Les pêchés de nos pères... [ James Gordon Jr. - Miss Martian ]

19h52.

La pendule du bureau semble paralysée sur cette heure bien que la pendule murale indique 20h14. Murray termine de ranger ses affaires, il est en retard, c'est une catastrophe, lui qui avait dit à sa femme qu'il rentrerait plus tôt afin d'assister au repas d'anniversaire de Michael. Et dire qu'il avait tout préparé ! Le gâteau qu'il voulait, avec le petit dinosaure bleu qui sourit et cette petite carabine à air comprimé qu'il avait achetée en vue de cette petite soirée malgré les vives protestations de son épouse. Il s'empressa de ranger ses dossiers dans son cartable, il quitta le bureau rapidement, descendit jusqu'au parking, non sans devoir passer de nombreuses fois devant les nouvelles équipes de sécurité, des types pas très farouches et encore moins aimables mais qui faisaient le job apparemment. Murray n'était pas vraiment quelqu'un de bileux mais toute cette histoire au boulot. Toutes ces horreurs, les rumeurs entre collègues...Jenny qui aurait appris de Tim, qui aurait appris de Joana, qui aurait appris d'un cousin qui travaille à la morgue centrale de Gotham que Henry, le cadre supérieur des sciences appliquées avait été retrouvé mort chez lui, poignardé à plusieurs reprises et quelques semaines avant, c'était Silvia, du département recherche et développement qui se faisait poignarder dans son appartement de Blüdhaven. Les détails gores varient en fonction de la personne qui en parle mais Murray n'est pas ce genre de canaille qui se soucie beaucoup du sang des autres, il a déjà assez à faire avec le sien !

20h21. Enfin dans la voiture !

Murray rentre chez lui, il appelle sa femme avant de partir et bien entendu, il subit une sacrée remontrance. Pourquoi n'était pas encore rentré ? Désolé chérie, il avait du travail à ne plus savoir quoi en faire. Pourquoi tu as acheté cette carabine alors que j'ai dit que je ne voulais pas d'arme à la maison ! Mais voyons chérie, nous sommes à Gotham City ! Il doit être capable de se défendre et une carabine à plombs est un bon entraînement ! Que d'arguments pour une conversation assez stérile en définitive. Ce n'est pas la route qui manque depuis le bureau de Blüdhaven. Devoir retraverser la petite sœur de Gotham n'était pas de tout repos en début de soirée mais rien d'insurmontable quand on pratique l'art de l'aller-retour entre les deux villes depuis presque dix ans. Dix ans à régler de nombreux dossiers, à s'assurer que tout soit là il doit être, que les livraisons soient bien effectuées, de faire en sorte que tous les petits rouages de cette grande entreprise qu'est Stagg Industries marchent à la perfection. Murray traverse la ville, chantonnant calmement son petit air favori d'Elvis, « Viva Las Vegas ». Il finit par traverser le pont séparant les banlieues mornes et sombres de Blüdhaven pour rejoindre les banlieues mornes et sombres de Gotham et finit par rejoindre le lotissement Lawthun où il réside avec sa petite famille.

20h51. Il arrive enfin chez lui.

Pas de lumière. Curieux. Une surprise peut-être ? Pourquoi pas après tout, c'est l'anniversaire du petit. Murray sort lentement de sa voiture, s'arme de son plus beau sourire et entre dans sa maison, un air réjoui et festif sur son visage. Il pousse la porte, triomphant, s'imposant d'un magnifique «  Papa est rentré ! »

Mais aucune réponse. Aucune lumière, exceptée celle de la rue qui illumine très faiblement le petit salon. Il n'y a personne. Où sont-il ? Il appelle son épouse. Il appelle son fils. Quelque chose ne va pas. Il essaie alors d'allumer la lumière mais aucune ampoule ne répond. Il lâche son cartable et pénètre dans la maison, ignorant de l'ombre située derrière la porte qui la refermera derrière lui. Murray panique, il ne sait pas ce qu'il se passe. Il appelle sa femme, son fils qu'il ne trouve pas dans le salon. Il s'engouffre alors dans la cuisine, y découre les cadeaux et un rôti en train de griller dans un four, laissé là trop longtemps. Il coupe immédiatement la machine et pousse la porte de la salle à manger...

