Le Sept de carreaux (Libre)

Star City est une ville active et très peuplée de la côte ouest américaine. Une ville où il se passe toujours quelque chose.
Des choses du quotidien, beaucoup d'incivilités, d'accidents de la route, de drames ordinaires.
Beaucoup d'événements pour lesquels Green Arrow peine à dévouer de son temps. Notamment parce que la police n'est que peu favorable aux interventions d'un simple homme porteur d'armes de guerre et désireux d'améliorer la vie des citoyens, surtout quand le chef Nudocerdo du SCPD ne demande qu'à avoir sa tête délivrée au sommet d'une pique.

Oliver Queen sélectionne ses apparitions en ville avec parcimonie, sous son alias héroïque, alors. Car il aurait bien du mal à soutenir la population, en prison ou sous une pluie battante de tomate pourries.

Sauf dans le quartier des Glades. Car la situation y est trop dure. La misère et la criminalité rampante y sont si bien installés qu'il lui serait criminel de ne pas veiller sur ces habitants.
Depuis qu'il a rejoint la dernière incarnation de la JLA, la légendaire Ligue des Justiciers d'Amérique, l'indomptable archer doit travailler deux fois plus dur pour tâcher sans relâche d'assainir la communauté. De la protéger, inlassablement.

Et les patrouilles ne suffisent pas. Ici, elles ne suffisent plus. Le hasard ne suffit pas pour éradiquer les menaces les plus terribles qui pèsent sur le peuple des Glades.
Heureusement, grâce à quelques individus impliqués, des choses se savent. Même si la police ne fait rien, ou pas assez. Même si Brian Nudocerdo met des bâtons dans les roues du FBI par orgueil mal placé.
Mais grâce aux Lois Lane et aux Vicki Vale de ce monde, Ollie sait.
Car il n'a jamais vraiment perdu sa vieille habitude de rassembler des coupures de presse. Cela l'aide à ne rien manquer, même après des absences marquées aux côtés de la Ligue ou de longues missions d'infiltration.
Il sait que sévit ici un tueur en série, alors.
La Star City Gazette, un journal partiellement édité par des sans-abris, l'a baptisé le Arrow Killer, informellement. Et d'autres média ont fini par reprendre l'appellation.
Mais, peu d'information filtrent. En vérité, le journalisme des Vicki Vale et des Lois Lane est mort, à Star City. La majeure partie des actualités à rayonnement régional concernent l'économie et la science de pointe - courtoisie du périodique n°1 de Star City, l'exagérément nommé Star City News - un vulgaire magazine d'auto-promotion des diplômés d'écoles locales de science et de business. Qu'Oliver laisse le soin de lire à ses assistants exécutifs, de toutes façons. Pourtant, la chronique du tueur aux flèches a franchi les frontières de la ville.

Arrow a dû faire le tri entre le journalisme amateur et la déformation de l'information, alors.
Les victimes ont été tuées à l'aide de flèches ; parfois, de flèches-gadget.
Les victimes sont presque toutes reliées à la consommation de crack.
Les victimes sont des habitants des Glades, et des personnes se trouvant sur le territoire des Glades.

Star City. Les Glades. Un archer doté de gadgets. Des pauvres gens dans son collimateur...
Voilà une mission pour Green Arrow.

Et voilà plusieurs jours qu'il veille de près sur les égarés des Glades, les paumés et les marginaux qui gaspillent leur vie à fumer du composé de cocaïne.
Oliver les protège, même s'il ne peut pas faire grand chose pour eux. Même s'il ne sait pas comment mettre un coup de poing au problème de la drogue.
C'est dur pour lui.
Très dur.
Psychologiquement.
De veiller sur des addicts à la vie gâchée, sans rien pouvoir faire pour les aider, en cela.

Et sa garde ne paiera jamais.
Pas pour eux. Particulièrement pas, pour les cinq membres d'une communauté de va-nu-pieds qu'il surveille, et qui prennent chacun une flèche acérée en plein cœur, sous ses yeux.
Il a à peine le temps d'esquiver la dernière, qui lui est destinée. Son coeur saignera quand même, après cela.

"Non !"

Une exclamation, un cri du cœur, qui lui échappe, alors.
En rage, il se jette dans la rue sombre, là d'où ont été projetés les carreaux meurtriers.

Son sang ne fait qu'un tour, mais il s'arrête, choqué.
Confronté à une présence d'un calme et d'une sérénité cliniques, là.
Deux silhouettes, en fait. L'une, petite et svelte ; l'autre, plus grande et robuste.

