Dans son bureau au Chong Mai, Per Degaton ne faisait rien ou pour être plus précis, il savourait les secondes dans le silence. Ses yeux rivés sur l'unique horloge fonctionnelle de ces lieux, il regardait les aiguilles bouger, s'absorbant tout entier dans leur contemplation.
Son coeur battait fort. Il vivait un moment historique. Un moment qui allait bouleverser la Terre et le temps lui-même.
Depuis son ultimatum, tout avait paru s'accélérer. Appels, offres, contre-offres, négociations, l'Europe avait été ébranlée et les peuples avaient tantôt manifesté leur joie et leur accord, tantôt leurs craintes et leur refus. Le vieux continent, oublié et affaibli était redevenu le centre d'intérêts furieux, le message d'Atom n'ayant pas calmé les choses. Mais les regains d'espoir étaient vains. Atom leur avait promis de le vaincre, mais pour l'heure il était là, des armes nucléaires entre ses mains et de terribles évènements à son actif. Les paroles ne pouvaient renverser tous les actes commis.
On frappa à la porte au moment où l'horloge du tyran sonna l'expiration de son ultimatum. Les gouvernements européens avaient dû trancher.
- Entrez, ordonna-t-il d'une voix désincarnée.
Un homme entra. Vandal Savage. A la vue de son visage, Per comprit. L'immortel avait un document faxé dans la main et écartait grand les bras. L'air grave et monstrueux de Degaton s'illumina d'un sourire sardonique et leurs deux hommes échangèrent une accolade en riant comme des diables.
Vandal secoua le papier qu'il avait en main.
- L'Europe est nôtre ! lança l'immortel.
Les gouvernements ont tous baissé les armes ! Degaton prit le papier qu'il lui tendit et lut fébrilement.
Vandal avait réglé les détails de la cérémonie de passation de pouvoirs, tout était maintenant prêt pour se repaître du corps de la bête abattue. Dans une heure, le monde découvrirait l'étendue de la lâcheté humaine, l'étendue tragique de la peur et la facilité avec laquelle elle permettait de faire courber l'échine et trembler les fondations les plus solides.
L'Europe n'était plus.
***
L'affaire se concluerait dans l'endroit le plus infâme aux yeux des garants de la liberté : Londres. Au cœur même de cette terre qui avait toujours résisté, même dans les heures les plus sombres, allait se dérouler la cérémonie de l'humiliation. L'Europe avait acheté la paix au prix de l'indignité, comme si elle n'apprenait guère de ses erreurs passées.
Westminster, souillée, bafouée, livrée à la soldatesque qui allait étendre un voile de ténèbres sur le continent attendait. Les nombreux drapeaux des pays européens côtoyaient à présent un nouvel étendard frappé du "D" noir comme la nuit aux arrêtes tranchantes comme une lame d'assassin. La lettre qui allait marquer au fer rouge la destinée de ce continent.
De larges tapis rouges déployés remontaient des parterres où se massaient des journalistes vers une estrade en bois noir. Dessus, un lourd bureau, un siège et des documents. L'intégralité des dirigeants européens restants ou leurs représentants étaient alignés, dans des costumes qui leur paraissaient trop petits tant les regards de l'assistance paraissaient les poignarder. Les visages livides fixaient un point au-delà des photographes, comme si éviter tout contact visuel rendait la chose moins réelle.
Soudainement, un immense flash bleuté illumina les lieux et apparut Per Degaton, sur son disque temporel lévitant au centre de l'estrade. A son regard, la foule comprit qu'il ne venait pas essuyer un refus.
Le premier ministre britannique, désigné par ses pairs comme interlocuteur pour les négociations et les tractations, s'avança vers lui, un porte-document sous le bras. Ses mains tremblaient. Le tableau arracha au tyran temporel un rictus mauvais. Toutes les caméras présentes se tournèrent vers lui, les techniciens portaient tous un brassard à sa lettre.
