[5ML] Meet Me Halfway - Selina & Edward

Les dossiers s’accumulaient. Des dossiers sans importances. Des petites choses que la police de Gotham City n’avait pas daigner enquêter, par soucis de priorité, par mépris ou encore stupidité. Edward les traitait avec le même ordre d’importance. Le bureau était envahi de ce tas de paperasse aux différentes teintes de vert - certaines choses ne changeaient pas. Ils étaient alignés avec précaution devant lui comme un mur où il disparaissait, couché sur une affaire obscure de disparition d’une prostituée colombienne, venu sur le continent une année plus tôt, ainsi que ses piluliers. L’espace n’était pas bien grand mais il l’était assez pour Edward et Zinda. Cet ancien bureau d’avocat était devenu celui des deux nouveaux détectives privés de Gotham. Que ce soit la blonde ou le rouquin, aucun des deux n’avaient beaucoup de légitimité en ville mais qu’importe. Ils faisaient. Chacun avait son bureau, sa bulle. Celui d’Edward était parfaitement à son image. Le Sphinx avait tout envahis, de sa teinte verte jusqu’au fauteuil en forme de point d’interrogation, qu’il avait déménagé de son QG « la Boite de Pandore » à ici, comme la grande majorité de ses affaires. Il avait son propre appartement, à quelques mètres de son travail. Bien sûr, il était toujours aussi génial, aussi fou, aussi paranoïaque et l’affaire Jonathan Crane avait beau remonter à quelques mois maintenant, Edward n’en demeurait pas moins tourmenté et surtout vigilant, De même, les ordinateurs qu’ils utilisaient étaient diablement sécurisé, de la porte d’entrée à la fenêtre. Et puis, c’était Gotham.

Parmi tous ses dossiers, certains plus vicieux s’y étaient glissé. Des PDG et petits politiciens corrompus jusqu'à la moelle qui comptaient sur la réputation douteuse de l’Homme-mystère pour protéger leur intérêt et retrouver quelques traitres qui pourraient avoir la langue bien pendu et même leur donner une légitimité. Ils étaient l’exception à la règle. Bien sûr qu’il enquêtait. Bien sûr qu’il résolvait l’énigme qu’ils représentaient. Cependant, il avait un cas de conscience et n’avaient pas fait parvenir sa réponse, la vérité restait à l’intérieur des murs. Une note traina sur le petit tas, à l’intention de Zinda : « Ordre ou Ordure ».

Il était endormi depuis trois heures à peine alors que le soleil rougissait timidement la grande cape sombre du ciel. Son chapeau posé négligemment sur une pile de papier, sa canne couché contre sa cuisse et sa cicatrice, large et épaisse qui courraient le long de son crâne, pointait vers le plafond. Il tenait encore fermement son téléphone à la main. Il avait lu et relu les messages qu’on lui avait adressés, celui de Batman (le Batman l’avait contacté et lui avait adressé avec suffisance qu’il validait ses choix. La fureur d’Edward l’avait rongé des nuits entières) et Catwoman. Selina. Il l’avait invité dans son nouveau bureau mais n’avait répondu à aucun de ses messages depuis. Elle ne voulait pas qu’il aille au puit de Lazare, évidemment. Elle lui demandait sans cesse du temps, qu’il y avait forcément autre chose à faire mais Edward n’en avait plus ce luxe. Il avait préféré ne pas répondre, pour ne pas céder à l’envie de l’écouter et d’espérer. Ne pas céder à ses grands yeux plein de détresse. A l’affection qu’il lui portait. A sa bouche.

La lumière ne la fenêtre éclairait doucement son dos. Il avait passé une partie de la nuit à travailler et à observer la ville. Peut-être avait-il vu le symbole de la chauve-souris, peut-être avait-il vu un feu ou entendu un cri, des coups de feu, mais ce qu’il n’avait pas vu, c’était la chatte qui entrait dans son bureau.

Il se réveilla dans un grand sursaut, se saisissant de sa canne qu’il dressa droit devant lui, le souffle court, comme s’il sortait d’un cauchemar. Ses lunettes étaient de travers et ses cheveux auburns, décoiffés.