« Je vous attendais, Monsieur Queen. »

Maître I-Ching. Shifu, sensei et espion extraordinaire, pratiquement nain et techniquement aveugle.
Personnification mystique des concepts de yin et de yang.
Changé, influencé par le message de Luthor à l'humanité et ses conséquences.
Le martialiste malvoyant connu pour arpenter le chemin sinueux de l'équilibre, dorénavant déchu dans la vallée de l'ombre et du mal.

L'ex-mentor du New Super-Man of China sauvagement assassiné par Lex Luthor et la SSoSV.
Qui a une nouvelle philosophie de prédateur.
Qui, tombé dans l'extrême, développe des talents fort terribles.
Qui a tiré des profondeurs des ombres un nouvel élève.

« J'ai cru saisir que les médias l'affublent déjà du sobriquet peu inspiré de Arrow Killer.
Pour ma part, je préfère le terme de survivant. »

La plus grande silhouette sort de l'ombre de son maître, alors.
Elle s'avance, et s'avère être... Oliver ?

« Après cinq années passées à traverser un enfer,
il était naïf d'avoir comme seul objectif de sauver ma ville. Ta ville. Notre ville. »

Le justicier de la Ligue bloque sur place, interdit.
Face à lui-même.
Face à une autre itération de lui-même.
Les yeux écarquillés, les mains tremblantes, il gesticule ; il bouge les lèvres - aucun son n'en sort ; il touche son visage, même - incrédule.

Une flèche, tirée froidement par son sombre reflet, file, alors.
Visée en pleine tête.
Il n'a pas les clés pour réagir, alors. Ça n'a pas de sens.
Et Green Arrow est exposé, alors, statique, à la finalité d'une mort imminente ; qui ne fait aucun sens.
Sinon qu'Arrow Killer allait mériter son nom - une fois pour toutes.

Cela se passe très vite.
Les événements s'enchaînent très vite, devant un Oliver directement concerné ; pourtant pas impacté, pour ainsi dire.
Superman arrive.
L'ange de Metropolis débarque, soulevant derrière lui des mouvements d'air et des effets de succion dans le rideau de pluie battante qui s'est mise à tomber.

"Superman Blue, par tous les saints !"

C'est une blague fréquente dans certaines communautés de justiciers. Conner a pris la place qu'il mérite, mais Kal-El n'est toujours pas prêt à raccrocher le tablier. Alors, il y a le bleu et le rouge. Surtout qu'il y a vraiment eu une double itération de Superman, bleu et rouge. A moins que ç'ait été un canular, un rêve, une histoire imaginaire.
L'humour, donc, comme mécanisme de gestion des événements.

Puis, seulement là, il réalise.
Il se jette derrière une poubelle, la veste recouvrant son uniforme déchirée à l'aine par un nouveau trait envoyé par l'assassin vêtu de vert, évitée de justesse.
Sans élever la voix, il s'adresse à son super-salvateur.

"J'peux pas le croire, tu m'as... mince. Plus rapide qu'une balle en mouvement, hein."

L'homme d'acier, stoïque, signifie son soutien à son camarade archer.
Son allure ne laisse aucune équivoque quant à son sentiment pour le tueur de vert vêtu et son mentor, pour autant.

Enfonçant sa main droite dans la déchirure de son vêtement de filature, Oliver atteint l'emplacement où sont rangés ses couteaux de lancer, dessous la cuisse.
Il répugne à l'idée d'user d'armes mortelles devant le parangon de la justice qui est son salut et son soutien. Il regrette un moment de ne pas savoir trouver d'autre chemin.
Tentant de ne pas téléphoner ses coups dans cette confrontation avec un autre lui-même, Oliver n'est pas sans ressentir la morsure de flèches qui le frôlent d'assez près pour entailler sa peau.
Car il ne demeure pas caché, ni derrière le conteneur à déchets qui lui sert d'abri de fortune. Ni derrière Superman.
Si le sinistre Arrow Killer lui renvoie coup pour coup, cela n'empêche pas Oliver Jonas Queen de darder ses couteaux de lancer dans sa direction, les uns après les autres.
Quelques râles lui indiquent lorsqu'il semble faire mouche ; sans savoir s'il devrait ou non s'y fier.

Quelqu'un cependant n'est pas en accord avec la passivité hostile qui lui est démontrée par Superman.
C'est I-Ching, dont les pattes d'oies de part et d'autre des lunettes se fendent, à l'instar de ses lèvres plus fines que du papier.

« Je ne crois pas, fils de Krypton.
La classe est en session, et personne ne sera dispensé de l'examen. »

Par des gestes soigneux et fluides, des tensions de phalanges, des moulinets du poignet, quelques rotations des épaules, le maître oriental figure des formes qui n'ont de sens que pour lui - et pour l'Univers, dont il est le seul survivant d'une école de sages à en connaître des clés ésotériques.