- Colonel Degaton Per, résonna la voix du premier ministre,
eut égard de votre ultimatum posé très exactement une semaine auparavant de ladite déclaration ; les Nations Européennes, à l'unanimité des gouvernements ici présents...Il déglutit et de sincères larmes perlèrent sur son visage. Il lâcha la suite de son discours comme s'il l'eut jeté du haut d'une falaise.
- ... acceptons les termes selon lesquels tous les pouvoirs régaliens des autorités légitimement élues vous sont octroyées et... et les différents Constitutions suspendues au profit de la charge de Haut Chancelier d'Europe qui vous est offerte...La suite du discours parut lui arracher la gorge.
- ... avec toute la joie et toute la reconnaissance des peuples dont nous avions la charge.Il tendit le porte-document à Degaton qui descendit de son disque pour vérifier le nombre de signatures. Il tourna ensuite les documents vers la presse sous un déluge de flash photographique. Son sourire incarnait la jouissance absolue du pouvoir. Un sourire carnassier et satisfait, celui que le loup affiche face à sa proie, celui de la hyène devant un repas facile à consommer.
Un secrétaire qui se tenait en retrait invita chaque dirigeant à venir signer la nouvelle Constitution qu'avait faite rédiger l'immortel Vandal pour assurer la prise pleine et entière de ces territoires. Une constitution transformant chaque Nation en un état fédéré dirigé par un gouverneur et un secrétaire d'État sous la tutelle du Haut Chancelier aux pouvoirs étendus.
Lorsque la dernière signature fut immortalisée, Degaton se tourna vers les caméras dirigées d'une main de maître par ses propre "Enfants". Il écarta grand les bras.
" Peuples d'Europe,
" Vous avez fait le choix courageux d'affronter l'adversité et de vous doter d'un pouvoir qui puisse vous assurer protection, ordre et sécurité. Et c'est ce qu'il fera. C'est ce que j'aurais à coeur d'accomplir dans mon rôle de Haut Chancelier d'Europe. Je prends avec toute l'humilité et toute la gravité qu'implique votre choix, ce rôle, ses fonctions, ses pouvoirs et ses responsabilités.Il croisa alors les bras dans son dos, assurant sa stature devant des milliards d'yeux médusés.
" J'entends accomplir ce qu'aucun homme n'a jamais accompli. J'assurerai l'union de ces territoires qui se sont tant fait la Guerre. Je normaliserais les sociétés et leur offrirais d'heureux lendemains. Je protégerais tous les Hommes des monstruosités démoniaques, des Queen of Fable, des méta-humains hors de contrôle, des extraterrestres. Ici il n'y aura pas de Mosaïc, pas de QG d'une ligue étrangère, pas de place pour des policiers galactiques qui n'ont rien de nos us et coutumes ! Il n'y aura que l'Humanité triomphante qui avancera et progressera ! Une Humanité libérée et régénérée !
" J'entends déjà les sinistres échos des couteaux de nos ennemis qui se préparent, de crainte de voir leur échapper tant de nobles terres. Mais je vois clair dans leurs regards inquiets. Ils viendront pour faire régner non pas la justice dont ils se parent mais l'injustice dont il voudrait faire perdurer les spectres. Oui, je vois les hordes de monstruosités fourbir leurs complots pour mettre à bas la grandeur que ce continent veut regagner.
" Ils nous noieront des pires sobriquets, des plus infâmes insultes, invoquant les fantômes du passé. Ils pourront nous traiter de "brutes", de "tortionnaires", de "monstres", mais rien ne rachètera jamais leur propre arrogance, leur pathétique propension à prôner la liberté et en même temps à la restreindre à leur vision des choses. Assurément ils se diront justes, mais ils ne seront à jamais que les bras armés d'une ingérence étrangère qui voit là s'échapper de ses mains un pré-carré d'influence. Des enfants qui refusent de lâcher leurs jouets. Rien de plus.
