Le Jour du Soleil Rouge

Bon, bah ça, c'est fait. Plus qu'à attendre les réponses aux entretiens. Et puis éviter de paniquer, ou d'écouter les délibérations et ...

Comment ça je suis trop jeune ? Et puis j'ai pas l'air assez convaincante ? ... Il allait falloir vérifier auprès de l'ICE parce que j'avais un accent vraiment louche ?

Tût tût tût Kara. On se calme. On respire. On profite d'un peu de repos, on oublie les tracas de la vie quotidienne. En plus il a l'air très bon ce milkshake. J'ai de la chance, parce que leur machine est en train de lâcher. Il y en a qui va se retrouver avec une buse dans le coulis, ça va lui faire tout drôle.

Est-ce que je les préviens ? Je devrais les prévenir non ?.. Et je leur dis quoi, que je suis fascinée par les machines à milkshake et que je tiens une chaîne youtube dessus ? Que j'ai des TOCs avec les bruits de machinerie semi-industrielles ? Que je suis métahumaine avec une super-détection des buses fendues ?

Ou alors je leur dis que je suis Supergirl, donc y'a pas d'excuses à avoir. Et j'achète leur silence avec un message promotionnel qui fait "Je suis Supergirl, et ce diner est mon préféré de Star City !". Hmm. J'aurais peut-être dû faire autre chose que de jouer aux jeux vidéos la nuit dernière, moi.

La tronche que feraient Kal et Green Arrow, n'empêche !.. Bon, enfin, si les gens étaient encore enthousiastes à l'idée des Kryptoniens.

Oui, on était pas vraiment en période faste. Sans compter que, du coup, c'était vraisemblablement râpé pour décrocher quoi que ce soit auprès de Quinn Industries. L'entretien ne s'était manifestement pas super bien passé.

Ça allait se finir à LexCorp, ces histoires. La bonne blague. Les seuls qui me proposent d'eux-mêmes un truc, et les seuls que je fais volontairement traîner. Et puis ça ressemblerait à quoi, de travailler là-bas ? Ils ont de la Kryptonite partout ? Des tests bizarres pour détecter les extraterrestres ? Ou alors peut-être que c'est juste Luthor ? Peut-être que je devrais les rencontrer ... Je veux dire, ils peuvent pas être tous méchants, non ? Jamais la compagnie n'aurait pu tenir si ce n'était qu'un regroupement de fans invétérés de Lex Luthor, non ? Ils ont fait des trucs bien aussi, concrètement.

Je crois ?

Enfin, ils étaient un peu dans l'ADN de Metropolis, donc ils devaient avoir au moins fait une poignée de trucs au moins passables ... Peut-être qu'il y aurait un truc à faire là-bas. Hmm... Il fallait que j'en parle à Kal, tiens.


Mais en attendant ... Star City. Star City, et sa grosse étoile forestière en plein milieu. Star City et ses archers. Star City et sa ... normalité, en un sens. Non, c'est vrai, d'un côté, on a Gotham, le trou noir, et puis Metropolis de l'autre côté, grandiose. Et puis on a Central City, gros focus sur la vitesse, centre de transit national ; St-Roch, avec le blues et la nourriture cajun ; Ivy Town, qui pourrait tout aussi bien être un petit bout de Krypton vu les recherches qui s'y faisaient ; Coast City, qui est carrément juste une ville extraterrestre.

Et puis Star City, qui, à part la magie de sa forêt centrale, n'avait pas de grande gimmick. C'était dépaysant. Elle partageait un peu sa normalité avec Hub City, en un sens. Mais Hub City était franchement déprimante. Hub City, c'était Gotham Light. Toute la criminalité pour beaucoup moins de justiciers et une police qui aurait tout aussi bien pu faire partie du crime organisé. Star City était juste normale. Je pouvais me projeter et me dire que j'habiterais à Star City sans avoir à souscrire une assurance en cas d'oblitération totale de mon immeuble. Pas de grosse supercriminalité. Pas d'attaques cosmiques tous les jours. Ça avait l'air calme ...

Mais qu'est-ce que je suis en train de penser, là ? On dirait Cat Grant ! Par Rao, est-ce que je serais en train de devenir une vieille aigrie ?

" **kzh** Central, 10-36 ! 10-36 ! Officiers à terre dans les Glades !.. **kzh** "

Par habitude, je n'arrivais jamais à filtrer consciemment les fréquences radios quand il s'y passait des choses "importantes". Quelques mots bien précis. Un peu comme quand on entend son nom, ou quelque chose qui nous intéresse vraiment dans une conversation extérieure... Moi, c'était comme ça avec les fréquences radios. Et j'allais y aller, en dépit de toute la mauvaise presse qui pouvait tomber sur la trogne de Kal ou de moi. Prête à aider, prête à montrer que l'on était là même dans les pires moments, que l'opinion soit avec nous ou contre nous, que Green Arrow et sa clique cautionnent ou pas ...

... Mais c'est surtout qui venait après, qui me préoccupa :



Un Kandorien, donc. Dans le coin le plus mal famé de Star City.

Inutile de dire que j'avais déjà laissé les billets sur le comptoir et quitté le Diner en coup de vent. Littéralement.
Enfin, presque. J'ai quand même attendu l'angle de la rue derrière le diner.

Dans tout les cas, je balançais mon sac à dos sur le toit du Diner avec ma tenue terrienne dedans avant de m'élancer jusqu'à la source de l'appel ... Et de passer comme un souffle au travers du dispositif policier et jusque dans le bâtiment pour confronter l'ignoble individu à l'origine de tout ceci.

Les sens aux aguets, mes propres yeux rougeoyants et prêts à riposter à la moindre offensive ... Je me tenais là, au beau milieu d'un hall, attentive.


¹ : En Kryptonien dans le texte. Avec, par-dessus le marché, un accent bâtard aux forts relents d'Argo City.

Billy "Golden" Portland était hagard. Dans l'immense cage de combat métallique qui avait fait sa fortune, il était aveuglé par les immenses projecteurs qui décuplaient les ombres de ses combattants dont les deux derniers gisaient, inconscients l'un sur l'autre, à sa droite.