« Les gens ont foi en toi, Superman.
Tu es homme fort, dévoué, un champion de la science.
Un homme arraché à ses racines n'est pourtant pas un homme dénué de spiritualité.
La spiritualité est une face que tu ne cultives pas, pourtant. D'où découle un déséquilibre. »

Les poils se dressent sur la peau de chacun présent, alors.
Une force invisible, un magnétisme occulte puissant, fait son oeuvre, ici-même.
D'imperceptibles grains de poussière, des particules du cosmos qui se déposent, un instant après l'autre, à la surface de son être, dans ses plis articulaires, entre ses orteils parfois ou dans des endroits moins poliment nommés, ces minuscules poussières d'étoiles qu'il déplace sur lui glissent sur la surface de la personne de Superman.
Les petits grains semblables au silicate se déplacent de concert à l'invitation des mouvements chorégraphiés par Maître I-Ching, se croisent et se mélangent, se rejoignent pour former un seul être.
Un Superman de sable, cent-pour-cent kryptonien, né de l'union de Kal-El avec l'Univers, dans lequel il agit. Un monstre, pratiquement pas humain, mais humanoïde en apparence.


Le maître oriental du corps et de l'esprit glousse et exulte.
Il s'écoute parler.

« Tu ne connais pas Rao, même si la mémoire de ton sang te dit de t'agenouiller dans sa gloire.
Tu tires la puissance du frère Soleil, sans en méditer la spiritualité.
Science sans conscience n'accomplit que l'érosion de l'âme. »

Et, pour I-Ching, c'est ce trou dans sa spiritualité, dans son identité kryptonienne et cosmique, qu'il a fait se manifester des plis du costume, de la peau et de la cape de Superman.
Il se félicite, convaincu d'avoir pointé juste sur la part d'ombre que porte avec lui Superman. En faisant un simple pas de côté, pour observer les deux héros se débattre face à leur manifestation de vacuité.

Le minuscule maître martialiste est troublé par la réponse de Superman.
Il est contrarié. Surpris.
Pensif, durant quelques secondes.
Il semble avoir fait sa première erreur.

I-Ching lève les paumes vers le ciel, d'une sincérité toujours désarmante.
Son regard glisse de la scène réappropriée par l'Homme d'Acier au conteneur derrière lequel s'est abrité Oliver Queen.

« Le faible Sand Superman faisait partie de Kal-El,
autant que Arrow Killer appartient à Oliver Queen »

Il parle vers le ciel alors, comme un illuminé.
Le ton posé de sa voix connaît quelques ratés, comme si son contrôle constant était craquelé par le sursaut d'orgueil qui l'envahit.

« La véritable nature du monde s'est imposée à moi.
Tout comme je comprends à présent que Superman appartient réellement à tout le monde ! »

Quelques grains de sable se sont échappés, en effet.
Ils ont voleté, portés par l'inertie de la poussée glaciale.
Plusieurs sont retombés, alors, sur le corps des junkies assassinés par le tueur en peau de Green Arrow.
Qui reprennent subitement connaissance.
Dont les cellules brillent alors, visiblement pour le Kryptonien, de son énergie caractéristique.
Car, dans une symétrie douce-amère, si Superman transmet la force de son âme à toute l'humanité, c'est la puissance de son corps qui est transmise par l'élémental de silicate qu'il a frigorifié.
Transmise... A quatre des cinq victimes terrassées par les carreaux d'Arrow Killer.

Les junkies se relèvent, alors.
Maître I-Ching voit un grain s'approcher de son visage, et souffle sobrement pour l'en écarter.

En arrière de son mentor, l'Arrow meurtrier quitte alors sa retraite pour s'avancer vers Oliver, derrière son arc bandé et surplombé par une flèche-gant de boxe.
Il a un petit rictus en voyant évoluer ceux qu'il avait pourtant froidement assassinés quelques instants auparavant.
Puis s'adresse à Green Arrow sur un ton ouvertement fanfaron de fier-à-bras.


Presque à court de couteaux de lancers, le héros à la capuche se saisit de ce qu'il peut trouver : bouteilles, canettes en métal. Ainsi que des flèches qui n'ont pas manqué de lui lacérer la peau.

"Il est hors de question qu'un crétin pareil mette une entaille à ma bonne réputation !"

Ignorant tout de ce qu'il se passe chez les ex-feu junkies au niveau moléculaire, Green Arrow leur dédie à chacun une flèche non-létale de fortune, bricolées à la va-vite à partir des carreaux de son adversaire et des déchets qu'il a pu enfiler pour recouvrir le bout pointu.
Il tire donc quatre flèches non-létales, l'une après l'autre.
Puis s'enfonce dans la ruelle, profitant marginalement de l'ombre, pour se ruer sur son doppelgänger.
La flèche-coup de poing frappe Oliver juste avant que ses propres phalanges ne s'abattent sur Arrow Killer.
Une attaque bizarre et sans grand intérêt pour un tueur.
Qu'importe, Green Arrow entreprend de faire passer ce combat au stade du corps-à-corps.

