Between a Rock and a Hard Pace... 2050 (Libre)

Atlas Building, siège de Sivanatech

Au dehors, la pluie battante nettoie tout.
Le pavé, bien sûr.
Les luxueuses automobiles à moteur gravimétrique.
Le cordon de sécurité, surplombé du panneau lumineux « Gala de la Fondation Atlas. »
Et les vitres, épaisses et éclairées de l'intérieur, qui isolent le bureau du progrès inarrêtable de la Ville de Demain, Metropolis.

Ici, dans les rues, le crime n'a plus lieu d'être.
Il trouve son dernier bastion derrière le double-vitrage de bureaux de gérants et de salles de réunions.

Derrière les baies vitrées du dernier étage, le bureau du prince consort de Sivanatech semble avoir un siècle de retard.
Tapisseries vertes, lourdes bibliothèques, bibelots et reliques briqués à la main ; tout rappelle à un luxe suranné.
Les bizarreries des hommes de pouvoir, pourrait-on dire.

Le front contre la vitre tempérée, l'homme aisé à la mâchoire carrée y presse sa peau comme pour sentir les gouttes à travers.
Il aime la pluie, depuis plusieurs années.
Elle lui rappelle l'orage. Le goût de l'éclair sur sa langue. La foudre et la fureur...

Le parfum suave et entêtant précède la sensation du buste généreux contre la manche de son costume.


Billy Batson est plus vieux qu'il l'ait jamais imaginé.
Le gamin perdu des Slums a soufflé sa quarantième bougie.
C'est plus que son père en a jamais éteintes.

Sa compagne presse doucement le buste contre son bras musculeux.
Les doigts graciles viennent effleurer son alliance.
L'homme ténébreux sent sa bouche se tordre en un sourire bêta. Il l'aime, et elle l'aime aussi.
Ils n'ont jamais eu d'enfants, mais avec leur Fondation bien des enfants de Southside rient et jouent sous leurs portraits.

"Tu as raison. Ils attendent, oui. C'est toi qu'ils attendent, Beautia."

Il se tourne enfin vers elle.
Une ride d'expression lui balafre le front.
Batson regrette d'avance ce qu'il s'apprête à dire.

"Je te rejoins. J'ai..."

"... Un rendez-vous sur le toit ?"

Elle connaît l'expression par coeur.
Mais sa femme ne connaîtra jamais ce que Billy Batson - ce que Captain Marvel - peut ressentir lorsqu'il se tient sous le ciel au sommet d'un gratte-ciel. Pas vraiment. Pas la façon dont lui le ressent quand il est lui ; le héros. Celui qui fait des infidélités pour fomenter des projets avec les rares personnes qui peuvent prétendre au statut de pairs.
Parfois, il croit sentir quelque chose. L'approche d'un ami.
Parfois, c'est seulement l'appel de l'éclair.

Un costume propre, sec et repassé, préparé par avance, a bien dû vendre la mèche. Même si elle le connaît assez pour l'avoir deviné avant même d'avoir passé la porte.

En bas, dans la salle de réception, les mondains, les officiels et les travailleurs sociaux tirés au sort vibrent au son des vieux tubes de rock'n'roll joués par l'orchestre et des crevettes frémissant sur plaque chauffante.
Le Champagne coule à flot.

Mais bientôt, une alerte en poussera plusieurs à vérifier les nouvelles.
La célébration de la dernière bonne oeuvre de Beautia Sivana-Batson coïncide avec un flash info.

Le Parasite a été filmé en train d'attaquer la centrale électrique de Keystone City.

L'impulsion de tous ces appareils d'information portatifs fait dresser les poils sur le bras de Billy Batson.
Il regarde sa femme quitter le bureau pour aller reprendre le centre de toutes les attentions de leurs invités.

Il sourit, d'amour.
Mais le froncement de ses sourcils raconte une autre histoire. Celle du frisson et de l'excitation d'un temps qui parfois lui paraît lointain... Là où il retrouve toute sa candeur et son panache ; quand le chaos frappe à la porte de sa vie rangée, pour y rappeler la fougue de son enfance.
Il desserre le noeud de sa cravate.
Un livre est tiré en arrière sur la bibliothèque, révélant le colimaçon en bois massif qui le mène jusqu'à l'air libre, dans son véritable élément.

Ses semelles de cuir clapotent contre le béton inondé, et il n'a pas besoin de dire le mot pour que l'éclair arrive et le libère.

Là en bas, il a tout.
Ici, en haut, il se sent véritablement vivant.

"Mmh."

WOW !

