aux-mains-de-Lex-Luthor, en pleine rue, au milieu de la nuit, et dont le meilleur ami avait probablement était kidnappé par ledit président, le magicien prenait les choses avec un calme olympien et un flegme à toute épreuve. L’air de rien, il percha une cigarette au coin de ses lèvres.
- J’étais certain qu’on vous avait largué une Maison Blanche sur la tronche, pourtant. C’est létal, généralement – même pour chez les sorcières. Vous ne viendriez pas du Kansas, par hasard ?
La référence au Magicien d’Oz était franchement tirée par les cheveux, mais le Gothamite avait l’air spécifiquement tendu – et ça n’encourageait pas aux meilleures blagues, même chez les bons humoristes. C’était à se demander comment il faisait pour ne pas s’exploser la mâchoire tant elle semblait serrée : il y avait une violence, une lutte perpétuelle qui se dessinait dans ses mouvements minimalistes et ses traits fermés. Bruce Wayne ressemblait à un foutu tueur en série dont le modus operandi serait le meurtre à coup de dent. Son briquet cliqueta deux fois avant de cracher sa flamme orangée.
- Laissez-moi deviner : Fake News ?
Une bouffée de tabac, relâchée du coin des lèvres en un tourbillon de fumée blanchâtre, s’éleva paresseusement dans l’air nocturne. Constantine ne quittait pas l’Américain des yeux, et même si son ton était léger rien ne suggérait dans son langage corporel qu’il fasse abstraction du danger évident que représentait son interlocuteur. Ses yeux étaient fatigués. Son expression sévère, dure – un véritable masque de fer, sculpté à même la peau, ouvragé pour ne pas laisser envisager les brûlures à vif qui se cache dessous. Le propriétaire de Wayne Industries semblait avoir sévèrement morflé, récemment – et toutes décontractions mise à part, Constantine ne serait pas contre écouter son histoire autour d’un verre.
- Si vous vouliez me parler, il suffisait de me passer un coup de fil. Pas besoin de faire disparaître mon chauffeur de taxi.
Incorrigible, me direz-vous. Pas vraiment sobre, et déjà partant pour une autre tournée.
Re: Truth [John Constantine] Mar 18 Fév 2020 - 16:40
Un silence terrible répond aux réactions et interrogations de John Constantine. Longtemps.
L'homme enfermé dans les ombres de la ruelle ne répond pas ; ne réagit pas. Volontairement. Il reste figé, immobile. Comme une statue. Les yeux entièrement fixés sur le Britannique, avec une expression nulle – absente.
Vide.
« Bruce. Wayne. »
Il reparle, finalement ; il reparle, enfin. D'une voix froide. D'une voix sèche. D'une voie sans vie, également.
« Bruce Wayne... »
Il se répète. Il souffle, en prononçant ces mots ; ces syllabes, qui le font frissonner.
« … est mort. »
Ses poings se serrent. Par réflexe.
« Mais... »
Son regard quitte John Constantine ; enfin. Le Britannique se rend compte que les yeux de l'homme l'ont fixé sans jamais battre des paupières. Ou en tout cas à un rythme bien plus lent que ce que font les autres. Les êtres humains.
« Pas ici. »
L'homme regarde autour d'eux ; avec un air plein de soupçons.
« Pas. Ici. »
Il se répète. Il articule avec précaution. Puis se retourne.
« Suivez-moi. »
Il se détourne de John... et recule, en fait ; retourne dans la ruelle pleine de ténèbres, où il attendait la venue de sa cible. Il y plonge, et marche quelques instants. Avant de s'arrêter.
Là où il veut. Là où il veut que leur entrevue se déroule ; selon ses conditions. Ses règles.
Il s'arrête, ainsi. Il laisse son regard glisser partout ; cherchant quelque chose. Des éléments. Des pistes. Des indices. Des menaces. Mais... rien. Il ne trouve rien ; il ne détecte rien.
« Hrm. »
Il grogne. Puis se tourne lentement vers John Constantine. Révélant entièrement son allure au Britannique. Révélant entièrement le visage de Bruce Wayne, rongé par une barbe massive – mais un corps vêtu d'une tenue bien connue du monde occulte. Une tenue... portée par les agents de la Ligue des Ombres.
« Votre chauffeur... va bien. »
Il souffle, encore.
« Il est assis, dans un bar dans une rue parallèle ; inconscient, devant quelques bières. Il se réveillera dans une heure. »
Il fixe son regard sur le visage de John.
« Bruce Wayne... est mort. Oui. Bruce Wayne est mort. Mais... j'ai ses souvenirs. J'ai son corps. J'ai... tout de lui. »
Ses paupières se plissent.
« Je sais. Je sais... ce que je porte. Je sais... qui j'ai affronté, pour me libérer d'une antre asiatique. Je sais... qui a récupéré le corps de Bruce Wayne ; ce qu'ils ont fait. Mais... »
Il grogne, encore.
« Je veux savoir. Je veux savoir... ce que je suis. Si... un Puits de Lazare a été utilisé. Et si... »
Son visage se ferme, entièrement.
« … j'ai une âme. »
Les mots sont lâchés ; les mots sont dits. La problématique est posée. Cet homme ignore qui il est – ce qu'il est. Et il se craint. Il craint ce qu'il peut être. Il craint... d'être une créature sans âme. Ramenée par un Puits, sans l'âme de Bruce Wayne. Car il sait ; il sait que Ra's al Ghul a ramené des êtres sans âme. Pour rejoindre son armée. Pour devenir un sbire. Pour perdre tout son être ; pour se perdre, entièrement. Encore plus...