Les quatre junkies éveillés par les grains renégats du Sand Superman n'avaient aucune chance.
L'ange de Metropolis les neutralise avant même qu'ils n'aient l'occasion de tirer parti des pouvoirs respectifs alloués par les effets du sable superhumain. Du moins, pas contre lui.

Juste quelques secondes plus tôt, Oliver fonçait sur Arrow Killer.
Green Arrow face à un plus sombre Arrow, un insatiable meurtrier.
Flanqué dans le même temps par l'assaut des quatre ressuscités, privés d'un kryptonien expérimenté sur qui faire l'expérience de leurs pouvoirs tout neufs et fragmentaires.
Ayant entendu les paroles de I-Ching, Green Arrow a eu le temps d'enfiler en vitesse sa main près de son cœur pour y trouver une pointe de flèche en kryptonite acérée - cela restait plus sécurisé que de la stocker près des valseuses, d'après Roy - et l'employer pour les balayer un à un d'un revers de poing serré.
Il les cueillit un à un, causant des blessures superficielles, d'une efficacité marginale en terme d'effet, mais suffisante pour causer un mouvement de recul.
Chacun recule, alors, qui à super-vitesse, qui en trébuchant en usant de super-force involontairement contre le décor, qui en planant et le dernier qui n'est pas traversé par le tranchant - mais subit la douleur de la radiation nocive, pour autant.
Ollie prend alors trois coups, l'un de la flèche boxeuse envoyée par son pendant plus meurtrier, les deux autres de ses mains dénudées.

Oliver n'a pas évité la flèche-gant de boxe de son reflet obscur.
Il n'y a pas réfléchi à deux fois.
Il cogne, alors.
Arrow Killer cogne, lui aussi.
Les coups, les prises, les frappes, s'enchaînent et ne se ressemblent pas - sauf que les techniques des deux pugilistes se ressemblent, trait pour trait.

"Hûu !"
"Ouurghlf !"
"Huuh !"
"T-t-tsehh !"
"N-hyaeeh !"
"Haaa !"

La tête de Green Arrow tourne. Tout lui paraît de plus en plus ralenti, et à la fois plus rapide.
Un direct du droit envoie son visage au sol, suivi très rapidement par le reste de son corps, qu'il ne sait retenir.
Ses yeux s'étrécissent.
Arrêtez le manège, je veux descendre.
Il fait le point sur le gant de boxe, étendu comme lui à terre.
Une pointe de seringue dépasse de l'embout vert en mousse.

"Cl-clllrk... adrnaln... poche... "

Arrow-Killer enfonce la semelle de sa botte dans le visage de Green Arrow, un rictus satisfait sur sa face.


Il se saisit dans son propre carquois, laissant de côté le carquois de gimmicks et gadgets apporté par Superman, de flèches - de flèches spéciales, préparées. Car il se prépare à toutes les éventualités. Parce qu'il est Oliver Queen, même si c'en est dérangeant.

Arrow Killer empenne et tire, alors.
Une flèche à pointe de kryptonite et une flèche-soleil rouge !
Tw-wang!
Il les tire, donc.
Vers Superman.
Il tire des flèches, qu'I-Ching arrête, en les saisissant à mains nues, alors qu'elles filent depuis en arrière de l'aveugle et en direction l'homme d'acier.
Il a acté la position de Superman.
Il brise les tubes de cèdre de ces flèches contre le torse du surhomme venu d'ailleurs.
Avec grâce et violence, il les utilise alors pour poignarder Superman d'une part à la gorge, de l'autre au foie.

Le maître espion expert en arts-martiaux n'a pas un instant pour donner d'ordre de marche à son sbire à l'arc, qui donc tire, des flèches à tête large, en direction de l'Homme d'Acier.
Fwish! Fwish! Fwish! Fwish!
Hilare, il semble avoir oublié son homologue plus héroïque. Qui, certes, est étendu à terre. Mais perçoit l'odeur de cramé des flèches fraîchement forgées par son ami venu des étoiles. Et pense, les paupières closes pour calmer les nausées, à la façon dont il va les utiliser sur les deux salopards qui infestent sa ville.

Vite.
Allez.
Vite... Un effort.
Tenir bon.
Se battre... Pour rester conscient.
Atteindre... La seringue d'adrénaline. Dans... sa poche.