L'éclair s'est abattu, oui.
Il n'est pas le seul, puisqu'un garçon - un jeune adulte, peut-être même un adolescent - tombe du ciel à son tour ; et, ce faisant, s'écrase, sans doute malgré lui, aux pieds de Billy Batson. Au sommet de cette tour qui lui appartient, sans doute ne se sera-t-il pas attendu à ce que quelqu'un d'autre vienne empiéter sur ses plate-bandes.
Un autre héros, puisque c'est ce que semble être cette victime accidentelle ; c'est en tout cas ce que suggère sa tenue proche du corps ivoire et vermeille, clairement visible malgré la veste en cuir trop grande d'une taille ou deux qui pèse sur ses épaules. Curieux assortiment, dont le goût discutable ne fait que souligner sa jeunesse.

Que le Champion de la Magie se rassure, cependant : il devient vite évident qu'il ne l'a pas touché de plein fouet, le môme n'ayant que quelques ecchymoses à déplorer.

Aouch. Putain.


De son côté, David Kent éponge sa lèvre fendue d'une main gantée de cuir.
Il n'a, à son grand désarroi, pas hérité de l'invulnérabilité paternelle.
Ni de la super-force.
Ni de la super-vitesse.
Ni du souffle réfrigérant, ni...
De pas grand chose, en fait.
Ah, si, son apparence ; de ce côté-là, il est clair qu'il tient bien plus de son père que de sa mère.
Au moins peut-il se targuer d'avoir meilleur caractère.
Non que ce soit bien difficile.

David Kent - Flamebird - est entré très tôt dans la vie héroïque, suivant les traces de ses parents comme son ainée avant lui. Doté de certaines aptitudes, même si pas autant qu'il aurait pu le vouloir, il s'est rapidement taillé une petite réputation.
Petite seulement, oui, et c'est bien là le drame de sa vie : il en veut plus. Malheureusement pour lui, il est arrivé sur le marché à une époque où, en plus d'une vague toujours plus conséquente de « nouveaux héros », ceux d'hier font encore partie du paysage. Où ils sont trop nombreux pour que le public se rappelle de tout le monde ; où il leur faut presque se disputer les rares faits d'armes qui n'ont pas déjà été revendiqués. Une rude concurrence qui, à son sens, l'empêche d'accéder à la gloire à laquelle il aspire.

Sans le moindre geste de sa part, une force invisible se charge de le remettre sur pieds. Sa sœur n'avait de cesse de lui reprocher d'utiliser ses dons à tort et à travers pour s'épargner le moindre effort, mais il fait peu de cas de l'avis de quelqu'un qui a touché le gros lot génétique. Déjà qu'il n'a que la télékinésie, il peut bien s'en servir comme ça lui chante.
D'un geste irrité, il époussète son uniforme pour tenter de le remettre en état - sans grand espoir ; celui-ci est trempé désormais, plus qu'il ne l'était déjà par la pluie. Super. La chance et lui n'avaient jamais été très copains, mais c'est encore quand il croit pouvoir s'illustrer un tant soit peu qu'elle a le plus tendance à se retourner contre lui.
Pour une fois, il a quelqu'un à blâmer, cela dit ; aussi lance-t-il au fautif un regard noir.

Ça vous prend souvent, de balancer la foudre sur les gens ?! s'emporte-t-il - mais c'est la stupeur qui prime quand il réalise, peut-être un peu tard, qui il a en face de lui. Attendez, c'est pas vous Captain Marvel ?

Soudain, toute l'humidité qui avait imprégné sa combinaison se voit être expulsée sans préavis - comme si toutes les gouttes qui s'y étaient déposées une à une venaient d'être expulsées en même temps. Ce qui, certes, n'aurait pas été bien utile s'il restait sous l'averse ; ce pourquoi une fine pellicule transparente semble désormais l'en protéger. Son pouvoir n'est peut-être pas aussi cool que de tirer des lasers avec les yeux ou provoquer des explosions solaires, mais il offre bien des possibilités à qui sait s'en servir.
Et l'inventivité ne lui a jamais manqué.

Ça tombe bien, j'cherchais quelqu'un pour venir avec moi, reprend-t-il, semblant avoir tout oublié de ses griefs envers lui. Du pouce, il désigne par-dessus son épaule l'horizon, dans la direction qu'il pense être la bonne : J'vais récupérer Parasite. Il s'est barré du pénitencier de Stryker et... Bref, je vous fais pas un dessin. Ça vous dit de me donner un coup de main ? C'est pas que je pourrais pas m'en sortir tout seul, hein, mais j'suis jamais allé à Keystone, alors...

Il oscille d'avant en arrière sur ses pieds, s'efforçant de maîtriser son impatience - sa nervosité, aussi. Captain Marvel est l'un des « grands » ; si en effet il pourrait s'en sortir par ses propres moyens, l'avoir avec lui serait aussi la chance pour lui de l'impressionner. De faire parler de lui. De peut-être enfin gravir un ou deux étages dans la pyramide des justiciers.
Ou de mettre un terme à sa carrière en se ridiculisant.
L'un ou l'autre.