Edward fronce un instant ses sourcils. La silhouette gracieuse de la femme-chat se détache de l’obscurité pour lui faire face. Il ne serait dire s’il avait su qu’elle était là par instinct, si c’était son parfum qui l’avait trahi ou si un quelconque mauvais rêve l’avait tiré d’un sommeil si peu réparateur. La présence de Catwoman aurait dû être les prémisses d’un rêve tout à fait agréable mais à la manière dont elle le regardait, il sût qu’il ne s’agissait pas d’un de ses songes idylliques où il en ressortirait, le sourire aux lèvres, et en effet elle était contrariée. Il s’adressa à elle d’une voix doucereuse :

- Tu t’inquiétais pour moi, chaton ?

Une question qui avait déjà sa réponse. Selina lui avait écrit, l’avait appelé, supplier de faire les choses autrement, de se soigner convenablement, de lui laisser du temps. Edward était partager entre y voir de la pitié ou de l’affection et dans son désespoir, il avait préféré l’ignorer. Ce n’était donc pas si étonnant de la retrouver ici finalement. Elle avait de l’influence sur lui, bien au-delà de ce qu’elle pouvait imaginer. Bien au-delà de qu’il se permettait de qui que ce soit et même d’Oswald. Il n’y avait donc aucune surprise que leur relation oscillait souvent par le passé entre allié et ennemi. Sa canne retombe au sol en écho avec le premier pas de la féline.

- On m’a toujours dit que pour plaire à une femme, il fallait paraitre inaccessible, fit-il dans un ton faussement arrogant. Mais les femmes ne m’ont jamais comprise. Il me semblait pourtant t’avoir envoyé une invitation.

Il était plus simple d'accuser Selina que d'avouer ses tords.

Il l’avait rarement vu sans son costume habituel. La dernière fois qu’il l’avait vu en civil, ça devait être lors de leur voyage à Rome. En vue de la situation actuelle, elle se faisait surement discrète. Elle était douée pour ça, quand elle le voulait et elle obtenait bien souvent ce qu’elle voulait, au gram de tout un chacun. Il l’a vit déambuler à travers la pièce. Il enfouit son téléphone au fond de sa poche et décida de venir à sa rencontre. Il fit le tour de son bureau et chercha à capter son regard qui l’évitait.

- C’est ce qui fait mon charme, non ? Des surprises, des devinettes, des… cliffhanger ? acheva-t-il d'une voix amusé.

Il décidait de ne pas rentrer tout de suite dans les hostilités. Soudainement animé, il écarta grandement ses bras avec ce large sourire, de celui qui sait tout.

- Comment ce génie va-t-il s’en sortir ? Est-ce que le terme de meilleur détective du monde, ne lui revenait pas de droit ? Parviendra-t-il à rester sur, ce que les petites gens appellent, « le droit chemin » ? Va-t-il survivre ? Va-t-il mourir ? Était-ce un nouveau tour sorti de son incroyable cerveau brillant ?

Il laissa retomber les bras, fier de son petit spectacle. Ses yeux dérivèrent un instant et il regarda la porte puis la fenêtre.

- Plus sérieusement, par où es-tu rentré ? J’ai tout sécurisé moi-même !

De la pitié. Il le voit dans ses yeux attentifs, dans la plissure d’une lèvre, dans un sourcil qui se fronce dans le ronronnement de sa voix. « Ne me fait pas ça, Selina. Ne me regarde pas comme ça, ne le dit pas. » L’invitation avait été lancé et les jours passant, à se cacher d’elle, il avait regretté mais c’était une vilaine habitude chez l’homme-mystère dernièrement : le regret.

- Ed…
- Pas Ed.

Il avait articulé péniblement, par effort, par retenu aussi. Il aurait pu tout aussi bien lui ordonner de la fermer, ou lui fracasser une lampe dans son joli minois mais non, il exprime son refus de sa mâchoire serré. Il avait repris un nom, un nom qu’il avait exilé, mais ce surnom, il n’était pas encore prêt à l’entendre. Ce surnom infantilisant, ce surnom qui trop souvent avait été synonyme de menace et avec Selina, il ne savait jamais vraiment s’il devait se fier à elle ou non, si elle était là pour une caresse, un regard, un jeu, ou une morsure profonde auquel il répondrait avec la même férocité. C’était la difficulté d’avoir les souvenirs aussi confus avec une femme tout aussi versatile. Il ne savait pas sur quel pied boiteux danser.