"Hnnnff..."
sting!
"hh-Hhhâh-hH"

Green Arrow reprend des couleurs, vivement.
Il voit son camarade, son allié, son ami, en difficulté.
Il enfonce sa main dans le carquois de fortune, alors.
Il détaille, à la vitesse de l'adrénaline, son contenu.
Et s'arrête sur l'une des flèches forgées par Superman.

Flèche-soleil. Un immense ballon sphérique produisant un puissant halo de lumière semblable aux rayons d'un soleil jaune.
Elle n'aveuglera pas I-Ching, dont la cécité ne lui permet pas d'être sensible à de tels effets.
Elle ne gênera pas Arrow Killer longtemps, qui dispose s'il est un tant soit peu comme Green Arrow - et il est pratiquement identique - de plusieurs paires de lunettes lui permettant de filtrer les effets du spectre électromagnétique.
Mais peut-être, juste peut-être auront-ils un doute, l'espace d'un instant.
C'est un pari. Mais l'adrénaline lui permettra d'en tirer parti, alors.
Twikt ! Fwōōōōmb!!


Et c'est là, et seulement là, qu'Oliver Queen voit la foule qui s'est amassée à l'extrémité de la ruelle.
Les voisins, les curieux, les travailleurs, qui se couvrent les yeux, de concert.

Ils se sont rassemblés.
Aux fenêtres, d'abord. Des téléphones portables y ont été dardés sur l'affrontement.
Certains sont montés sur les toits, alors. Pour avoir une vue dégagée. Pour ne pas être trop bousculés contre les carreaux de leurs façades.
L'affrontement, en dépit de sa courte durée, a fédéré une foule sur les trottoirs, alors. Dans les rues.
Une foule d'habitants des Glades inconsciente des risques qu'elle encourt en se rapprochant des deux artistes martiaux fondamentalement mauvais qui y sévissent, qui s'acharnent à donner une leçon aux deux héros.

Les laids, les louches, les lamentables. Les invisibles. Les puants. Les abandonnés, les attentistes, les fainéants, les profiteurs.
Les cas sociaux. Les commères. Les oubliés.

Ils ne prétendent pas comprendre ce que fait le prétendu Green Arrow aux côtés de ce type, de cet oriental.
Ils n'ont guère d'adulation pour le héros local, en fait.
Bien peu se reconnaissent en lui.

Cependant, ils connaissent Superman, l'ange de Metropolis.
Ils reconnaissent le parangon de la Vérité, de la Justice et des valeurs du Monde Libre.

Et bien qu'ils aient peu de choses en commun avec les habitants de Metropolis - bien qu'ils n'épousent guère les idéologies de bobo gauchiste propres à l'archer vert - ils répondent en actes à leurs valeurs.
Ils se lèvent pour leur quartier. Inspirés sans doute par le héros solaire qui a choisi de défendre leur drapeau et leur Monde, jour après jour. Piqués, sûrement, de voir l'alien américain mis à genoux par un pompeux étranger. Porteurs certainement de valeurs bien à eux de solidarité, dans un environnement social qui voudrait les diviser, où l'on tend à les nier eux et leur communauté.
Ils se lèvent, alors, soudés, unis, incapables de laisser le péril jaune défaire l'icône de toute une nation.

L'homme est bon. En partie.
Avec tous ses relents de racisme et d'émotions malsaines, reste quand même un espoir que l'humanité soit grande.

Ils crient, jettent des projectiles sur I-Ching et son sbire de vert vêtu.
Ils intiment à Superman de se relever, de ne pas se laisser faire.

Oliver faillit en perdre son latin, et son avantage.
Cependant, il se reprend.
Il décoche alors une flèche acide, fabriquée par Clark avec des produits ménagers.
Que lui n'utiliserait jamais, en aucun cas, sur un être vivant.
Ce qui ne peut être le cas d'Arrow Killer.
Et si son arsenal est à moitié aussi dangereux que ce qu'a pu concevoir Green Arrow au cours de sa carrière, alors ce dernier se félicite d'avoir visé le carquois d'Arrow-Killer.


Qui n'en est pas pour autant entièrement désarmé.
Qui est, après tout, une arme vivante, affûtée et déshumanisée.
Qui, pour autant, a dû projeter son carquois dans les airs, craignant de subir de graves blessures.

GA enchaîne avec une flèche de stase, un gadget conçu par Roy, jamais employé par Green Arrow - mais Superman la connaissait, apparemment.
Il la décoche en l'air, ce qui maintiendra le carquois statique. Ce qui empêchera les éventuels composants chimiques qui y seraient amassés de causer une hypothétique explosion - pendant dix minutes.