C'est dans un silence glacial, accompagné de la pâle lueur des lueurs extérieures, qu'il découvre le corps sans vie de son épouse et son enfant, la tête plongée dans leur assiette, le somptueux gâteau en tête de table, intact, la petite bougie indiquant 9 ans installée dessus. Murray s'affôle, il approche de sa femme et de son fils et découvre avec effroi les terribles et violentes incitions faites à leurs gorges. C'est alors qu'une terrible voix résonne depuis l'extrémité de la pièce et qu'une ombre se détache lentement de l'obscurité pour approcher Murray au comble du désespoir. La lumière des néons qui apportent un semblant de visibilité se reflètent sur la lame d'un énorme couteau très ouvragé, une lame biscornue aux excroissances tranchantes, tâchée de sang. Le tueur s'arrête devant Murray qui est en larmes.

- Projet Providence. Dit l'agresseur en parlant très bas.

- Q-quoi ?!

- Projet Providence. Dites-moi tout.

Le pauvre homme est terrifié, il n'a aucune idée de ce qui se passe, cet...cet individu a tué sa famille ! C'est un monstre ! Si seulement il était arrivé plus tôt ! Il aurait pu aider sa famille ! Les remords le prennent, la panique va croissante. Il bondit et fuit. L'assassin se lance à sa poursuite et finira par le plaquer dans le salon avant de le poignarder à plusieurs reprises avec une extraordinaire violence.

Une gerbe de sang...
Le retour du silence...
Une porte qu'on referme...

Quelques heures plus tard, la police a investie les lieux. C'est le détective Harvey Bullock qui est arrivé parmi les premiers...Et la simple vue du corps l'a poussé à aller chercher sa flasque bien rangée dans la boîte à gants de sa voiture de service. Il en avala une gorgée et s'assit sur le capot en observant les p'tits gars de la scientifique faire leur cirque pour récolter des indices...

- Encore une nuit qui commence bien... Dit-il pour lui-même.

Harvey sursauta en voyant arriver la grande verte. Il n'était pas vraiment habitué à voir d'autres encapés...Enfin si mais pas aussi subitement et à « visage » découvert. Il en regrettait presque Batman et sa manie de disparaître en pleine conversation alors que cette jeune martienne verte apparût soudainement au pire moment. Aussi ramassa-t-il sa flasque et la rangea dans sa veste avant de s'allumer un cigare, dédaignant la jeune martienne.

- Ecoutez, c'est bien gentil mais c'est l'affaire de la police, j'pense que vous autres, les porteurs de capes, vous avez des trucs plus urgents à faire, comme gérer un holocauste nucléaire ou arrêter Godzilla pour la six-centième fois. Vous pouvez pas nous laisser faire not' job sans qu'on ait à tomber sur un nouveau héros qui veut bien faire ? On apprécie c'que vous faites au niveau cosmique, etc. Mais pour un simple meurtre de quartier, j'pense que vot' potentiel s'ra mieux utilisé ailleurs qu'ici, l'prenez pas mal, bien sûr. Maint'nant, si vous voulez bien quitter la scène de crime, c'serait bien, merci. Dit-il sans être sec ou méchant, juste...fatigué.

Comme pour répondre à ses suppliques, un agent de la police scientifique approcha Bullock et murmura à ses oreilles, quelques secondes après il soupira, dépité.

- Euh..Mad'moiselle ? J'crois qu'on va bien avoir besoin de vos services, en fait...Vous avez c'truc que fait Superman, genre voir les empreintes, ce genre de chose ? Parce que l'gars qui a fait ça, c'est pas un naze, il est pro...Euh...Bon voilà...C'est le troisième en moins de deux semaines. On a un gus qui s'amuse à décaniller des employés de Stagg industries. Ils se connaissaient pas, ne travaillaient pas au même secteur ou étage, ne se sont jamais côtoyés. On a Henry Pelt, cadre des sciences appliqués, Silvia Verger du département recherche et développement et maintenant, Murray Baxter, du service du service d'études Meta, son épouse et son fils de 9 ans. Toutes les victimes ont été assassinées chez elles de plusieurs coups de poignard. On a aucune empreinte, aucun indice et aucune piste vu que Stagg Industries ne veut pas parler des victimes. Vous pensez pouvoir faire mieux ?

