« Visite guidée » ft. Jonathan S. Kent

Voilà plusieurs mois que Jon n’était pas venu à San Francisco. La dernière fois qu’il avait été de passage, la tour des titans était encore debout, et il était venu en tant que Superboy… Pas en tant que Jon Kent, privé de sortie et de pouvoir, et devant suivre sa mère à travers le pays lors de ses déplacements professionnels. Boudeur, traînant des pieds, il tenait néanmoins la main de sa mère alors qu’ils avançaient pour rejoindre la tour de la Young Justice. La seule chose positive dans toute cette histoire.

Il fallait dire que le jeune Kent avait la mauvaise tendance à désobéir à ses parents dernièrement, ignorant le couvre-feu, ou partant tout simplement dans d’autres villes sans prévenir personne. Ni une, ni deux, les sanctions avaient fini par tomber, et pour être certaine qu’elles soient respectées, Lois avait décidé d’amener son fils avec elle lors de son déplacement professionnel de plusieurs jours, là où d’habitude elle l’aurait laissé à la maison. Son père étant occupé avec quelques menaces planétaire, les choix avaient été soit d’amener Jon avec elle, soit le laisser à la ferme de ses grands-parents pour les vacances. Après avoir appris que le nouveau QG de la Young Justice était dans la ville où se rendait sa mère, Jon avait finalement insisté pour venir avec elle, avant de l’harceler une fois sur place pour qu’elle accepte de le laisser une après-midi avec le leader de ce nouveau groupe, Tim. Après d’âpres négociations qui comprirent quelques corvée supplémentaire et la promesse de respecter le couvre-feu pour le mois à venir, Jon eut gain de cause et sauta de joie si fort qu’il eut presque l’impression de voler.

Voilà comment il s’était retrouvé dans cet ascenseur, tout sourire, impatient comme jamais, aux côtés de Tim Drake. Pour l’occasion il avait même enfilé son costume – uniforme disait Damian – de superboy, comme le meilleur des fanboys, ayant rangé sa chemise, sa casquette et ses lunettes dans son sac à dos. Tandis qu’ils montaient, son esprit fertile imaginait déjà ce que pouvait renfermer chacun des étages du QG qu’il n’avait pas encore visité. Est-ce qu’ils avaient un étage piscine ? Est-ce que ici aussi, il y avait un dinosaure géant ? Avaient-ils pensé à installer un super toboggan à travers les étages pour descendre plus vite ? Tant de questions qui brûlaient les lèvres du petit garçon, mais qui n’eurent pas le temps de sortir, Tim étant soudainement très préoccupé par son téléphone. Le remarquant, Jon resta en retrait, jusqu’à ce qu’ils arrivent à l’étage sélectionné.

A peine arrivés ils furent accueillis par un chien qui sauta immédiatement sur son maître avec joie, avant de saluer Jon, qui rigola en évitant les léchouille de l’animal. Floki. Il s’appelait Floki, Jon l’avait bien retenu, tout comme il se rappelait que l’homme présent dans la pièce s’appelait… Joey ? Quand Jon était arrivé à la plage, ils n’avaient pas vraiment pu discuter, mais les autres personnes présentes avaient tout de même fait les présentations.
Tandis que ses aînés semblaient discuter de la garde de Jon - enfin, "discuter". Tim parlait, oui, mais pas Joey qui était étrangement silencieux, était-ce la faute de Jon ? – Jon les laissa faire en jouant avec le chien qui semblait très enthousiaste à l’idée qu’on s’amuse avec lui. Il lui faisait un peu penser à Krypto, sans super-cape, bien sûr.

Les échanges semblent houleux, mais Jon s’étonne surtout du manque de réponse. Est-ce que Joey parlent par télépathie ? Cela pourrait être le cas, après tout, il ne connaît pas les capacités des membres de la Young Justice et ne peux qu'imaginer leurs différents pouvoirs, son imagination n’étant pas en reste pour ça. Finalement, Tim se retourne vers Jon, lui assurant qu’il sera de retour rapidement, dans quelques heures tout au plus, faisant hocher de la tête le petit garçon qui lui sourit, un peu déçu de le voir partir mais tout de même content d’être là. « A tout à l’heure, bon courage avec les méchants ! » Oui, les méchants, parce que Jon aimait imaginer que les problèmes étaient le plus souvent des problèmes de méchants qu’il fallait arrêter parce qu’ils étaient des héros. Quoi d’autre, sinon ? Non, les trains qui déraillent, les astéroïdes qui foncent sur la terre, et les chats coincés aux arbres, ça ne compte pas.

