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Conclusion (Ft. Batman)

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Conclusion (Ft. Batman) Dim 31 Mai 2020 - 17:30

Conclusion
Si on lui posait la question, Jason aurait été le premier à affirmer haut et fort que question esthétique, Gotham était de toute évidence en bas de l’échelle. Oh, et il n’aurait pas manqué de détails, car des exemples, il en avait en pagaille. Les ruelles sombres, les égouts qui débordaient fréquemment, et ces fichues gargouilles sur les ponts et plus vieux bâtiments de la ville ? Très peu pour lui. Et tout ça, c’était avant même qu’on ne lance sur le sujet de ses habitants, et là, il partait généralement sur une toute nouvelle tirade sur la laideur mentale des cafards qui vivaient à Gotham. Il faisait en sorte que ce soit facile de le croire, que ses adjectifs soient assez colorés et péjoratifs, qu’il soit assez bruyant et que son rejet de sa ville natale soit particulièrement violent, juste pour s’assurer que personne ne reste jusqu’à la fin de ses discours. Parce qu’après la pause finale, une fois qu’il aurait récupéré son souffle, Jason savait pertinemment ce qui viendrait, et ça, il préférait le garder pour lui-même.

Parce que sous le langage fleuri, le rejet et l’attitude patiemment sculptée de rebelle qu’il s’était construit au fil des années, il y avait un tout autre sentiment envers la ville qui l’avait vu naître. Il avait vu le jour dans le même hôpital que des centaines de milliers de gamins, et il avait été ramené dans le taudis qui servait d’appartement à ses parents dans le même genre de taxi que beaucoup de ces gosses. Les plus fortunés rentraient en limousine, en vieille Cadillac au pare-chocs parfaitement lustré, mais même eux étaient forcés de subir la même vue, la même architecture, le même ciel. La vérité était toute autre que celle que Jason aimait tant crier sur tous les toits, et la vérité, c’était qu’il aimait tellement cette foutue ville qu’il n’avait réussi à en rester loin trop longtemps.

Et, à cet instant-là, dans le silence des collines environnantes de Gotham, il pouvait en apprécier la beauté sans avoir à la cacher à qui que ce soit.

Spoiler:

L’aube n’était pas encore là, mais l’heure était suffisamment proche pour qu’on la devine dans l’horizon, dans léger éclaircissement du ciel nocturne. De là où il se tenait, adossé contre sa moto, Jason pouvait même voir les tâches de couleurs de certains néons dans les quartiers malfamés (comme s’il existait une partie de Gotham qui était bien-famée). Il aimait voir les différences d’architecture, l’histoire qui était si évidente dans ses rues, et bon sang, il aimait même tous ces stupides ponts censés aider pour le trafic quotidien mais qui ne faisait que rallonger certains trajets. Jason n’était pas particulièrement doué pour parler des choses qu’il aimait, pour la positivité et tout cet amas de conneries, mais, à voir sa ville natale briller si fort contre la nuit, il ne pouvait s’empêcher de se dire qu’il était peut-être temps d’apprendre.

Et la leçon numéro un arriverait peut-être plus tôt qu’il ne le croyait.

Il se redressa, s’écarta de sa moto et tendit ses bras au-dessus de sa tête pour s’étirer. Il avait demandé à Bruce de le rejoindre dès qu’il le pouvait, et il attendait maintenant depuis un peu moins de deux heures, mais il n’était pas irrité par son retard. Quand on portait les oreilles pointues de la chauve-souris, on avait souvent mieux à faire que conduire pour aller se perdre dans les collines. Et, surprise !, il le savait maintenant encore plus qu’avant. Il avait porté les dites oreilles un moment, après tout. Il s’était senti ridicule avec. Et, cette fois, ce n’était pas une façon de parler pour cacher une certaine vulnérabilité, non. Il avait sincèrement détesté ça. Mais il avait aussi promis.

Il se tourna vers le sac en papier kraft taché de graisse qu’il avait laissé sur le siège de sa moto. Les burgers qu’il avait achetés avant de venir étaient très certainement glacés maintenant, et en passe de retourner à leur état premier – c’est-à-dire quelque chose que personne de raisonnable n’essaierait de manger… jamais – mais ça ne lui semblait pas juste de s’en débarrasser. La bouffe de fast-food, les collines et la silhouette de Gotham contre l’horizon, tout ça faisait partie d’une inside joke entre lui et Bruce qui remontaient à ses premiers moments en tant que Robin. Ca avait en effet tout d’un moment intime et absolument rien d’une blague, mais… la sincérité et Jason, hein. Toujours la même histoire.

Il ne savait même pas encore ce qu’il voulait dire, ni même comment il allait le dire, mais il pouvait affirmer (presque) sans mentir qu’il savait que cette rencontre était nécessaire. Il en ressentait le besoin depuis un moment, maintenant. Et c’était toujours plus facile de se laisser aller à la sincérité quand on oscillait entre la nuit et l’aube, tout du moins, cela avait toujours été son cas. Il allait tester cette théorie.

« Eté ou pas, on se les pèle toujours dans ces foutues collines, » grommela-t-il.

Il se redressa malgré lui en entendant le bruit distant d’un moteur, et un léger sourire lui étira les lèvres.

Une des raisons qui faisaient qu’il aimait tant Gotham ? C’était la seule foutue ville à la surface de cette foutue planète où on pouvait entendre ce moteur-là – si on était chanceux.
Jason avait été bien plus chanceux qu’un bon nombre de gamins.


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Re: Conclusion (Ft. Batman) Mar 2 Juin 2020 - 10:35

Jason Todd attend, sur les collines de Gotham City.
Seul. Avec des burgers.
Dans le froid. Il attend ; longtemps. Très longtemps.

Sûrement trop longtemps.

Même si.
Même si sa patience est finalement récompensée… quand il entend. Quand il l’entend.

Le bruit. Ce bruit.
Si caractéristique. Si intense. Si puissant. Si… légendaire même, maintenant.

Le bruit d’un moteur. De son moteur.


Conclusion (Ft. Batman) Tenor

Le moteur du formidable véhicule qui gravit rapidement la route menant aux hauteurs de la colline.
Sans hésiter. Sans ralentir. Sans faillir.
Sans même être poussé à fond.

La Batmobile.
Mythique véhicule, très régulièrement changé. Très, très régulièrement.
Les hommes aiment leurs voitures ; le propriétaire n’est pas une exception. Pas pour cela, en tout cas.

Il arrive, alors. Il se rapproche.
De Jason.
Il quitte Gotham City – il laisse la ville derrière lui. Après une nuit d’aventures, d’action ; de réactions.

Une nuit troublée.
Comme le prouve le ciel, derrière lui.


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Son signal demeure dans les airs ; même si la crise est passée.
Gueule d’Argile a été vaincu.
Pisté, retrouvé, stoppé. Et remis à la police – mais le signal demeure.

Parce que James Gordon l’aime ainsi. Pour rappeler à tous qui veille, ici ; qui l’aide.
Qui les aide. Tous.

Lui, donc.
Le pilote de la Batmobile. Le rendez-vous nocturne de Jason Todd. La raison de sa présence ici.
Lui.
Qui arrive finalement aux hauteurs de la colline – et s’arrête. En faisant volontairement crisser les pneus, et en s’arrêtant à quelques centimètres de la moto du jeune homme.

Frimeur, pourrait-on dire ; hrm, répliquerait-il. Mais sans contester.
Hé, les hommes et leurs jouets, n’est-ce pas.


« Jason. »

L’habitacle de la Batmobile s’ouvre. Une voix puissante et modifiée en émerge, en premier.