Il empenne ensuite une flèche-toile et une flèche-filet en plastique. Cette dernière vient engluer I-Ching dans une matière de polymères dont seule la vision moléculaire et l'analyse supérieure du kryptonien auraient pu la reproduire, quitte à pouvoir la fabriquer avec du matériel d'appartement.


La flèche-toile, destinée à Arrow Killer, est esquivée par celui-ci.
L'histoire ne dévoilera pas si elle était en véritable toile d'araignée.
Le tueur se jette alors dans la foule, poussant et bousculant les civils amassés le long du carrefour.

Ollie se tourne vers son ami, pris de court.

"Debout, boy-scout. Je devrais te féliciter sur ta mémoire et ton efficacité de production. Ces flèches sont parfaites."

Il se reprend.
Il est trop bavard.
Un effet inattendu de son rush d'adrénaline.

"...Mais on a dix minutes pour désamorcer le carquois de cette mauvaise blague, et bien moins que ça pour le rattraper !"

Il met une nouvelle fois la main à son carquois de fortune, pour en tirer une flèche-ventilateur conçue par Superman, et tire une nouvelle fois dans les airs, pour créer une petite tornade qui vient disperser les nuages.
Révélant les rayons solaires indirects reflétés par la Lune.
Un maigre pis-aller qui pourrait redonner quelques forces à Superman, et prend bien pâlement le relais de son ballon lumineux, lequel commence déjà à décliner en puissance.

Grâce aux flèches qu'il a fournies à Green Arrow, Superman se relève.
Il fait état de la situation. I-Ching neutralisé. Arrow Killer envolé. Et se tourne vers le justicier d'émeraude.
Pour lui laisser la main.
Ce qu'Oliver accepte, sans grincer des dents.

"D'abord, le carquois. Même si c'est ma faute. Tu es mieux équipé que n'importe quel démineur. Scanne-le. Analyse les risques. Ça nous en dira long sur comment le neutraliser... Et sur lui."

L'archer indompté désigna d'un geste vague la foule, où le tueur en série avec son visage s'était enfoncé.
Une ombre passa sur son visage.
Sa gorge se resserra.

"On doit l'arrêter, Blue. Peu importe comment..."

Son esprit repasse la scène, machinalement.
Questionnant ses choix. Sa pugnacité.

Il aurait pu lui coller un traceur. Il ne l'a pas fait.
Arrow Killer aurait sans doute repéré le marqueur. Pour tourner la chasse à son avantage, pour tromper l'ennemi.
C'est ce qu'Oliver aurait fait.
C'est sans doute la raison qui justifie qu'il ne l'ait pas fait.

Il aurait pu tenter de l'arrêter, plus tôt. Plus définitivement.
Il ne l'a pas fait.

Il hésite, alors.
Se reprend.

" 'Fin... Non."

I-Ching n'a rien inventé.
Quoi qu'il soit devenu, il était sincère. Il n'a pas créé Arrow Killer.
Il a puisé dans ce qui est, ce qui a été. Ce qui pourrait encore advenir.
Un homme avec la force et l'esprit pour résoudre les problèmes par tous les moyens.

"Je dois le confronter... Ici."

Il pointe du doigt sa tête, le siège de son esprit.
Il hésite, se ravise.
Green Arrow déplace son index, de sa tempe à sa poitrine.

"... Là."

Or, il ignore comment.
Mais, une chose à la fois.
Ils ont une bombe à désamorcer. Littéralement, d'abord.

Oliver acquiesce.
Se retenant de dire à Clark, qu'il n'est pas cette personne - ni pour eux - ni pour lui-même. Surtout en lui-même.
Qu'il aime chasser, plus qu'il a jamais aimé Dinah.
Qu'il aime traquer, acculer, capturer un être humain.
Que la chose la plus humaine qu'il ait faite récemment fut de menacer un junkie supersonique de l'enchaîner pour sevrage au fond de sa cave. Qu'il envie ce damné lapin de garenne de Johnny Quick pour tout ce qu'il a pu se dépenser avec la catharsis de sa super-vitesse.
Qu'il aurait pris un malin plaisir, un plaisir malsain, humain, fondamental, à clouer l'athlète de Terre-3 au fond de son sous-sol.
Que la bouteille lui manque déjà.
Que Carter Hall lui manque. Que le frisson lui manque, l'hubris et le danger de se confronter verbalement - physiquement, parfois - à l'aigle royal de la Ligue.
Qu'il est à deux doigts d'épouser l'ombre Arrow Killer en devenant lui, en le butant d'une flèche dans un organe vital.

Green Arrow acquiesce, donc.
Laissant l'ange de Métropolis rester dupe de ses démons.