Le voilà seul avec Joey, après que ce dernier ait fait quelques gestes envers Tim que Jon ne connaissait, ni ne comprenait. Les insultes n’étaient pas quelque chose qui faisaient pleinement partie de sa vie, surtout en langue des signes, et vu qu’il se faisait gronder lorsqu’il jurait, Jon n’était pas un expert en langage fleurit… En revanche, une chose était certaine : Joey n’était pas très satisfait de se retrouver en charge du colis "superboy", et ce dernier était donc un peu gêné de se retrouver ainsi imposé à quelqu’un. Ce n’était pas vraiment comme ça qu’il avait imaginé sa journée.

Ne sachant pas trop où se mettre, Jon hésite, passe d’un pied à l’autre, tandis que Floki continue à lui tourner autour, heureux de cette nouvelle personne dans son environnement. Se raclant la gorge, il hésite, balbutie, mais s’élance avec tout son courage « Heu, alors… Vous parliez de cookies ? Tu fais des cookies ? » Heureusement, sa gourmandise finit toujours par le rattraper, et rapidement, l’impatience et la curiosité du petit garçon reprend le pas, tandis qu’il avance vers son nouveau chaperon, posant son sac à dos près du canapé en regardant son aîné avec des yeux pleins d’espoirs. Il est dans une tour de super-héros, habillé en super-héros, forcément, il est surexcité, il en trépigne même. « Vous avez une cuisine ? Un étage cuisine ? Et un étage piscine ? Ou un étage piscine à boule ? Oh je sais, un étage cinéma ! Vous avez une machine à pop-corn ? Il vous faut une machine à pop-corn. » Si un jour Jon a une super-tour de héros rien qu’à lui, il y mettra une machine à barba-papa et un stand de nouille asiatique…

Le silence était quelque chose que Jon avait vite appris à combler depuis qu’il était ami avec Damian. Certes, il n’aimait pas parler seul, mais il était capable de relancer la conversation un nombre important de fois, et ce, même si son interlocuteur ne semblait pas réceptif. Ici, Jon n’aurait pas vraiment dit que Joey n’était pas réceptif à ses paroles, mais plutôt… Plutôt qu’il était clairement occupé à autre chose. Puis soudainement, le voilà qu’il trouve enfin ce qu’il cherche : son téléphone. Il pianote un instant dessus et… Et une voix artificielle se fait alors entendre, parlant à sa place ? Jon ne peut s’empêcher de lancer un « Wouah » admiratif, alors qu’il cesse de jouer avec le chiot pour approche de la table, regardant le téléphone parlant. Comment est-ce possible ? Et comment est-ce que ça marche ? Jon n’a jamais été un féru de technologie – à moins qu’elle soit alien et dans la forteresse de solitude - mais il faut avouer que le téléphone parlant à sa place, ça a de quoi intéresser.

Cependant, Jon s’y désintéresse quelques instants, alors que son attention est appelée ailleurs, et plus particulièrement dans la cuisine juste à coté. Bon, cela veut sûrement dire qu’ils n’ont pas d’étage cuisine. Jon est un peu déçu, jusqu’à ce qu’on lui présente une boite de cookies qui fait briller ses yeux de convoitises. Sans plus attendre, le voilà qui monte sur une des chaises haute, faisant balancer ses pieds dans le vide tandis qu’il ouvre la boite et en sort un cookie, remerciant bien sûr son nouveau guide avant d’en prendre une bouchée. « Ils sont très bons ! Tu cuisines super bien. Moi aussi j’cuisine, en fait le vendredi soir, c’est à moi de faire à manger. La dernière fois, j’ai fait des macaronis au fromage. » Raconte-t-il, assez fier, mine de rien. Pour essayer de le responsabiliser un maximum, tout en lui apprenant de bonnes choses, ses parents lui ont très vite appris à s’impliquer dans la vie de famille, aussi bien avant, quand il travaillait dans la ferme familiale, que désormais qu’ils sont en ville, en participant au ménage ou la cuisine. Même si certains jours, Jon se plaint de toutes ses "corvées", il sait au fond que c’est une bonne chose, et se sent souvent flatté d’être ainsi sollicité par ses parents.