Il pose sa main sur son profil et se détourne légèrement avant de jouer, de s’exercer de nouveau à sa théâtralité légendaire qui sonnait faux. Elle l’avait vu. Elle n’avait pas l’air d’apprécier. Elle donne pourtant la première réponse aux jeux de question qui lui réservait. Il leva les yeux au ciel et déclama avec une exaspération certaine.

- Oh évidemment. La triche.

Il desserre les dents. Elle avait toujours utilisé des tours de passes passe. Là où il montait des barrières infranchissables, là où il pensait tous ses plans parfaits, la chatte parvenait à faire son entrée, à venir le chatouiller de tout son talent. Ses « petits moyens » étaient bien souvent bien plus efficaces.

- Peut-être devrais-je te faire tester tout mon système de sécurité.

Il se reprend, conscient que cela pouvait s’apparenter à de la menace.

- Rémunérer, s’entend.

Etait-ce indélicat ? Edward était maladroit. Il l’avait toujours été. Il ne savait pas communiquer avec les gens. Il ne savait pas les comprendre non plus et avait d’ailleurs depuis longtemps décrété qu’ils n’étaient donc pas à son niveau intellectuel. Il préférait alors la compagnie de ses robots, où l’agréable subtilité d’une soirée à jouer aux échecs avec le meilleur adversaire qui soit : lui-même.

Elle glisse. Elle se déplace dans la pièce comme si elle l’a connaissait parfaitement. Ses doigts, ses griffes, caressent le métal du bureau, passe sur les papiers colorés, les notes, les noms, les ratures, avant de s’installer sur le grand fauteuil en forme de point d’interrogation, seul rappel de son ancienne vie avec sa canne. Elle le questionne. Elle joue un Nygma féminin et rieur. « Elle doit me juger. » Non. C’est lui qui juge son comportement sans preuve. Son esprit est grignoté par la paranoïa, l’angoisse et l’excès de caféine de la veille. Il tâche de se détendre alors qu’il affronte son regard. Il reste droit

- Cette fois-ci, tu me l’as poses. Qu’est-ce qui a changé Selina ?

Il ne lui ferait pas l’affront de ne pas lui répondre. La dernière fois qu’ils s’étaient vus, la question avait tardé, tout comme la réponse par ailleurs. La réponse douloureuse qui avait créé cette pitié dans le regard de Selina. Ce même sentiment de pitié qui l’avait fait venir à lui. Serait-elle là, en face de lui, si elle avait ignoré son état ? Ce même sentiment de pitié qui l’avait poussé à lui demander de ne pas céder à la facilité d’un puit mystique où tout indiquait que l’homme qui y entrait, ne serait plus le même qui en émergerait.

- Aussi bien que Sisyphe, finit-il par répondre. As-tu quelque notion de philosophie dans ton sac à main ?

Il enchaine aussitôt.

- Je suis dans l’inéluctabilité, comme nous tous, n’en déplaise à l’inconscient qui feint de l’ignorer. J’ai la satisfaction de connaitre ma fin, et non pas « destin » comme les autres idiots se plairaient à le définir. Comme tu vois, j’utilise assez bien mon temps.

Il ne la nomma pas idiote. Il taisait les anciens jurons et se lançaient ses fleurs comme il l’aurait fait autrefois, en lui désignant un piège, un labyrinthe, une arme. Il la noie dans l’information. Il contourne le sujet. Il parle. Il parle beaucoup mais en dit peu. Il lui montre son bureau, assez fier de lui bien qu’il désirait surtout, sa fierté à elle. A eux. A tous. Il sait que ce n’est pas ce qu’elle demande. Elle se fiche peut-être de la philosophie.

- Selina. J’ai déjà répondu à cette question. Il y a de longs mois maintenant.

Il prend une inspiration et dans un souffle rajoute.

- Il n’a jamais été aussi pressent que je trouve ce puits.

Sa voix se fait plus agressive. Sa main caresse par reflexe la large cicatrice sur sa nuque, qu’il lui cache pourtant. Il est sur la défensive car avouer une seconde fois à la belle voleuse son état de faiblesse crevait son égo. Qu’attendait-elle ? Que sa maladie disparaisse par une sorte de miracle divin ? Qu’il lui dise que tout ceci était une blague, un test ridicule pour qu’on le regarde encore ? Son regard est lourd sur lui. Quelque part, il éprouve des remords de ne pas avoir répondu à ses messages.

- Si tu es là pour m’en empêcher.. Je ne te montrerai pas la porte, tu sais où elle est.