[5ML] « Le prix du pardon » ft. Batman

_____J’ai vécu plusieurs mois à Gotham City, pourtant je n’y avait jamais mis les pieds. Je venais de revenir d’entre les morts, amnésique avec des pouvoirs que je ne contrôlais plus. Papa n’avait rien trouver de mieux que de confier son problème aux alliés de Batman. J’ai vécu comme un squatteur dans les appartements privées de Stephanie Brown. Elle m’avait également confié aux soins du docteur Leslie Thompkins pour comprendre pourquoi je perdais le contrôle de mes pouvoirs psychiques. A force de mauvaises rencontres, je n’ai eu la réponse que bien trop tard. Je partageais mon corps avec une entité démoniaque.
Jusqu’à maintenant, ce démon ne m’avait fait vivre que de mauvaises expériences. Après avoir manqué de détruire la ville de San Francisco, j’étais déjà dans la ligne de mire des autorités. Pour échapper à la prison, on m’avait convaincu de prendre des neuroleptiques. Cette méthode s’était avérée efficace, je n’entendais plus cette créature. Toutefois, ce traitement médical m’avait rendu vulnérable, jusqu’à ce que je tombe entre de mauvaises mains.

J’ignorais encore comment Degaton était parvenu à remonter jusqu’à moi. Il reportait la faute sur mon père, espion infiltré que le chancelier avait démasqué et assassiné. Je ne croyais pas en sa mort, ni sur le fait qu’il soit assez fou pour leur divulguer la moindre informations me concernant. Quelle importance maintenant ? Le mal avait été fait.
Ils m’ont torturé pendant plusieurs mois avant d’utiliser le démon qui vivait en moi comme une arme à leur service. J’avais causé énormément de torts, retourner le cerveau de beaucoup d’innocents. Je pouvais très bien rejeter la faute sur cet entité, mais tout comme moi, il n’avait pas eu le choix. Ce sont mes pouvoirs, ma responsabilité, qui ont causé énormément de torts, jusqu’à figurer dans la liste des criminels recherché par le gouvernement américain.

J’avais été secouru par mes amis, hébergé dans un des nombreux repaires de la chauve-souris où j’ai pu me reposer et être soigné dans un endroit sain. Ça n’était pas arrivé depuis plus de six mois, j’ai pu m’offrir ce luxe quelques jours avant qu’on me rappelle que j’étais considéré comme un collaborateur du régime de Degaton. J’ai fui ce petit coin de paradis pour protéger mes alliés avant de me protéger, moi. J’ai conscience d’être un danger public, mais je craignais de subir le même traitement en prison qu’entre les mains d’Anton Arcane.
Cela faisait plus d’une semaine que je vivais dans la rue. Je survivais avec les moyens du bord, sans jamais penser, une seule seconde, à utiliser mes pouvoirs. Avec eux, je pouvais très facilement pousser les passants à me donner une partie du contenu de leur argent de poche, de ne pas appeler la police de Gotham dès qu’il me reconnaissait, effacer et corrompre leur mémoire, tellement de possibilités s’offraient à moi. Ma vie serait beaucoup plus facile, même en vivant à la rue. J’avais fait de mal à beaucoup trop de personnes pour me permettre de les utiliser à nouveau. Ce n’était pas au goût de l’entité démoniaque, mais il n’avait pas son mot à dire. Ce n’est pas aujourd’hui que je lui laisserais le contrôle de mon corps.

Le soleil commençait à se coucher, la nuit allait être glaciale et je n’avais pas de quoi m’acheter des vêtements beaucoup plus chaud. Je recroquevillais mes bras contre mon torse pour essayer de me réchauffer. En plus d’être en train de me frigorifier sur place, j’étais affamé mais surtout, j’étais épuisé. Mon sommeil était souvent perturbé par des malfrats. Ma jeunesse et mon ignorance du monde de la rue faisaient de moi, une proie facile à leurs yeux. Malheureusement pour eux, j’avais quelques connaissances au combat au corps-à-corps et le résultat était toujours le même. C’est comme cela que je survivais. J’attendais qu’il vienne vers moi pour les attaquer, je les volais.

Ce jour-là, j’ai été attaqué par beaucoup plus gros, des trafiquants de drogue. J’avais récupéré une belle somme, assez grosse pour me payer une chambre dans un des hôtels miteux du quartier le plus craint de la ville. Ils m’avaient suivi jusqu’au bâtiment en question. Je pouvais remercier ma mère pour m’avoir enseigné toute ces techniques. Malheureusement, ils étaient trop nombreux pour moi. En jetant de rapide coup d’œil derrière moi, je pouvais sentir une dizaine d’individus m’épier. Je serrais les poings, mon cœur commençait à frapper violemment ma poitrine. Quelques secondes plus tard, c’est le canon d’un revolver pointant l’arrière de mon crâne que je sentis, me poussant à m’arrêter.

« C’est toi le petit malin qui se prend pour un justicier ? » lança le premier, dos à moi. Est-ce qu’il s’attend à une réponse de ma part ? Dans tout les cas, je ne peux pas vraiment lui en donner une.

« C’est lui. » une seconde personne qui se dressait face à moi. Je l’ai reconnu, je lui avais explosé le nez quelques heures auparavant. Il avait une sale gueule, je veux dire, encore plus que d’habitude avec ces narines en sang. Il passa la lame de son poignard sous ma gorge avec un sourire revanchard sur le coin de ses lèvres. « Maintenant que j’y pense, ta tronche m’est pas inconnu. Où est-ce que j’ai bien pu te croiser ? »

Laisse moi agir. Cette voix, celle de mon démon, elle continuait de résonner au fond de mon crâne, me poussant à prendre les mauvaises décisions. Je savais que si je le laissais prendre le contrôle, il n’allait pas se contenter de les mettre au tapis. Je ne pouvais pas me le permettre. Tu pourrais tous les mettre à genoux, si seulement tu n’étais pas un trouillard. Je continuais de serrer les poings pour ne pas l’écouter, pas après tout le mal que je me suis donné pour renier mes pouvoirs psychiques. Libère-moi, crétin.

« Bah alors ? T’as perdu ta langue ? » Un troisième avec un timbre de voix beaucoup plus sadique que les autres.