Y a pas à dire, les biscuits maisons, c’est autre chose. Avant, quand ils vivaient encore à la campagne, sa mère faisait souvent des gâteaux, le mercredi était même devenu le jour de "la tarte aux pommes et de la crème glacée" !... Mais les choses avaient changé depuis leur retour à Metropolis. Tout le monde était si occupé… La bonne nouvelle, c’est que grâce à ça, ils mangeaient plus souvent des nouilles du traiteur asiatique en bas, et Jon pouvait souvent sortir en douce sans que personne ne le sache. La mauvaise, c’est que ses parents lui manquaient. Probablement, était-ce aussi pour cela, qu’il avait décidé de suivre sa mère à travers le pays, voulant profiter un peu d'elle malgré son travail.

Bien vite, l’affaire du téléphone parlant revient sur l’avant de la scène alors que Joey reprend la parole, son téléphone, au loin, traduisant ses paroles, faisant se pencher Jon en arrière pour qu’il puisse voir la table basse sur laquelle a été laissé le merveilleux outil. Comment est-ce que ça peut bien marcher, ce truc ? Jon est si intrigué, qu’il en oublierait presque d’écouter. Heureusement, après un petit temps de latence, les paroles finissent par arriver à son cerveau, le faisant réagir tandis qu’il finit son premier cookie, en attrapant un autre au passage. Y a bien une piscine ! Dommage qu’il n’ait pas amené de maillot de bain sous sa tenue de super-héros, il aurait du prévoir cette éventualité. Tant pis, pense-t-il, la prochaine fois, il le mettra dans son sac à dos, car bien sûr, il avait bien l’intention de revenir squatter ici, maintenant qu’il avait été introduit… Une tour de jeunes super-héros, c'est le pied, non?

Rapidement, le sujet dévie, alors que Joey s’interroge sur la petite graine de héros qui mange des biscuits assis à côté de lui. Devant ses questions, Jon relève un peu la tête, bombant son petit torse très peu musclé mais marqué d'un «S», avant d’essuyer les miettes de gâteaux autour de sa bouche pour essayer d’être pris au sérieux. Sa gourmandise le perdra. « J’ai presque 11 ans. » Dit-il comme pour justifier son très jeune âge, sans que cela ne soit vraiment efficace. Il est jeune, très jeune, ne nous le cachons pas. « Da… Robin a commencé à être Robin jeune aussi! » Bien sûr, sa maman lui disait souvent, quand il utilisait cet argument, que le père de Damian n’était pas une référence niveau éducation et se déguisait en chauve-souris la nuit, mais Jon ne pouvait s’empêcher de se comparer au fils de Batman, allez savoir pourquoi… « Et j’suis p’tet jeune, mais j’suis super capable ! Puis papa et maman me laissent faire des patrouilles maintenant, à condition que j’y aille pas seul. Parfois, papa m’amène même avec lui. J’ai pas encore arrêté de super-vilains seul, mais ça va pas tarder, tu verras ! » Dit-il avec une certaine fierté, finissant de mâcher son cookie pour arrêter de parler la bouche pleine.

Rejoindre un groupe ? Est-ce que cela voulait dire qu’il allait être recruté par la Young Justice ? La vraie question était de savoir si c'était à Jon de dire oui, ou si c'était à ses parents de le faire… Laissant quelques secondes de silence tandis qu'il essaie de trouver une solution à se problème, il reprend néanmoins, l’air intrigué, mais surtout plein d’espoir en repensant aux dernières paroles de son guide. « Tu dis ça parce que vous avez parlé de me recruter ? La Young Justice va me demander de les rejoindre ? Vous avez deja voté ? Tu crois que j’aurais une chambre ? Vous avez des étages chambres ? J'pourrai amener Krypto pour jouer avec Floki? » En vrai, Jon ne pouvait pas le nier, il avait très envie de rejoindre un groupe de super-héros. Avant, il rêvait de se faire recruter par les teen titans, mais ça ne s’était jamais fait, et il savait que son âge était autant une barrière que ses parents. Il n’était encore qu’un enfant, le nier était inutile, et malgré ses gênes kryptoniennes, beaucoup se sentaient trop responsable de lui, surement à raison. Jon était voué à faire de grandes choses, des choses incroyables… Mais pas maintenant.
Certes, Jon ne pouvait pas nier qu’il n’était peut-être pas encore aussi fort et aussi brave que son père, et c’est vrai qu’il n’avait pas subi un entraînement draconien depuis l’enfance comme Damian, mais il savait quel était son héritage, et tout ce qu’il voulait, c’était s’en montrer digne, désormais. Si ce « S » sur sa poitrine était une fierté, il devenait aussi de plus en plus lourd à porter, au fils des mois.
Si seulement il avait quelques années de plus, pensa-t-il avec frustration. Juste quelques années de plus...