« Tu comptes m’empoisonner avec des burgers froids ?
Poison Ivy a déjà essayé. Voyons. »


Il apparaît, ensuite. Lui, oui.
Lui.
La légende de Gotham City. La terreur des criminels. La raison pour laquelle ces derniers respirent mieux, le jour venu.
Lui.


Conclusion (Ft. Batman) Marini-batman-2zi0

Le Batman.
… qui sourit.
Si.
Il sourit. En sortant de la Batmobile, et en se rapprochant du jeune homme.


« J’aurais espéré mieux. De toi. »

Il sourit.
Parce qu’il plaisante. Parce qu’il essaye de faire une plaisanterie.
Parce qu’il s’essaye à l’humour. Il a encore du travail.
Mais… bon. Il essaye.
Batman essaye.
C’est déjà en soi une révolution.


« Jason. »

Bruce tend son bras, pour un salut viril. Son sourire demeure.
Autre révolution.


« C’est… un plaisir. »

Son regard se détourne du jeune homme, pour embrasser le colline ; ce lieu.
Leur. Lieu.
Source de tant de souvenirs, en commun. Agréables, vraiment.


« D’être ici. Avec toi. »

Il acquiesce, sincère. Puis reconcentre son regard sur Jason.
Plus perçant encore.


« Comment… vas-tu ? »

Après tout ça, veut-il dire.
Après sa mort, aux mains de Lex Luthor, alors que Bruce était Président des Etats-Unis d’Amérique à titre temporaire. Alors que Jason et Tim le remplaçaient ici, en Batman.
Après sa disparition et sa résurrection. Secrète et troublée.
Après les attaques de Thomas Wayne, cet autre père et Batman issu d’un monde vicié, qui a voulu contrôler entièrement la ville pour soumettre son fils.
Après le retour de Bruce ; qui a vaincu cet autre père, et a annoncé une évidence.

Bruce n’est plus uniquement le fils perdu des Wayne, l’orphelin rongé par la colère.
Bruce est Batman, oui.
Mais il est… père, aussi. Il n’est plus juste un fils ; il est un père.

Un père enragé de voir ses enfants touchés par Thomas.
Un père vengeur.
Revenu littéralement d’entre les morts pour les aider ; pour les sauver. Tous.

Même Jason. Même lui.
Lui qu’il n’a pas su sauver, jadis. Lui qu’il a voulu sauver, là.
Pour ne plus le perdre.
Plus. Jamais.

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Re: Conclusion (Ft. Batman) Jeu 4 Juin 2020 - 18:40



Conclusion

Jason ne bougea pas d’un pouce quand l’impressionnant véhicule émergea sur la route, pas plus qu’il ne s’écarta quand elle le prit apparemment pour cible. Le freinage brusque qui résultat de son incroyable vitesse leva un nuage de poussière qu’il suivit d’un regard, un sourcil haussé et l’ombre d’un sourire qu’il ne pouvait retenir sur les lèvres. La Batmobile. La pas tout à fait seule, et certainement pas l’unique. Ce vieil adage qui dit qu’on devrait tous éviter de rencontrer ses héros n’était certainement pas faux, mais s’il y avait une chose que l’envers du décor (autrement dit, la batcave) n’avait pas ruiné pour Jason, c’était bel et bien la Batmobile. Pourtant, et il avait été quelque peu surpris de l’apprendre, elle n’était pas unique en son genre. Elle évoluait avec son maître, apprenait de ses batailles, et surtout… elle prenait différentes formes suivant les nouvelles envies du dit maître. Ce n’était peut-être pas un hasard si Bruce avait été aussi doué pour se construire une image de milliardaire dépensier et amoureux de ses jouets – il y avait un peu de vrai dans tous les meilleurs mensonges, après tout.

Et la Batmobile était la preuve numéro une.
(La possession la plus précieuse de Jason ? Ce fabuleux pneu qu’il avait réussi à volé, gamin. Dans ta face, Bat.)

« Ne me fais pas croire que tu n’as pas un gadget là-dedans pour les réchauffer, » rétorqua-t-il quand Bruce s’extirpa du cockpit.

Peut-être que le truc avec Gotham, avec la beauté de la ville, c’était de prendre de la hauteur. Rien ne battait la façon dont elle se hissait contre l’horizon quand on était sur ces collines. Jason commençait à soupçonner que c’était certainement la même chose avec Bruce – avec Batman. Un peu de recul, un peu de hauteur, et tout redevenait luisant, impressionnant. L’image suffisait à lui couper le souffle. La cape ondulant au vent, les épaules massives et la silhouette ténébreuse qui se dégageait de la voiture… Cette vision-là portait beaucoup moins chance que le fait de juste voir passer la voiture dans la rue, mais elle ne perdait pas pour autant en puissance. Même après toutes ces années, Jason se rappelait de ce qu’il avait ressenti, des années plus tôt.

Ha. Pas de chance.
Et pourtant… pourtant, son cœur s’était emballé, sa peau s’était recouverte de frissons.
Un peu de vrai dans tous les mensonges… et certainement un peu de mensonge dans toutes les vérités.

« Et je te prierai de ne pas me juger, » reprit-il en se redressant pour s’écarter de sa moto. La poussière n’était pas encore tout à fait retombée et il pouvait la voir virevolter devant les phares allumés de la Batmobile. Il attrapa le sac de burgers et afficha un large sourire. « J’ai pris un supplément salade dans le mien. »

Il célébra la chute de sa plaisanterie avec quelques légers éclats de rire tandis qu’il tendait son bras libre pour répondre au salut de Bruce. Il ne lui serra pas la main. Au lieu de ça, ses doigts se refermèrent sur l’avant-bras de son père adoptif, et la paume de ce dernier termina contre son bras à lui. Pas vraiment une poignée de main, mais pas encore une réelle embrassade. Pour eux ? Une véritable victoire.

« Plaisir partagé, B. »

Boss. Batman. Bruce.
Vérités, mensonges, et hop, on mélange tout ça.

Il esquissa un sourire à la suite de la demande de son père. Etrangement, il ne réfléchit pas vraiment à sa réponse – il donnait la même, tout le temps. Non, au lieu de ça, il pensa à ce que Stéphanie lui avait dit quand ils avaient pris en chasse le faux Mr. Freeze ensemble. Bruce change avait-elle dit. Jason n’était peut-être pas le seul à avoir pris de la hauteur.

« Ca va, » répondit-il, d’un ton nonchalant.

Ce qui n’était peut-être pas tout à fait le cas, et ce qui ne le serait peut-être jamais, mais ce petit mensonge-là, ils l’avaient en commun tous les deux. C’était compliqué comme question, en même temps. On dit oui, on dit non, et après quoi ? On s’étale sur les traumatismes, les souvenirs, les cauchemars et les plaies ? Ni l’un ni l’autre n’étaient du genre à s’épancher sur l’histoire de leurs vies respectives ; et ils en savaient de toute façon bien trop l’un sur l’autre pour ne pas avoir l’impression d’être planté devant une rediffusion si il leur prenait l’envie d’essayer.

Alors Jason resta planté devant Bruce, baigné par la lumière de la Batmobile, son sac de burgers radioactifs dans une main, et la poussière des collines se déposant doucement sur ses chaussures. Le silence s’étira, s’allongea, et pourtant, il ne sentit aucun malaise. Bien au contraire. Son regard était rivé sur les lentilles du masque du Chevalier Noir, et pourtant, il avait l’impression de clairement lire dans les yeux de Bruce. Il les imaginait parfaitement, de l’autre côté de toute cette technologie, et pour une fois, Jason ne les fuit pas.

Il esquissa un nouveau sourire, après de longues minutes dans le silence.