« Je me souviens maintenant. Putain de merde, c’est… »

_____Un ange gardien était descendu du ciel, pile au bon moment. Il avait distrait l’attention de mes agresseur, me laissant une ouverture pour que je puisse les attaquer à mon tour. D’un revers de la main, je me suis permis d’éloigner le canon du revolver de ma tête, par instinct de survie. Je me suis vivement retourné pour écraser mon poing directement dans le visage du premier agresseur. Un second essaya de venir en aide à son collègue mais il se prit une rotule bien placer dans les parties. J’ai enchaîné par un second coup de poing sous la cage thoracique de mon adversaire, pour lui couper le souffle et pousser son corps à se plier en deux. Le troisième est intervenu. Je l’ai attrapé par le poignet pour lui briser le bras avec une technique de combat dont seul ma mère avait le secret.

Je n’avais pas encore eu l’occasion de jeter un coup d’œil sur celui qui s’était jeté du toit pour me venir en aide. En tout cas, ils étaient beaucoup plus intéressés pour m’attaquer moi que lui. Deux autres se sont jetés sur moi, en même temps. En me sentant encerclé, j’ai laissé parler mon instinct primaire de survie. J’ai serré les poings, de toute mes forces pour finalement libérer une puissante onde de choc psychique, assez forte pour déséquilibrer et déstabiliser les deux hommes qui s’en était prit à moi. Ils étaient au sol, assez sonné pour ne pas se relever pendant les dix prochaines minutes.

Mes pouvoirs psychiques puisent mon énergie vitale déjà bien faible. En agissant par reflex de survie, j’avais mal agi. J’étais déjà affamé et exténué. Je cumulais les nuits blanches pour survivre mais aussi pour empêcher mon démon de prendre le contrôle de mon corps pendant mon sommeil. Après avoir utilisé mon pouvoir, je fus pris d’une fatigue beaucoup plus importe, manquant de me faire trébucher. J’ai titubé, mais je tenais encore debout.

Alors, pendant que je reprenais mon souffle, j’ai levé mes yeux et mes paupières lourdes vers mon ange gardien. En une fraction de seconde, je l’avais reconnu, qui ne le reconnaîtrait pas ? Le Batman. Mes yeux s’écarquillèrent de peur. Les hommes qui ne s’étaient pas retrouver au tapis avaient commencé à s’enfuir en courant. Enfant, je l’idolâtrais, comme beaucoup. J’ai côtoyé ses élèves : Dick, Stephanie, Tim, Damian mais je ne l’avais jamais vraiment rencontré en personne. Ce n’était vraiment pas le bon moment pour réaliser mes rêves d’enfant, j’étais un criminel. Pire que ça, aux yeux de ce pays, j’avais collaboré avec un régime fasciste.
Ce regard qu’il me lançait à travers ce masque, ces poings serrés ne me rassuraient pas. J’avais gardé mes distances avec lui, pour me protéger. Mon instinct me murmurait de me méfier de tout le monde depuis que j’étais rentré sur le sol américain. Mon cœur continuait de frapper violemment ma poitrine et le stress commençait à prendre le dessus sur ma lucidité. Sans aucun moyen de communiquer normalement avec la chauve-souris, je devais utiliser le langage des signes, en priant qu’on puisse me comprendre.

« N’approchez. Pas. S’il vous plaît. » signais-je lentement, pour me faire comprendre et surtout parce que j’étais toujours pris par cette fatigue. « Je ne veux. Faire du mal. A personne. »

Ce stress, que mon corps générait, mon démon pouvait le ressentir et s’en servir pour tenter de me corrompre. Ma réputation était déjà détruite, je ne voulais pas que cette entité empire la chose. Tu ne dois pas te fier à cet homme. Je n’ai pas besoin de ces conseils, mais il se montrait particulièrement insistant. La dernière fois que mon corps s’était montré aussi stressé, c’était quand j’avais fait face à l’agent de Degaton, lorsque j’ai compris que je ne pourrais pas gagner ce combat. Cela nous avait entrainé à subir des mois de violences physiques et morals qui continuaient de me hanter. Défends-toi ! Mais je ne peux pas me défendre, je suis trop épuisé, il le sait. Il n’attend qu’une chose, que je le libère de nouveau. Il veut s’en prendre à Batman mais même lui, ne lui arrivait probablement pas à la cheville. Laisse-moi tranquille ! Une pensée, ma pensée qui s’égaraient au fond de mon crâne, en espérant qu’elle atteigne l’entité. Je savais que cela ne l’arrêterait pas, mais je continuais à espérer qu’un jour, il se calmerait.

JOSEPH, TU DOIS ME LAISSER SORTIR. Des hurlements, assez puissant pour me provoquer un mal de crâne soudain et douloureux. J’ai posé mes deux mains sur mon crâne pour essayer d’apaiser cette douleur. Il pouvait hurler, me faire autant de mal qu'il le voulait, je ne le laisserai plus faire du mal à qui que se soit ici, même à mes futurs ennemis.

« S’il vous plaît. N’approchez. Pas. » signais-je à nouveau.

_____Je l’ai supplié, pour qu’il ne s’approche pas. J’ai fait tout ce que je pouvais pour le tenir éloigner de moi. C’est Batman, il fait ce que bon lui semble, c’est ça ? Cette distance de sécurité que je m’étais créé était en train de s’évaporer à chaque pas qu’il se permettait de faire. J’ai placé ma main droite devant moi pour l’empêcher d’avancer davantage mais cela ne suffisait pas pour le ralentir. J’ai reculé, à de nombreuses reprises jusqu’à me retrouver dos au mur. Le simple fait qu’il refusait d’obéir à mon ordre suffisait à amplifier mon stress. Je pourrais fermer les yeux, me concentrer quelques instant pour générer autour de moi, un bouclier psychique qui l’empêcherait de s’approcher de moi. Je sais que j’en suis capable, mon démon l’avait fait de multiples fois sans grande difficulté. Si j’étais capable de générer ce bouclier, je ne tiendrais que quelques secondes avant de m’évanouir dans ces bras. Il y a probablement beaucoup plus intelligent, comme plan de retraite ?