La journée s'était annoncée comme toutes les autres. Après une journée de repos et une nuit de folie, fait d'une comptabilité sans accroc adressée directement à son supérieur, il avait supervisé la réception de bière, d'alcool et distribué les "licences" de vente de drogue aux dealer bons payeurs. Le business marchait comme ça dans les Glades et il marchait bien. Les combats illégaux faisaient la fierté de sa bande et ce vieux loup qui avait roulé sa bosse à Las Vegas et dans les arrangements crapuleux du catch illégal savait maintenir un respectable standing de spectacle pour sa clientèle indolente mais avide de disperser ses économies.

Membre du gang de Brick, un bandit particulièrement actif depuis quelques temps, Billy était une "étoile" montante du trafic de cette brute épaisse. Brute épaisse, mais qui savait se cacher. Et c'était là tout le problème. Heureusement, ses sbires étaient moins discrets.

Angelo Di Pontti était l'un d'entre eux. Policier comme tous les autres à première vue, il était rendu douteux par sa voiture de sport flambant neuve, les bijoux dont il couvrait sa petite amie et les restaurants qu'il se payait dans le centre-ville. Sa ronde habituelle courrait dans les Glades et son dernier partenaire avait été malheureusement poignardé. Le précédent était tombé dans une embuscade et celui qui aurait dû les remplacer tous les deux effectuait une reconversion après une agression.

L'heureux homme, comme chaque vendredi, s'attablait un court moment à une table d'un restaurant qui faisait le rez-de-chaussée d'une pépinière d'entreprise des Glades. Oui, une pépinière, le genre d'initiative payée par la mairie pour essayer de "revitaliser" le quartier et tenter d'insuffler un peu de capitalisme pour faire émerger quelque chose, technique typique d'une bande de technocrates. Les étages supérieurs du bâtiment restaient désespérément vide malgré les incitations de l'hôtel de ville, mais il y avait ce restaurant qui surnageait dans cet océan de désespoir. Pas étonnant, il y avait, dans les arrières-cuisines, une porte qui descendait dans des sous-sols aménagés par Billy "Golden" Portland afin d'offrir du spectacle à la masse épuisée et au banditisme qui prospérait petitement dans les bas fonds de Star City.

Billy se demandait, alors qu'il entendait l'établissement silencieux autour de lui, comment tout ça avait merdé.

Il se souvenait vaguement des derniers évènements, comme s'ils paraissaient trop irréalistes pour se graver parfaitement en lui.

D'abord cette paire de nibards, songeait-il, on en rencontrait pas deux comme ça, encore moins avec un "S" par dessus, une large cape noire, des gants et des bottes à vous donner envie de partir en courant. Mais il était chez lui et comme un châtelain trop sûr de lui, il s'était cru intouchable. D'une voix claire elle lui avait dit "Où est Brick ?". Lorsqu'on venait chez lui, il s'attendait à ce qu'on joue selon ses règles et puis, c'était pas sensée être une héroïne cette meuf ?

Il avait rigolé, emportant avec lui l'assistance nerveuse qui composait sa garde rapprochée. Sa réponse fut simple : "Pour voir le chef, faut devenir la championne de l'arène."

Elle avait répliqué "soit".

S'il l'avait vu arriver dans son restaurant flambant neuf, il aurait certainement réétudié sa stratégie, mais il n'avait pas vu la porte d'entrée s'ouvrir en coulissant pour découvrir sa silhouette entrer en lévitant. Il n'avait pas vu ses yeux rouges alors qu'elle pulvérisait tout son bar. Il n'avait pas vu les balles d'Angelo Di Pontti, celui qui l'avait, malgré lui, menée jusqu'ici rebondir sur son armure pas plus qu'il n'avait vu le policier voler à travers l'immense double vitrage qui donnait sur le hall d'entrée. A cette heure-ci il n'y avait pas de clientèle, hélas, peut-être aurait-elle été moins expéditive avec des innocents entre eux. Le gestionnaire avait tenté d'utiliser l'alarme silencieuse mais son bras tourné dans le mauvais sens l'arrêta net. Les quelques hommes armés qui surveillaient l'entrée des sous-sols avaient profité de toutes les variations des commotions les plus communes et elle était descendue, simplement.

Billy avait pu admirer cette créature s'avancer dans l'immense salle vide, uniquement animée des nettoyeurs qui s'étaient écartés et des combattants qui s'entraînaient dans sa cage. On ne s'opposait pas à une femme qui lévitait avec des yeux comme les siens. Il s'était cru dans un mauvais roman de gare.

Angelo, à moitié assommé, peina à utiliser son talkie-walkie alors que l'échange entre Billy et Power Girl s'achevait dans ce "soit" sec et terrible.


Il avait dit que je devais devenir la "championne" de son arène ? Qu'à cela ne tienne. A super-vitesse j'avais soulevé ce gros sac et l'avait balancé dans sa cage. Les deux combattants qui s'y trouvaient avaient tenté de m'affronter lorsque le dénommé "Golden" le leur avait ordonné contre une belle prime.

Le premier avait foncé. Coup de coude, K.O. Le deuxième avait hésité, coup de tête. K.O. Cinq secondes. Pas plus.

Je décollai légèrement du sol pour mieux toiser le criminel qui ressemblait de plus en plus à un lapin hypnotisé par les phares d'une voiture.

- Où ? insistai-je en faisant rougeoyer mes yeux.

L'homme tendait ses mains en avant comme pour essayer de gagner du temps. Je lisais dans ses yeux de la peur, mais aussi de la vigilance, ses hommes se déployaient en ce moment dans la pièce. J'entendais leurs pas, leurs souffles nerveux.

- On peut s'arranger, tenta-t-il en essayant d'avaler sa salive.

Sa déglutition se termina au moment où je me retrouvai juste en face de lui, le temps d'un hoquet de terreur. Je le soulevai comme d'autres soulevaient un oreiller. L'homme puait l'alcool et le tabac, le tout à peine camouflé par une eau de Cologne grossière, je le portai malgré tout à quelques centimètre de mon visage.

- Où ?

- Lâche-le péta... commença un homme depuis l'autre côté des grilles de la cage, arme au poing.

Il ne termina jamais sa phrase, la cage se déforma sous la puissance de l'un de mes coups de pieds. Assommé par l'impact du métal tordu, il vola plus loin. Les autres furent comme tétanisés.