John Constantine
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Re: Truth [John Constantine] Jeu 27 Fév 2020 - 15:13
Constantine ne dit rien pendant quelques instants. Autour d’eux, la ruelle était silencieuse, gigantesque théâtre d’ombre entre les murs duquel résonnait seule la voix rauque de Bruce Wayne. Le magicien l’avait suivi sans un mot, à distance respectable. Il s’était contenté de s’asseoir sur un vieux banc, poussé contre un des murs de pierre, et de fumer en silence. La fumée de sa cigarette dessinait des arabesques grises dans l’air froid de la nuit. Les effets de l’alcool avait été relégués dans une zone lointaine de sa conscience, et s’estompaient à toute vitesse. Quelque part, il aurait préféré finir sa soirée en vomissant son kebab sur Renée ou son tapis. Ça aurait été moins prise de tête.
- Selon toute vraisemblance, vous n’avez pas d’âme.
D’un tapotement du pouce, il fit tomber quelques cendres sur le sol. Elles chutèrent en spirale, lentement, comme ses mots. Sa phrase était soigneusement choisi, énoncée sur le ton le plus froid et neutre possible. Constantine s’était temporairement détourné de Wayne pour suivre du regard les cendres grises – et, juste après, le pavé humide à ses pieds.
- La ligue des Assassins n’est pas connue pour ses massages cardiaques. Vous vous êtes pris la Maison Blanche sur la tête, Luthor voulait votre peau. Vous êtes mort. Si vous êtes là, devant moi, ce n’est sûrement pas parce que Ra’s Al Ghul vous a fait du bouche à bouche.
Vous ne vous sentez pas lié à vos souvenirs. Vous devez contrôler le moindre tic de votre visage de peur d’en perdre progressivement le contrôle. Garde la tête froide est difficile et demande la moindre parcelle d’énergie que vous avez à disposition. La conclusion la plus logique serait d’estimer que vous êtes une autre sac de chair et d'os sans âme tiré des Puits et de passer au mystère suivant.
Ses yeux bleus se relevèrent, dévisageant Wayne. Constantine ne mâchait pas ses mots et essayait d’éviter des euphémismes autant que possible, mais quelque chose se profilait dans sa voix et son regard. Il essayait de ménager son interlocuteur. Il se tu pendant quelques secondes, le temps de laisser l’information passer. Il s’était contenté de lister les effets connus des Puits de Lazare, mixé à une partie de ses observations personnelles. C’était l’option la plus logique, la plus évidente. Bruce Wayne était mort et la Ligue des Assassins l’avait jeté dans un puit pour le ramener à la vie. Point barre - ce qui, du reste, ne faisait pas vraiment de sens : depuis quand le Démon recrutait-il des playboys multimillionnaires ?
- Et pourtant, vous êtes là.
Sa cigarette se consumait lentement entre ses doigts. Il ne sembla pas s’en soucier pendant quelques instants. Le magicien était curieux. Il n’avait jamais rencontré Bruce Wayne auparavant – c’était un riche américain comme il y en avait beaucoup trop, et il n’était pas suffisamment fan de la fréquentation des hautes sphères pour l’approcher plus qu’en photo. Il porta sa cigarette à ses lèvres. L’extrémité rougeoya un bref instant, puis il renversa sa tête en arrière. Un nouveau nuage gris clair s’éleva paresseusement dans les airs. Il n’avait jamais rencontré Bruce Wayne, et il avait rarement croisé des gens capables de lutter aussi fortement contre les effets négatifs des Puits de Lazare. Rien que le fait d'aligner trois mots cohérents en faisait un cas à part. C’était proprement hors-normes, et ça expliquait les questions du ninja à la barbe broussailleuse qui le toisait de toute sa hauteur. Pire : ça les rendait contagieuses. A l’instant, Constantine se posait les même.
- Capable de parler. Capable de vous retenir de sauter sur tout ce qui bouge pour en arracher la jugulaire à coup de dents. Ayant traversé la moitié du globe pour obtenir une réponse à vos questions, relativement sans violence – bien aimable à vous de ne pas avoir massacré Chas, au fait.
Constantine expulsa son mégot à travers la ruelle d’une pichenette. Il décrivit une courbe vaguement scintillante et s’éteignit en grésillant dans une petite flaque d’eau. Le magicien n’en détourna pas son regard pendant quelques instants encore.
- Vous êtes un sacré phénomène, monsieur le président.
Il se leva avec un grincement discret du banc. Il prit une profonde inspiration et plongea ses mains dans ses poches. Il avait une idée.
- Votre questionnement est légitime. Je connais quelqu’un qui pourra nous aider à y répondre.
Les rues de Londres fourmillaient de praticiens louches, de dealers étranges et de boutiques remplies de beaucoup plus d’horreur que la moyenne des repères gothico-edgy. Il y avait sûrement moins dangereux que de passer par les réseaux occultes criminels londonien (une voyante à Greenwich Village lui passa bien par la tête, entre autres exemples), mais sûrement pas plus rapide. Dans ce cas précis, Constantine avait un vendeur d’âmes en tête – un vrai, honnête dealer de perdition, en contact régulier avec l’Abîme, ayant fondé tout son commerce sur son rôle d’intermédiaires entre les pauvres ères en mal d’un coup de pouce démoniaque et les créatures de la Géhenne à la recherche d’âmes à gagner par divers contrats. C’était lui qui allait vers la clientèle, d’ordinaire, mais il ferait probablement une exception pour le président des Etats-Unis. Pour peu qu’il ne s’essaye pas à arracher la tête de Constantine au passage. Le magicien jaugea Wayne du regard, puis tira les clefs du taxi de Chas de sa poche.