En vérité, n’était jamais réellement affamé, mangeant suffisamment… Sans pour autant être réellement repu. Mettons ça sur le coté kryptonien, ou les poussés de croissances, mais il avait un appétit pouvant venir à bout de toutes les réserves de gâteaux du pays, et cette boite de cookie maison n’allait pas lui résister bien longtemps. Dès qu’il en finissait un, il ne fallait pas plus de quelques secondes avant qu’un deuxième n’apparaisse dans ses mains. Dans ces conditions, il n’était pas difficile de comprendre pourquoi sa mère essayait de limiter son apport de sucre journalier…
Pour autant, cela ne le dérangeait pas le moins du monde de partager, et à vrai dire, Jon était même content de voir que son nouveau guide semblait s’alléger, allant même jusqu’à prendre un cookie, lui aussi, craquant face à l’appel du sucre. Face à cela, Jon ne put s’empêcher de sourire, tout content, comme si c’était ses propres cookies qu’il le voyait manger…

Ainsi, Joey ne faisait pas partie des jeunes justiciers à proprement parler. L’idée qu’il y est des touristes justicier fit ouvrir en grand les yeux du petit Jon, mais après quelques instants, il haussa des épaules et accepta l’idée, se disant que c’était peut-être une bonne place. Après tout, lui aussi avait bien aidé à quelques occasions les titans - avant qu’ils ne soient plus - sans pour autant faire partie du groupe. Cela avait-il aussi fait de lui un touriste héroïque ? Il faudra qu’il en parle avec Damian, un jour, même si comment souvent, cela allait probablement se résumer à de longs monologues de Jon dans le vide…

« Je m’entraîne déjà avec papa, quand il a le temps... » Ce qu’il n’a pas souvent, ne nous mentons pas. Sauver le monde et élever un enfant sont deux choses qui demandent beaucoup de temps, et Superman appartient au monde, avant sa famille. Si Lois l’avait bien accepté et avait probablement consenti à ce sacrifice bien avant la naissance du petit Jon, ce dernier avait un peu plus de mal à partager son papa avec une terre continuellement en détresse. Entendons nous bien, il était très fier d’être le fils de superman et d’avoir un papa aussi héroïque, mais certaines fois, certains jour, il aurait préféré avoir un peu plus un papa et un peu moins un héro à ses cotés… « Mais j’présume que s’entraîner avec d’autres héros ce sera déjà bien... » Sa voix un peu boudeuse ne cache rien de sa déception de savoir qu’il ne sera pas recruté, même si au fond, il s’en doutait. Bien sûr, il y avait les supersons dont il faisait partie, mais à cet instant, le petit groupe qu’il formait avec le fils de Batman lui donnait une impression d’être un lot de consolation. Un groupe pour donner le change, puisqu’il était trop jeune pour tous les autres.

Une chambre ? L’idée d’avoir une chambre ailleurs que chez lui ou chez ses grands-parents donna à Jon une impression d’indépendance qui raviva son intérêt. N’est-ce pas presque faire partie du groupe, que d’avoir une chambre chez eux ? Bon, ce n’était pas des chambres étages, dommage, mais si Krypto pouvait venir, ça donnait de plus en plus l’impression d’avoir des sortes de vacances avec d’autres héros. « Trop cool… » Sa voix se fit rêveuse, alors qu’il essayait d’imaginer à quoi ressemblerait sa futur chambre, oblitérant totalement le fait qu’il devrait demander l’autorisation à ses parents avant d’aménager, ce qui n’était pas une chose gagnée d’avance.
Sur beaucoup de points son père et sa mère étaient très souples et très modernes comme parents, mais sur d’autres, il était difficile de négocier quoi que ce soit, et la vie de héros était justement un point sensible. Jon était encore un enfant, et à ce titre, il n’avait pas encore les mêmes libertés qu’un adolescent… C’était frustrant pour lui, d’autant plus qu’il côtoyait principalement des adolescents ce qui ne faisait qu’accentuer cette impression d’injustice, mais puisqu’il n’y avait rien à y faire, Jon c’était fait une raison. Dans deux trois ans, peut-être que les choses changerons…