" Qu'ils soient des ligues, des associations, des francs-tireurs, ils sont tous endoctrinés, embrigadés par une propagande qui tient à se dédouaner des monstres qu'elle a créés. Vous verrez, ils s'uniront, ils interviendront et dans leur folie destructrice tenteront tout pour vous empêcher de survivre à Luthor, aux Lantern et aux futurs Darkseid.
" En vérité je vous le dis, peuples d'Europe ; citoyens de ce grand et beau continent, je n'accepte pas ces méthodes ordurières, ces menaces pour l'ordre qui auront tout pour profiter aux ennemis galactiques qui nous menacent. Je n'accepte pas de savoir que les efforts qui seront fait pour vous protéger puissent être mis en défaut par l'orgueil déplacé de quelques autoproclamés justiciers qui font face à leurs propres échecs, à leur propre faiblesse et à l'inanité de leur combat clinquant !
" Des brigands. Des criminels. Voilà ce qu'ils sont ! Voilà ce qu'ils montreront à notre territoire souverain. N'ont-ils pas déjà tiré le premier coup de semonce ? A travers la voix hypocrite de Ray Palmer alias Atom, ils ont déjà annoncé qu'ils mèneraient les Nations du Monde à la Guerre au nom de leurs idéaux totalitaires. Mais je suis là !
" Ils ne sont rien ! Quantité négligeable face à la population qui s'unit sous la bannière de ce nouvel ordre, j'invite tous les pays, toutes les Nations, tous les peuples qui se retrouvent dans ce juste combat qui est le notre à nous rejoindre et à combattre l'hydre méta-humaine qui se pare des oripeaux de la Justice.
" L'Europe ne tremblera pas face aux barbares ! Elle tiendra face à tous ceux qui oseront rejoindre cette croisade anti-humaine ! J'arpente le temps depuis bien avant que certains s'en croient les maîtres et continuerais de le faire pour la Gloire de ce continent !
" Peuple d'Europe, rassurez-vous, unissez-vous. A partir d'autjourd'hui, vous n'avez plus à vous soucier de rien... je m'occupe désormais de tout..."
Et les hommes installés stratégiquement dans l'assistance applaudirent à tout rompre. Le fasciste se parait des vêtements souillés de la liberté pour mieux l'étrangler et dans un retournement indigne reprenait les armes et les armures de ses ennemis pour mieux les combattre.
***
Quelques heures avant la cérémonie, Vandal et Degaton organisait la répartition de leurs lieutenants et les cibles prioritaires à l'occupation.
- Tu as donc choisi tous les gouverneurs. Bien, il ne me reste qu'à leur choisir des secrétaires d'Etat à mon service, lança l'immortel en parcourant la liste de Degaton.
Je suis cependant surpris. Pas un seul Nazi en reconversion ?Le futur Haut Chancelier eut un ricanement en surlignant le nom de villes qui s'étalaient sur une carte de l'Europe.
- Pour avoir des gamins peroxydés qui réclament le retour de leur Führer ? Merci bien j'aurais assez de travail comme cela. Mes Enfants de Degaton sont un vivier de talents beaucoup plus fiables et ils préfèrent saluer ma lettre qu'une croix.Vandal fit un mouvement de bouche pour saluer cette annonce.
- Quel changement. Mais je ne m'en plaindrais pas, c'est une sage stratégie, c'aurait été une information qui aurait pu te coûter cher, commenta Savage en inscrivant le nom des hommes de confiance qu'il installait dans les différents gouvernements.
Tu n'en as même pas gardé dans ton état-major ? Ils t'ont pourtant bien aidé pour l'attaque de Bruxelles.Degaton releva la tête avec une mine dégoûtée.
- Et quelle réussite... Il m'en reste encore en 1809, mais... ils deviennent gênant, ils s'interrogent sans cesse sur leur Reich millénaire, et sur le retour d'Adolf. Comme si j'allais m'encombrer avec lui...- Bien dit. Pas de regret ? Tu leurs prépares donc une retraite ? Quel coin du monde ? - Oh, ils m'ont été utiles lorsque je n'avais pas d'armée, des cadres à former et des recrues à obtenir. Maintenant ils sont une gêne, les Enfants tournent bien, j'ai des cellules plutôt correctes aux Etats-Unis et avec le Chong Mai je dispose d'un encadrement militaire suffisant pour tenir des régiments entiers. Quant à leur retraire, elle se fera de façon... traditionnelle, répondit-il avec un sourire affreux.