L'éclair brûlant brise l'obscurité fraîche de la nuit plusieuse. Brisant les dernières chaînes, les dernières limites de Billy.
La puissance des dieux coule dans ses veines.
Ce privilège, il ne le partagerait contre rien.
Il ne savait que trop bien combien il était précieux, et éphémère aussi.
Par contre, il semble que quelqu'un soit venu se frotter d'un peu près à son éclair personnel. Assez prêt pour chuter sur le toit détrempé non loin de lui.

Le Champion de la Magie plisse les yeux pour s'assurer que ses sens ne lui jouent pas de tours... Et pousse de hauts cris à la personne tombée du ciel.
Ami ou ennemi, il devrait vite être fixé.

"Ho ! ... Hé !..."

C'est quand il entend les jurons qu'il s'enquiert de l'état général de la personne.
Il allait tendre une main pour aider le garçon à se relever ; constatant que c'est inutile, il la passe dans sa ceinture.


"Mince... Ça va, petit ?"

Billy, ou plutôt Captain Marvel, avait pu voir pas mal de phénomènes bien plus impressionnants.
Mais voir le jeune homme prendre le dessus sur chaque particule d'humidité avec autant de facilité qu'il avait pu se faire léviter avait quelque chose d'aussi hypnotique et irréel que prendre un bain de boue au coeur du volcan d'Hephaestus.
Il était d'autant plus fasciné que la sagesse de Salomon faisait tourner à plein régime son mouvement perpétuel à conjectures quant à la nature et au fonctionnement de son don.

Le jeune homme en face de lui était l'attitude incarnée ; peut-être pas au niveau Lobo, mais pas loin de l'échelle du Superboy période Hawaï - l'internet n'oublie jamais.
Même si le garçon parut troublé d'être fortuitement tombé sur l'homme le plus puissant du monde.
À son irritation suivie de candide surprise, Marvel peina à retenir un gloussement.

"Heh... Ne le dis à personne, mais... eh bien oui, cet éclair est un peu le signe qui annonce la présence du Capitaine. Si jamais tu tombes sur lui, n'hésite pas à le tutoyer : personne ne tombe jamais du ciel pour se répandre en cérémonies... Quoique, on devrait plus souvent parachuter des câlinours, ça pourrait rendre aimable !"

A-hem ! Pacifisme latent certes, mais message subliminal en capitales clignotantes. Un peu de manières n'ont jamais tué personne, pourrait-il dire... Comme quoi, la réussite ou les années peuvent changer les esprits les plus entêtés. Place aux jeunes ? Plutôt mourir que de le penser encore, après quatre décennies sur cette planète.

"C'est toi, le petit jeune qui me pique tous les chats dans les arbres ?"

Une boutade ; avec un fond de vérité.
Billy vivait dans sa tour d'ivoire, désormais. Et comme Champion de la Magie, il n'était plus aussi réactif qu'avant aux petits problèmes des petites personnes pour qui agissait la Fondation qu'il dirigeait avec sa femme.
C'est ce qu'il ne comprenait pas avec cette époque : comment le monde pouvait-il avoir encore besoin de héros, alors qu'il voyait de moins en moins de crimes violents dans sa ville ? Il y avait bien l'incidence occasionnelle d'un plan mystique soulevé par l'ambition de conquête de son leader du moment... mais c'était des parenthèses vite réglées quand on connaissait assez de sortilèges pour réécrire le cosmos sous lequel vivent les petits rois et les seigneurs de guerre de l'omnivers.

Autrefois il idolâtrait Superman.
Voilà qu'après toutes ces années il ne ressentait même plus une once d'appréhension à l'idée de devoir reconditionner un de ses démons échappé de sa boîte.
Mais il avait en face de lui un jeune loup déterminé à faire ses preuves.

"C'est de ne pas en partager la charge qui pourrait être une erreur mortelle."

En prononçant ces mots pour valider la volonté du jeune héros d'accepter son appui, il jette un regard triste en direction de l'immeuble sous leurs pieds, et de l'homme qui est inhumé en-dessous pour s'être entêté lorsque son fardeau s'était fait trop lourd même pour un titan des mythes.

Il envoie d'un sortilège émis par la pensée prévenir sa femme par la bouche d'un invité qu'il a une mission à accomplir, et qu'il n'y va pas seul ; il est conscient que ce dernier point sera de la musique pour les oreilles de Beautia.

Puis, dans un éclat aveuglant, il soigne toutes les blessures superficielles de David grâce aux pouvoirs de guérisseur tutélaire du dieu Apollon.