Harvey suivait la martienne dans tous ses déplacements sous le regard circonspect des employés de la police scientifique. Ils étaient surpris mais pas vraiment en colère, ils étaient conscients que leur travail aujourd'hui était surtout pour les affaires qui ne concernaient pas la survie du monde...C'était à la fois déprimant et rassurant pour eux. Bien qui aient à faire des tueurs comme Zsasz, Silence, Killer Croc, Bane, etc. Ils n'étaient pas non plus des forces cosmiques pouvant raser la ville de la carte d'un revers de la main, bien que ce problème soit arrivé si souvent entre les murs de la ville.

Bullock notait toutes les informations que la martienne lui donnait. Bien entendu, il notera que les indices provenaient des efforts de la police scientifique et de leur consultante informelle mais dans le fond, il était vraiment heureux de pouvoir avancer sur cette affaire qui lui offrait beaucoup de pression de la part du bureau pour que Stagg Industries cesse de mettre des bâtons dans les roues de l'enquête.

Lorsqu'elle termina son premier tour préalable, il avait remplit deux pages complètes de son carnet, les mots étaient un peu plus vagues sur la fin de la seconde page. L'alcool qui commençait à se manifester dans son comportement. Ses yeux le piquaient un peu, le manque de sommeil et la sensation de sentir la flasque vide dans sa poche n'y étaient pas pour rien. Rapidement, il reprit la parole.

- Vous dites que ce n'est pas un professionnel, mais moi, j'vois aucune marque de violence sur la porte, que les choses aient mal tournées, ouais...Mais l'tueur n'est pas simple d'esprit, c'est un prédateur, il savait c'qu'il voulait faire...

Une des savantes de la scientifique approcha les résultats de l'analyse du gâteau : Il était couvert de belladone modifié. Harvey s'empressa de dire que c'était « l'aut folle des plantes » mais l'agente contesta cette affirmation en révélant que l'extrait de plantes était tellement souillé de produits chimiques qu'il n'en restait rien de vraiment végétal si ce n'est sa formule génétique primaire toxique pour l'homme. Harvey se souvint alors que la verte avaient des questions.

- Euuh..Ouais, concernant Stagg Industries...Bah, c'est une grosse compagnie qui fait beaucoup de recherches dans tout un tas d'domaines, la génétique, la robotique, etc. Y font aussi dans l'humanitaire et la recherche médicale mais rien d'vraiment louche à première vue. Leur patron, Simon Stagg était un homme qui évite d'aborder l'sujet de la mort de ses employés et leurs avocats veulent pas qu'on fouille dans les données de la compagnie pour qu'on en apprenne davantage, ils disent que cela n'est pas du ressort de la police...C'est des meurtres bon sang de bois, ça devrait les préoccuper...Et j'crois vraiment que ça les préoccupe, sinon ils feraient pas tout ce chichi pour nous empêcher de comprendre pourquoi on s'en prend comme ça à leurs employés...et leur famille...

Il marqua une pause en regardant les corps de l'épouse et du fils de Murray qu'on commençait à glisser dans les housses mortuaires.

- Le rapport dit qu'ils étaient morts avant, aucune empreinte relevée sur eux, l'tueur avait des gants et il a mis en place cette scène pour terrifier la victime...Qu'est-ce qui nous échappe ? Pourquoi cette violence, pourquoi empoisonner le gâteau, leur trancher la gorge, les mettre en scène... C'est totalement tordu.

Il regarda rapidement le gâteau et son emballage.

- «Fristelli's Bakery »...Je connais, c'est à Cap Carmine, bonne boutique, des beignets du tonnerre...Comment ça a pu arriver ? Qu'est-ce qui nous manque ?

Cap Carmine a toujours été un quartier pourri. Sa proximité avec le port, les appartements lowcost à foison et les nombreuses petites boutiques ont fait de cet endroit un lieu propice à l’expansion du crime organisé. Malgré la recrudescence des super-héros, rien n'a empêché la pègre d'asseoir sa position sur ce secteur et de croître sans se faire remarquer à outre mesure. Bien entendu, les choses ont beaucoup changées avec le temps mais la pourriture est restée et Cap Carmine n'a malheureusement pas pu sentir de véritables améliorations.