- Ecoute, je sais pas ce que tu veux à ce "Brick", mais je l'connais pas, supplia Billy toujours fermement tenu par ma poigne.

Je pris une grande inspiration et soufflai vers l'immense baie vitrée qui donnait sur son lounge privé. La vitre vola en éclat. Nous lévitâmes tous deux et je le déposai dans son canapé maintenant recouvert de verre. Je trouvais dans un coin un coffre, derrière une bibliothèque. Vue calorifère.

L'homme paniqua tout à fait en voyant les flammes lécher le meuble.

- Okay c'est bon, t'as gagné... cria-t-il. Pas l'fric... okay... je vais tout te dire...

Et alors qu'il allait parler, j'entendis les sirènes de police mais aussi et surtout, dans du kryptonien d'Argo City une voix juvénile qui n'avait strictement rien à faire ici. Manquait plus que ça.

- Tu viens avec moi, lançai-je à "Golden" en le reprenant, pour son plus grand déplaisir, par la veste.

Au dehors, des secours s'agitaient autour d'Angelo qui gémissait d'indistinctes informations. La police, inquiète, s'apprêtait à appeler en renfort la garde nationale directement reliée à la cellule du Général Lane, de peur qu'un kandorien solitaire ne vienne mettre la zone dans leur secteur. Le souvenir de Metropoils était encore vivace.

Calmement, je remontais les escaliers et atterrissais dans le restaurant que des pointeurs lasers agrémentaient de leur fin filet. Je récupérai au passage le gestionnaire évanoui après que son coude se soit délité et le traînait avec son boss.

Sortant par la porte coulissante qui s'ouvrit paisiblement comme si la journée était ordinaire selon ses critères, je lançai à Supergirl, seule dans cet immense Hall.

- < Trop tard. Maintenant calme-toi. > *

Je lâchai le gestionnaire devant moi en tenant toujours fermement l'autre.

- < Monsieur allait justement coopérer avec les forces de l'ordre... >*

Mon regard n'avait aucune doucent envers Kara Zor-L, la vraie, celle de cette dimension. L'authentique diraient certains, la gamine, pensai-je en moi.

- < Tu ne devrais pas être ici. Je croyais que tu avais des stages à chercher. >*

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* En kryptonien, sans accent notable.

" Kara ?.. Ben qu'est-ce que tu fais ici ?¹ "

Alors oui, ça surprend. Toujours. C'est-à-dire que s'il y a bien une personne que je ne m'attendais pas à voir ici et maintenant, c'était bien Kara Zor-El. Oui, je sais, ça demande une certaine gymnastique mentale.
Donc en gros, j'aurais tout aussi bien pu dire "C'était moi". Mais ça faisait un peu égocentrique.

Quoique parler de soi-mais-pas-soi à la troisième personne, c'était pas déjà un peu ça ?

Enfin bref. Moi, mais en moins fluette, en un peu plus grande et avec deux aimants à attention qui sont plus efficaces que n'importe quel paire de lunettes pour camoufler son identité secrète.
En vrai, je vais pas mentir, je suis quand même un peu jalouse, mais je me console en me disant que j'aurais plus besoin des lunettes d'ici quelques années.

" Et puis c'est quoi cette tenue ?¹ "

La question subsidiaire était "Je peux te récupérer l'ancienne ?" ... Mais j'essayais d'être un minimum sérieuse. Et puis en plus, je ne rentrais probablement pas dedans.

Oui, je sais, il faut que je me reprenne, c'est pas bien sérieux. Déjà que mes yeux se sont éteints dès qu'elle était apparue et que j'avais vraiment laissé tomber la carapace de sérieux pour rester là les bras ballants ... Comme si c'était vraiment à moi de me calmer, là !

" C'est marrant que tu parles des stages, sinon. Parce que je ressors justement d'un entretien avec Quinn Industries. Je crois que je suis recalée. J'ai dû les intimider, ou un truc du genre.¹ "

Et tu badines Kara là en plus ? Mais t'as rien de mieux à faire ? Hey, y'a la police et peut-être l'armée qui arrive !

Tu les entends les hélicoptères qui démarrent, les jets auxquels on est en train de faire le plein et les types en équipement qui écoutent un gradé leur faire un briefing devant une carte topographique de Star City ? Bah c'est pour vous les filles ! Et ouais, au taquet qu'ils sont !
Bon, à ce rythme, vous êtes encore tranquille un bon moment, et puis ça reste que des cowboys un peu trop optimistes pour leur équipement ... mais t'inquiètes pas que vous allez vous la chopper, la septième étoile ! Avec les canons lasers orbitaux et les crétins en super-armures, si vous continuez !

Et oui, je t'inclus dedans. Je suis ta conscience. Je fais ce que je veux.

" Mais attends ... Change pas de sujet ! C'est pas moi qui suit énervée, là. T'as vu ce que tu as fait ?¹ " J'avais le bras tendu et le ton accusateur, et toute hermétique qu'était la langue kryptonienne pour l'assistance - c'était le but recherché, après tout -, ce devait être ce bras tendu vers des murs encore impeccables qui devaient surprendre, surtout avec mes moulinets insistants et le cadre que je dessinais sur du ... vide, " T'as vu les dégâts que tu as fait ? Et les deux types, là-bas ? Et le gars encastré dans le pilier, là ... Rao ! Kara ! Il est passé à ça de se faire découper la moelle épinière ! On ne peut pas se comporter comme ça !¹ "

Oui, évidemment, une discussion animée et gesticulée à l'italienne en Kryptonien, avec ses sonorités particulières, c'était déroutant. Et plus encore quand elle exploitait la pleine ampleur de leurs sens pour souligner des choses déroutantes cachées derrière plusieurs mètres de bétons, d'acier et de couches de peau.

C'était la passion, que voulez-vous ! C'était important, de maintenir un semblant d'héroïsme ! On était pas des ... Des ...

" On est pas des Kandoriens, Kara, quoi !¹ " que je finis par la sermonner, en venant m'agenouiller auprès de l'homme qu'elle venait de lâcher pour l'ausculter avec un peu plus d'humanité, " Ca va, monsieur ?.. Ne bougez pas, les secours vont s'occuper de vous ... Ça n'est rien de grave. "

Rien de grave, enfin presque.