« Batman est de retour, alors, » finit-il par dire. Son regard se détacha enfin de son père adoptif pour aller se poser, un court instant, sur le symbole accroché dans les cieux de Gotham. Si le projecteur participait à la beauté de la ville ou à l’impression de laideur qui lui collait à la peau, Jason ne l’avait pas encore décidé. Mais il faisait sans conteste partie de Gotham. « C’est bien. »

Il eut un nouvel éclat de rire.

« On n’était pas très bons, Tim et moi. » Il pensa, moi avec force. « Mais on a fait de notre mieux. On est juste différent, tous les trois, c’est tout. »

Il tendit le bras et posa le sac de burgers sur le pare-brise de la Batmobile.

« J’ai une question pour toi. Rassure-toi, c’est pas une question piège. Ca me travaille, c’est tout. » Il replongea son regard dans celui de la Chauve-Souris de Gotham. « C’était comment, les eaux de Lazare, pour toi ? »

Vertes, lourdes pensa-t-il. Comme du plomb dans mes poumons, du feu sur ma peau. Empoisonnées.

« Et … Quand tout t’est revenu, est-ce que tu as envisagé de venir m’en parler ? De ton passage dans le puits, de ton retour à la vie, de … de ta mort. Est-ce que l’idée t’a traversée l’esprit ? »

Il avait retenu son souffle pendant de longues journées après le retour de Bruce, pris d’impatience et persuadé qu’un jour il se tournerait, et Bruce serait là, massif et imposant, dans l’encadrement de sa porte. Massif, imposant, oui, mais aussi… dans le besoin ? Comme si leurs deux expériences pouvaient se retrouver au milieu, comme si Jason pouvait aider. Il n’y avait pas d’amertume, pas de rancune. Juste de la curiosité, et peut-être aussi le souhait oublié d’un gamin des rues. D’être celui dont on a besoin, le seul qui pourrait avoir les réponses et être utile.

C’était stupide, il le savait. Mais il fallait qu’il demande.
Avant.

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Re: Conclusion (Ft. Batman) Ven 5 Juin 2020 - 14:59

Jason Todd ne réagit pas quand la Batmobile s'arrête juste devant lui.
Evidemment.

Le jeune homme savait que le conducteur ne le toucherait pas.
Comme le conducteur savait que Red Hood ne bougerait pas.
Un jeu de dupes ; un jeu agréable.
Un jeu, en fait.

Entre proches.
Entre... père et fils.


 « Je n'ai jamais installé de micro-ondes dans la Batmobile, si c'est ce que tu demandes. »

La réplique, directe, fait suite à l'interrogation amusée et pleine de défi de Jason.
Bruce reste de marbre quelques instants – puis esquisse lentement l'ombre d'un sourire.


 « Je... ne suis cependant pas responsable des ajouts orchestrés en secret et sans mon accord par Alfred Pennyworth. »

D'un geste, il lève un pan avant de la Batmobile, auquel Bruce a accès depuis l'intérieur.
Un micro-ondes. Evidemment.

Le majordome britannique refuse que son maître et fils spirituel aime la moindre excuse pour ne pas manger.
Même si l'intéressé ne s'avoue pas vaincu. Bien entendu.


 « Supplément salade ?
Hrm.
Cela ne vaut pas les sandwichs aux cornichons. Et tu le sais. »


La spécialité d'Alfred.
Une horreur.
Mais qui tient au corps, étonnamment.


 « Mmh. »

Un léger souffle s'échappe des lèvres du Chevalier Noir, alors que les salutations s'achèvent ; agréablement.
Les mots sont dits, sincères. Les gestes sont accomplis, volontairement.

Tout cela... fait du bien.
Beaucoup.
Retrouver Jason. Sourire, rire ; plaisanter. Echanger. Se comporter normalement.
Enfin ; normalement... pour eux. Pour des justiciers masqués.
Evidemment.


 « Oui. »

Un mot simple, une confirmation.
Après les paroles de Jason.
Après sa réplique sobre ; ça va. Même si non, ça ne va pas vraiment – mais il fait avec.
Après son annonce, aussi ; Batman est de retour. Une évidence, à souligner.
Notamment pour contredire la suite.


 « Mais... non. »

Bruce s'approche, et pose légèrement son postérieur sur le capot de la Batmobile.
Il fixe Jason.


 « Tu as tort. »

Longtemps.
Alors que sa voix est calme, posée. Sereine.
Presque douce.


 « Timothy et toi... avez été formidables. »

C'est vrai.
C'est, pour lui, un fait. Auquel il est tant attaché que cela se sent dans sa voix.


 « Nous sommes différents, mais je sais... je sais que vous pourrez prendre la suite, quand... je ne pourrais plus. »

Bruce est revenu.
Il a ressuscité ; plus jeune, encore. Plus fort.
Mais.
Mais il vieillira, encore. Mais il demeure plus âgé que ses deux fils adoptifs, encore.
Mais il passera la main ; encore.
Et il sait qu'il pourra le faire en toute confiance – en toute sérénité.


 « Hrm. »

Il grogne, cependant.
Parce que Jason pose le sac de burgers sur le pare-brise.
Parce qu'il aborde un sujet complexe, aussi.


 « Humf. »

Il souffle lourdement – puis tourne lentement sa tête vers Jason.
Il le fixe quelques instants.
Et enchaîne.


 « Tu étais... ma prochaine visite. »

Avec une voix lente, calme. Encore.

 « La cinquième. »

Un sourire lent glisse sur son visage.

 « Non pas celle du carrosse. Ha-ha. »

Une plaisanterie, encore. Pas formidable – mais il essaye.
Encore. Oui.


 « Après... après.
Quand je me suis réveillé. J'étais... perturbé. Tu sais. »


Oui.
Jason sait l'effet d'un Puits de Lazare. Hélas.


 « J'ignorais... ce que j'étais ; qui j'étais.
J'ai tenté alors... de comprendre. D'avancer. Sans savoir ce qu'il n était... j'ai cherché.
J'ai lancé un sortilège pour comprendre qui j'étais. Une idée formidablement stupide, que Zatanna Zatara a stoppée en essayant de me convaincre de mon identité.
Pour la récompenser, je l'ai abandonnée dans un monastère oriental, inconsciente. Elle... m'a fait payer la note, récemment. »


Il hausse les épaules.
La Magicienne, sa meilleure amie au monde, a mérité de prendre cette revanche.


 « J'ai compris, avec elle, que j'étais bien vivant... mais perdu. Je devais savoir qui j'étais ; quelle était ma vérité.
Je suis allé... à Themyscira. Le lien avec les dieux, le Lasso, bien sûr.
Diana... m'a aidé ; beaucoup. Elle m'a fait comprendre qui j'étais. Après le quoi, la réponse au qui m'a été donnée par Diana.
Restait le comment... est-ce que j'avais une âme ? Est-ce que le Puits m'a ramené, avec une âme ?
Je suis allé à Londres. John Constantine m'a permis de confirmer que j'en avais une ; même si ses méthodes sont... spéciales. »


Evidemment.
John Constantine. Encore et toujours... John Constantine.


 « Après...
Après, il restait le pourquoi. Pourquoi je suis revenu ; pourquoi j'ai été ramené.
Je suis allé le voir. Ra's al Ghul.
Il m'a expliqué. Il m'a... présenté la situation ; ici. Avec... lui. »


Bruce détourne les yeux, et soupire lourdement. Lui.
Thomas. Thomas Wayne.
Cet autre Batman.
Cet autre... père. Ce père d'un ailleurs troublant et troublé. Ce père... d'un autre.
Cet autre père.
Ce fou. Ce dément. Ce salaud.
Cet ennemi.