C'est ici que Fristelli's Bakery a ouvert. Il s'agissait ni plus, ni moins d'une petite affaire familiale ouverte par un émigré italien qui se retrouva rapidement dépassé par l’extorsion de la famille Falcone au point d'être poussé au suicide. La boutique avait rapidement retrouvé un acheteur mais la clientèle avait commencée à fuir les lieux en raison de la nature du nouveau propriétaire, affilié à la mafia locale. Fristelli's Bakery était devenue davantage une couverture pour le racket et le recel qu'une véritable pâtisserie, bien qu'elle fournissait encore quelques gâteaux et biscuits issues de vieilles recettes italiennes et américaines, histoire de ne pas attirer l'attention.

Une fois arrivés sur place, tout ce que les visiteurs pouvaient voir était une petite boutique sans prétention, vitrine poussiéreuse, devanture négligée. Le bâtiment en lui-même était assez décrépit mais assez robuste pour supporter le poids des ans. Il y avait aussi une grande lucarne vitrée sur le toit, un endroit parfait pour rentrer par effraction. C'était arrivé tellement de fois que le propriétaire avait fait installer tout un système au cas où la lucarne se brise ou soit ouverte. La boutique était fermée depuis quelques heures maintenant mais pourtant il y avait toujours de la lumière à l'intérieur, en particulier dans l'arrière-salle.

Lorsqu'elle pénétra la boutique, elle découvrira une pâtisserie tout ce qu'il y a de plus banale, avec une vitrine en parfait état, de superbes présentoirs en acajou massif pour les œuvres pâtissières les plus exubérantes et les plus poétiques de la boutique, un sublime drapeau italien, quelques photographies remémorant le « bon vieux temps » au pays...La petite boutique de famille classique...Mais une fois passées les deux grandes portes battantes de l'arrière boutique, c'est un univers bien différent qui l'attend.

Cela ressemble d'avantage à une sorte d'usine, doté de grandes presses à pâte et de hauts fourneaux. Un endroit assez lugubre si on y réfléchit. A cette heure, il ne devrait y avoir personne...Et pourtant, on peut y voir cinq hommes. Un d'entre eux vêtu d'un pull à coll roulé, équipé d'un fusil à pompe, un peu en retrait, semblait servir de service d'ordre tandis que deux autres individus, l'un en chemise hawaïenne et l'autre en perfecto de cuir tenait un autre homme, déjà sévèrement battu à l'orée d'un des fourneaux qui semblait tourner au maximum de sa capacité au mépris des règles de sécurité. Un dernier individu, plus élégant, à la chevelure noire et au costume tout aussi noir, semblait donner les ordres., ainsi qu'à être à bout de patience...

- Pour la dernière fois, Coley...Qui est ce futur macchabée qu'on appelle la Goule ? Tu sais très bien que Don Falcone et Don D'Avella sont cousins alors dépêche-toi de me balancer les infos que tu as ou Dino, qui est là, va te faire comprendre ce que ça veut vraiment dire d'aller au charbon.

Encore une nuit classique à Gotham...

Les pensées de l'homme se tenait à quelques centimètres des flammes, tenu fermement par le duo d'hommes de main du mafioso étaient on ne peut plus chaotiques. Il s'appelle Ward Coley, c'était un des innombrables petits poissons qui travaillaient pour la pieuvre mafieuse de Gotham. Dire qu'il était invisible pour les gangsters de cette ville était peu dire mais il était doué dans un domaine particulier : Le grand jeu du « Qui est qui dans cette ville pourrie ? ». Ward Coley était un petit truand sans prétention mais qui savait assez facilement se renseigner sur les nouvelles huiles de la pègre gothamite. C'était une sorte d'annuaire capable de mettre les bonnes personnes en relation. Et toutes ses pensées étaient braquées sur mille choses mais son esprit parvenait néanmoins à se fixer sur la cruelle vérité qu'il allait mourir pour ne pas avoir d'informations, que jamais plus il ne pourra serrer sa pauvre mère dans ses bras, que son boss ne le sauverait pas malgré la simple suspicion que Ward puisse travailler avec la Goule...Qui était ce type ? Simple à savoir pour un type comme Coley : C'était un gros poisson qui venait d'entrer dans la partie. Un nouveau joueur qui avait décrété que Blüdhaven était désormais son territoire et qu'il était prêt à faire la guerre à tous ceux qui se mettraient sur sa route. Bien que cela soit les sales affaires de Blüdhaven, Don Bruno « Il Cinghale » D'Avella, cousin de Don Carmine Falcone alias le Romain et chef de sa propre famille du crime organisé alliée à celle de Gotham, voyait cette incursion sur son territoire d'un très mauvais œil, en particulier après avoir découvert un certain nombre de ses capitaines et de ses alliés dans la police, les médias et le système juridiques massacrés à coups de battes de base-ball, de couteaux, d’exécutions froides ou d'assassinats publiques. La Goule inquiétait. D'où est-ce qu'il venait ? D'où sortait tout son pognon ? Ses hommes ? La seule chose qu'il savait, c'était qu'il avait monté de nombreux deals avec les truands de Gotham pour se faire fournir en armes et en drogues et que de nombreux grands noms avaient acceptés de le soutenir en échange d'une très large part des bénéfices, des grands noms comme Black Mask, Great White Shark ou encore, mais là c'est à prendre avec de très sérieuses pincettes, Penguin. Mais même eux n'avaient pas le moindre renseignement fiable, juste des rumeurs et des on-dit...Des rumeurs que les gugus qui allaient le faire flamber plus comme l'argent d'un comptable à Vegas avaient déjà entendus encore et encore.