" T'as vu ce que tu as fait à son bras ? C'est du boulot digne d'Ursa, ça ! ¹ "

Bon, ok, j'étais peut-être un peu légèrement énervée. Alors oui, elle pouvait jouer la dure, jouer la sérieuse avec moi, mais ça ne prenait pas.

(Un peu, quand même. Par Rao, ce qu'elle en impose ! Personne doit la trouver trop jeune ou pas convaincante, elle !)

Oui, elle avait l'air sévère, l'air déterminé. L'air ... Super, j'imagine ? Celui que j'ai encore du mal à faire. Mais moi j'ai le même air que quand je gagne des batailles de regard avec Batman, après qu'il ait fait exactement le même genre de carnage pour rien. Ou quasiment rien. Alors qu'il aurait pu demander de l'aide.

Probablement ce que Power Girl aurait précisément pu faire, pour éviter ce capharnaüm.

Oui, Power Girl. Je crois que je suis vraiment fâchée, en fait.

Mais j'ai une vraie bonne raison, là.

" Les Terriens nous craignent ! J'essaye d'atténuer ça, Kal aussi ... Enfin je pense ... Mais ... Mais t'es en train tout jeter par la fenêtre, là ! Et pour quoi ? Dis-moi, t'as une bonne raison, au moins ?.. Dis-moi qu'il y a une bonne raison ... Que je peux t'aider, qu'on peut éviter d'autres carnages de ce genre ... ¹ "

Ah ben non. En fait, je crois que j'arrive pas à être fâchée. C'est plus fort que moi ! J'ai envie de taper dans un truc, là, mais j'ai peur de le casser ! Mais quelle espèce de greluche je dois faire !

J'essaye de hausser la voix et de m'imposer face à Kara, et je réussis juste à essayer de jouer sur la corde sensible en sortant une voix conciliante avec mes petits poings qui tremblent !



¹ : toujours en Kryptonien, toujours avec le même accent, et avec un net déficit de crédibilité dans son score d'intimidation.

Kara Zor-El enchaînait à sa façon les remarques, observations et commentaires. D'abord surprise, puis en colère - à sa façon, c'est-à-dire à mi-chemin entre la réprimande et la gêne. Je croisai les bras lors de son couplet sur la justesse de mes méthodes. Et sa méthode à elle s'était d'être l'ombre de Kal en espérant devenir ce qu'elle n'était pas ? Lorsqu'elle commença à jouer les saintes avec "Golden" s'en fut trop.

Je libérais l'une de mes mains pour compter avec mes doigts.

- < Primo, Je suis là pour une affaire. Secundo, cette tenue est un cadeau des amazones pour me permettre d'affronter Kandor. Tertio, pour ton stage faudra certainement que tu t'entraînes avec quelqu'un pour les entretiens. Tu as l'air d'avoir besoin d'un avis extérieur. >

Mieux valait éviter de mentionner que l'intimidation n'était pas ce qu'elle suggérait de prime abord, taper son amour propre aurait été aussi injuste qu'inconstructif malgré ce qu'elle m'inspirait.

- < Ensuite, je suis parfaitement calme. Le mobilier est sans importance et si tu veux savoir, le pilier est en plâtre, pour la déco, il va avoir une semaine ou deux de rééducations et ensuite il pourra retourner à sa vie de criminel. Puisque ça t'intéresse. >

Une dernière affirmation posée avec la délicatesse d'une masse de forgeron. Ma main vint reprendre par le cou "Golden" qui attirait toute l'attention de Supergirl. Le fait qu'elle se croit en position de me donner des leçons de moral n'allait pas le faire. Pas du tout. Je soupirai ostensiblement et la regardai avec une hauteur non feinte.

- < Maintenant tu vas être gentille, je ne te dis pas comment gérer ta vie gamine, au mieux des conseils et tu peux en faire ce que tu veux. Abstiens-toi de me faire la leçon.

" Les terriens nous craignent et nous méprisent, la belle affaire, c'est pas nouveau > , lui balançai-je froidement.

Je balayais les environs de ma main libre.

- < Toutes nos opérations, nos actions ont des répercussions, qu'on agisse ou non, qu'on fasse preuve de compassion ou qu'on soit impitoyable. Tu crois que pulvériser une voiture en tombant du ciel par accident ça ne dérange pas les citoyens ? Tu crois que défoncer une façade pour arrêter un super-criminel ça n'a aucune répercussion négative sur notre image ou le quotidien des terriens ? Là, tout ce que tu vois, c'est le salaire du crime, tu crois pouvoir me faire verser une larme sur eux ?

" Cette bande a choisi sa vie Supergirl. Ils auraient pu choisir n'importe quoi d'autre, un boulot pénible et dévastateur pour leur santé, rejoindre un groupe d'influence ou un lobby, la société aurait pu se construire différemment autour d'eux plutôt que de les pousser vers le banditisme. Mais non. Ni eux ni le monde qui les entoure n'a fait quoi que ce soit et c'est pas une caresse et deux trois paroles réconfortantes qui va changer leur vie.

" Ils vivent dans la violence et le crime à faire les poches de plus malheureux qu'eux pour remplir celle de leur chef. Je peux rien y faire. Même quand j'essayai de donner du travail via Starrware c'était totalement vain alors m'inquiéter de leurs articulations aujourd'hui ? Ils connaissaient les risques, ils les ont pris, ils les ont acceptés. Ici c'est pas la loi qui gère quoi que tu puisses en penser, pas plus que la morale ou le bien, ici les gens se battent pour survivre et surnager. Le pouvoir n'appartient pas aux tribunaux mais aux armes. Alors oui, j'ai cassé des bras, des têtes et ils vont devoir refaire la déco. Fin de l'histoire.

" Si la police était moins impuissante, les tribunaux moins corrompus et la pègre moins influente peut-être qu'il y aurait une autre voie. Mais maintenant, tout de suite, là, c'est pas le cas et j'ai autre chose à faire que de vendre une utopie en espérant que ça prenne. >

Je tirai sans ménagement "Golden" qui suppliait Supergirl de l'aider. Il s'accrochait décidément à la moindre occasion pour se tirer d'affaire.

- < A l'avenir, évite-toi le ridicule en parlant de "carnage". Quand à la bonne raison, elle est simple : Brick, pour qui travaille ce type, a quelque chose qui m'appartient et qu'il va vendre dans très peu de temps. Si je ne l'attrappe pas ce soir je risque d'en perdre la trace. >

Je m'écartai alors d'elle en tirant Billy.

