A l'oubli je ne peux me résoudre - Batman

A l'oubli je ne peux me résoudre

Je ne te demande pas d'aimer la réalité, je te demande simplement d'être assez fort pour l'affronter.

Cette partie de la batcave était la sienne.
Enfin, pas vraiment. Plus exactement, c’était celle de ses animaux, ses amis, ses plus précieux amis, et par ricochet, c’était aussi la sienne. Ils étaient tous là, avec lui, comme s’ils exprimaient leur joie de le voir en se collant à lui, donnant l’impression d’une étrange tribu réuni autour du jeune Damian.
Titus, son chien, avec lequel l’entente n’était pas venue de suite, mais qui avait été une manière détourné trouvée par son père d'essayer de nourrir son empathie, était allongé à ses côtés, la tête reposant sur une de ses cuisses croisés.
Alfred, le chat - et non le majordome bien que ce fut ce dernier qui lui offrit - était quant à lui roulé en boule dans le creux de ses jambes ainsi pliées, ronronnant paisiblement au rythme de son demi-sommeil.
Batcow, la fameuse vache au pelage en forme de chauve-souris responsable du végétarisme de Damian, était quant à elle allongée à deux pas d’eux, ruminant en observant la scène avec plus d’attention qu’on aurait pu en attendre de la part d’une vache.
Jerry, le dindon, le dernier arrivé dans la famille, sauvé d’un thanksgiving qui aurait du lui coûter la vie, n’avait pas osé approcher, encore trop intimidé par l’immense créature rouge présente dans le dos de Damian, s’étant placé sur la Batcow pour observer la scène, l’air aussi intrigué que pouvait l’être une dinde.
Et enfin, Goliath, l’immense créature dragon chauve-souris, à la fois ami et compagnon de bataille de Damian, dormait derrière l’adolescent appuyé contre sa fourrure, servant à la fois d’appuis, mais aussi de barrière avec le reste de la batcave, les cachant ainsi de son corps de géant ronflant et bien heureux.
Dans la guerre sans fin qu’était la vie de Damian Wayne, ce modeste coin, couvert de paille et envahis de nourritures pour animaux, était la seule chose qui s’approchait le plus de ce qu’on aurait pu définir comme un "havre de paix".

Ces derniers mois, c’était ici qu’il s’était de plus en plus réfugié quand il n’était pas dehors, à arpenter la ville et à punir le crime avec de plus en plus de violence, et de moins en moins de retenue. Petit à petit, il avait presque entièrement déserté le manoir, d’abord lorsque Tim en avait obtenu la charge en l’absence de Batman, et ensuite après le retour de son père et de… Non, il ne voulait pas y penser. Le simple fait d’avoir failli le faire avait fait remonter en lui une vague de colère, de tristesse et d’impuissance si violente, que même Titus sembla s’en rendre compte, levant alors la tête comme intrigué, avant de donner quelques coups de langue sur la main de son jeune maître, comme pour chercher à l’apaiser. « T’en fais pas, ça va. »
Si le visage de Damian se tourna bien vers l’animal, ce dernier resta cependant dépourvu d’émotion, alors que sa main venait caresser le haut de la tête du chien, comme pour le remercier de son soutien, posant alors un instant le tournevis, qu’il tenait il y a encore un instant, sur sa cuisse pour prendre le temps de flatter son chien. " Tout va bien" aurait-il aimé dire, mais c’était faux, tout n’allait pas bien. Bien au contraire, et cela ne semblait faire que s’empirer au fils des semaines.

Reprenant son tournevis, le jeune Wayne se remit à l’œuvre, continuant de réparer son grappin avec précision et patience. Il avait bien fallu qu’il commence à s’occuper seul de maintenir son équipement en état de marche, puisqu’il n’y avait plus eu personne pour le faire, la cave tout comme le manoir ayant perdu ce qui pendant longtemps avait été son « âme », sa chaleur humaine. Mais là encore, Damian préféra rapidement éloigner cette pensée de son esprit, alors qu’il finissait de ranger sa ceinture utilitaire, commençant alors à faire l’inventaire de son équipement pour garder son esprit occupé.
Il n’avait plus assez de batarangs, c’était une évidence. S’il avait bien entendu programmé la fabrication, il éprouvait un certain rechignement à se mouvoir dans le reste de la batcave pour aller chercher son équipement... Et il n’était pas ardu de saisir les raisons de cette mise à distance.

Damian évitait tout le monde, oui, parce qu’il était en colère, parce qu’il avait mal, et qu’il ne savait pas gérer ça autrement qu’en s’isolant, en se montrant abject avec quiconque faisait un pas vers lui, et en déversant toute la fureur qui l’animait lors de ses virées nocturnes, ce qui lui avait valut de sérieuses réprimandes avec Tim, en charge du rôle, ce qui n’avait rien arrangé de leur relation déjà tendue.
Oui, Damian était furieux contre tout et tout le monde, et il n’arrivait pas à l’exprimer autrement que par le silence et la violence. Était-ce tant surprenant ? Le moins que l’on pouvait dire, c’est que la pomme n’était pas tombée loin de l’arbre, pour une fois.

Croisant ses bras sur son plastron de robin, le jeune homme referma ses bras contre son torse, avant de pencher sa tête en arrière, enfonçant sa tête dans la fourrure étonnamment douce de Goliath, tandis que ses yeux fixaient le plafond de la batcave sans vraiment le voir. Non, ses pensées se tournaient irrémédiablement vers ce qu’il savait en haut, mourant, et que pourtant, il se refusait d’aller voir, quitte à se terrer ainsi dans la batcave comme un gamin boudeur et immature, incapable de gérer, incapable d’accepter. Lui rendre visite serait comme accepter cette fatalité, ce qu’il ne pouvait faire, et qu’il n’allait pas faire. Non. Il ne pouvait pas, alors il restait là. Seul dans sa colère, dans sa rage, et dans sa tristesse.
Et dans moins d’une heure, c’est une nouvelle fois sur Gotham qu’elle allait se déverser sans aucune retenue…