- Vous vous sentez à même de conduire, ou on doit récupérer mon chauffeur préféré d’abord ?
Re: Truth [John Constantine] Ven 28 Fév 2020 - 9:14
Il reste silencieux ; après avoir parlé. Après avoir réussi à parler.
Il reste silencieux. Il écoute John Constantine – il laisse le flot des paroles du Britannique couler dans ses oreilles, glisser dans son esprit ; passer dans son cerveau. Intégrer son intellect. Résonner avec ses souvenirs ; sa mémoire.
Ce qu’il était. Ce qu’il a pu être. Ce qu’il pourrait redevenir. Peut-être.
« Hrm. »
Il grogne ; à plusieurs reprises. A plusieurs moments du discours du Sorcier. Qui aime parler ; qui aime s’entendre parler. Il le sait. Il le savait. Il l’a toujours su. Il a toujours détesté cela. Mais il est venu. Mais il est venu quand même.
« Oui. »
Il tourne lentement la tête vers John ; il fige son regard dans le sien. Doucement, oui. Douloureusement, surtout. Ça fait mal. Ça le tiraille. Ça le ronge. Ça le ronge, oui.
Les pulsions. Les colères. Les crispations. Les… envies. De s’abandonner. De laisser libre cours à sa rage ; d’abattre ses poings sur tous ceux qui osent lui parler. Qui osent le regarder. Il veut, oui. Il veut ça. Il en a besoin. Il ne rêve que de cela ; ses songes sont peuplés de crimes, de hurlements. De sang. D’une barre à mine, et de ricanements à n’en plus finir, entrecoupés de balles qui touchent toujours leurs cibles ; quoi qu’il fasse.
« Je… »
Il détourne le regard ; ferme les paupières. Souffle. Lentement. Douloureusement. Inspire. Difficilement.
« Je conduis. »
Il y arrive. Il arrive à parler. Il repousse les ténèbres. Il repousse la violence. Il repousse la colère. Il repousse le chaos. Il a l’impression de réussir l’impossible. Et il sent que c’est une habitude.
« Mais. »
Il rouvre les yeux, et fige une expression sèche sur le Britannique.
« Pas de piège. Pas d’entourloupe. Pas de magouille. »
Une étincelle sombre glisse dans son regard froid.
« C’est… »
Ses poings se serrent, par réflexe ; par instinct. Par envie.
« … un conseil. »
Il s’en rend compte ; il souffle. Il relâche. Secoue la tête, détend ses épaules. Essaye. Au moins un peu.
« Humf. »
Il soupire, lourdement ; et reprend la marche. Vers le véhicule. Qu’il ouvre, aisément. Où il s’installe, derrière le volant. Qu’il démarre, dès que John Constantine l’a rejoint.
Le taxi se glisse dans la circulation, faible, de Londres. Ses mains sont crispées sur le volant, et son regard glisse lentement dans le rétroviseur, pour trouver les yeux et le visage du Britannique.
« Où ? »
Il prend sur lui. Il attend. Mais sa patience n’a jamais été longue ; et elle l’est encore moins, là.
John Constantine
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Re: Truth [John Constantine] Mer 18 Mar 2020 - 23:34
L’endroit, fût un temps, avait été un pub assez apprécié du quartier. La salle principale était large, haute de plafond, suffisamment pour qu’il semble toujours possible de s’y trouver une place un soir d’affluence – pour peu qu’on aime se sentir serré, suffisamment prêt de ses voisins pour sentir leur haleine alcoolisé et entendre les histoires intimes de leur tante Murielle. Les multiples tables témoignaient encore du l’impressionnante capacité de l’endroit : poussées contre les murs ou encore à leur ancien emplacement, la plupart était un peu abîmées par des années de loyal service. Des chaises de toutes les tailles leur tenaient compagnie, jetées dessous, dessus, ou pêle-mêle dans un coin. Une lourde odeur métallique flottait dans l’air, et de complexes toiles d’araignées s’évertuaient ici et là à être plus belles que leurs voisines. Le sol était couvert d’une épaisse couche de poussière, et l’oeil averti pouvait remarquer les minuscules habitants de la vieille bâtisse se glisser furtivement d’une ombre à l’autre en rasant les murs. Le vieux comptoir était particulièrement propre, comparativement à l’abandon complet du reste de ce qui avait été un pub à succès. Son bois verni reflétait les maigres rayons lunaires qui parvenaient à se frayer un chemin à travers les planches de bois maladroitement cloutée qui condamnaient les fenêtres. Si ses étagères étaient vides, ses vieux robinets en laiton semblaient avoir été lustrés récemment. Ils se reflétaient, silhouettes dorées scintillantes, dans un large miroir accroché derrière le bar – parfaitement propre, lui, sans la moindre tâche ou le moindre choc visible.
Lorsque le taxi s’arrêta avec un crissement sur le trottoir, John Constantine s’accorda une inspiration brève et saccadée. Il était en vie, c’était déjà ça de gagné. Il jeta un regard dans le rétroviseur à son chauffeur, et ses mains crispées sur le volant : Constantine n’avait rien dit de tout le trajet. Il s’était contenté d’indications laconiques, guidant la voiture noire dans les rues tortueuses de Londres. Ses remarques étaient brèves, sèches et surtout nombreuses : c’est à grand peine si ils avaient suivi une ligne droite durant le trajet. C’était fait exprès. Un Londonien pure souche serait bien incapable de retrouver avec précision où les deux hommes avaient atterris, et surtout incapable d’y revenir. Il n’était pas tout à fait sur qu’ils soient encore à Londres. Le Magicien, lentement, décrispa son poing et lâcha la poignée de portière. Son regard rencontra celui de Wayne dans le rétroviseur.