Tu es faible. C’est comme s’il venait de comprendre ce que j’essayais de faire pour me protéger. Il profitait de ma faiblesse pour essayer de me convaincre qu’il devait agir. Si je me laissais envahir par ma peur et mes traumatismes, les habitants de cette ville et leur sauveur auraient de vrais raisons de me haïr et me craindre. Ne soit pas aussi borné, tu veux vraiment jouer ta liberté sur un coup de poker ? Pathétique. Batman protège les innocents, c’est ça ? Avec mon historique, j’étais loin d’être considéré comme une âme innocente. Mais je prenais le risque.
Mon cœur continuait à devenir fou, frappant ma poitrine. Ma respiration devenait bruyante et saccadée, mes yeux écarquillés. Le froid commençait à me geler jusqu’aux os et il ne manquait plus que la pluie pour achever mon corps meurtri par ce vent glacial et par la fatigue. J’ai entendu mon nom sortir de sa bouche, j’ai paniqué. Il me connaît ? Bien sûr qu’il me connaît, Papa l’a affronté plus d’une fois et j’ai côtoyé ces élèves. Alors que je m’attendais à ce qu’on s’en prenne à moi, c’est pratiquement une main tendue que Batman m’offrait.

Comment pouvait-il m’aider ? Appeler un exorciste plus efficace que ce John Constantine ? Me fournir ce traitement médical que je détestais tant ? Tu ne peux pas te fier à lui. Les paroles de ce démon devenait prévisible. Il essayait de me garder à l’écart des mains qu’on me tendait, jouant avec ma paranoïa. Je l’ai laissé sans réponse pendant de nombreuses secondes, hésitant. Si je restais encore trop longtemps dans ce froid, j’allais y passer.

« Froid. Faim. Epuisé. » signais-je doucement.

Mes mains tremblaient à chaque signe, mon visage commençait à devenir de plus en plus pâle. Une fois avoir décrit tous mes symptômes, je commençais à devenir incapable de tenir sur mes deux jambes. J’avais probablement puisé mes dernières forces et je n’allais pas tarder à sombrer dans l’inconscience. Pourtant, je luttais, encore et toujours, pour ne pas avoir à fermer les yeux. Tu ne pourras pas le sauver éternellement. Ton corps fatigue et bientôt, c’est moi qui prendrait le dessus Tu ne peux dois pas lui faire de mal. Il peut nous aider ! Personne ne peut nous aider, nous ne pouvons compter que sur nous. Bien, si je ne pouvais pas convaincre mon démon que s’en prendre à Batman était une idée pourrie, je devais garder mes yeux ouverts, le temps qu'il comprenne, le temps de m'expliquer.

« Je peux tout vous expliquer, mais pas ici. S’il vous plaît… »

Je pourrais répondre à toutes ces questions, une fois que je serais dans un lieu que j’estimais sain et qui pouvait me garantir qu’un policier de Gotham n’allait pas pointer son revolver sur ma tempe comme ces criminels l’avaient fait quelques minutes auparavant. Ferme les yeux, Joseph. Laisse-moi sauver ta misérable existence.

_____Le gamin qui est en moi aurait pu sauter de joie au moment où il entendit les vrombissements de la célèbre Batmobile. Si un jour, on m’avait dit que je monterais dedans, je n’y aurais pas cru. Ce n’était pas le bon jour pour sauter de joie. Je tenais à peine debout, je craignais d’avoir attraper un peu de fièvre et j’étais épuisé. J’ai suivi la chauve-souris à pas lent, pas par méfiance, mais par fatigue. Je n’arrivais même pas à lui emboiter le pas. Il fallait que je me concentre, pour garder les yeux ouverts, par crainte de réveiller ce qu’il y avait de pire en moi.

Je me suis installé sur le siège passager. La ceinture bouclée, j’ai essayé d’oublier mon corps qui me suppliait de lui accorder une sieste de quelques minutes à peine. J’ai observé les alentours, les boutons sur le tableau de bord, les lumières, l’écran tactile présent juste en face de moi. J’ai collé ma colonne vertébrale contre le dossier du siège et, doucement, j’ai senti mon corps se réchauffer. Je n’imaginais pas que la sensation sera aussi agréable. J’ai laissé échapper un soupir de soulagement avant de me tourner vers cet écran tactile. J’avais besoin de m’expliquer, de communiquer avec mon chauffeur. Ce dernier, bien trop occupé à conduire, n’avait pas le temps de jeter son regard sur mes signes. Je devais m’y prendre autrement.
Je me suis permis de jeter un coup d’œil et pianoter sur l’écran tactile. Je sais, ce n’était pas très poli de fouiller dans les affaires des autres mais j’avais besoin de lui parler le plus rapidement possible. J’ai trouvé les commandes vocales du véhicule. J’ai levé mes yeux quelques secondes vers lui pour me rassurer avant de me permettre de pianoter sur l’écran tactile.

« Je ne devrais pas être là. » L’hautparleur de la Batmobile répond aux textes que j’écrivais sur l’écran tactile, parfait. « Je suis mort. Lorsqu’on m’a ramené d’entres les morts, tout a changé pour moi. Vos élèves vous l’ont peut-être dit, je suis malade. J’ai perdu le contrôle de mes pouvoirs, ils se sont amplifiés, ils sont devenus trop puissant. » J’ai marqué un temps de pause, comme si je cherchais à analyser la moindre de ses réactions derrière ce masque. « Nous ne sommes pas seuls. Il y a une troisième personne parmi nous, une entité qui vit en moi. C’est un démon et il est mauvais. »

Je suis resté silencieux quelques secondes en ressentant un léger frisson me traverser le corps. Mauvais ? Tu me dois la vie. Est-ce comme cela que tu exprimes ta gratitude ingrate ? Tu penses être un saint ? Vous le pensez tous, vous les humains. Je n’avais pas besoin de ses commentaires, j’étais déjà assez mal à l’aise comme cela.

« Anton Arcane s’est servi de lui pour le forcer à travailler pour Degaton. Il est plus fort, plus puissant, il ne ressent pas la douleur, il était parfait. J’ai conscience que cela ne retire pas ma part de responsabilité pour tout le mal que j’ai causé là-bas… mais je n’ai pas eu d’autres choix. Je n’ai pas voulu faire autant de mal… »

J’ai baissé les yeux, je n’avais plus la force de raconter ce qu’il s’était passé. A quoi bon me justifier ? Le mal est fait et je pouvais accuser qui je voulais, cela ne changera pas le point de vue du gouvernement américain. Je suis le fils de mon père et personne ne devrait avoir le pouvoir de contrôler mentalement des personnes innocentes. J’ai fermé mes paupières pour retenir mes larmes mais je n’ai pas réussi à retenir les premières. Je les ai chassés d’un revers de la main avant de reprendre mon souffle pour me ressaisir. Tu luttes contre l'inévitable. Lorsqu'il découvrira ce que tu es vraiment, il te chassera.