Sans surprise, Jon fut quelque peu piqué quand Joey lui fit remarquer qu’il était jeune, peut-être un peu trop pour s’occuper seul d’un super-vilain. Relevant la tête, sa bouche - couverte de miette de gâteaux – ouverte dans un "o" parfait et outré, il pinça un peu ses lèvres en reprenant, la voix partant légèrement dans les aiguës. « He ! Faut pas croire, je suis super fort ! Regarde ! » Sans plus tarder, et désireux de montrer toutes ses capacités, il se leva de sa chaise avec un petit bon, pour attraper celle sur laquelle était assis Joey, avant de la soulever d'une main, oubliant que le jeune homme était accoudé à la table de la cuisine… Il était trop fier de montrer ses super-pouvoirs pour penser qu’il le dérangeait sûrement. « J’ai déjà empêché un train de dérailler tout seul. Bon, papa était à coté, mais c’est moi qui ai tout fait. Et j’peux faire plein d’autres trucs comme ça.» Finit-il en reposant doucement, bien que de façon un peu malhabile, la chaise de Joseph et ce dernier posé dessus.

Non, Jon ne voyait pas en quoi il n’était pas prêt, en quoi son inexpérience, sa jeunesse et sa candeur faisait de lui un agneau jeté aux loups. Tout ce qu’il voyait c’était qu’il était fort, plein de super-pouvoirs, et qu’il ne voyait pas comment, avec tant de super capacités qui faisaient de lui un surhomme comme son papa et modèle, il ne pourrait pas venir à bout de toutes les menaces de la terre, ou aider son père qu’importe l’ennemi qu’il affronterait. « La dernière fois j’ai p’tet du appeler de l’aide, parce que la forteresse était attaqué par un super-méchant-de-l’espace-destructeur-de-monde, mais la prochaine fois que papa à des problèmes, j’compte bien l’aider moi-même : j’m’entraine pour être prêt pour quand ça arrivera. »

Oui. Jon était si ignorant de tellement de chose que cela aurait pu être touchant, s’il ne commençait pas à mettre les pieds dans un monde hostile et plein de danger...

Quelque chose ne va pas. Jon le comprend aisément, et dans un premier temps, il pense que c’est entièrement de sa faute. Il n’aurait pas dû soulever sa chaise ainsi, sans crier gare, Joey était tombé et maintenant, il lui en voulait probablement… Mais il y avait autre chose, et avant que Jon n’ait le temps de s’excuser, quelque chose se passa.
La scène qui suivit, le garçon ne la compris pas complètement, alors que Joey semblait étrange. Pourquoi lui demandait-il de la fermer, alors que Jon ne disait rien ? Après s’être fait la réflexion que ce n’était pas très poli, le garçon se demanda cependant si les paroles étaient bien pour lui. Personne ne parlait, ici, ce qui laissa le petit garçon dans le désarroi. Il ne comprenait pas. Il se passait quelque chose, il en était certain… Mais il n’avait pas les clés pour comprendre quoi. Comment aurait-il pu deviner la présence du démon ?

Joey se précipite vers sa boite de médicament, et Jon le regarde faire, interdit. Sa tête semble le faire souffrir, à voir la façon dont il l’agrippe, est-ce que c’est là-dedans que tout se passe ? Jon fronce les sourcils, continue d’essayer de comprendre ce qu’il voit, en vain, restant légèrement en retrait, alors que la scène se déroule sous ses yeux. Bien sûr, ce qu’il ne comprend pas lui fait un peu peur, mais surtout, il se sent coupable. Il a mal agi, et voilà le résultat. Il n’aurait pas dû vouloir faire étalage de sa force, tout ça était probablement de sa faute. Voilà pourquoi il n’était pas encore un vrai héros…

Après quelques instants, Joey semble retrouver un semblant de calme, alors qu’il se retourne vers le plus jeune. Jon pince un peu ses lèvres tandis que son interlocuteur essaie probablement de le rassurer en lui disant qu’il n’a rien fait de mal, mais Jon n’y croit pas. Il baisse un peu la tête, regardant ses pieds tandis que ses mains se triturent l’une l’autre, hochant piteusement de la tête. Non, il n’aurait probablement pas dû voir ça, mais c’est trop tard, désormais. Le mal est fait, et il lui faudra des réponses, à un moment ou à un autre.