- L’allée sur la gauche, derrière la supérette. L’immeuble en brique du fond. Pas besoin d’y aller en voiture.
La rue était complètement silencieuse et vide. Les immeubles, indifférenciables, flanquaient la route de goudron comme une forêt de béton percées de fenêtres vides. Une rangée de vieux lampadaires, dont l’ampoule grésillait légèrement sans vaciller, crachaient leur lumière jaune sur le macadam. Constantine se gratta le menton, sans détourner les yeux. Effectivement, ça n’était pas qu’une impression : son chauffeur ne clignait pas des yeux.
- Il s’appelle Erasme. Pour la version courte de son CV, c’est un commerçant en âmes. On ne va rien lui acheter, ni rien lui vendre, mais il ne fait pas de devis gratuit. Le but, c’est de lui faire croire qu’il va pouvoir mettre votre âme sur son marché, pour qu’il y jette un œil et en fasse un petit bilan. Si vous n’en n’avez pas, on sera fixé. Si vous avez une, on aura même son bilan de toxicité.
L’air de rien, le magicien tira une cigarette de sa poche et en approcha son briquet. Il détourna le regard temporairement, histoire de s’assurer qu’il ne se crame pas un doigt. Dit comme ça, c'était simple. Simpliste, presque. Mais Erasme n'était pas le premier clampin venu, dans la Gehenne - il avait maintenu son commerce à coup de griffes et de dents, luttant hargneusement pour ne pas se faire marcher dessus et s'imposer. Entre autre en massacrant ceux qui le faisaient tourner en bourrique ou lui faisaient perdre son temps.
- Par contre Erasme ne peut pas me saquer, même en peinture.
Le bout de la cigarette s’embrasa, et Constantine en tira une longue bouffée. Il souffla par le nez, et replanta son regard dans celui de Wayne. Meh. Ils n'avaient qu'à courir vite.
- Vous vous sentez à même de lui faire gober le morceau sans moi ? J’ai peur qu’y mettre les pieds ne niquent vos chances de lui tirer une réponse plus qu’autre chose.
***
Sur les murs couvert d’un vieux papier peint vaguement végétal s’entassaient des cadres, de différentes tailles et de différentes formes. Un mur entier était couvert de cette galerie de portraits, plus ou moins vieux, vêtus selon différentes époques, à deux, trois, cinquante ou dix mais jamais seuls. Tout autant de visages au sourire glué par le temps, figé par une photographie jaunie épinglée contre un mur au papier peint pourrissant, fixant de leurs yeux morts la pièce sombre de ce qui avait été un bar pulsant d’activité nocturne et n’était plus qu’une ruine. Le propriétaire avait mis la clef sous la porte un mois, un an plus tôt. Les paperasses traînaient en longueur – des histoires sordides de des-héritages, d’enfants cachés et de meurtres intéressés – et pour l’instant le bâtiment tout entier était à l’abandon. C’était presque comme si quelque chose le voulait sur pied mais hors d’usage.
La pièce était immobile. Elle baignait dans le silence, somnolant hors de l’activité des hommes ; ses soupirs étaient les minuscules grattements des pattes d’un rongeur traversant la pièce à toute allure ou celui d’une bourrasque discrète soufflant au deuxième étage à travers un carreau brisé. Quelque chose y attendait pourtant. Terrée dans ce recoin sordide, au fond d’une ruelle après une épicerie, sentant dans l’odeur de moisi et d’urine de chat omniprésente les effluves discrètes d’un changement prochain. Elle patientait, sur le qui-vive – sur que quelque chose arrivait, sans savoir quoi. Confortablement installée dans son repère.
Re: Truth [John Constantine] Ven 20 Mar 2020 - 14:19
Il ne dit rien, ou si peu. Le trajet est rapide, mais semble long, pour eux ; sonne long. Résonne comme une longue et terrible plainte. Silencieuse.
Quasiment aucun son ne s’échappe de ses lèvres. Aucun mot, en tout cas, ne les franchit.
Il ne parle. Il grogne, bien sûr ; il ne peut l’empêcher. Même s’il déteste cela. Même s’il sait que cela ne vient pas de lui – que cela ne vient sûrement pas de lui, non. Mais de l’autre.
L’autre, oui. Celui qui le hante. Celui qui le ronge. Celui dont les souvenirs agressent son esprit. L’autre. L’envahisseur, comme il y pense parfois. L’agresseur, comme il le ressent souvent. L’autre.
Celui qui, sûrement, a occupé ce corps avant lui. Celui qui, en soi, est celui que tous attendent, en le voyant, lui. Celui qu’il était, peut-être ; celui qu’il a été, peut-être. Celui… qu’il ne veut plus être, en tout cas. Même s’il craint de n’avoir guère le choix, en la matière.
« Hrm. »
Il grogne, quand John Constantine arrête de parler ; enfin. Il soupire. Ses bras sont le long du corps. Ses mains sont serrées. Crispées.
« Soit. »
Sa voix est lente, dure ; rêche. Comme un croassement. Comme une feuille qu’on déchire, sèchement et brutalement.