"Bien. C'est entendu, alors allons-y. On a pas mal de chemin à parcourir !"

[HJ : Atlas étant mort et enterré sous les fondations du building éponyme, Captain Marvel bénéficie à la place des pouvoirs d'Apollon. ]

Euh, je... Ouais. C'est moi, ouais.

Il détourne le regard, semblant pris d'une passion soudaine pour le bout de ses chaussures. Il n'y a pas de honte à commencer petit ; il y en a plus à l'admettre devant l'un des grands noms de la profession. Ce n'est pas qu'il ait choisi de se contenter du menu fretin, mais avec le nombre de héros courant les rues à leur époque - parfois littéralement -, il est devenu difficile de faire son trou. Ce n'est pas avec ça qu'il réussira à se faire connaître, il en a bien conscience, mais que peut-il y faire ? Même avec le peu qu'il arrive à faire, il empiète déjà sur des plate-bandes - la preuve. Le Champion de la Magie le prend peut-être sur le ton de la plaisanterie - son nom n'est effectivement pas marqué sur la ville - mais il n'en pointe pas moins du doigt un problème récurrent.

Désolé. Vous, euh, vous voulez que j'vous en laisse ?

Il en viendrait presque à envier sa sœur. Et lui qui s'était considéré heureux que Métropolis lui revienne lorsqu'ils s'étaient réparti les tâches pour ne pas se marcher sur les pieds... Certes, Gotham n'était pas la ville la plus accueillante qui soit, mais c'était précisément pour cela qu'elle devait avoir à souffrir moins de concurrence. Peut-être devrait-il la contacter pour proposer une alternance ? Se massant la nuque pour chasser sa gêne, il note cette idée dans un coin de sa tête. Pour le moment, il a plus important à penser - comme par exemple de ne pas se ridiculiser devant l'un de ses ainés plus que ce n'est déjà fait. Il cligne des yeux avec incrédulité tandis que ses plaies se résorbent : celles-ci ont beau n'être que superficielles, ça reste ça de moins à désinfecter quand il rentrera.

Wow, merci. J'savais pas que vous pouviez faire ça.

Celui-ci a beau l'avoir invité à le tutoyer, il doute jamais pouvoir le faire naturellement : si c'est bien le même, et ça en a tout l'air, ce gars était déjà dans le circuit à l'époque de son père. Quel que soit l'âge qu'il puisse avoir - il n'a pourtant pas l'air si vieux -, et malgré toute sa nonchalance, David se voit mal être aussi familier avec un adulte. Nonchalance qui, il faut bien l'avouer, s'est considérablement réduite quand il a compris à qui il a affaire : ce n'est peut-être pas le membre de la Ligue de Justice qu'il connaît le mieux, mais ça reste une grosse pointure. Par chance, il n'a pas le temps de se demander s'il doit se recoiffer ou s'il a mis assez de déodorant : le devoir l'appelle. Les appelle, même, puisqu'il semble qu'ils soient deux sur le coup.

Alright, team-up ! s'exclame-t-il avec enthousiasme, lançant le poing en l'air. Son engouement n'est pas feint : malgré la peur de faire mauvaise impression, ce n'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de faire équipe avec une telle célébrité. Et puis, s'ils travaillent ensemble plutôt que chacun de leur côté, il réduit d'autant les risques de se faire voler la vedette... Déjà, ses baskets - et les pieds qu'elles contiennent - décollent du sol et il s'éloigne en flottant dans la direction approximative de leur objectif. Bon, 'vaut mieux pas traîner. C'est pas un rapide, mais on sait pas où il va aller fourrer son nez... Enfin, on se comprend, quoi.

De toute évidence, sa jeunesse et son inexpérience apparente ne l'empêchent pas d'être bien renseigné sur celui à qui ils vont se frotter. Ce n'est pas forcément étonnant : le Parasite a sa petite réputation, si mauvaise soit-elle - c'est qu'il est dans le coin depuis l'ère Superman, lui aussi. En tout cas, que cette confiance soit ou non justifiée, ça n'a pas l'air de l'intimider. Ils se mettent donc en route, bravant les bourrasques pour aller vers Keystone.

Ah au fait, désolé, j'ai oublier de me présenter. Moi c'est Flamebird ! dit-il en élevant la voix pour s'assurer d'être entendu malgré le bruit du vent qui emplit ses oreilles. Flamebird, donc : un nom qui n'aurait de sens que pour ceux ayant étudié les légendes d'une planète disparue - même si on ne peut pas lui retirer une certaine flamboyance. J'voudrais pas avoir l'air malpoli, mais vous le prenez mal si je vous demande à quelle vitesse vous pouvez aller ?