Vandal hocha positivement de la tête.
- Les longs couteaux s'aiguisent ? Parfait, ils me gênaient aussi. Tien, voici ta liste.Il lui tendit le document que Per lut négligemment et plia dans sa veste.
- Il ne te reste plus mon cher Vandal qu'à préparer publiquement ton successeur au trône du Chong Mai pour se récriminer du choix désastreux de l'Europe.- Oui, prépare-toi à un verbe acrimonieux mais pas trop, le prévint l'immortel avec un large sourire.
mon secrétaire pouvait écrire un message haineux sans retenue, je crois qu'il s'y est donné à coeur joie. Je vais le censurer un peu pour ne pas trop égratigner ta jeune image.Le tyran se leva de son siège en tirant les pans de sa veste.
- L'on m'a déjà donné bien des qualificatifs, mais cela fait longtemps que l'on ne m'a plus accolé celui de "jeune".Et les deux hommes qui se partageaient le pouvoir sur des millions d'hommes de se quitter dans un éclat de rire où résonnait la fraternité du mal.
Et l'Europe allait en trembler...
***
Dans les capitales du monde, des groupes d'individus à brassards installèrent d'étranges dispositifs. Au même moment, de nombreux véhicules acheminèrent les différents gouverneurs vers les centre de pouvoir pour en récupérer les clefs. Sous les photographes d'une propagande en devenir, ils souriaient dans leurs tenues noires, saluant chaque passation d'un "Gloire au Haut Chancelier", une triste litanie dont le continent allait devoir s'accommoder.
Quelques heures après la cérémonie de Westminster, les observateur du flux temporel purent s'effarer d'observer la tempête qui s'y déchaîna. De béantes failles bleutées balafrèrent les capitales du monde, et Degaton y fit défiler la même armée, comme pour mieux montrer sa maîtrise des flux temporels et faire étalage de sa puissance. Pour mieux choquer le monde et ses nouveaux sujets et s'assurer de leur calme pendant que ses troupes gangrénaient lentement le continent. L'heure allait être au remplacement de la bureaucratie par une autre bureaucratie. Les tribunaux allaient être bridés, la police débridée, les armées seraient réformées.
Cependant, déjà des peuples annonçaient leur volonté de tenir face à l'envahisseur et de premières bombes accueillirent les gouverneurs d'Estonie, d'Irlande, de Suisse et de République Tchèque. Des territoires qui entendaient inspirer et appeler à une résistance implacable. Hélas pour eux, il n'y eu pas encore de mort chez les cadres du Haut Chancelier leurs réponses, cependant, serait terrible...
[HRP]
Et voilà qui introduit l'Arc narratif "European Crisis", qui s'inclut dans YoE et qui concrétise les sombres manoeuvres de la SSE en Europe.
Le continent est donc désormais sous la férule du Haut Chancelier Degaton qui co-dirige avec Vandal - lui depuis le Chong Mai - les gouvernements Européens.
Les forces publiques sont entre les mains de gouvernements criminels mais heureusement des résistances balbutiantes sont présentes, attendant leur heure et leur égérie pour devenir de véritables forces d'oppositions face au règne de terreur qui s'annonce.
Le continent en terme de zone RP reste
entièrement ouvert aux RPs (le but de ce contexte n'étant pas de bloquer la zone, bien au contraire), si ce n'est qu'il faut prendre en compte la situation politique. Des histoires et des enquêtes autour de ce contexte seront proposées, une zone de question/réponse sera ouverte pour clarifier les éléments liés à cet évènement.
J'espère que ce qui vous attend vous plaira !
Ce sujet est ouvert aux réactions.
[/HRP]