C'est seulement lorsque le big blue boy scout s'envole avec le carquois qu'il laisse ses nerfs avoir raison de lui. Brièvement. Silencieusement. Il serre une main tremblante contre une pointe de flèche en kryptonite acérée.
L'une de ses glandes lacrymales lui joue des tours, alors. Parce qu'il le lui permet.
Il resserre ses phalanges contre la tête de carreau d'un autre monde.
Il maîtrise les tremblements.

Mais Superman ne revient pas pour le constater.
C'est ce que Gordon doit ressentir. Il balaie cette pensée.
L'ange de Metropolis use alors d'une des facettes de sa super-ventriloquie, pour communiquer directement dans le masque de Green Arrow.

"Roger, Su-... Clark."

Oliver se retient de préciser à Superman qu'il connaît ces rues.
Qu'il les connaît bien.
Qu'il y passe beaucoup de temps.
Qu'il ne rentre pratiquement que pour flatter l'Arrow-Dog et le nourrir - dans cet ordre, en papa ferme et aimant.
Ollie ne renvoie pas à Superman qu'il connaît les rues de ce quartier mieux que sa propre buanderie.
Il fonce, tout naturellement. Il emprunte un ou deux raccourcis, en fait.
À travers son lieu de patrouille, jusqu'à son lieu de repos et détente.
Un peu avant de l'atteindre, s'il y a son mot à dire.

Et il l'a.
Sauf que non.
Il a pisté Arrow Killer jusqu'aux prémisses du Verdant.
Oui, mais.
Celui-ci n'a pas été stoppé parce qu'il avait été atteint par le véritable archer vert.
Il a été stoppé par une balle.
Par la menace d'un coup de semonce, en fait. Tiré à ses pieds. Tiré par Chien Na Wei...


... leader éponyme du China White Triad.
China White, Queen of the Pacific. Reine de la drogue, surtout.
Accompagné de son gang, justement.
Accompagnée de Snakepit, Strato the Cloud-Man et... Avery Ho, la soi-disant Flash of China.

Chien Na Wei s'adresse à l'archer qu'elle vient de stopper, dans une langue étrangère.

« J'ignore ce que tu as fait de All-Yin, archer vert.
Je n'aime simplement pas les gens avec des masques.
Meurs. »*

*traduit du mandarin

Elle se prépare ouvertement à tirer une volée de balles, alors.
Oliver saute, alors. Et son corps épouse la forme de Arrow-Killer, à la réception.
Il a bondi, sans y réfléchir.
Par instinct de préservation, sans doute.
Parce qu'il ne veut pas voir cette partie de lui disparaître. Aucune part de lui, en fait.
Et désormais, ils ne font plus qu'un.
Un seul archer d'émeraude, visé par une attaque mortelle, une nouvelle fois !

L'impératrice du trafic de stupéfiants voit Superman apparaître, et arrêter ses tirs.
Elle perd de vue Green Arrow, alors. Par la seule forme imposante de l'homme d'acier, elle perd l'archer de sa mire.

Elle jure en plusieurs langues, alors.
Et envoie ses suivants déchaîner leurs talents sur ce second intrus impudent.



Snakepit, le street fighter aux tatouages de kryptonite.
Doté partiellement des pouvoirs de kryptonite-man, donc.
De super-force, en effet.


Avery Ho, sino-américaine de Central City et speedster extraordinaire.
Jeune. Impulsive. Dangereuse.
Adoubée par Flash et par la JLC. Pourtant, elle est là.
Une fille d'immigrés en perte de repères.


Strato the Cloud-Man.
Golem d'air armé d'un katana à deux mains. Redoutable et insaisissable.
L'homme de main nippon le plus convoité de la Côte Ouest.

Tous trois envoyés par la maîtresse de leur Triade pour arrêter Superman.

Pour sa part, Oliver, à l'invitation tacite de son ami et soutien, s'apprête à déchaîner toute sa rage d'être recomposé.
Arrow et Oni-Arrow, réunis, ne demandent qu'à donner à Chien Na Wei un échantillon de la Loi du Talion.
Pourtant, ses jambes lui semblent plus pesantes que du plomb.
Sa gorge lui brûle et se resserre.
Il respire difficilement, s'étrangle et libère le proverbial chat dans sa gorge.
Sous la forme d'une colonne de fumée noire, mystique.


La fumée noire s'échappe de la gorge d'Oliver Queen, pendant ce qui peut paraître une éternité.
Elle forme des nuages et des volutes, qui se rassemblent et se moulent en une forme humaine. Celle d'un petit homme. Celle d'I-Ching.

L'homme de l'ombre venu d'Orient s'appuie sur sa canne, alors.
Il s'adresse à China White, comme aveugle au reste des événements.
Sauf qu'il se plie et se penche avec l'agilité d'une tige de roseau dès lors qu'un coup s'avère voler à proximité de sa personne.