« Tant que je suis conscient, je garde le contrôle mais si je ferme les yeux… c’est une autre histoire. » C’est pour cela que je ne me permettais pas le repos. « S’il se réveille… j’ai peur qu’il vous fasse du mal, à vous et à votre ville. »

_____Je ne pouvais pas être serein sans parler de l’entité qui vivait avec moi à Batman. À tout moment, je risquais de fermer les yeux un peu trop longtemps. Ce scénario me faisait tellement peur que cela m’obsédait presque. Je ne voulais pas que ce démon me fasse passer pour quelqu’un que je ne suis pas. Pour beaucoup de personnes, j’étais le fils de mon père et je ne voulais pas que Batman se rajoute dans cette liste déjà trop grande.
Alors, je m’étais un peu imposé dans cette Batmobile. J’avais touché au tableau de bord, chose que je n’aurais jamais fait dans une autre situation. De temps en temps, mon regard se tournait vers lui et son visage fermé, dur. Je mentirais si je disais que je n’étais pas impressionné par sa carrure mais quand on a un père comme Deathstroke, on est habitué au silence et aux visages fermés émotionnellement. Toutefois, j’ai eu le droit à quelques réponses compatissantes, de quoi me rassurer davantage et me laisser souffler un peu.

Lui aussi avait traversé l’étape de la résurrection. Il pouvait me comprendre plus facilement que d’autres. Cependant, il n’avait pas l’air d’avoir apprécier le fait que je touche à ces jouets. Je l’observais appuyer sèchement sur le bouton, m’empêchant de communiquer à nouveau. Beaucoup aurait été surprit de ce comportement un peu froid, pas moi. J’ai connu pire. A une époque, Papa avait hurlé à plein poumons sur Grant parce qu’il était en train de jouer avec la radio juste après une dispute. Je me contentai de baisser les yeux et d’observer par la fenêtre le paysage défiler.
Batman m’avait conduit dans un petit refuge. Doucement, je suis sorti en dernier du véhicule pour visiter les lieux. Ce n’était pas grand, le confort laissait à désirer. On pouvait croire qu’à force d’être trainer dans des appartements luxueux, je m’étais adapté à un minimum de confort, mais ce n’était pas le cas. Après avoir vécu plus de cinq mois dans une des prisons de Degaton, subissant de multiples tortures et sévices, j’étais heureux de trouver un endroit sain et sécurisant.

« Merci. » signais-je, alors que je venais à peine d’en faire le tour. Il avait déjà fait beaucoup pour moi et je ne savais pas comment vraiment le remercier.

Je continuais ma petite visite. Comme par hasard, mon esprit était resté focaliser sur les lits. C’était la manière de mon subconscient de me faire comprendre que j’avais vraiment besoin de rattraper mes heures de sommeil. Avant cela, les paroles de Batman attirèrent machinalement mon attention. Lorsqu’il demanda à parler avec l’entité qui vivait avec moi, mon cœur rata un battement, mes yeux s’écarquillèrent. Mon anxiété, qui avait disparu, était sur le point de ressurgir. Je ne sais pas pour qui j’avais peur, pour Batman, pour le démon, ou pour moi ? Je me suis assis sur le bord du lit lorsque mes jambes ont commencé à se dérober.

« Je ne sais pas si c’est une bonne idée. » signais-je. « Vous… » je marquai un temps de pause, hésitant. « Vous ne devez pas vous battre, d'accord ? »

Je sais que je ne pourrais pas convaincre un homme aussi déterminé que Batman. Si son idée était de rencontré mon démon, il ne changerait pas d’avis, même si j’essayais. Malheureusement, je n’avais pas l’énergie nécessaire pour cette cause perdue d’avance. Après quelques secondes de silence, je finis par céder et hocher timidement la tête. Ferme les yeux, Joseph. J’en mourrais d’envie, je suis épuisé physiquement et Batman était en train de me tendre la perche. Je sais que l’entité ne pourra faire de mal à personne avec lui.
Ce que je craignais vraiment ? C’est qu’ils en viennent aux mains. Mon démon était insensible à la douleur physique et sa force démoniaque n’était clairement pas adapté à un corps humain. L’entité manquait de me briser les os à chacun de ses mouvements, lorsqu’il prenait possession de mon corps. J’avais surtout peur pour moi, peur de compter les blessures sur mon corps. Je prends une grande inspiration pour tenter de chasser cette peur.

J’ai fermé doucement les yeux. Mécaniquement, ma nuque s’était assouplie et ma tête s’était baissée. J’allais doucement m’endormir et, quelques secondes plus tard, ma nuque s’était redressée vivement en émettant un grand craquement. Mes paupières s’ouvrirent brusquement et mon regard perçant radioactif s’était immédiatement focalisé sur Bruce. Le blanc de mes yeux s’était noircit et mon visage se crispa. Un sourire forcé et malsain se dessinait progressivement sur mes lèvres. C’est lui, l’entité avait eu ce qu’elle voulait, Amy était réveillé. Il observa la chauve-souris présente devant lui sur toute les coutures et doucement, le sourire malsain sur mon visage se transformait en rire puissant et amusé, il se moquait de Batman.

« Hahahahahaha. Sérieusement ? Tu t’es cru au cirque ? » une voix sortait de ma gorge, elle n’avait nulle besoin de cordes vocales pour s’exprimer. Elle était excessivement grave et, si on tendait, on pouvait entendre l’écho d’une voix féminine. « Qui que tu sois, tu es pathétique. »

_____Je n’ai eu besoin que de fermer les yeux pour plonger mon esprit dans une inconscience. Au bout de quelques secondes, je me suis endormi, laissant le champ libre à cet entité qui partageait mon corps. Elle s’était montrée plutôt provoquante et, dès les premiers instants de liberté, elle avait manqué de me dévisser la nuque. Ce n’est pas rare que je me réveille avec une ou deux fractures. Heureusement pour nous, ma régénération me permettait de me réparer en quelques jours mais elle n’effaçait pas la douleur.
Pour le moment, aucun des deux n’avaient pris part au combat, un soulagement pour moi. Amy était restée assis sur le bord du lit, observateur. Il ne connaissait pas la réputation de Batman et des nombreux justiciers qui avaient bercé mon enfance. Lui qui avait vécu pendant des millénaires dans les enfers, devait se sentir bien perdu dans ce monde humain. Toutefois, le sourire malsain d’Amy qui défigurait mon visage semblait s’évaporer au fur et à mesure que Batman s’exprimait. Il rabaissait l’entité, à croire qu’il cherchait à tester sa résistance aux affronts fait à son égard.