De l'autre côté de la balance, on avait le mafieux qui donnait les ordres, C'était un autre gangster mais il n'était pas de Gotham, il s'appelait Gianni DeSauto, c'était le fils d'un gros bonnet d'une des grosses familles du Midwest que le Romain avait à la bonne et avec lequel il avait déjà fait des petites affaires par-çi, par-là. Gianni était un digne successeur, une sorte de jeune premier du crime, charismatique, charmeur mais qui en était encore à faire ses armes pour Falcone et D'Avella, comme le dernier des garçons de courses. C'était lui qui se chargeait de régler le souci que pouvait poser la Goule du côté de Gotham. Il ne savait bien entendu rien des arrangements entre des individus bien plus dangereux que lui et sa fameuse cible mais son honneur, son ego et sa réputation le pousserait à aller jusqu'au bout afin de prouver qu'il en avait autant dans la culotte que dans le citron. Gianni opérait souvent à Cap Carmine, il connaissait bien l'endroit, sa mémoire regorgeait de souvenirs de meurtres sordides, de témoins gênants plongés dans les profondeurs des docks, d'un rival criblé de balles à sa sortie de son bar favori. Gianni se foutait bien des autres mais il savait s'entourer. Il avait sa petite équipe au grand complet ce soir. Dino, en chemise hawaïenne. Sergio, au perfecto et Tony, au col roulé. Ces trois types étaient les muscles et Gianni se chargeait de réfléchir pour quatre. C'était donc un petit ambitieux qui espérait peut-être se voir offrir Cap Carmine après avoir réglé le cas « Goule ». D'ailleurs, la Goule...Qu'est-ce que c'était si ce n'est un énième type avec un sérieux death wish pour s'attaquer aux Falcone ou à leurs alliés ? Gianni se disait que si ça ne concernait pas les héros, rien ne viendrait déranger leurs plans mais quelque part, cela frustrait Gianni qui révérait de passer à tabac un salopard d'encapé, juste pour rappeler qu'ils sont pas les seuls à savoir se battre. Pour lui, la Goule était son billet d'entrée dans la cour des grands et le buter ne le dérangeait pas mais pour ça il lui fallait des infos et cette baveuse de Ward Coley était la personne tout indiquée...Aussi Gianni devait lui faire comprendre qu'il n'était pas vraiment d'humeur patiente et que quiconque se placerait dans son ascension au sein de la pègre découvrirait qu'il est fort désagréable de se placer entre un Nazgûl et sa proie.

- JE NE SAIS RIIIIIEEEEEEEEN !!!!! JE TE LE JURE !!! ARRÊTE, JE T'EN SUPPLIE !!!!

- Mauvaise réponse. Dino, Sergio...

Mais avant même que les deux criminels ne jettent Ward au four, les deux portes volets de la boutique s'ouvrirent violemment et laissa apparaître un Harvey Bullock, armé d'un fusil à pompe standard de la police de Gotham City.

- Pris en flagrant délit, DeSauto ! Cette fois, tu n'y échapperas pas !

- BULLOCK ! MON SAUVEUR ! SORS-MOI DE LA ! CES SALAUDS VEULENT DE CRAMER VIVANT !