« Je suis désolé... » Marmonne-t-il d’une petite voix, alors qu’il avance, la tête toujours baissée, vers Joey avant de s’arrêter, prudent. Il a déjà assez fait comme cela, et le fait de ne pas savoir ce qui vient de se passer le laisse prudent, inquiet. Pas pour lui, mais pour Joey . « J’voulais pas t’faire de mal, j’te promets. J’aurais pas dû faire ça, pardon. » Ses yeux restent baissés sur le sol, sur ses chaussures, alors qu’il se sent coupable, et mal. Bien sûr, il a eu un peu peur, aussi, parce qu’il ne comprend pas ce qu’il vient de se passer, parce qu’il ne sait rien de la lutte mentale que vient de vivre Joey, mais Jon est un petit garçon courageux, alors il garde cela pour lui. Il ne veut pas montrer sa peur, de crainte de faire encore plus de mal à son aîné. Parfois, il faut savoir être fort non pas pour soi, mais pour ceux qui nous entourent.

Après quelques secondes, la tête toujours baissée, Jon ose relever les yeux quelques instants, hésitant, mais curieux. Il aimerait savoir. Il passe d’un pied à l’autre, hésite, puis finalement ne tient plus. Il sait que ce n’est pas poli de demander, qu’il ne devrait pas le faire… Mais c’est plus fort que lui. Il doit savoir. « Est-ce que, tu... Vas bien? »

Jon savait, plus ou moins, que la vie de héros n’était pas simple. Il y avait des conséquences, et parfois, des répercussions. Son père avait bien disparu dans le multivers pendant un temps, après tout. Il y avait aussi des blessures, pas seulement physique, mais souvent psychique. Être un héros demandait de l’abnégation, des sacrifices pour permettre à d’autres de ne pas avoir à les faire, et souvent, cela laissait des marques. Il y avait des séquelles qui restaient, des blessures qui ne pouvaient tout simplement pas se refermer. Le mal dont souffrait Joey était de ceux-là, de ce qu’on ne peut pas guérir, juste soigner en espérant que le temps arrange les choses.
« Un démon... » Dit Jon, pensif, comme si un être démoniaque semblait trop abstrait pour qu’il n’arrive à l’imaginer autrement que tout en rouge, avec des cornes et une queue fourchue (ainsi qu’un petit bouc et une moustache recourbée, il va sans dire). L’idée que quelqu’un puisse avoir quelque chose de la sorte dans le corps lui semblait étrange. Jon essaya bien d’imaginer la chose, mais la seule imagine qui lui vint fut celles que la pop-culture avait mis dans sa tête, à savoir un alien sortant d’un corps en explosant le thorax de son occupant. Est-ce que cela marchait pareil avec les démons ? Est-ce que si Joey arrêtait de prendre ses médicaments, la chose en lui allait sortir dans une gerbe d’intestins? L’image fut si atroce que Jon resta un instant, interdit, une vive grimace au visage.
Secouant sa tête pour retirer l’image de son esprit, il se reprit néanmoins.

« Je n’ai pas peur. » Étrangement, Jon était sincère. Jusqu’à maintenant, il n’avait jamais été réellement confronté à la magie ou aux démons, ignorant par conséquent sa faiblesse à tout ce qui retournait du magique. De toute façon, quand bien même il l’aurait su, cela ne l’aurait pas empêché de se montrer brave face au danger, qu’importe la peur.. « Enfin, j’veux dire ouais, c’est bizarre et.. Franchement inquiétant de savoir que t’as un truc en toi, mais eh… On est des héros, nan ? » Sautant de haut du rebord de la table où il avait été assis, Jon se remis sur ses pieds, avant de poser ses poings sur ses hanches, un sourire confiant au visage. Le "S" sur son torse ressortait bien plus avec cette pose, et Jon comprenait pourquoi son papa la prenait tout le temps. Finalement, il avait bien fait de mettre son costume de super-héros, aujourd’hui. « On saura l’arrêter s’il le faut. Alors je n’ai pas peur. Et toi non plus, tu n’as pas à avoir peur. Ok ? » La désarmante franchise d’un enfant pour qui l’héroïsme était le remède à tous les maux de la terre, et pour qui tout était possible, pour peu qu’on ne cesse jamais d’y croire.
Rien au monde ne saurait éteindre la flamme d’espoir brillante qui brûlait dans le cœur de ce héros en devenir…