 « Je suis rentré, alors ; je suis revenu.
Mais... s'il n'y avait pas eu cela... s'il n'y avait pas eu... lui. Je voulais te voir. Je voulais te parler.
Je voulais... ton aide. »


Il souffle lourdement, et baisse le regard ; toujours détourné, toujours fixé sur la ville.
Cette ville. Sa ville.
Leur ville.


 « Quoi, qui, comment, pourquoi ; tout cela, j'ai compris. J'ai eu les réponses.
Il restait... .
Où vivre dans un monde... qui m'a vu mourir ; qui m'a tué. Où vivre dans ce monde que j'ai servi, et où je suis mort.
Où vivre. Et donc, de quelle façon.
Je... pensais que tu serais le seul à pouvoir m'aider ; je le pense toujours. Il est... dommage que les événements se soient précipités, au point que... cela n'ait pas pu se faire. »


Bruce tourne lentement le visage vers Jason, et esquisse un sourire timide ; mais sincère.
Réellement. Sincère.


 « Jusque... là. »
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Re: Conclusion (Ft. Batman) Mer 10 Juin 2020 - 18:54



Conclusion


Jason esquissa un sourire quand Bruce prit place contre la Batmobile. Lui était toujours adossé à sa moto, et ainsi positionnés, ils se tenaient face à face avec à peine quelques centimètres entre lui et son père adoptif. Il se demanda vaguement si Bruce voyait toutes les différences, s’il en venait aux mêmes réflexions que lui. Ils étaient comme un jeu ’trouvez les sept différences’ pour gamins. Les différences sautaient aux yeux. La batmobile versus sa moto. La cape versus le blouson en cuir. Etc, etc. Mais s’il prenait l’envie aux parents de s’essayer aux jeux des gamins, il y avait un tout autre niveau de lecture pour les plus perspicaces. Ces différences-là étaient cachées, mais elles étaient là. Ce n’était certainement pas un mal, juste… une réalité qu’il leur fallait digérer. Ce qu’ils faisaient, peu à peu – et depuis peu, finalement.

Alors, oui. Jason se demanda, vaguement.

« Tim ferait un excellent Batman, » acquiesça-t-il avec un petit hochement de la tête. Son sourire s’élargit. « Mais t’as encore quelques années devant toi, alors ne lui en parle pas tout de suite. Comme je le connais, il arrêterait de dormir juste pour être sûr d’être prêt. »

Son sourire s’effaça doucement alors que la conversation se tournait finalement vers cette question qui l’avait hantée ces dernières semaines, et qu’il avait enfin osé poser. A la plaisanterie de Bruce, il ne réagit que par un léger plissement de ses yeux. Il appréciait l’effort, mais il restait le rebelle de la famille et il avait un standing à maintenir. On ne fait pas rire Jason Todd aussi facilement, après tout. Même si, force était de l’admettre, il aurait sans hésiter préférer rire pendant une heure non-stop à une blague d’aussi bas étage plutôt que de dialoguer sur ce sujet qui s’ouvrait à eux. Mais c’était lui qui avait demandé à Bruce de venir. Il était trop tard pour se dégonfler.

Il ne put empêcher un petit sourire de venir briser le sérieux de la situation quand Bruce tourna la tête vers Gotham au loin. Il la voyait lui aussi, tout comme Jason. Les lignes droites et fortes, les couleurs, l’histoire… la beauté. Bruce Wayne avait autant perdu que lui dans les rues malfamées de Gotham – peut-être même plus – et pourtant, quand il la regardait, lui aussi l’admirait.

Trouvez les sept différences.
Trouvez les sept ressemblances.

Il ravala son sourire avant que Bruce ne se retourne finalement vers lui.

« C’est marrant, » dit-il, et le sourire revint sur son visage malgré lui. Léger, attristé, mais bel et bien là. « Je me suis posé les mêmes questions quand j’ai rouvert les yeux et que tout m’est revenu. Je n’ai pas eu l’intelligence de les poser aux bonnes personnes ceci dit. »

Pas de Zatanna, pas de Constantine ou de Wonder Woman, pour lui.
Talia Al Ghul, un bon nombre de terroristes et de pourritures, puis Ducra.

« Je crois que Dark Wayne a bien fait de retarder cette fameuse visite, alors. C’est arrivé de la pire des façons, mais tant mieux, parce qu’il y a encore un mois ma réponse aurait été différente. Mais j’ai compris, finalement. J’ai compris, et c’est exactement ce dont je voulais te parler. Comme quoi, y a-t-il vraiment un hasard ? »

Il se redressa et délaissa ainsi sa moto pour faire le premier pas qui le rapprocherait de Bruce.

« Et c’est simple, Bruce. C’est tellement simple qu’il m’a fallu des années pour comprendre que je me posais toujours la question, et au moins autant d’années pour trouver enfin la réponse. » Il eut un léger éclat de rire. « Le commun des mortels appellerait ça une seconde chance. Tu le sais, n’est-ce pas ? On est mort, on est revenus, alléluia. Tu parles, pff. »

Il jeta un regard vers Gotham, presque malgré lui.

« Tu veux savoir où est ta place maintenant ? Facile. » Il écarta les bras de chaque côté de son corps. « Ou. Tu. Veux. » Jason désigna Gotham d’un geste de la main, le regard brillant, le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine, et honnêtement ? Il se sentait fou. Mais aussi… ah. Vivant. « Tu crois qu’ils se posent la question, eux ? Toi-même, tu ne te l’es jamais demandé avant, n’est-ce pas ? Même quand tu as tout perdu, même quand ton monde s’est effondré. Oh, ça a fait mal, ça oui, mais c’était toujours ta place et ta vie. Tu t’es juste adapté. »

Le corps de sa mère étalé sur un matelas sale et encore tâché par son vomi. Les seringues, l’odeur des bougies allumées, l’odeur de mort… L’odeur de la solitude.
De fils, Jason était passé à orphelin. Bruce avait subi la même transition.
Ils avaient avancé.

« Il s’est passé quelque chose, quand je suis mort. Tout s'est arrêté, » reprit-il d’une voix plus calme. Il baissa les bras. « Peut-être que c’est cosmique, peut-être que c’est juste le traumatisme. Je crois qu’on saura jamais. Mais la première chose à laquelle j’ai pensé quand j’ai rouvert les yeux et que mes poumons recrachaient ces putains d’eaux vertes, c’était son rire tandis qu’il me brisait le corps. J’ai juste… tout simplement pas arrêté d’y penser, et je me suis jamais remis vraiment en route. Je crois que quand on sait combien c’est soudain, la mort, on y revient constamment. Toute notre vie, on évolue, on avance et on change, et quelques minutes suffisent pour stopper tout ça. Terminus, tout le monde descend. »

Il dévisagea Bruce un instant, le souffle un peu court. Il n’était pas sûr d’être clair, mais il fallait… Ca sortait maintenant, et il ne pouvait l’arrêter. C’était bien là le but et le cœur de tout ce qu’il disait.

« Mais c’est pas comme ça que ça marche. Tu n’es pas censé penser à l’arrêt alors que le bus n’a même pas encore démarré. J’ai compris, et putain ça m’a pris du temps. Mais c’est aussi simple que ça. Tu. Avances. » Il eut un nouvel éclat de rire qui résonna dans la nuit autour d’eux comme un coup de fouet sec. « Tu évolues. Tu arrêtes de penser au moment où ton cœur s’est arrêté de battre, et tu te concentres sur ce qui se passe autour de toi. Tu t’adaptes. Si tu veux avancer, faut démarrer. Alors tu démarres. »

Il désigna le micro-ondes d’un geste frénétique.