« Erasme. Donc. »
Il hoche lentement la tête. Premier signe d’animation dans ce corps figé, depuis qu’il est sorti du véhicule. Depuis qu’il a refermé doucement la porte, en prenant des gants. Comme s’il cherchait à se maîtriser. Comme s’il n’était pas sûr d’y parvenir. Comme s’il ignorait s’il pouvait faire confiance à son instinct.
« Erasme. »
L’ombre d’un sourire glisse sur ses lèvres.
« Seul. Hé. Bien. Sûr. »
Il hausse les épaules, et détourne les yeux. Referme ce visage, sur lequel une émotion est passée ; une seconde à peine. Une seconde seulement. Une seconde, au moins.
« Soit. »
Il se répète. Il s’en rend compte. Il n’aime pas cela.
Il se détourne, alors. Définitivement. Il abandonne des yeux John Constantine, même si ses sens ne cessent de l’observer ; de le sentir. De le surveiller.
Mais il s’avance. Il s’avance dans la direction donnée. Il s’avance vers le lieu évoqué. Il s’avance vers sa destination ; sa cible.
Erasme.
Commerçant des âmes. Capable de vérifier s’il en a une ; ou si elle lui manque. Il retient un frisson. Difficilement – mais il le retient. Fierté. Ego. Qu’importe. Il le retient ; il en est satisfait.
Il pourrait sourire, s’il n’était pas devant la porte du lieu. S’il en avait la force, aussi. Mais il ne l’a pas. Mais il ne l’a plus. Il ouvre.
Il rentre.
Il s’avance.
Il s’arrête.
Il se fige.
Il hume les lieux. Il laisse son regard froid et vide glisser, devant lui ; autour de lui. Il voit. Il observe. Il s’imprègne. Il lance. Ses sens. Il laisse son formidable instinct prendre le relai – même s’il a du mal à lui faire confiance. Il essaye, là. Il tente. Il se tente.
Il reste silencieux, jusqu’à ce que son regard soit parfaitement adapté. Jusqu’à ce qu’il ait l’impression d’avoir toujours connu ce décor. Car c’en est un ; il le sent, il le sait. Il a suffisamment voyagé et connu suffisamment d’escrocs et de menaces pour reconnaître un décor. Bien qu’un décor abrite souvent des monstres. Hélas.
« Bon. »
Il parle. D’une voix froide. D’un ton lent. D’un rythme détaché.
« Soir. »
Haché, même ; il s’arrête là. Il attend. Debout. Figé. Les bras le long du corps. Calme. Bien que ses yeux voient tout. Bien que son esprit analyse tout. Bien qu’il prépare le pire. Et se demande s’il y en a encore…
John Constantine
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Depuis récemment, une seringue de sang infusée de magie démoniaque très fortement semblable à celle Trigon.
Re: Truth [John Constantine] Ven 27 Mar 2020 - 14:56
La porte n’avait pas grincé.
Elle s’était ouverte sans un bruit, découpant dans la façade du bâtiment de brique un rectangle d’obscurité. L’immeuble tout entier semblait mortellement silencieux – que ce soit l’ancien pub, au rez-de-chaussé, ou les deux étages plongés dans l’ombre et cachés derrières des fenêtres condamnées qui le surplombaient. Même au milieu de la nuit, ce genre d’endroit n’est jamais tout à fait silencieux : un courant d’air passant par un carreau brisé, le craquement du vieux bois sous le bois des meubles et des ans, le grattement discret (mais présent) de petits rongeurs ou autre vermines, de passage ou en location… Mais le bâtiment s’était tu à la seconde où ce qui avait été Bruce Wayne avait posé sa main sur le battant de bois. Comme si il retenait son souffle, tout entier.
Les portraits, accrochés sur le mur de gauche, ne semblaient jamais le quitter des yeux : leur regard était fixe, figé dans l’ambre de vieilles photographies, mais quand il échappait au regard de l’un, un autre prenait la relève. Là, un groupe de jeune avec des diplômes souriaient dans le vide. Ici, un trio de barman – un vieux, un jeune, et une quadragénaire – trinquaient derrière un double un peu jauni du comptoir. Tous semblaient heureux, mais dans le contexte d’un bâtiment à l’abandon, quelque chose d’ouvertement malsain se dessinait dans les plis de leurs rires muets. Les fins rais de lumière extérieure qui parvenait à se glisser jusque dans la pièce semblait tout aussi immobile, éclairant des morceaux épars du nouvel arrivant : un peu de sa joue, son épaule, son front, son coude. Au fil des mouvements, la lumière semblait presque le scanner, l’étudier sous toutes les coutures. Elle était immobile, pourtant, comme tout le reste. Comme le petit rongeur, dressé sur ses pattes arrières, qui semblait fixer Wayne de ses deux yeux brillants. Son poil brun était touffu, secoué par sa respiration rapide. Il était discret, mais pas assez pour échapper à ce qui avait été le président des états-unis : peut-être y eut-il cependant un temps avant qu’il le remarque. Le rat était pourtant planté au même endroit, dans la même position, depuis qu’il avait passé la porte. Il y avait quelque chose de particulièrement étrange à voir cet unique autre être vivant, complètement immobile au pied d’un vieux jukebox poussiéreux, le fixant droit dans les yeux. Plus étrange encore, son regard aurait pu paraître double – impossible de se séparer de cette étrange impression que quelque chose d’autre regardait à travers ses yeux noirs. Un battement de cœur plus tard, le rat fit volte face et disparu dans le fond de la pièce.