- < Maintenant j'ai la police à calmer. >

Je m'avançai doucement dans le hall jusqu'à rejoindre la police. D'innombrables lampes et armes pointèrent dans ma direction.

- On se calme, je suis Power Girl, fis-je en levant un bras, puis, soulevant le piteux Billy, et je vous présente Billy "Golden" Portland.

Les officiers proches commencèrent à baisser leurs armes. "Golden" était dans la liste des personnes recherchées par la Justice.

- Vous trouverez toutes les preuves dont vous avez besoin dans les arrières cuisines, je vous conseille d'aller chercher un juge pour obtenir votre mandat de perquisition.

Je tournai ensuite un regard agressif vers "Golden".

- Maintenant tu vas me murmurer à l'oreille ce que je veux savoir, lui fis-je tout bas, parce que Brick est ta dernière chance d'alléger ta peine.

Tremblant, Billy se pencha à mon oreille et m'indiqua.

- L'acierie désaffectée du quartier Nord...

Un policier vint à ma rencontre.

- Le centre de coordination militaire veut vous parler à la radio, me lança-t-il en mettant les menottes à Billy qui était livide.

Logique. Un officier s'expliquait dans ce qui était un échange vigoureux, il me lança un regard furieux en me tendant l'équipement.

- Power Girl à l'appareil, fis-je légèrement blasée.

- Expliquez ce qui se passe !

- J'ai appréhendé un criminel notoire de Star City qui a opposé une résistance ridicule, un policier s'est interposé et a pris dans l'affaire.

- Vous avez blessé un agent de police ! Mais vous vous croyez où ? Cette affaire sera rapportée au commandement !

- Faites quand même une enquête sur le policier avant de le présenter en victime dans votre plan comm', conseillai-je avec une pointe de sarcasme. Sur ce, vous m'envoyez le formulaire de déclaration que votre "centre de coordination" a dû pondre à la J.S.A. et je le compléterais, là je suis pressée.

" Au fait, dites à Lane que je serais ravie de discuter avec lui de comment gérer aux mieux nos interventions pour éviter de fatiguer l'armée pour rien, si tant est qu'il daigne se rabaisser à parler avec une femme alien.

Je balançai le communicateur à l'officier qui était passé de la fureur à l'ébahissement et décollai, oubliant même que Supergirl était encore là.

Alors j'avais plein, plein de choses à dire.

Mais là, j'étais surtout soufflée.

Mais comment est-ce qu'elle faisait ? Je venais de me prendre un aller-retour en règle particulièrement condescendant. Le genre d'avis qui, si j'avais encore eu quinze ans et le contrôle encore peu assuré sur mes pulsions et mes pouvoirs, aurait sûrement fait que je lui aurais sauté dessus pour essayer de l'étranger. Ou je sais pas.

(J'aimais à penser que j'avais grandi, depuis)

La logique aurait voulu que je veuille en faire des bûchettes, ou juste me barrer en la laissant se dépatouiller avec les ennuis dans lesquelles elle allait certainement se fourrer avec les autorités mais ... Je ne pouvais pas juste la laisser comme ça. Il fallait que je l'aide, contre elle-même, contre le système, contre les autres. C'était ... Elle faisait partie de la famille, quoi !

(Et puis elle en imposait tellement même quand elle me crachait à la figure ... Elle était, genre, un perso de manga sombre et ténébreux, mais en vrai. C'était ... Je sais que c'est pas le genre de personne que quiconque devrait aspirer à être mais ... Quand même ! Comment elle fait ?)

En attendant, j'étais les bras ballants, la bouche ouverte, l'expression dépitée. J'étais le parfait cliché de la gamine à qui on venait de faire la leçon et qui cherchait désespérément à revenir dans le match. Et Kara le savait. Et elle avait repris le bonhomme par le col comme un sac poubelle laissée par terre avant de se digérer vers la police.

La police, d'ailleurs, qui n'avait cessé de braquer leurs joyeux points lumineux dans notre direction. Kara ne le comprenait peut-être pas, mais je me sentais malgré tout un peu mal pour eux, pour tout ça. Les humains s'acharnaient dans leur normalité (et à raison, c'était nous, les étrangères sur cette planète !), avec leurs protocoles et leurs armes complètement inadaptées, à essayer de maintenir un semblant de consistance alors que ... Et bien, ils savaient probablement que c'était parfaitement inutile. Même à Metropolis, pourtant, ça continuait. Et leurs cœurs battaient tous beaucoup trop vite, sans que je sache vraiment où était la peur et ou était l'adrénaline ; s'ils brandissaient tout cet arsenal par réelle conviction, ou pour conjurer le mauvais sort.
Et ... Il y avait de quoi les comprendre, quand une armée de malades comme nous étaient descendus du ciel, avaient déchirés toutes leurs certitudes et quasiment annihilé la ville qui croyait en l'avenir, et à tout ce qui portait un "S".
Moi aussi, à leur place, j'aurais sûrement une grosse dent contre Krypton et les Kryptoniens ... Parce qu'on pouvait dire "Kandor" et se cacher derrière le petit doigt : n'empêche qu'on était mise dans le même panier !..

... Et ça ? Ça, c'était franchement mauvais signe ! Débarquer de nulle part, sans prévenir et éclater des gens, mafieux ou non, comme si on était l'ultime chose capable de déterminer si oui ou non quelqu'un ou quelque chose était coupable ? C'était affreux !

Affreux, oui ! Parce que quand Batman le faisait, ça inspirait la peur, mais la rationalité avait fini par prendre le dessus : c'était un humain. C'était "quelqu'un d'ici". Il était très bon, certes, mais on savait qu'à la fin ... Il était fait de chair et de sang ! Il y avait cette conviction que, bon, il serait arrêtable, s'il allait trop loin !

(Honnêtement, connaissant le bonhomme, j'avais un peu peur moi-même de savoir si c'était possible. Mais bon, quand on est humain, on relativise !.. Enfin, je pense. J'aurais relativisé, sur Krypton.)