« Alfred t’a foutu un putain de micro-ondes dans la Batmobile ! Hey, tu fais des blagues maintenant. Crois pas que j’ai pas remarqué. J’ai vu Steph l’autre jour, et elle m’a parlé de tes changements. Tu l’as déjà ta réponse, Bruce. Tu fais partie de ce monde. Tu trouveras jamais de réponse cosmique. Mange ces horribles sandwichs aux cornichons, ça vaut tout aussi bien. Faut juste que tu te rappelles comment tu faisais avant, jour après jour, et tu fais exactement la même chose. »

Il baissa les bras et ferma les yeux un instant. Quand il les rouvrit, l’éclat de folie dans son regard avait disparu. Il esquissa un sourire.

« Le monde n’a pas changé. C’est toujours cette bonne vieille Terre. Personne n’a jamais eu besoin d’un ticket pour faire un tour dessus, et ça ne commencera pas avec toi. Il y a un mois, je t’aurais parlé de perspective, de nouveaux buts et d’un nouveau devoir, mais c’est que des conneries. T’as juste à être Bruce Wayne, à aller de l’avant, et dans quelques temps, tu verras, le monde te paraîtra de nouveau droit. »

Il lui adressa un sourire accompagné d’un clin d’œil.

« Evidemment, quand je dis ‘sois Bruce Wayne’, tu comprends que je ne te demande pas d’adopter un autre orphelin, hein ? T’en as assez sur les bras. Hey ! Ca, c’est une blague ! »

Sur un coup de tête, il fit les derniers pas qui le séparaient de la Batmobile et s’adossa contre cette dernière, juste à côté de Bruce. Il resta silencieux quelques instants puis reprit finalement, le regard rivé sur Gotham.

Si froide.
Si belle.

« J'ai l'intention de quitter Gotham, Bruce. »

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Re: Conclusion (Ft. Batman) Jeu 11 Juin 2020 - 10:19

Batman ne dit rien.
Pendant tout le discours de Jason Todd. Pendant toute sa réponse – ses réponses.

Batman ne dit rien.
Batman ne bouge pas, non plus. Batman ne réagit pas. Batman reste là ; figé.
Immobile.

Parce qu’il n’est pas vraiment là, en fait.
Parce que… ce n’est pas Batman, en soi, qui fixe le jeune homme devant lui, et l’écoute. Et boit ses paroles.

C’est Bruce Wayne.

Bruce est évidemment Batman – mais Batman est plus, encore. Une icône, un mythe ; une légende.
Une créature extraordinaire, forgée de ses mains mais issue, surtout, de la peur et de la douleur d’un enfant traumatisé.
Il… l’est moins, maintenant. Et enfant. Et traumatisé.

Bruce demeure Batman. Mais il prend plus de… distance avec lui, aussi. Un peu, au moins.
Là, notamment.
Ici et là. Devant lui. Devant Jason. Devant cet ancien élève ; son fils. Véritablement.

C’est bien Bruce Wayne qui fixe, en silence, Jason Todd quand il parle – quand il se lève, quand il bouge les mains.
C’est bien Bruce Wayne.
Qui ne parle pas, non plus. Parce que l’émotion l’étreint. Parce que le moment est fort, beau.

Il ne parle pas, alors. Il ne bouge pas.
Ou si peu.

Il tremble, en effet. Bruce tremble – ou frissonne, plutôt.
Quand Jason s’assoit à ses côtés.
Quand le jeune homme achève son discours enflammé… en s’asseyant à côté de lui.

Ce qui veut dire beaucoup. Ce qui est fort.
Ce qui est… bon.
Tout comme sa déclaration finale. Avec tout le paradoxe que cela implique.


« Je… sais. »

Sa voix est lente, traînante. Mais pas douloureuse.
Au contraire.


« Je sais… que tu vas partir. Je l’ai… toujours su. »

Même avant sa mort.
En fait.
Surtout avant sa mort – Bruce l’a toujours su. Jason n’est pas fait pour rester ainsi, ici ; pour Gotham City.

Comme Dick, Jason est fait pour briller.
Ailleurs.
Comme… un Phénix, qui s’échappe autant des flammes que des ruines de sa vie passée, pour renaître. Et briller, oui.


« Mais… je veux te remercier, avant. Pour ce que… tu as dit, ce que tu viens de dire.
Je… suis touché. »


Bruce tourne lentement son visage vers Jason, et sourit.
Pas une ombre, pas une grimace.
Un sourire. Un vrai sourire.
De Bruce à Jason. D’homme à homme.
De père… à fils.


« J’aurais aimé… être là. »

Quand c’est arrivé, bien sûr. Quand Jason est mort.
Mais pas uniquement.


« Pour t’aider, t’accompagner. Mais… cela ne s’est pas fait. Cela a été… différent.
Et… je dois le dire.
Bien que nos chemins se soient séparés. Bien que nos… retrouvailles aient été difficiles. Bien que nos… conflits aient été nombreux.
Je… suis fier de toi. »


Il souffle, lentement.

« Je suis fier… de l’homme que tu es devenu. Que tu as réussi à devenir.
Nous… aurons toujours des désaccords ; mais je sais qui tu es. Ce que tu es.
Un héros.
Mais surtout… mon fils. »


Bruce lève une main tremblante, qu’il pose doucement sur l’épaule du jeune homme.

« Je suis… heureux que tu sois là, Jason. Vivant.
Je suis heureux… que tu sois revenu.
Et… je le suis aussi, en fait. Que je sois revenu. Pour… continuer. Ça. »


Leur discussion. Leur relation.
Leur lien.


« Mais… oui. Je sais.
Je sais… que tu pars. Je l’ai toujours su, et… c’est bien. Il est… bon qu’un fils trouve son autonomie ; et quitte le giron paternel.
Et… surtout Gotham. »


Bruce inspire lourdement, et lâche Jason. Son regard se perd encore sur la ville.
Gotham.
Sa ville. Son foyer. Sa damnation.
Qui, parfois, peut libérer certains de ceux qui ont trop souffert – et ça lui va. Et ça lui plaît.
Parce qu’ils peuvent survivre, s’en sortir.
Comme Jason, espère-t-il.


« Et… comment vas-tu partir ? Vivre ?
A moto ? »


La question semble anodine. Elle ne l’est pas.
Bruce a une idée en tête.
A voir si Jason va le suivre, pour lui permettre de la réaliser…

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Re: Conclusion (Ft. Batman) Jeu 11 Juin 2020 - 18:57


Conclusion


Je sais, lui dit Bruce, et Jason tourna immédiatement la tête vers lui pour le dévisager, surpris.

Ce qui, tout bien considéré, n’aurait pas dû en être une de surprise. Que Jason n’ait réalisé qu’il devait partir que quelques jours plus tôt n’importait que peu. Bruce avait bien fait de lui un Robin alors que Jason aurait été le premier à affirmer que ça ne marcherait pas. Et pourtant… ça avait marché. Il s’était dit que non pendant si longtemps, mais les faits étaient là. Bruce et Jason étaient tous les deux-là, eux aussi. Ça avait terriblement bien marché, oui.

Il esquissa un sourire quand Bruce se tourna finalement vers lui et que leurs regards se croisèrent.

« J’aurais aimé que tu sois là aussi, » dit-il à son tour, sans se départir de son petit sourire.