La pièce toute entière semblait terriblement attentive, scrutant les moindres faits et gestes du nouveau venu. A travers les rais de lumière, le ras, les photos… Et à travers le miroir. Son reflet avait quelque chose de changé. D’étrange. C’était lui, pourtant - même barbe, mêmes vêtements, mêmes cheveux, mêmes yeux. Mais quelque chose clochait. L’expression de son visage, dans l’obscurité, ne semblait pas la même que celle qui irait avec ses pensées : son regard était inquisiteur plus que dur et froid, ses traits curieux plus que tendus. Son propre reflet semblait l’examiner, l’étudier avec intérêt – mais semblait seulement. Rien n’était clair ou précis, il était tout à fait possible que ce soit une simple illusion d’optique. A bien y regarder le miroir était légèrement déformé par endroit – ce qui devait sûrement être la cause de l’impression de gène qui allait avec le fait de regarder son propre visage, non ?
Il y eut un coup de vent. Au fond de la salle, probablement dans une pièce adjacente, une bourrasque s’engouffra par une fenêtre mal condamnée et vint ébouriffer les cheveux de Wayne. Elle charriait des odeurs de moisissures, de poussières et de questionnement. L’atmosphère toute entière changea dans la seconde, comme si le pub s’était soudain mis à respirer. Il y eut un craquement à l’étage et un cliquetis dans l’entrée : la porte s’était refermée, probablement sous le coup de la bourrasque. Maintenant, une autre impression titillait l’instinct de Wayne, menant chaque réflexion, chaque impulsion à une seule pensée : la maison attendait. Pas quelqu’un, pas le rat, pas même quelque chose : le bâtiment tout entier semblait attendre une réponse. A quelle question ?
Qu’est-ce que tu veux, au juste ?
***
Constantine jeta son mégot sur le trottoir et plongea la main dans une poche de son trench-coat. Il y farfouilla quelques secondes, jeta un rapide coup d’oeil à l’allée où avait disparu son rendez-vous avant d’en exhumer un antique téléphone à clapet. Il l’ouvrit avec un geste sec et fit défiler plusieurs noms et numéros sur l’écran. Il en choisi un, puis porta le téléphone à son oreille. Pendant quelques instants, des bips sonnèrent, étouffées, dans la rue déserte. Puis une voix pâteuse lança un « Allô ? ».
- T’es encore en état de lire mon nom sur ton écran ? Bon. Ça va, pas trop amoché ? Rien de grave je te raconterais. Ouais. Dans un bar, de ce que j’ai compris ? Hum. Mouais. Passe moi le mec derrière le comptoir, tu veux ? Non t’inquiètes. Ouais, j’ai ton taxi. Grouille toi de me filer le barman, c’est pour ton bien : si tu viens pas vite récupérer ta caisse je vais péter un câble et jeter tous tes Cds pourris au caniveau.
Constantine se laissa aller contre la portière, profitant du brève intermède pour jeter un coup d’oeil à l’allée encore vide. Pour l’instant, les choses n’avaient pas encore trop dégénéré. Ce n’était qu’une question de temps, dans l’absolu. Une voix de femme un peu rauque le ramena à son téléphone.
- Ouais, salut. Vous pourriez appeler un taxi pour le pauvre gland qui vient de vous filer son téléphone ? Il doit encore avoir du cash sur lui. Ouais. Vous savez comment il est arrivé ?
Le magicien pencha un peu la tête, se mordillant la lèvre.
- Mouais, tant pis. 78 Tooth Street. Ce serait bien aimable. Oui, ça donne un charme à la rue. Il a été sage ? Tant mieux. Je m’en voudrais qu’il ruine votre soirée.
Toujours rien dans l’allée. Constantine prenait son temps, l’ombre d’un sourire sur les lèvres : il n’avait pas vraiment l’occasion d’être le mec sage et respectable qui appelle pour tire son pote d’une beuverie nocturne.
- Parfait. Je vous laisse faire ça ouais. Bonne soirée, mademoiselle. Julie, si vous préférez – John, enchanté. J’y manquerais pas. Merci.
Il y eut un temps, puis la voix de Chas revint dans ses oreilles.
- Oh, tais toi, je faisais juste la discussion. T’es jaloux ou bien ? Bon. Pose tes fesses le temps que ton taxi arrive et sois sage en attendant. T’aurais pas une arme, sur toi, par hasard ? Non, je sais bien qu’on est pas en Amérique. Ouais ouais, c’est ça, moque toi. Le jour où je serais un Yankee tu seras chevalier et tu prendras le thé avec la fichue Reine. Ouais. Faudra qu’on se fasse ça, ouais. A tout de suite. Essaye de forcer ton taxi à se magner, hein.
Constantine referma le téléphone avec un claquement sec, puis remonta le col de son manteau. Il ne faisait pas encore froid, à proprement parler, mais mieux valait prendre quelques précautions. Il ouvrit la porte côté conducteur, et se pencha vers la boîte à gant. Il en tira une écharpe (laide, tricotée main, mais chaude), une pomme, y laissa la bouteille d’eau (« Une fichu pause saine, hein Rene ? »), reprit les clefs sur le contact et claqua la portière. Le taxi se verrouilla avec un petit bruit. Constantine noua l’écharpe autour de son coup et s’éloigna tranquillement, jetant des regards réguliers à la ruelle, aux aguets. Il ne faisait pas spécifiquement confiance à ce qui avait été Bruce Wayne, mais plus que tout il ne faisait pas confiance à Erasme. C’était un fichu Poltergeist, qui avait gagné son rang de dealeur d’âmes en massacrant humains et démons pour se forger une réputation. Il hantait un bâtiment entier, ces derniers temps, et Constantine n’était pas spécifiquement pressé qu’il le détecte : si il pouvait, au moins cette fois, s’en sortir sans avoir à affronter une foutue maison hantée il ne se sentirait que mieux.