Amy, l’un des président des enfers, victime d’un coup d’état contre lui, ne supportait pas les provocations d’un simple homme déguisé en chauve-souris. D’un bond, il se redressa vivement pour sauter sur Batman. Il agrippa fermement ce dernier par la gorge avec une seule de ses mains. Sa force surhumaine faisait pression sur les voies respiratoires de Batman. Si j’étais resté conscient, jamais je n’aurais laissé Amy lui faire du mal. En fait, je n’avais pas peur de son sort, même Amy ne parviendrait pas à mettre Batman à genoux. Ce dont j’avais le plus peur, c’était de moi. L’entité avait été le premier à attaquer, il ne tarderait pas à répliquer et je me trouvais au milieu de cette querelle et celui qui prenait les coups. Même si le démon avait la capacité de briser la nuque de Batman en un simple geste du poignet, il n’en fit rien, rapprochant mon visage du sien.

« Tu juges ce qui te dépasses complètement, humain. » Doucement, pensant prendre le dessus sur la conversation grâce à la puissance qu’il donnait à ma poigne, l’entité retrouva son sourire. « Tu veux me détruire ? Est-ce une menace ? Va, détruit-moi, comme beaucoup ont essayé ou ont juré de le faire avant toi. Tu penses te démarquer du lot ? Oh que tu es naïf. »

Avant les menaces, Batman avait posé de nombreuses questions sur l’entité, ces objectifs, son projet. Des questions qui étaient probablement passé au-dessus d’Amy. Moi ? J’ai mis de nombreux mois avant de connaître son nom. Il ne dit rien, ni sur ses origines, ni sur ses intentions. Il est difficile pour moi de communiquer avec une entité que je ne comprends pas, qui a essayé de me faire du mal, de me causer du tort et qui s’en était prit à mes amis. Quand j’essayais de la comprendre, d’en savoir plus, je n’avais le droit à aucune réponse, seulement à davantage de question. Elle disait que c’était pour ma sécurité qu’elle préférait garder le silence.
Lorsque son nom a fuité jusqu’aux oreilles d’Arcane et s’était, progressivement, répandu, Amy était entrée dans une colère noire. Plus on découvrait des informations sur lui, et plus cela le mettait en rogne. Il est difficile à croire qu’il pourrait tout dévoiler à un homme comme Batman

« Mon projet ? Allons, les magiciens ne révèlent jamais leurs secrets. » rétorqua Amy. « Mon apparition dans le corps de Joseph Wilson n’avait rien de volontaire. Il a croisé mon chemin, au mauvais endroit, au mauvais moment. Un hôte qui dispose de pouvoirs exploitables aussi puissant ? Aucune entité n’aurait reculé devant cet occasion en or. Le simple fait que je ne dispose pas du contrôle absolu fait partie des effets secondaires. » Il marqua un temps de pause. « C’est un enfant, un innocent, une âme humaine, comme les autres. Ses troubles et sa paranoïa font de lui un être fragile, vulnérable et influençable, un hôte parfait. A qui d’autre pourrait-il faire confiance après tout ce que nous avons traversé, si ce n’est à l’entité qui a vécu, avec lui, les mauvais traitements qu’il a subis ? Qui l’a protégé quand son peuple l’a rejeté ? Je n’ai pas besoin d’avoir le contrôle absolu sur lui, pour faire fonctionner mon influence. »

Je l’entendais chaque jour, tenter d’influencer mes actions. Vivre seul dans le froid et me faire agresser par les malfrats de la ville ne facilitait pas les choses. J’arrivais encore à résister, refusant d’utiliser mes pouvoirs ou de faire du mal à un innocent. Je ne savais pas encore combien de temps je vais tenir. J’ai peur que, tôt ou tard, il remporte ce duel.

« Je viens d’un monde qui vous dépasse complètement. Un monde où vous ne souhaitez, à aucun moment, y foutre les pieds. C’est pour cela, que vous le priez chaque jour. On a cherché à me mettre des bâtons dans les roues, je cherche à leur rendre la monnaie de sa pièce. Joseph sera ma clef pour arriver à mes fins. » Il relâcha doucement la pression qu’il exerçait sur sa gorge. « Qu’est-ce que tu vas faire pour m’en empêcher maintenant ? Lancer tes fléchettes ? Appeler tes amis magiciens pour un exorcisme ? Tu le tueras avant de te débarrasser de moi. »

_____Lorsqu’Amy commençait à, doucement, relâcher la pression qu’il exerçait sur la gorge de Batman, ce dernier en profita pour se libérer. Il l’avait spécifié juste avant de le faire, probablement pour que l’entité ne prenne pas cela pour une agression. Il avait pris appui sur mon torse pour se libérer et, malgré la force et la carrure du Chevalier Noir, il n’avait pas bougé d’un cil. Il se contenta de pencher légèrement la tête sur le côté, peu impressionné. Heureusement pour moi, le démon n’avait pas encore envie d’attaquer de nouveau son interlocuteur. Il l’avait laissé s’exprimer, restant debout sur mes deux jambes. J’aimerais le supplier de laisser mon corps se reposer. Il n’a pas conscience de l’énergie qu’il dépense, de l’état dans lequel il me met à chaque fois qu’il intervenait.

« Les humains sont faibles. Joseph Wilson ne fait pas exception à la règle, mais il dispose d’un don qui peut faire la différence. » Il redressa ma tête pour observer Batman avec dédain. « Il cédera, tout homme cède aux vis et à la facilité. L’histoire l’a prouvé et le prouve encore aujourd’hui. Je connais sa famille. Je sais de quelle lignée ce gamin descend, j’ai rencontré sa famille. »

Lorsque les héros sont venus pour sauver John Constantine, il paraît qu’Amy a croisé le chemin de ma sœur, Rose. Elle était parvenue à blesser le démon grâce à une épée magique. Pour la première fois, l’entité avait ressenti de la souffrance, une humiliation à ces yeux, un soulagement pour moi. Il était loin d’être invulnérable.
Nous vivions ensemble depuis de nombreux mois et il en savait plus sur moi, ma vie, mes amis, ma famille que je n’en savais pour lui. Je connaissais son nom, mais je n’avais pas eu l’opportunité d’en savoir plus. Je savais qu’il ne m’en dirait pas plus et que je devais faire mes recherches de moi-même. Amy laissait échapper un rire lorsqu’il fit mention de mes alliés, des personnes qui ont déjà tenté de me libérer du mal qu’il incarnait. Jusqu’ici, tout le monde avait échoué et ce sentiment d’échec l’amusait particulièrement.