Quand nous, on se met à faire ça ? C'était la panique, le chaos, l'anarchie. Parce que nous, on a la sale tendance de débarquer à travers un mur, de bien marcher en se faisant tirer dessus pour montrer que ça ne servait à rien, et puis de repartir en ne prenant que le méchant en chef. Peut-être en collant une paire de baffes au passage aux hommes de mains récalcitrants. Et ce n'était pas dépendant de l'arsenal ou des super-pouvoirs, en plus ... Parce que les gens qui peuvent vraiment nous arrêter ? Genre, si on pète vraiment un boulon ? Ils doivent se compter sur les doigts d'une main. Peut-être deux si on est vraiment optimiste.

PG qui se balade comme ça ? Qui fait ce genre de choses ? C'est pas une affaire d'héroïsme ou de "villainisme". C'est une catastrophe naturelle. Un coup du sort. Que l'univers a décidé d'enfermer dans un corps qui ressemble presque à une humaine. Une catastrophe naturelle qu'on peut pointer du doigt et accuser. Contre laquelle on peut dresser des barricades et préparer des trucs.

Le genre de trucs qui serait bien utile si on pouvait le faire avec le réchauffement climatique, la faim dans le monde ou le cancer, vu comment l'humain détestait se focaliser sur des abstractions mais ... manque de bol, c'était pas le cas.

C'était un peu aussi ça, tout le délire du "jouer à Dieu" qu'on balançait sur notre dos à Kal, Kara et moi dans les tirages à scandales, chez Morgan Edge et compagnie : c'était pas de lancer des églises à deux cents, c'était de prendre les responsabilités, de les rouler en boule, et de dire "Non mais je m'en cogne, de toutes façons vous pouvez rien faire contre moi."

Parce que c'est pas le Vietnam. Y'a des règles !

... Par Rao, de nous trois, c'est moi qui ait vécu le plus longtemps sur Krypton, et c'est moi qui en ait balancé le stoïcisme et le sérieux le plus violemment par la fenêtre. Remarquez, c'est peut-être parce que je sais vraiment à quoi il ressemblait et que je ne l’idolâtrait pas particulièrement.
Ou alors c'est parce que je suis vraiment qu'une gamine ? Aïe, ça serait douloureux.

En attendant, elle venait de faire la morale aux autorités et de se barrer, avec moi derrière, à la regarder comme une débile, à vouloir gueuler des trucs pas très polis mais en restant quand même suffisamment censée pour ne pas le faire. Je suis crispée, j'ai encore les poings qui tremblent. Je crois qu'il y a deux ou trois policiers disent des trucs sur moi, ou alors qui font des allers-retours entre moi et Kara.
Et moi je vois le classique distributeur de journaux automatique à côté de moi.

J'ai encore les dents serrées. Je ne sais pas trop quoi faire. Alors je lâche un petit couinement frustré et je tape dedans.

Les policiers sursautent, y'en a qui ré-épaulent leurs armes par réflexe. Bah oui, c'est pas étonnant ma grande : le bidule vient d'avoir la réaction évidente quand un truc plus solide que lui lui tombe dessus et qu'il ne peut pas s'enfoncer dans un sol lui aussi plus résistant : il s'est aplati en s'étalant lamentablement sur les quatre côtés (enfin, deux, techniquement, parce qu'un côté était face à l'immeuble, et un deuxième, t'étais devant ma grande.) comme une canette de soda. Sauf que tu peux remplacer le soda par des journaux froissés et une poignées de piécettes que s'évadent au compte-goutte, comme d'une machine de Vegas un brin radine.

Ça aurait pu être impressionnant, dans la catégorie "Oui, ça a l'air d'une gamine et elle a pas l'air super flippante comparé à Power Girl, mais ça rappelle qu'il faut pas l'enquiquiner non plus" ... Mais évidemment, c'est plus fort que moi, je me recroqueville un peu en portant mes mains à ma bouche pour lâcher un famélique :

" Oups ! Désolée ! "

Ah ben oui. Tu veux arrêter de te faire marcher dessus par Power Girl ? Tu regardes les policiers, et tu sors plutôt un "Quoi, t'en veux une aussi ?". Ou alors un "Baisse les yeux !". Ou alors non, elle fait juste chauffer ses iris en relevant un coin de lèvre de manière un peu menaçante. Genre mélange improbable entre Marylin Monroe et Clint Eastwood de Krypton.

Elle fait vraiment ça ?

Ouais, enfin bon.

Niveau crédibilité, je passais un peu pour une quiche, quoi.

Enfin, bon, là, elle venait de s'envoler. En laissant les bonshommes derrière, avec des explications lambda.

Ce qui me laissait moi, avec les policiers, et avec les responsables un peu hagards.

Et moi, un peu trop ... moi :

" Je suis vraiment désolée pour elle ! " que j'essaye de tempérer avec un grand sourire penaud, avec l'accent qui n'arrangeait rien dans le département "les aliens font la loi ici", " Ne vous inquiétez pas, je vais m'assurer que ça ne se reproduise plus. Vous allez avoir besoin de l'unité médicale d'urgence : il y a deux traumas crâniens à l'intérieur et un homme qui va avoir besoin de soins d'urgence sur la colonne vertébrale. C'est ... Celui qui est encastré dans le décor.

Ah, et vraiment désolée pour le Général Lane aussi. Elle ne pensait pas ce qu'elle a dit à la fin ! Nous restons évidemment disposées à assister dans toutes les démarches qui seront nécessaires au mieux de nos capacités !

Je ... Désolée, je ne peux pas rester, je dois la suivre ! Mais on reste en contact ! Demandez-moi à la JLA ! "

Oui, c'était probablement un gros mensonge. Moi aussi j'avais envie d'encastrer le Général Lane. Pour tout un tas de raisons.
Mais je restais civile sur la question. Le "S", tout ça.

Surtout qu'elle le portait, maintenant. Est-ce que les Amazones avaient eu idée de ce que ça sous-entendait, avant de le forger en plein sur sa poitrine ? Parce que là, on était moyen dans ce que ça représentait, avec les actions de Kara !

Enfin bref, pour couper court à toute discussion, je décolle aussi, en faisant voler une deuxième fois les casquettes qui viennent à peine d'être remises, et les journaux que j'ai moi-même répandu par terre.

... Et les vitres aussi. Parce que j'ai dû cravacher pour la rattraper.