Il avisa une autre ruelle, un peu plus à l’écart, dans les ombres de laquelle il pouvait facilement se fondre. Tranquillement, il tira une flasque métallique d’une poche interne et en prit une gorgée. Il ne faisait pas confiance à Wayne, mais il était curieux de ce que l’autre parasite pourrait bien dire. Il ne se faisait pas spécifiquement de bille pour le ressuscité en mal d’âme-our : il semblait avoir suffisamment de force en réserve pour échapper à Erasme, à défaut de pouvoir le tuer. Il n’avait pas besoin de son aide. Probablement.
HJ:
Ahoy ! Je te laisse gérer Erasme comme tu le sens, le faire parler si tu en ressens le besoin, garder l'espèce de communication silencieuse qu'il a pour l'instant, le faire te donner la réponse que tu souhaites, etc. Si tu as une âme il devrait être capable de te le dire, je t'en laisse bien évidemment le choix et les détails. Si tu as des questions, n'hésite pas (et j'espère que cette réponse te va) !
Re: Truth [John Constantine] Ven 27 Mar 2020 - 15:37
Le temps passe. Longtemps.
John Constantine est à l’extérieur. Il attend Chas. Il boit. Il passe le temps.
L’autre est à l’intérieur ; chez Erasme. Il attend. Il analyse. Il reste attentif.
Le temps passe. Le Britannique n’a aucune idée de ce qu’il se passe dans la boutique des portraits ; la boutique des horaires. Le temps passe. L’Américain ne peut pas expliquer ce qu’il se passe, autour de lui ; tout autour de lui. En lui, aussi. Le temps passe. Tous deux sont proches. Quelques mètres à peine les séparent ; et pourtant. Et pourtant, ils semblent éloignés par des continents, des mondes entiers. Des dimensions d’écart.
Le temps passe. John Constantine boit. John Constantine attend. John Constantine s’ennuie. John Constantine reste.
Le taxi de Chas arrive. Le camarade, l’ami, le seul ami du Sorcier exige des explications. Il vérifie que son cher taxi va bien, qu’il n’a rien ; qu’il ne ressemble pas au véhicule miteux dans lequel il a dû venir. Il souffle, soulagé. Puis exige ces fameuses explications.
Alors que le temps passe. Alors que nul son ne s’échappe de la boutique d’Erasme. Alors qu’on n’y aperçoit nul mouvement. Alors que rien ne s’y passe. En apparence. Mais tous, ici, savent que les apparences sont trompeuses.
Particulièrement dans cette boutique. Particulièrement à Londres. Particulièrement quand John Constantine est impliqué.
Le temps passe. Il est long. Il se fait long. Il se fait tard.
Chas râle. Chas veut rentrer. Chas en a assez. Chas veut savoir. Chas veut savoir. Chas donne l’impression d’être comme un toutou, ou un gamin. Chas n’aime pas attendre. Alors que John Constantine, lui, sait certainement les vertus de la patience ; surtout dans son domaine.
Le temps passe. Longtemps.
Jusqu’à.
Jusqu’à ce que cela s’arrête.
Jusqu’à ce que la porte de la boutique d’Erasme s’ouvre.
Jusqu’à ce que l’autre en sorte ; entier. Debout. Vivant. Lui-même. Dirait-on.
« John. Constantine. »
Sa voix est lente, lourde. Dure. Autoritaire. Comme avant, donc.
« J’ai vu. Erasme. »
Il souffle. Oui ; il l’a vu. Enfin. Il a vu quelque chose. Il a senti Erasme, plutôt. Il a échangé avec Erasme. Moins par la voix que par des sensations ; des envies. Des goûts. Des demandes muettes. Des réponses silencieuses. Mais évidentes.
« Il n’y a pas eu… de transaction. »
Son regard est lourd.
« Même si… il y a eu offre. »
Il soupire, discrètement. Ses yeux sont légèrement moins durs. Car ils savent. Ils savent tous deux ce que cela veut dire. Qui dit offre dit matière qui intéresse Erasme. Donc une âme. Il a donc une âme. Il a donc… sa réponse.
« Et. »
L’ombre d’un sourire glisse sur ses lèvres.
« Erasme met cela. Sur ton ardoise. »
Et vient se glisser au coin de sa bouche.
« La perte de temps. Te sera facturée. »
Ironique. Un peu caustique. Mais il s’arrête. Et son visage reprend son sérieux habituel.
« Mais… »
Ses poings se desserrent, légèrement.
« … merci. »
Il hoche lentement la tête.
« John. Constantine. »
Il ferme un instant les paupières, de lui-même. Ça fait du bien. Enfin.
« La dette… pour les Trois Démons… est payée. »
La dette. La dette contractée par John Constantine quand il a fallu l’aider face aux Trois Démons. Quand un Héros a dû l’aider. Quand… Batman a dû l’aider.
L’autre ne dit rien de plus, alors ; il ne rajoute rien. Mais il hoche la tête. Oui. Oui, dit-il ainsi. Oui. C’est cela. Oui. C’est moi.
Il acquiesce, encore. Puis détourne les yeux. Adresse un regard sombre à Chas, qui additionne les éléments et veut dire quelque chose ; mais se retient. Il avance, alors. Vers un coin. Vers une allée. Vers les ombres. Qu’il a quittées ; qu’il envisage de rejoindre.
Différent, maintenant. Avec une autre information. Avec un autre élément. Avec une confirmation. Avec un soulagement. Avec une bonne nouvelle. Enfin.