Il savait que Bruce parlait de tout, pas seulement du jour où il était mort, mais Jason, lui, savait que c’était inutile d’en espérer autant. Le reste – son retour, sa reconstruction et tout ce qu’il essayait maintenant de faire – c’était à lui de le construire, à lui d’en avoir envie. Ceci dit, en ce qui concernait sa mort… Oui, il aurait aimé que Bruce soit là. Pas à côté de lui alors que les chiffres sur le compteur de la bombe défilaient et que sa vie lui échappait ; pas par vengeance ou amertume. Non, parce que… Parce que lors de ses derniers instants, Jason avait pensé à Bruce. C’était dur à admettre, mais plus facile, aussi, que ça ne l’avait été auparavant. Il avait eu peur. Avec quelques secondes à peine devant lui et ses poumons éventrés par ses propres côtes ? Evidemment qu’il avait eu peur. Il aurait voulu que Bruce soit là, pour lui tenir la main, pour le rassurer. Il aurait voulu tenir quelques minutes de plus, pour être encore là à l’arrivée de Bruce. Ca n’aurait peut-être rien changé, ou peut-être que cela aurait tout changé au contraire, et ils ne le sauraient jamais. Mais… Oui. Jason aurait aimé. Avoir son père adoptif, son… son père, avec lui lors des moments les plus sombres de sa vie.

Il sourit un peu plus quand Bruce leva sa main pour la poser sur son épaule, et avant d’hésiter, avant de tout remettre en question, il posa sa propre main dessus. Que c’était étrange de le toucher. Pendant si longtemps, les seules fois où ils étaient entrés en contact physique, cela avait été via leurs poings, leur colère et leurs ressentiments.

« C’est gentil, » dit-il, toujours sur le même ton posé et doux. Apaisé. « Mais on sait tous les deux que ce n’est pas tout à fait vrai. » Lui, un héros ? Pas vraiment. Il avait essayé d’emprunter ce chemin, mais il était temps d’admettre qu’il n’arriverait jamais au bout de cette quête là. Il ne savait pas vraiment ce qu’il était, mais ce n’était pas grave. Il n’avait pas besoin d’être un héros. Il y en avait déjà tellement, à Gotham et partout dans le monde. Lui, il avait autre chose à faire, autre chose à devenir. « Mais… j’apprécie. »

Il lui tapota doucement la main et écarta la sienne, sentant que Bruce était sur le point de mettre fin au contact lui aussi.

« Merci pour ta compréhension, aussi. J’ai vraiment essayé, tu sais. Mais ce sera mieux comme ça. Il faut que je me détache. J’arriverai jamais à respirer correctement à Gotham. »

Il s’éclaircit la gorge et détourna lui aussi son regard vers la ville. L’aube approchait à grands pas, et des teintes de bleues plus claires venaient strier le ciel à l’horizon. Il n’avait pas vraiment de date de départ, mais il sut instinctivement qu’il regardait son dernier lever de soleil sur Gotham avant un très long moment. Il se sentait plus léger. Cette discussion avec Bruce était invraisemblablement la conclusion dont il avait eu besoin, tout ce temps.

Jason s’extirpa de ses pensées aux prochains mots de Bruce. Il lui sourit et haussa une épaule.

« Oui, je vais juste prendre ma moto et un sac à dos. J’ai pas vraiment de but. J’irais là où les gens auront besoin de quelque pour les défendre, mais je m’attarderai pas. A ce qu’il paraît, le monde est grand, » ajouta-t-il d’un ton malicieux. « Ce sera pas comme les autres fois, mais j’imagine que ça aussi, tu le sais. Quand je suis parti pour Chicago, mon but restait de revenir à Gotham. Même avec Talia, après… après, je n’avais qu’une envie : revenir ici. Cette fois, je crois pas… je crois pas revenir avant très longtemps. »

Il tourna la tête vers Bruce et lui sourit de nouveau.

« Mais t’inquiète pas. J’enverrai des cartes postales. Et j’ai assez de zéros sur mon compte pour durer plusieurs années. Je suis plein de ressources. Peut-être que je remettrai un truc sur pieds avec Roy. Va savoir. » Il marqua une pause et reprit, d’une voix plus posée. « Advienne que pourra. »

Alea jacta est. Gardez-moi dans vos prières et ne m’oubliez pas.


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Re: Conclusion (Ft. Batman) Ven 12 Juin 2020 - 8:40

Le moment… est fort.
Particulièrement touchant. Particulièrement émouvant.
Particulièrement intime.

Bruce se livre beaucoup, autant qu’il le peut ; autant qu’il y arrive.
Jason le suit, sur cette voie.
Et… ça fait du bien.

Il est évident que leur relation ne sera jamais normale.
Par le simple principe que leurs vies ne le sont pas, et ne l’étaient pas avant.
Avant, oui.
Avant leurs morts. Avant leurs retours. Avant leurs pertes.


« Humf. »

Un soupir long s’échappe de ses narines ; mais il n’est pas lourd, ou désagréable.
Ça va.
Ça va, en fait, oui.

Jason va partir.
Et c’est bien. Et il le faut. Et c’est juste.

Notamment grâce à cette discussion. Notamment grâce à ce moment.
Où ils peuvent se parler. Où ils peuvent s’ouvrir.
Où ils peuvent se retrouver.
Enfin.


« Je… ne vais pas contester, ton refus de te considérer comme un héros.
Je ne suis pas là pour me battre – je ne suis pas là pour te battre. »


Son sourire reprend.
Un peu de piquant, quand même.


« Mais… je le répète.
Je suis fier de toi. Je suis fier de ce que tu es ; de ce que tu es devenu. De ce que tu souhaites.
Aller dans le monde… défendre ceux qui en ont besoin.
Un comportement bien loin de ce statut héroïque que tu rejettes. Evidemment. »


Il hausse les épaules, amusé.

« Et… je comprends ton départ, et ton souhait de ne pas revenir immédiatement. Il est légitime.
Gotham… t’a beaucoup pris ; et trop peu donné.
C’est… hrm. Attends. »


Bruce grogne, puis plonge la main dans sa cape. Il la ressort rapidement, et lance quelque chose à Jason.
Des clés.
Des clés… de voiture.


« Je sais… que tu apprécies la moto. Mais… parce que je ne supporte guère l’idée que mon fils erre avec une piètre hygiène, je… tiens à t’offrir ceci. »

Sa voix est plus émue, soudain. Ses gestes aussi.

« J’ai… été dur, avec toi. Toujours.
Dès le début. Dès… notre rencontre. J’étais… plein de rage, de colère ; de déception, après le départ de Dick. J’ai… voulu te former, te recruter. Parce que j’ai toujours reconnu ton potentiel – mais parce que je voulais te rendre meilleur que lui.
J’ai… été trop dur avec toi. Je… te présente mes excuses.
Tu… n’étais qu’un enfant. Un enfant des rues, perdu dans Gotham. Un enfant suffisamment habile et désespéré pour tenter de voler… les jantes d’une Batmobile. »


Un léger sourire passe sur son visage.

« Ton départ… est légitime. Je te soutiens.
Mais… je souhaite t’offrir cela, avant.
Je souhaite… te l’offrir. Elle dispose de tous les systèmes classiques – mais elle a aussi une annexe, qui se transforme en lit et micro-espace de vie. C’est spartiate, militaire, mais… ça peut te servir. »


Bruce souffle, et ouvre la paume de sa main devant Jason.
Un hologramme apparaît.

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Une Batmobile.
Un ancien modèle. Plus passe-partout que les autres, hormis le plastron central – que Jason connaît. Que Jason reconnaît.


« Oui. »

La voix de Bruce n’est qu’un souffle, qu’un murmure.

« C’est… elle. »

Pas une Batmobile. Mais la Batmobile.
Celle que Jason a voulu voler, jadis. Celle devant laquelle Bruce l’a trouvé, jadis.
Celle… qui a tout changé. Qui a révolutionné entièrement leurs existences.
Qui a fait rentrer Jason dans la vie de Bruce – et qu’il obtient, à son départ.