... Et puis j'ai peut-être aussi fait un léger passage de mur du son à basse altitude en zone urbaine. Ça n'allait pas aider sur la psychose martiale ambiante ...

Ils allaient tirer la gueule, au commandement militaire ...

Mais bon, je l'avais rattrapé, au moins. Et je n'avais pas fini la conversation !

Enfin, le pugilat à sens unique, vu ce que je me prenais.

" Kara ! On ne peut pas fonctionner comme ça ! On est pas humaines ! On a pas à descendre au niveau de Batman ! On a pas à être aussi violents qu'eux ! A chaque fois que tu en blesse un comme ça, que tu les intimides, tu donnes raison à tous les Luthor, les Edge et les Lane de la Terre !

... Écoute, je sais que ça a été dur pour toi, et pour Kal aussi ... Se faire traîner dans la boue comme ça, perdre son identité et sa vie privée ... Mais ... C'est pas une raison pour abandonner comme ça ! C'est pas une raison pour perdre pied et faire n'importe quoi !

On est les personnes les plus puissantes sur cette planète, Kara ! T'imagines l'image que ça envoie si tu baisses les bras comme ça ? On est des modèles ! Il y a des gens qui comptent sur toi !..¹ "

Attention à ce que tu vas dire, Kara Zor-El. Il y a encore une voix dans la raison dans les airs qui ne se prenne pas pour Ultraman et son syndicats de gredins ici, et c'est toi. Toi aussi tu as une image à tenir ...

" ... Genre, moi, par exemple ...

Parce que je sais pas si j'ai les épaules pour tenir toute seule. Je ne suis pas Kal, et on n'arrête pas de me le resservir, tout le temps.¹ "

Par Rao ! Mais qu'est-ce qui t'arrives ? Ecrase-toi tout de suite ! Fonce dans le soleil ! Mange de la Kryptonite ! Arrête de fantasmer sur Power Girl ma grande, elle te déteste ! Ça crève les yeux ! On dirait une relation toxique ! Tu veux faire comme elle ? Affirme-toi un peu ! Secoue-toi, et secoue-là derrière !

Alala, quelle indignité. On dirait les gamines qui demandent des autographes sur le bord de la route dans des petits costumes mignons achetés au super-marché !

Ah, ouais. Heureusement que je ne faisais pas ça avec tout le monde ...



¹ : En Kryptonien penaud dans le texte.

J'étais concentrée, en plein vol, pour déterminer dans le fatras de la zone industrielle en friche des Glades quel bâtiment pouvait bien être celui qui...

Une explosion sonique me fit soudainement tourner la tête. Un kandorien ?! Mon corps se contracta immédiatement pour se préparer au combat et... Non, c'était juste la fée clochette avec le nombril à l'air, collante en plus d'être moralisatrice.

Elle monta jusqu'à ma hauteur pour finir son laïus saveur guimauve. Ne pas se "rabaisser à leur niveau", parler des inquiétudes des terriens, de leurs impuissance, tenir bon dans la tempête, etc. La logorrhée habituelle du bien, du mal et d'un comportement exemplaire. Être un modèle... pour elle visiblement. Manquait plus que ça.

- Tu te sens mieux maintenant ? rétorquai-je sans douceur, finalement moins pour la punir de son audace que pour évacuer le léger pincement que sa dernière confession avait provoqué en moi. Ecoute, j'ai autre chose à faire que de débattre sur notre image et l'émotivité surannée d'une population qui a peur d'une minorité qu'ils croient plus puissante qu'eux.

" Ça les arrange bien quand on fait le sale boulot parce que sans nous, ça fait belle lurette que leur planète serait un cailloux sans vie qui dériverait dans un espace mort. Tu dois comprendre que c'est bien pratique pour eux de se jouer de nous, de nous avoir comme idiotes et idiots utiles et de nous jeter ensuite en pâture à la vindicte populaire quand ça leur plaÎt. Nous ne sommes rien d'autre à leurs yeux que des potiches qu'ils pensent pouvoir utiliser à leur guise.

" Tu pourras faire ce que tu veux gamine, tu pourrais devenir la caricature de ce que certains appellent une vie parfaite en tout point, tu es et resteras une alien et il y aura toujours des gens pour les craindre, les détester comme il y en aura toujours pour les aimer et les admirer. Aucune de nos actions n'est exempte d'un jugement ennemi qu'importe ce que tu fais. Tu frappes ? t'es une violente menace. Tu tends la main ? Alors tu es une possible traîtresse qui s'associe aux "ennemis" de l'Humanité. Tu choisis de servir un gouvernement ? Alors tu n'es rien d'autre que le rouage d'un système qui ne fait l'unanimité voire tu te fais joyeusement virer d'autres pays. Je te conseille de garder en mémoire que tu n'as pas d'ami dans cette population, tu n'as, au mieux que des alliés de circonstance et des partenaires, rien de plus.

Tout en parlant, j'identifiai dans ma course un rassemblement anormal de véhicules autour d'une vieille aciérie qui correspondait bien aux indications de Billy "Golden". Des snipers couvraient la zone. Une validation de mes hypothèses. Je me posai donc un peu plus loin. Assez pour pouvoir parler sans détour à Supergirl sans attirer l'attention. Je me tournai vers elle dans un mouvement de cape théâtral.

- Tabasser des criminels ça ne m'enchante pas et je n'y prends pas de plaisir, mais il y a des situations où, malheureusement, on ne peut pas faire dans le détail et affronter des hommes sur leur territoire avec leur règle est un moindre mal, quitte à déplaire.

" Je dois impérativement récupérer ce que Brick m'a pris sinon je peux te dire que les frais d'hospitalisations des criminels et les deux trois travaux de maçonnerie au passage seront le cadet de mes soucis.

Observation des alentours à super-vue. Une dizaine de tireurs. Je pouvais voir les flux de télécommunication entre leurs PMR. Il y avait quatre camionnettes, pour une évacuation d'urgence, un camion banalisé dans un coin où je pouvais identifier des criminels qui pilotaient des drones. Sacrée sécurité.

Mon attention retourna sur Supergirl et mes deux poings se portèrent sur mes hanches.