« Le petit a beaucoup d’amis, beaucoup d’incapable, c’est une certitude. » il regarda Batman de haut en bas, avec un fin sourire malsain qui se dessinait sur mon visage. « Dois-je te compter parmi eux ? » Il haussa mes épaules, un craquement se fait, de nouveau, entendre. « Vous voulez me nuire ? Vous voulez me détruire, toi et tes amis ? Allez-y, libérez cet enfant, il ne demande que cela. Qu’est ce qui vous en empêche ? » Il marqua un temps de pause. « L’inconnu vous effraie et vous avez raison. Sa misérable existence est reliée à la mienne. Tentez de me détruire, et vous emmènerez une âme innocente tout droit en enfer. J’en connais qui ont essayé et qui s’en morde les doigts, encore aujourd’hui. »

Amy était confiant, il s’amusait avec Batman, lui rappelant sans cesse qu’il lui était supérieur et qu’il ne pourrait rien faire de plus pour sauver mon âme. La conversation prend une autre tournure lorsqu’il entame le sujet du monde de l’entité, les Enfers. Très vite, le sourire qui défigurait mon visage s’était évaporé, se transformant en colère. Il avait abordé un sujet lourd, sous-entendant la faiblesse du démon. La colère naissante d’Amy semblait faire comprendre à Batman qu’il avait vu juste sur de nombreux point. Il avait été victime d’un coup d’état. Disparu supposé mort, il avait trouvé refuge dans mon corps pour des raisons que je ne connaissais pas encore. Aujourd’hui, le démon avait beaucoup d’ennemis, beaucoup voulait sa peau et le simple fait que Batman aborde le sujet le mettait dans une colère noire.

« COMMENT OSES-TU ?! »

Il avait la sensation que Batman en savait beaucoup trop sur lui. Déjà, le simple fait que son nom soit révélé et commence à circuler dans le monde des humains suffisaient à le mettre en colère. Il serra mes poings, incapable de contenir sa rage. En avait-il vraiment envie ? Personne ne pouvait pas le retenir. Alors. Il tendit le bras vers le Chevalier Noir et il lui envoya une onde de choc, beaucoup plus puissante que celle que j’avais déclenché pour me défendre des malfrats, quelques heures auparavant.

« Tu penses que je vais te laisser m’humilier davantage ? Toi, un être inférieur qui passe son temps à se déguiser en chauve-souris ? » grogna-t-il avant d’écraser mon poing sur le visage de Batman. Oh non, il n’avait pas fait ça, rassurez moi ? Ce que je redoutais tant viens tout juste de se produire. « Si ta langue se permet de parler un peu trop, je me ferais un malin plaisir de détruire la ville que tu tiens tant à protéger. »

Amy se savait épié et surveiller. Il sentait que son anonymat commençait à battre progressivement de l’aile. Bientôt, de nombreux démons descendront dans ce monde pour tenter de mettre la main sur la tête de l’un de leur ancien président, affaibli et vulnérable. Quant à moi ? Un dommage collatéral, un trophée, de la chair à canon mêlé à des histoires qui n’auraient jamais dû me concerner.

« Parle aux mauvaises personnes et c’est Joseph qui en paiera le prix. »

_____Amy s’était montré agressif lorsque Batman avait touché un point sensible. Il aurait pu le tuer avec sa force surhumaine mais il n’en faisait rien. Je ne sais pas vraiment ce qui l’avait ralenti dans son élan mais j’étais soulagé de constater qu’il s’était arrêté. J’ignore comment le Chevalier Noir, peu familier au monde mystique, était parvenu à déduire cela aussi rapidement. C’était stupéfiant et je ne parle même pas de la facilité qu’il avait à se relever alors qu’Amy avait utilisé toute sa puissance pour l’attaquer.
Ce dernier ne laissait pas paraître sa stupeur. Il pouvait la cacher à Batman mais il ne pouvait pas me cacher ses émotions. Il était resté immobile, le fusillant toujours du regard. Il ne pouvait pas cacher cette colère qui déformait mon visage. Il serrait mes poings, manquant de me briser les os de mes phalanges.

« Qu’est-ce que cela changera ? » rétorqua-t-il avant de laisser échapper un sourire au coin. « Pour lui ? Pas grand-chose. Je crois que malheureusement, son destin est tout tracé. » Il haussa les épaules. « Votre objectif est de le sauver, n’est-ce pas ? Vous, ses amis, ses âmes qui empestent naïvement la bienveillance. Si vous me dénoncez, vos chances de sauver sa vie seront réduites. Vous serez responsable du triste sort de ce pauvre garçon. Arriverez-vous à dormir en sachant qu’une âme innocente a été envoyé en enfer par votre faute ? J’en doute fort. »

Doucement, Amy avait repris du poil de la bête. Il s’était calmé et avait retrouvé sa confiance perdue. Il était persuadé que Batman ne chercherait pas à prendre ce risque, celui de me condamner à une vie éternelle de souffrance physique et moral. J’aimerais croire que le héros de mon enfance ne prendrait pas ce risque mais après tout ce que j’avais traversé, je n’étais sûr de rien. Mon père m’avait bien jeté entre les mains d’un dictateur. Après cela, à qui pourrais-je accorder ma confiance ? Bon sang, je suis tombé si bas, capable d’accorder plus facilement ma confiance à un démon qu’à mes propres amis, j’ai honte.
Cela faisait déjà plus de dix minutes que j’avais laissé le démon prendre le contrôle total de mon corps. Moi ? Je m’étais endormi, épuisé après plusieurs jours de fuite. J’ai laissé Batman seul face à un démon. De temps en temps, Amy pouvait sentir mon corps trembler de manière incontrôlé, chose qui semblait l’agacer. J’étais en train de cauchemarder, il le savait et cela l’énervait de ne pas être maître absolu de mon corps. Il saisit mon bras frissonnant pour faire cesser les tremblements avant de reporter son attention sur Batman.