(HJ/ J’ai BEAUCOUP aimé ton message ! Mais je ne savais pas du tout comment écrire Erasme… alors j’ai triché. J’espère que ça ne te dérange pas ? /HJ)
John Constantine
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Re: Truth [John Constantine] Sam 28 Mar 2020 - 13:09
- Rooh, boucle la princesse. Tiens.
Constantine lança à Chas un regard ouvertement moqueur et sa flasque. Le conducteur de taxi la rattrapa d’un geste vif malgré ses mains gelées et grommela quelque chose en dévissant le bouchon. Le pauvre bougre semblait avoir particulièrement froid, malgré l’écharpe que le Britannique lui avait rendu – qui du reste supposait que si il voulait se tirer pied au plancher c’est parce que l’endroit lui filait les jetons. Un sourire au coin des lèvres, le magicien reporta son attention sur la ruelle où avait disparu Wayne, il y a un moment déjà. Il savait être patient – a fortiori quand on traitait d’Erasme. Le poltergeist n’était pas très doué pour communiquer de manière claire et concise. Le temps d’attente pouvait tour à tour s’expliquer par de longues propositions de la part de la maison hantée comme par le fait que l’humain était probablement mort (à nouveau) depuis longtemps et qu’ils attendaient que son cadavre pourrisse. John aurait probablement pu monter dans la voiture sans faire d’histoire : en toute honnêteté il commençait à avoir un peu froid aussi, et plus le temps passait plus il était probable que leur attente soit vaine. Mais Constantine était curieux – probablement plus qu’il n’aurait dû. Ce n’était pas tous les jours qu’on avait l’occasion de filer un coup de main à un président outre-Atlantique revenu d’entre les morts.
- Eh ! Finit pas tout espèce de sauvage !
Il y eut un mouvement, dans l’ombre. Constantine se redressa, aux aguets, main toujours tendue pour récupérer la flasque. Il plissa les yeux, scrutant les ombres. Une silhouette s’y découpa, puis s’avança dans la lumière jaune d’un lampadaire. Wayne. Pour l’instant, ça ne voulait pas dire grand-chose – Erasme avait plus d’un tour dans son sac, et Constantine préférait être prudent. A côté de lui, Chas plissa les yeux, puis les écarquilla, avant de se figer dans une expression à mi-chemin entre la surprise et la perplexité pure.
Il se détendit imperceptiblement en entendant que le poltergeist avait proposé un marché – qu’il y avait donc une âme à la clef. Il se mit à sourire franchement quand son interlocuteur mentionna son ardoise – comme si il comptait la payer. Pendant quelques secondes, tous deux souriaient l’un envers l’autre, ce qui n’était jusque là jamais arrivé. Chas, l’air d’un poisson hors de l’eau, se contentait de suivre l’échange de ping-pong entre les mots de Wayne et les réactions de John. Il n’osait pas intervenir, cela semblait beaucoup trop surréel pour ça.
« Mais… merci. John. Constantine.»
Le magicien, toujours un demi-sourire aux lèvres, leva sa flasque comme pour porter un toast. Comme quoi il lui arrivait de fournir une aide à peu près efficace à ceux qui venaient lui demander. Il porta le goulot à ses lèvres et en prit une gorgée.
« La dette… pour les Trois Démons… est payée. »
Constantine se figea net. Il y eut un battement de cœur, puis un autre. Ses yeux bleus dévisagèrent Bruce Wayne lentement, ralentis par la surprise, puis le jaugèrent des pieds à la tête. Des émotions contradictoires se lisaient sur son visage : une touche d’incrédulité, mélangée à un amusement grandissant, sur son lit de surprise et servit avec une dose raisonnable de respect. Il sembla sur le point de dire quelque chose, mais se ravisa. Très lentement, il releva sa flasque. Pour le remercier, d’une autre façon, et pour s’incliner. Sur ce coup là, Wayne l’avait eu. Le Batman se détourna et s’éloigna, disparaissant dans les ombres. Il y eut un silence, puis la voix de Chas s’éleva, hésitante, dans la ruelle.
- … C’était Bruce Wayne ? Fringué comme un foutu ninja ?
- Hm.
- Et il vient de te remercier. Constantine sentit le poids d’un regard vaguement suspicieux entre ses omoplates. C’est toi qui l’a ramené à la vie ? … Attends. C’est lui qui m’a kidnappé ?
- Evite de trop surchauffer le peu de neurones que tu garde en réserve, vieux. Tiens.
Le magicien lui lança les clefs de son taxi, avant de revisser le bouchon de sa flasque et de traverser la rue. Chas mit une demi-seconde de retard à le suivre.
- Avoue que c’est quand même dingue.
- Pas autant que ton mariage avec René.
- On va vraiment pas en parler plus que ça ?
- Si tu comptes me harceler de question je prend tes clefs et ton taxi et je me tire.
- Tu ne sais pas conduire.
- Raison de plus pour ne pas me laisser prendre ton taxi.
Les deux hommes grimpèrent en voiture. Le moteur partit du premier coup, ronronnant sous le capot, et la lumière des phares déchira l’obscurité de la nuit. Sur le tableau de bord, un vieil écran indiquait Des airs de vieux rock remplirent l’habitacle, a peu près en même temps que les premières bouffées de tabac du magicien. Il y eut un court silence, puis un regard dans le rétroviseur.
- C’était quoi, cette histoire de dette des trois Démons ?
- Roule, Chas.
HJ:
Au plaisir de remettre ça, c'est toujours très plaisant de RP avec toi quel que soit ton visage !