« C’est pour ça que tu es ici ? À la tour, je veux ?» Demanda-t-il tandis que ses yeux faisaient le tour de la pièce, comme pour la scanner. Jon avait entendu quand Joey avait signalé ne pas être membre de la Young Justice, et maintenant, il commençait à comprendre pourquoi. En parlant de tour… « D’ailleurs, tu m’montres les autres étages ? J’veux voir l’étage piscine ! » Dit-il, son enthousiasme reprenant doucement sa place, comme si toute cette scène était déjà l’affaire d’un lointain passé. Ne vous y trompez, pas, Jon n’avait pas oublié la gravité de la situation, mais il essayait, à sa façon, de trouver quelque chose pour la chasser de l’air, essayant comme il pouvait de faire se changer les idées, ainsi que les humeurs…

Cette histoire de démon était étrange, inhabituelle, oui, mais Jon la croyait. Pourquoi remettre en doute une histoire pareille quand son propre père vient d’une planète lointaine et disparue, et qu’on affronte jour après jour des menaces plus étranges les unes que les autres ? Certes, Jon était quelque peu naïf, et crédule qui plus est, mais cela ne rendait pas l’histoire qu’il venait d’entendre moins crédible. Les démons existaient, tout comme les anges. Jon y croyait, tout comme il croyait en l’existence d’un dieu, quelque part, ou de quelques choses semblable à Dieu…

Les voilà qui voyagent à travers les différents étages de la Young Justice, dont la salle d’entraînement que Jon regarde avec intérêt, bien qu’un peu inquiet à l’idée de s’y entraîner. Et s’il cassait quelque chose ? Si les événements d’y il y a quelques minutes avaient montré qu’il avait encore du mal à faire preuve d’habilité, ce n’était rien à côté de toutes les caractéristiques qui lui manquaient encore. Jon était un diamant brut : un potentiel énorme, jusqu’alors jamais vu, mais qui n’avait pas encore été taillé par les épreuves de la vie. Jon restait malhabile, jeune, et inexpérimenté. Beaucoup de choses qu’il entreprenait étaient mal faite, parfois justement parce qu’il essayait trop de bien faire… Et l’utilisation de sa force était dans ce cas-là, justement.
C’est difficile de garder le contrôle, quand on se doit de faire constamment attention à ne rien casser, à ne rien briser. Une simple seconde d’inattention suffisait parfois à faire d’énorme ravage, gâchant en un instant tous les efforts faits jusque-là...

« Je ne sais pas si c’est une très bonne idée. » Avoua-t-il d’une petite voix, alors que Joey lui fit savoir qu’il allait devoir grandement s’entraîner pour devenir un héros. Oui, il avait raison, Jon devait s’entraîner, mais garçon avait trop peur de mal faire ou de blesser quelqu’un pour cela. Sans son père à ses côtés, Jon se sentait comme un cycliste à qui on enlevait les petites roues pour la première fois. « Je ne veux pas casser des trucs. J’ai un peu d’argent de poche, mais j’suis pas sûr que ça suffise pour réparer quelque chose ici... » Sa réplique était tout à fait innocente et sincère. Jon aurait volontiers donné ses quelques dollars pour réparer l’équipement, mais ses économies ne représentaient même pas 1 % de la somme totale que coûtait chaque chose présente dans cette pièce, à n’en point douter…

Dans un sens, il fut soulagé quand leurs pieds quittèrent les lieux pour enfin arriver à l’étage piscine, que Jon regarda avec admiration et un peu d’impatience. Dommage qu’il n’ait pas amené son maillot de bain, il aurait volontiers essayé l’équipement aquatique de la tour. Jon ne réagit pas tout de suite, quand Joey posa ses deux mains sur ses épaules, et quand il comprit ce qu’il se tramait, il était trop tard : son corps commençait son inexorable chute vers la mer de la trahison. Ses yeux eurent le temps de s’ouvrir tout rond, comme des soucoupes, tandis que ses mains surveillèrent en super-vitesse que ses poches n’avaient rien d’électronique sur lui et…
Ce fut la chute de Superboy.

Plouf.