« Tu cherches à négocier avec un démon ? Vraiment ? » Amy semblait amusé. « Je ne t’imagines pas une seule seconde prendre un tel risque pour tenter d’épargner les futures souffrances de Joseph. » Il se mit à rire. « Sache que, ironiquement, ton monde a provoqué plus de souffrance chez ce garçon que moi. » Il ne pouvait oublier l’hypothèse qu’on vienne à le dénoncer. « Toutefois, tu as attiré ma curiosité. Que veux-tu ? »

_____Il ne pouvait pas le cacher, Amy ne supportait pas les provocations de Batman. Mon visage défiguré en était la preuve. Il serrait les dents, manquant de me briser la mâchoire, il serrait les poings prêts à me broyer les phalanges. Je ne sais pas ce qui pouvait le retenir, mais j’étais soulagé qu’il n’est pas cherché à se mesurer à lui. Le Batman répondait aux questions d’Amy par d’autres questions. Savait-il quelque chose sur le Batman ? Pas vraiment. Il avait accès à de vagues souvenirs de mon enfance mais il était incapable de comprendre qui était cet homme déguisé en chauve-souris.

« Un aliéné sans nulle doute, inutile d’aller chercher plus loin, non ? » rétorqua Amy en dévisageant de nouveau Batman, de haut en bas avec ce visage de dégoût. « Nul besoin d’aller chercher plus loin. »

Sa voix lourde finit par répondre aux interrogations d’Amy. Il voulait me sauver la vie et cette façon héroïque et naïve de vouloir mon bien semblait amuser le démon plus qu’autre chose. Qu’est ce qu’un homme déguisé en chauve-souris pouvait bien lui faire ? Lui qui ne ressentait ni douleur ni faiblesse physique. Jusqu’à preuve du contraire, personne ne pouvait me libérer de ce démon, Batman l’avait accepté, renforçant l’égo d’Amy, élargissant son sourire.
Si personne ne pouvait me sauver de lui, Batman jurait de se venger, en fixant son regard sur le démon qui en riait. Il ne semblait pas le prendre au sérieux et il prenait un malin plaisir à se payer sa tête. Il n’a pas fini son discours, Amy le coupait par des rires soudains et amusées, histoire de le provoquer, de le déstabiliser dans son monologue héroïque.

« Le venger ? Vous ? Ces amis ? » Il ne pouvait s’empêcher de rire. « Vous avez mis cinq mois à vous sortir les doigts du cul pour le sauver, en Europe. J’aurais le temps de pourrir ta petite ville avant que tu te décides à lever le petit doigt pour lui. »

Lorsque Batman fait mention de Jason Blood, mon sang ne fait qu’un tour. Je ne connaissais pas cet homme contrairement à Amy. Etrigan était connu et sa puissance démoniaque surpassait probablement la sienne pour qu’il en perde ce sourire provocateur. Il aurait eu une maigre chance de s’en sortir s’il était parvenu à garder son anonymat.

« Encore des menaces ? Comprends-tu au moins que je pourrais te faire taire en brisant ta nuque si fragile… »

Batman a suggéré une échappatoire au démon, celui de me libérer de son propre gré. Si seulement c’était aussi facile. Amy croisa mes bras avant de secouer négativement la tête, manquant de me dévisser le cou. Il pourrait retourner chez lui, il possède encore des légions qui lui étaient encore fidèles. Cependant, quelque chose le retenait.

« Tu aurais aimé que cela soit aussi simple ? » rétorqua Amy. Il ne souriait pas, il ne se moquait pas de l’ignorance de Batman car la situation semblait l’agacer également. « Ce n’est pas si simple. » Mon regard croisa celui de Batman. « Les magiciens et les charlatans ont fui en tentant de l’aider. Tu penses que Jason Blood peut faire la différence ? Tu te trompes. » Il soupira. « J’ai passé un accord avec Brother Blood. Cet homme a lié nos âmes. Techniquement, nous sommes une âme reconstituée, une erreur de la nature. Tu souhaites me tuer ? Il mourra. Tu veux achever Jericho ? Je mourrais avec lui. Nous sommes tous les deux piégés, le serpent qui se mord la queue. Je dois vivre avec un pleurnichard et celui-ci est condamné à souffrir jusqu’à ce que la mort décide de nous libérer. » Il laissa échapper un léger sourire. « Et là, tu ne peux rien faire. Tu as la haine, hein ? Oui, je le sens. »

_____Amy passait de la colère à la moquerie en une fraction de seconde. Il avait finalement avoué à Batman des éléments que nous connaissions tout deux. Personne n’avait osé nous séparer. Il ne s’agissait pas d’une possession classique, celle qu’on peut voir dans les films d’horreur, c’était bien pire. Personne n’a envie de partager son corps avec une créature sadique et inhumaine. Il n’y avait rien de sain dans cette cohabitation.
Il pensait être parvenu à renverser la situation, mais il se trompait. Le Batman ne semblait toujours pas déstabiliser par les quelques révélations d’Amy concernant sa venue dans le monde des vivants, ses relations. Il n’avait pas cherché à évoquer les détails de sa collaboration avec Brother Blood. Comme d’habitude, il s’était contenté du strict minimum pour essayer de faire disparaître ce sourire du visage de Batman. Rien n’y fait, ce dernier continuait à le menacer, à retourner la situation pour mieux énerver le démon qui commençait à perdre le contrôle de ses émotions.

« Trouvez la solution ? Quelle solution ? Tu n’as clairement aucune idée de ce que tu es en train de dire. ? Non, tu bluffes en espérant que cela aidera ton ami mais je vois clair dans ton jeu. » Il secoua légèrement la tête en laissant échapper un léger rire. « C’est pathétique. As-tu seulement idée dont tu me demandes ? De rétablir ce qui ne peut pas être rétablit, d’espérer pouvoir trancher ce qui ne peut être trancher. Si tu souhaites vraiment te débarrasser de moi, cela coutera la vie à Joseph Wilson. »

C’était du bluffes, je le sentais. Amy savait quelque chose, quelque chose qui pourrait nous sortir de cette impasse. Est-ce qu’il savait clairement comment nous sortir de là ? Je l’ignorais, ce n’était que des suppositions. Je savais seulement qu’il mentait et qu’il ne craignait pas les menaces de Batman. Ou alors, il avait suffisamment confiance en ses capacités de gros menteur et manipulateur.