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La Batmobile… qui a tout commencé.
Et il la lui offre.
A Jason. Celui qui voulait la voler ; celui qui l’a, maintenant.

La boucle. Est alors. Bouclée.

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Re: Conclusion (Ft. Batman) Lun 15 Juin 2020 - 17:53

Conclusion


Jason resta de marbre devant l’hologramme qui s’échappa de la main de Bruce.

Evidemment.
Evidemment, il la reconnaissait. Il en avait encore un bout dans son actuel repaire – pas vraiment un appartement, pas vraiment un quartier général. Juste un deux pièces jamais aéré où le peu de ses affaires qui avaient survécu à l’attaque de Thomas Wayne étaient entreposées. La roue restait une de ses possessions les plus précieuses. Il remarqua immédiatement que celles qui apparaissaient sur l’hologramme étaient bien plus récentes, plus efficaces encore que celle que Jason avait volée. Si le design de la voiture était resté le même, il ne doutait pas que son intérieur, aussi bien mécanique que confort étaient à jour avec les dernières technologies. Mais l’important était là. Rien qu’à la voir, il se rappelait avec une clarté qui lui paraissait peu humaine ce qu’il avait ressenti quand il l’avait vu dans cette ruelle, tant d’années plus tôt.

Oh, le pouvoir qu’il avait senti. La puissance dans ses veines, la supériorité… Bon sang, même à l’époque, il était en colère. Il s’en rappelait encore, mais savoir qu’il avait un brin d’avance sur le Batman ? Qu’il pouvait être plus fort que lui, rien qu’un instant ? Ah.
Evidemment, la réalité s’était avérée être toute autre, mais Jason n’avait pas oublié. Il n’avait pas oublié la colère et encore moins le soulagement qui était venu, bien plus tard, quand Bruce lui avait fait sa proposition. Tout, absolument tout, le bien comme le mal, remontait à cette voiture-là.

« C’est elle, » confirma-t-il simplement.

Il baissa les yeux vers les clés qu’il avait rattrapées au vol.

Elle représentait tout, oui. Ce qu’il avait été, et ce qu’il avait été sur le point de devenir. Etre Robin … Il en avait fait une malédiction au fil des années, il avait terni chacun de ses souvenirs à cause de sa colère, de sa soif de vengeance… de sa fureur. Mais ce souvenir-là était cristallin et immaculé. Il ne se rappelait que trop bien de sa colère, de sa frustration, à chaque mention de Dick, à la vue de son costume dans ces foutus tubes en verre, des disputes avec Bruce, du feu en lui quand il voyait les doutes que son mentor avait en lui. Mais le reste était là, aussi. La première fois qu’il avait mis le costume. Les premiers criminels stoppés. Les gens sauvés. Les nuits sur les toits, dans le silence, à côté de Batman. Le grondement du moteur de la Batmobile, et le profil de Bruce dans l’habitacle. La sensation, si claire, d’appartenir à quelque chose, d’avoir quelqu’un, d’être quelqu’un.

Jason referma les doigts sur les clés et se redressa doucement pour se détacher de la Batmobile. Il agit alors par pur instinct, loin des réflexions et des calculs que son maître ci-présent lui avait appris à maîtriser sur le bout des doigts. Il avait toujours été, d’une certaine façon, plus instinct que prédilection, de toute façon, et il était temps, peut-être, de se retrouver. Alors il se leva et, sans un mot, se tourna vers Bruce. Qu’il prit dans ses bras. Son cœur s’emballa et il serra Br… son père adoptif dans ses bras.

Il se rappela de son premier gros rhume et de la soirée films organisée à la va-vite par Bruce. De sa présence à côté de lui, réconfortante et chaleureuse tandis qu’il luttait contre le sommeil. L’odeur de popcorn, le bruit de plus en plus distant d’un bon western. Il n’avait pas été un enfant très longtemps au cours de sa vie, et quand sa mère était morte, il avait cru perdre ça à jamais. L’impression de sécurité, de ne pas être seul, et cet amour, également, profond.

Bruce lui avait donné une seconde chance.

Après, tout s’était compliqué, et il était certain que cela le resterait jusqu’au bout, mais l’essentiel était là. Bruce lui avait donné une seconde chance.

« Merci, » souffla Jason. La cape crissait sous ses mains encore gantées, et il pouvait sentir sur le costume les odeurs de Gotham. Un fond de gazole, un peu d’air salé, comme celui qui hante les docks, l’odeur familière de la pluie, cette étrange odeur d’ozone, de grand espace vide qu’il y a quand on se perche au sommet des plus grands gratte-ciels. Pour lui ? L’odeur de son foyer, de son enfance. « Merci, » répéta-t-il.

Il crispa les poings sur la cape, la gorge serrée. Une des clés lui rentrait dans la paume, mais il ne bougea pas. Le contact physique était devenu de plus en plus difficile avec Bruce, jusqu’à lui paraître complètement blasphématoire. Impossible. Improbable. Il ne l’avait certainement pas touché autant et aussi longtemps depuis… depuis quoi ? Petit Jason, malade, affalé sur un canapé, sommeillant sur les cuisses de son père adoptif ?

Tierce fois, c’est droit, disait-on au Moyen-Âge. Essayer une fois, puis deux fois, c’est bien. Essayer une troisième fois, c’est mieux. Cela assure le succès.
Il s’agissait donc là d’une troisième chance.

« Merci, » dit-il, encore.

Jamais deux sans trois.

« Pour avoir voulu de moi dans ta famille. Pour le reste, aussi. Pour tout. » Il marqua une pause et reprit, d’un ton plus léger, plus malicieux. « Sauf pour tout le truc avec Dick. C’était chiant, ça. »

Il savait que Bruce verrait clair dans sa blague. Il savait qu’il verrait à travers la plaisanterie, parce qu’utiliser l’humour en guise de mécanisme de défense ? C’est le genre de truc qu’un père sait.

« Merci pour la voiture, » dit-il finalement en serrant un peu plus fort Bruce dans ses bras.

Il s’écarta finalement, presque brusquement, et se détourna aussitôt pour se diriger vers sa moto, sa main fermée autour des clés et son poing tremblant. Il l’avait serré dans ses bras, et c’était déjà beaucoup. C’était déjà énorme, en fait. Pas à pas, non ?

Selon lui, c’était même un excellent début.
Et paradoxalement ? Une très bonne fin également.

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Re: Conclusion (Ft. Batman) Mar 16 Juin 2020 - 9:30

« Oui. »

Batman répond.
D’une voix lente. D’une voix calme.


« C’est… elle. »

Il s’arrête, alors.
Il s’arrête de parler. Il s’arrête de prononcer ces mots, avec cette voix chevrotante.
Il s’arrête.

Et… il ne fait rien, ensuite. Il ne fait plus rien.
Il… profite, en fait.

Il profite du moment. Il profite de l’instant.
Il profite… de lui. De Jason.
Son fils.

Qui voit les clés. Qui voit l’hologramme.
Qui comprend.
Et qui agit, alors. Qui réagit.

Jason se lève. Jason se tourne. Jason approche.
Jason le prend… dans ses bras.

Une étreinte.
Un moment, oui. Un instant.
Fort.
Intense. Puissant.
Total.

Ils se retrouvent. Enfin.

Après tant d’années. Après tant d’épreuves. Après tant de drames.
Après tant de pertes.

Ils se retrouvent.
Bruce et Jason.
Le père et le fils.

Cela ne dure pas, bien sûr. Cela ne peut pas durer. Cela s’achève.
Mais.
Mais cela a existé. Mais cela existe. Mais cela reste ; et restera, à jamais.


« Hrm. »

Batman grogne.
Quand Jason se lève. Quand il glisse quelques mots, qui font même sourire Bruce.
Si.