Bon, moyen plouf, parce que le jeune pré-adolescent avait pied, tout de même. Mais cela ne l’empêcha pas de finir trempé, alors qu’il passait sa main dans ses cheveux pour les enlever de son visage. « Trahison ! » Cria le petit garçon, outré, mais amusé, alors qu’il finissait d’enlever sa chevelure rebelle - mais mouillée - de devant ses yeux. « Il n’y peut y avoir qu’une seule sentence pour un acte aussi infâme ! » Soufflant sur la surface de l’eau avec son supersouffle, Jon fait lever une belle petite vague d’eau, qui, si elle n’était pas assez épaisse pour l’emporter, ne manqua pas de mouiller Joey de la tête au pied, faisant éclater de rire l’enfant dans l’eau, qui partit en arrière, nageant en faisant la planche malgré ses vêtements et ses chaussures. « Et toi, tu l’as vu venir ? » Demanda-t-il, un poil taquin, alors qu’il s’éloignait du bord.
Ah, au moins elle était vraiment bonne.

Jouer dans la piscine avait été amusant, assez pour que le temps passe, coulant agréablement sans que Jon ne s’en souci vraiment, s’amusant gaiement, jusqu’à ce que Joey mette un terme à ces jeux innocents, les faisant alors sortir de la piscine. Secouant ses cheveux comme le ferait un canidé, Jon envoya de l’eau partout avant de les plaquer en arrière, s’amusant alors de sa ressemblance assez logique avec superman. « T’as vu, on dirait papa en… Jeune quoi. » Dit-il en pouffant, se regardant dans une des vitres de la pièce un instant, faisant quelques répliques emblématiques de son père, avant de finalement suivre son ami aux étages supérieurs, retournant au petit salon d’où ils venaient.

« Oh t’en fais pas, je ne crains pas le froid. Enfin, seulement au pôle nord. Il fait vachement froid là-bas… » Fit savoir Jon en refusant l’offre de vêtements, prenant tout de même le temps de sécher ses vêtements pour ne pas mettre de l’eau partout. Les secouant à grande vitesse pour que le plus gros de l’eau contenu dedans s’en extraie, Jon trouva sa technique de séchage très efficace: ils étaient encore humides, mais le petit garçon le sentait à peine. S’il sentait les fluctuations de températures de façon plus précise qu’un humain, force était de constater qu’il était devenu beaucoup moins sensibles à ces dernières, surportant sans mal les brasiers ou les eaux glacées…

Remerciant Joey pour les cookies et le chocolat, Jon s’installa tout content devant la télé, posant une serviette sous lui pour que ses vêtements encore légèrement humides ne trempent pas le canapé sous eux. Si Joey semblait gêné par la situation, Jon pour sa part était innocemment tranquille, ne voyant rien ici de dérangeant ou de terrible. Tout était normal, absolument normal pour un petit garçon avec d’aussi formidables capacités. Est-ce ces mêmes capacités qui poussèrent Joey à complimenter Jon, lui assurant qu’il ferait un grand héros ? Jon n’en savait rien, mais cela le fit rire. « On le sera tous ! Toi, moi, et tous les autres. Parce qu’on fera de notre mieux, pas vrai ? » La sincérité de l’innocence, les rêves d'un enfant croyant sincérement en une bonté absolue, et innée.

L’arrivé de Tim mit cependant fin à ce petit instant de tranquillité, alors qu'il était de retour dans sa tenue de Batman, cette fois. Jon lâcha un « ooooh » admiratif, tout en se levant, joyeux et énergisé par le petit moment passé dans la piscine. « Trop bien ouais ! On a joué dans la piscine ! » Fit-il avant que Tim ne lui annonce que sa mère l’attendait en bas de la tour, ce qui raviva encore un peu plus la joie du petit garçon. Retrouver sa mère lui faisait grandement plaisir, a vrai dire elle lui avait manqué, et c'est maintenant qu'il s'appretait à retourner la voir qu'il s'en rendait compte.
Attrapant son sac de voyage, il fit une dernière accolade à Joey, prenant tout de même le temps d’échanger leurs numéros, lui promettant de prendre bientôt de ses nouvelles, avant de partir. Jusqu’à ce que les portes de l’ascenseur se referment, Jon lui fit au revoir de la main, lui souriant amicalement. Ils se connaissaient à peine, c’est vrai, mais Jon avait déjà hâte de le revoir, et de parler de son nouvel ami à ses parents.