* Traduit du mandarin

Son visage de vieil homme se fripe en un sourire énigmatique.


Le Green Arrow, propulsé à terre, se maintient la gorge comme si elle menaçait d'exploser.
Le souffle saccadé, les yeux injectés de sang, le justicier de jade fixe la paire composée par All-Yin et Chien Na-Wei.
Un coude à terre, il se relève. Difficilement.
Sans quitter des yeux l'être de ténèbres et la soi-disant dame de blanc vêtue.

Quoi qu'il arrive, il ne peut plus que trancher le noeud gordien qui lie entre elles sa vengeance et le code moral des justiciers.

Snakepit est gelé. Il sera géré, plus tard.
Strato est dispersé. Il reviendra, c'est littéralement dans sa nature.
Avery Ho roule des yeux, d'abord. Elle grince des dents, ensuite. Puis, elle hoche de la tête, rougit, inspire profondément... Et disparaît. Elle traînera sur les quais, plus tard, plus ouverte alors à un échange à cœur ouvert.

Green Arrow se relève alors.
Il pointe une paire de flèches sur I-Ching et China White - il est assez bon pour pouvoir le faire, avec précision.
Il écoute Clark se fâcher, alors.
Manquant un battement de cœur, car c'est assez rare.
Il se questionne sur ce que traverse son collègue et ami, et, ce soir, son ange gardien.
Il note pour lui-même de s'y intéresser un peu plus.
De ne pas s'intéresser seulement lorsque sonne l'appel du devoir, en fait.
Il l'écoute, donc. Parler en mandarin, une langue qu'il maîtrise également. Qu'il comprend.

Il confirme les propos de l'alien américain. Dans sa langue.

"C'est fini."

Ses muscles demeurent tendus. Prêts à propulser les projectiles jumeaux.
Son esprit, lui, se relâche quelque peu. Se rassérène, du moins.

"J'entends arriver la voiture du Sergent Notting. Vous allez vous laisser passer les menottes, et poser pour le coup de filet pendant les déclarations du chef Nudocerdo devant la presse."

Il esquisse un sourire narquois, alors. Appuyé.
En tant que ressortissants étrangers reliés à des intérêts puissants, leur sort n'est pourtant pas fixé.
Il se peut qu'ils s'en tirent, sans même une tape sur la main.
Ce qui ne l'apaise pas, en soi.
Même si la perspective de les reprendre en chasse n'est pas sans allumer une flamme en lui.
Le feu sacré du chasseur.

Qui s'allume, et qui ne couvera que plus tard dans la nuit.
Quand les quatre ressuscités seront maîtrisés.
Quand les criminels seront mis aux arrêts.
Quand Green Arrow aura trompé la vigilance du sergent et du chef de la police.

Lorsque les sirènes résonnent enfin, faisant écho aux messages que l'archer a capté sur les radios de police, alors, seulement, il s'efface. Se fond dans la nuit.
Comme il en a l'habitude.

Seulement alors, il fonce vers la funeste ruelle.
Il court. Saute. Voltige. Dévale les toits et les voies de secours.
Pour retrouver le corps.
Pour y retrouver Superman, et le laisser mettre un terme au saccage des ressuscités.
Pour ramener le corps du défunt, dignement, au peuple des Glades.
Pour le présenter à ses voisins, à ses proches. Pour commencer à lui donner dans la mort la dignité qui lui a échappé dans la vie.

Demain, il sera à la tribune de presse. Dans les coulisses.
Comme il sait que Clark y sera. S'il en a le temps.

Une fois l'agitation retombée et les lieux sécurisés, Green Arrow lève silencieusement une bouteille de soda à l'orange achetée à la bodega, adossé à une échelle de secours des Glades.
Il toussote, gratte l'arrière de ses cheveux blonds et s'adresse à Superman. En égal.

"Clark. Je... Merci."

De voir le meilleur en tout le monde.
D'avoir toujours le mot qu'il faut, et l'attitude. Même si c'est agaçant, parfois.
D'être venu, de lui avoir sauvé la vie.
D'avoir participé à ce qu'il fasse les choses comme il faut.
D'être Superman, et de l'avoir laissé être Green Arrow.
D'être une telle source d'inspiration, pour tous.
D'être là, alors qu'il y avait vraiment de quoi être las.

"Ça... Ça va ?... J'ai pu voir que ta vie ces derniers temps se montre éprouvante, même avec la presse qu'on a par ici." Une paire d'yeux roulent. Des lèvres se pincent. Il pose ses yeux de jade dans les grands yeux bleus de Superman. "Alors... Appelle-moi, d'accord ?"