« Si tu ne me crois pas, tu pourras demander à ton pote Etrigan. » Il laissa échapper un soupir. « Le monde des hommes l’a trop attendri… »

Mes yeux se fermèrent, mes mains tremblèrent. Alors que deux hommes étaient de train de se menacer mutuellement, j’étais en train de dormir, plonger dans un rêve cauchemardesque. Plus le temps passait et plus le scénario de ce dernier empirait. Amy a commencé à perdre le contrôle de mon corps et, quelques secondes plus tard, il s’est retrouvé plongé au fond de ma psyché.
J’ai rouvert soudainement mes yeux, pétrifié de terreur. J’étais revenu dans le monde des vivants, le visage défiguré par la terreur. J’avais encore du mal à revenir à la réalité. Je ne voulais pas l’admettre, mais l’Europe m’avait brisé. J’étais devenu un enfant terrifié par tout ce qui l’entourait, de peur que le scénario se répète. C’est pour cela que je préférais écouter A my plutôt que de me livrer au gouvernement, craignant qu’on me fasse du mal. Batman ? C’était différent. C’était un de mes héros d’enfance, celui qui avait élevé l’un de mes amis les plus proche quand je jouais les héros avec les Titans. Je préférais confier ma vie à cet homme plutôt qu’à mon père. Il avait réussi à gagner ma confiance en me proposant un lieu confortable et il avait essayer de me protéger de ce démon, chose dont je n’étais pas encore au courant.

Machinalement, des larmes se sont échappés de mes paupières. Mon cauchemar m’avait ramené à ces journées où les bourreaux de Degaton s’amusaient à nous torturer, moi et Amy. J’étais rongé par la tourmente, lui par la haine. Le simple fait de revivre ses évènements, dans mes rêves, suffisait à me faire perdre mes moyens. Mes yeux pétrifiés par la terreur, dont le sclère était redevenu normal, fixaient Batman. Mon seul reflex, pour me calmer a été de me jeter dans ses bras, comme si je cherchais du réconfort. C’était pathétique, je le savais mais je ne pouvais m’en empêcher. Je suis resté quelques secondes dans ses bras avant de me reculer vivement, gêné.

« Pardon… » Mon corps était légèrement courbaturé à cause d’Amy mais à part cela, je ne ressentais aucune douleur, preuve qu’il n’y avait eu aucun combat ou presque. J’avais remarqué, derrière Batman, quelques meubles renversés et j’ai compris, c’était Amy. « Je suis désolé, s’il vous a attaqué. » signais-je. « Je ne voulais pas que cela se passe comme ça. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Qu’est ce que vous a dit Amy ? »

_____Il fallait attendre quelques minutes supplémentaires avant que les migraines ne disparaissent. Amy n’était pas le démon le plus délicat pour manipuler un corps humain. Des bleus étaient apparus sur mon corps, mes muscles étaient endoloris, raides. Cette sensation finira par disparaître au bout de quelques heures. J’avais chassé les larmes qui s’échappaient de mes yeux d’un revers de la main en remerciant Batman pour son geste bienveillant.
Mes jambes titubaient, je n’étais pas capable de tenir debout. Je me suis installé sur le siège le plus proche pour essayer de récupérer un peu de force. Tout en essayant d’obtenir des réponses à mes questions, je me massais le crâne pour essayer de calmer ces maudites migraines. Difficile d’avaler les informations quand la douleur vous déconcentre.

Amy avait des peurs, je l’ai su au moment où nos chemins ont croisé Anton Arcane. Sa peur s’était intensifié quand son nom a été découvert. Ai-je été la première personne à être au courant ? Même pas. Maintenant, Batman m’annonçait qu’il craignait d’être retrouvé par ces ennemis de l’au-delà. Etais-je mêlé à toutes ses histoires ? Un malheur n’arrive jamais seul à ce qui paraît. Batman avait menacé Amy de le dénoncer s’il ne trouvait pas une solution à ce problème de fusion d’âme. J’ai froncé les sourcils, est-ce qu’il était sérieux ?

« Si vous le dénoncer… je risque d’être mêler à toutes ces histoires. Je ne sais pas me défendre face à des démons ! »

Oui, j’avais peur, j’avais déjà beaucoup d’ennemis. J’étais considéré comme un traitre dans ma terre natale. Certains hommes de Degaton allaient probablement chercher à me retrouver ou m’éliminer avant. Maintenant, j’apprends que des démons de l’au-delà en ont après Amy, donc moi. C’était beaucoup à digérer et je me sentais tout d’un coup si seul. Si Batman ne peut même pas me venir en aide, qu’est ce que je vais bien pouvoir faire.

« Je suis désolé pour les coups… » signais-je à nouveau. « Quand il prend le dessus, je ne vois pas tout le mal qu’il peut provoquer. »

Même si les nouvelles n’étaient pas forcément bonnes, j’avais au moins un refuge, un endroit où je pourrais me reposer un peu, manger un peu et chercher une solution pour me débarrasser de ce démon. Je ne pouvais pas demander à Batman de me venir en aide, il avait bien mieux à faire que de feuilleter des bouquins mystiques pour exorciser un démon qui aurait fusionné son âme avec la vôtre, non ? Je meurs d’envie de te voir perdre ton temps. D’abord, il fallait peut-êtrre que je trouve un moyen de m’innocenter ? Je ne pouvais pas jouer éternellement au jeu du chat et de la souris. J’avais besoin d’un environnement sain pour espérer, un jour, me remettre de cette mauvaise expérience en Europe.

« Merci, Batman, vraiment. » J’avais besoin de me rassurer, c’était bien le seul à m’avoir tendu la main depuis qu’on m’avait sauvé la vie. Je dois beaucoup à mes amis de la Young Justice, mais je ne pouvais pas les rendre complice, ils étaient trop jeune. « Vous me croyez, quand je vous dis que je n’ai pas fais tout ce mal… » Prenant conscience que je cherchais à me rassurer alors que j’étais parfaitement conscient d’avoir tué ces gens, par le biais d’Amy et par la force, j’ai baissé les yeux. « Qui voudrait croire ça ? Pardon, je vous fais perdre votre temps. »