Aussitôt que Coley eût terminé sa phrase, Tony ouvrit le feu. Sergio et Dino lachèrent Ward qui tomba de tout son long sur le sol avant de prendre leurs armes et de tenter d'abattre le plus poivrot des inspecteurs les plus efficaces du GCPD. Harvey se jetta à couvert et répliqua. Une fusilade venait de commencer et Gianni, de son côté, répliquait davantage pour s'échapper que pour tuer Bullock. Ward, quant à lui, se ruait vers une issue de secours, à moitié accroupi pour ne pas se faire remarquer.

Harvey avait arrosé autant que faire ce peut mais rapidement, face à l'absence de riposte, il se leva de son abri et vit les quatre truands mis à terre par la jeune martienne. L'inspecteur de police posa son fusil sur un comptoir, sortit un mouchoir de son veston et s'essuya le front. Il connaissait l'efficacité des encapés mais là, c'était quand même d'un autre niveau. Pourquoi est-ce qu'on avait pas ce genre là d'encapés à Gotham, ça réglerait bien des soucis. Ceci dit, des truands comme les Falcone et Penguin arrivaient à mettre des criminels plus « optimisés » comme Poison Ivy, Freeze ou Bane à leur botte ou à les empêcher de prendre de l'ampleur, peut-être que ce n'était pas pour rien non plus...Aussi l'officier remit son chapeau en place, sortant des menottes qu'il s'empressa de mettre aux poignets de Gianni DeSauto. Des officiers de police entrèrent par la porte de la boutique et vinrent en assistance à Harvey.

- Mieux vaut tard que jamais, hein ? Merci m'dame, si vous avez besoin de référence, je dois dire que je suis très impressionné...Alors euh...La Goule vous dites ? Ouais, on entend beaucoup parler de ce gugus mais je dois dire qu'on a vraiment rien à son sujet. C'est moche à dire mais en fait, pas même les truands qu'on a serrés et qui figurent parmi une liste très probable d'associés possibles ne savent rien. C'est un type tout de noir vétu, qui maîtrise de très nombreuses armes, qui n'a pas froid aux yeux, qui sait très bien ce qu'il fait...Et c'est à peu près tout, on raconte qu'il est soutenu par des gros caïds mais on a rien de vraiment concret et sur le coup, ouais, ça n'a rien à voir avec notre pauvre type de Stagg Industries mais franchement, je vois pas pourquoi on se seraient retrouvés ici si ce n'était pas pour la pâtisserie empoisonnée...

- Inspecteur Bullock ?

Un des officiers s'approcha de l'inspecteur, trainant avec lui Ward Coley, menotté.

- Celui-là a essayé de se faire la malle par la porte de service.

- Salut Harvey, ca va comme tu veux ? Euh...on est d'accord pour dire que je suis une victime dans cette histoire, hein ? Ces types allaient me rôtir comme un gros morceau de barbaque. Dit-il en regardant nerveusement les fourneaux que les agents de police éteignaient pour éviter leur explosion éventuelle.

- Si tu témoignes contre eux, ouais, c'est ce que je retiendrais.

Que je témoignes ?! Mais t'es dingue ? Falcone va me crucifier...

Harvey soupira et jeta un regard suppliant à la jeune femme martienne indiquant clairement « Admirez la tristesse de mon travail... ».

- Ça vous ennuie pas de jeter un petit œil aux alentours, voir si il n'y a rien qui pourrait effectivement relier cet endroit au meurtre de Murray Baxter, pendant que je m'occupe de notre petit récalcitrant ici présent ? J'pense que vous avez de meilleurs atouts que moi sur la question...

Harvey, l'officier et Coley s'éloignèrent, les agents emmenèrent les truands restants laissant M'gann seule dans la grande usine de biscuits pour lui permettre d'enquêter. On y trouvait de très nombreuses boites d'emballages identiques à celle dans laquelle le gâteau d'anniversaire du petit se trouvait. Les énormes fours à pains et hauts-fourneaux dans lesquels Coley manqua de peu de se faire cuire. Les chaînes de conceptions où les employés devaient probablement préparer les différentes pâtisseries vendues. Il y avait aussi un petit coin bureau avec un registre des ventes des derniers jours, les emplois du temps, bref, tout l'aspect administratif de la boutique semblait passer par ce petit bureau sans prétention. Beaucoup de choses était donc à analyser pour ceux qui avaient le sens du détail.