Jason se lève, et recule alors. Bruce acquiesce, encore.
Il ne dit rien.
Il… ne peut rien dire.

Parce que le moment est là.
Le moment passe.
Le moment… se suffit à lui-même. Il n’y a rien d’autre à dire ; il n’y a rien à dire.

Batman se relève, et salue Jason.


« Bonne… route. »

Il esquisse un autre sourire.
Léger, toujours. Mais sincère, encore.


« N’oublie pas… d’appeler. De donner des nouvelles.
Alfred… va s’inquiéter. »


Il souffle, hésite ; se lance, finalement.

« Je… vais m’inquiéter. »

Il l’a dit. Il le dit.
Il s’ouvre.
Il acquiesce, encore. Il hoche la tête.

Puis se détourne.
Puis se tourne. Puis retourne directement vers la Batmobile ; sa Batmobile, dans laquelle il rentre et qu’il démarre, pour filer ailleurs.

Celle de Jason Todd l’attend, au bout de la route.
Disponible. Prête.
Pour lui.
Pour son fils.
Pour ses aventures. Pour son héroïsme. Pour sa vie.
Qu’il va reprendre, loin de Gotham City ; mais plus proche de son père adoptif que jamais.
Enfin.

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Re: Conclusion (Ft. Batman) Mar 16 Juin 2020 - 12:38


Conclusion


Jason leva un bras pour adresser un léger signe de la main à Bruce, toujours dos à ce dernier. Il fit mine de se pencher pour récupérer son casque, mais surtout cherchait à maximiser ces quelques instants loin du regard de son père adoptif pour reprendre le dessus. Les émotions, c’était bien, mais à petites doses. Il avait une réputation à tenir. Si la rumeur venait à se répandre que Jason Todd avait un cœur, il n’en entendrait plus parler. Non merci, hein.

« On reste en contact, » lança-t-il dans le vide, devant lui.

Il baissa les yeux vers son casque de moto puis poussa un soupir avant de le pendre sur une des poignées. Il entendit le léger cliquetis du cockpit de la Batmobile qui se verrouille dans son dos, et ne se retourna que lorsque le moteur s’alluma. Inutile de chercher à discerner quoi que ce soit à travers les vitres noires du véhicule, et cela l’amusa. Il s’adossa à sa moto, leva de nouveau le bras pour saluer Bruce tandis que la voiture démarrait et s’éloignait à toute vitesse. Quelque chose lui disait qu’il n’était pas le seul à s’inquiéter pour sa réputation et à se réfugier dans l’ombre pour se débattre avec des émotions hors de contrôle. Il s’en retrouva encore plus amusé. Ils avaient passé tant d’années à faire les choses l’un contre l’autre, à se tenir opposé face à l’autre, mais quand on écartait tous les conflits, toutes les divergences d’opinions, la vérité était aussi flagrante que le nez de Pingouin au milieu de son faciès. Bruce et Jason se ressemblaient terriblement.

Ugh, ce pauvre Alfred. Les choses qu’il avait dû supporter !

Jason se redressa avec un petit sourire et tourna la tête vers Gotham.

« On se reverra peut-être, » dit-il et il n’eut en réponse que le chant des grillons, le ronronnement lointain d’une activité nocturne certainement criminelle. « Essaie de ne pas exploser en mon absence, tu veux bien ? »

Un des néons au loin clignota. Il était bien trop loin pour que Jason ne discerne le moindre mot ni même la moindre forme, mais il en voyait la couleur rouge vif parfaitement. Il le regarda clignoter, imagina le bruit si particulier qui vient avec la fin de vie de ce genre de pancarte lumineuse, et ne put s’empêcher un petit bruit de gorge qui se rapprochait du rire quand le néon claqua enfin. Un au revoir digne de Gotham. Que pouvait-il demander de plus ?

Quelque chose s’alluma derrière lui et éclaira la scène avec une puissance inégalable. Jason se retourna, surpris, et dut passer un bras devant ses yeux pour avoir une chance de voir au-delà de la source de lumière. Quand il comprit ce qu’il regardait, il s’autorisa un autre sourire. Il avait originellement prévu de rester encore à Gotham quelques jours après sa discussion avec Bruce, pour quelques préparatifs de dernière minute, mais son plan venait de changer. Il n’avait plus rien à faire à Gotham, et tout ce dont il avait besoin était là.

Il se redressa, prit en main les clés de la Batmobile et attrapa le guidon de sa moto pour la faire rouler jusqu’à la source de la lumière. Il la rejoignit en quelques pas et se décala finalement sur le côté pour échapper au cône lumineux. Des tâches dansaient toujours devant ses yeux mis à mal par la différence entre la nuit qui l’entourait et la puissance des phares de la Batmobile, mais cela ne l’empêcha pas de l’admirer. Il marcha le long de son flanc, lâcha sa moto d’une main et glissa ses doigts sur les courbes familières. Elle était froide, lisse, mais il connaissait sa puissance, sa force.

Quand il arriva derrière elle, elle s’ouvrit et révéla un compartiment calculé pour entreposer sa moto. Bruce n’avait pas menti. Il avait su, certainement avant Jason lui-même, que ce dernier partirait, et il avait déjà tout prévu. Les clés que Jason tenait toujours n’avaient pas été un geste de dernière minute, un présent impulsif, non. Combien de temps Bruce avait travaillé sur ces améliorations ?

Jason recula de quelques pas et regarda le compartiment se refermer de lui-même sur sa moto. Il rejoignit le cockpit, et l’émotion laissa place à un large sourire quand ce dernier s’ouvrit et laissa paraître les sièges. Si ce n’était pas les mêmes que ceux de l’époque, c’était le même modèle, et cela lui suffit. Il grimpa à l’intérieur, prit le contrôle manuel des commandes et agrippa ce volant qui l’avait tant fait rêver, gamin. C’était elle, oui. La Batmobile. Et elle était à lui.

Elle était parfaite. Il rajouterait peut-être un peu de rouge par-ci par-là, mais elle était parfaite. Elle l’avait toujours été.

« C’est parti, » dit-il.

Il pressa la pédale et le moteur rugit. La Batmobile démarra, et Gotham, derrière lui, rétrécit.
Il aurait été capable de désigner chaque bâtiment pour les nommer avec justesse, pendant sa discussion avec Bruce.
Maintenant, c’était à peine si on remarquait la Tour Wayne qui surplombait une masse noire devenue difforme.
Les lumières disparurent ensuite, avalées par la distance et l’aube qui prenait le dessus sur le ciel nocturne.
Le panneau Vous quittez Gotham City ! Revenez vite devint rapidement un point noir dans le rétroviseur.

Jason ne regarda derrière lui que quand il ne resta de Gotham qu’un panneau directionnel à fourche (droite pour Gotham, gauche pour Metropolis) et il visualisa le gamin armé de son cric tellement clairement que la route de dissipa pendant quelques secondes. Le gamin sans mère, sans père, mais plein de chagrin et de colère. Le gamin et sa roue volée, le gamin qui apprenait à sauter de toit en toit, le gamin qui répondait avec de plus en plus de colère, le gamin qui prit la fuite, le gamin qui fut battu à mort avant de mourir dans une explosion. Il le vit sauter sur le toit de la Batmobile après une petite acrobatie encore maladroite mais plein de confiance, puis lever les bras au ciel et éclater de rire, affirmer qu’il vivait alors le meilleur jour de sa vie. Pour la première fois, il vit aussi le léger sourire dissimulé du père adoptif.

Jason expira une bouffée d’air qu’il n’avait pas eu conscience de retenir.
Il accéléra.
Il était libre.

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