- Tu peux peut-être croire que je baisse les bras parce qu'à un moment alors qu'on a Kandor au dessus de nos têtes j'expédie quelques affaires sans prendre de gants mais jusqu'à preuve du contraire je tiens toujours une main tendu face à Baal ; je laisse la porte ouverte au dialogue avec nos semblable kryptoniens ; j'ai même été compatissante envers Zod. Chaque jour je me lève, je m'entraîne, je parcours la terre pour aider, j'ai même été en Europe pour confronter le régime de Dégaton, j'ai combattu Darkseid, j'ai aidé aux tractations de pays après l'invasion des Aliens...

" Je ne t'autorise pas à me juger ou à me clouer au pilori juste parce que j'ai balancé à l'hôpital une dizaine de criminels qui vendent de la drogue, profitent de la misère des autres, poignardent, tuent, mutilent et rackettent.

L'entendre me débiter ses fadaises de gamine qui pensait avoir tout compris de ma situation ou de la situation en elle-même m'agaçait. Elle ne prenait aucun recul, ne cherchait pas à comprendre, elle balançait ses vérités et point barre. Et bien elle aurait les miennes.

- Le monde est pas toujours reluisant, beau, merveilleux et rempli de paillettes. Parfois pour que des hypocrites gardent les mains blanches il faut des gens pour se relever les manches et parfois outrepasser les règles. Pour tout le monde j'aurais été celle qui a démoli une bande de criminels mais après je sais ce qui m'attend, je vais devoir aller au commissariat, je vais faire ma déposition, j'aurais de la paperasse à faire, comme d'habitude et Lane va certainement demander une enquête, mais à aucun moment je ne me défilerai de mes responsabilités, je garde la tête haute. Et ça tout le monde s'en fout mais ça fait partie de ma vie, je sais ce qu'elle est, ce que j'en fais et ce que je veux en faire !

Je m'abstins de lui parler du fait que Starrware et ses revenus me permettaient aussi de financer les reconstructions suite à nos actions, que je payais mes impôts comme n'importe qui et que je donnais aux œuvres de charité ou aux galas, des petits rien selon moi car j'étais bien consciente des dégâts que notre présence causaient et l'argent n'était pas la seule solution.

- Je fais avec et tu devras t'y faire aussi. En portant un costume comme ça, continuai-je en la balayant de haut en bas d'une main dédaigneuse, tu dois accepter que parfois les choix qui s'offrent à nous seront mal perçus et mal compris. En "inspirant" des milliers de personnes tu arrêtes d'être toi pour n'être plus qu'un modèle idéal dans la tête des gens et ils s'attendent tous à ce que tu te conformes à leur image. Mais surprise ! Aucune d'elles n'est la même. Alors un conseil : arrête de te soucier des autres et de leur point de vue ponctuel, dans trois mois ils seront passés à autre chose car sinon ils arrêteraient de vivre. Ils ont vu Darkseid et Luthor leur passer dessus, là c'est Kandor. Demain Brainiac ou que sais-je...

" Oui, la situation est dure, compliquée, violente et angoissante et alors ? On nous observe plus attentivement ? Et alors ? Est-ce que cela change la situation géopolitique du monde ? Les pauvres sont moins désespérés ? Les pays ont arrêté de se faire la guerre ? Les criminels ont arrêté leurs activités ? Non, non et non.

" Le monde n'a pas changé sa course et il ne la changera pas, il courrait déjà vers sa destruction et il continuera encore. Pour l'instant nous sommes des boucs émissaires utiles mais ça passera parce dans le fond Kara, l'important, c'est que sans nous Kandor les aurait déjà réduit en esclavage, sans nous Lane serait déjà mort carbonisé par une bande de kandoriens furieux, sans nous Métropolis ne serait qu'une ruine. Et ils le savent bien.

" Tu ne peux pas changer les gens Kara, tu peux certes influer sur leur comportement, leur montrer autre chose mais il y a un temps pour tout.

" Jouer les petites saintes et sourire aux photographes, c'est pour demain, là, je dois juste aller vite !

" Retourne chez toi.

Je retournai vers l'analyse des lieux. L'aciérie était gigantesque et grouillait de monde. Des hommes oui, mais aussi des aliens, des armes qui ne venaient pas de la planète terre et... et les sous-sols étaient invisibles. D'immenses plaques plombées et des émissions de particules multiples brouillaient ma vision.

Ma nuque craqua alors que je m'apprêtai à m'élancer. Je n'allais pas devoir mollir, y aller fort mais avec prudence tout de même.

Une affaire pour Power Girl !

Bon. C'était le pot de terre contre le pot de fer. Ou le pot de fer contre le pot de titane. Ou alors le pot d'iridium contre le pot d'osmium ?

Ou alors la potiche Kryptonienne contre l'autre potiche Kryptonienne.

Ça marchait aussi.

Elle pouvait la ramener, m'exposer ses "vérités" déprimantes, me prendre pour une demeurée ... Mais je le voyais bien, son petit jeu. Une partie, au moins. C'était quoi, l'objectif ? Me démoraliser ? Me faire partir ? Me rabaisser plus bas que terre ?

Elle croit que je vais faire quoi, me rouler en boule par terre et pleurer ?

Que je n'ai pas vraiment envie d'aider, là-dessus ? Que je fais tout ça pour la beauté du geste ? Pour avoir l'esprit tranquille ?

" Alors tout ça n'est qu'une question de temps ?¹ "

Ce n'est qu'après coup que je me rend compte que la phrase était posée avec impulsivité et agressivité.

Après, enfin ...


Il faut bien une seconde avant que la première conséquence ne nous arrive aux oreilles. Une surpression carabinée qui agressait les tympans.


Bon, il y avait aussi le fait que j'étais littéralement en feu et qu'on avait pu tracer ma trajectoire à la trainée de flammes que j'avais laissé derrière moi en ... foutant juste le feu à l'air.

Oui, ça arrivait quand on bougeait un peu trop vite et qu'on avait pas la Speedforce pour limiter l'impact de son trajet.

Pareil pour les déflagrations soniques, d'ailleurs. C'était la deuxième fois aujourd'hui. Bravo Kara, très mature. Lane allait apprécier.

Enfin bon, vieille Kara m'avait un peu énervée, voilà.

Je soufflais un petit coup pour aider mes yeux à revenir à une température décente, en écartant des mèches rebelles au passage ... Et en hochant les épaules.

" Contente ? La petite sainte peut être prise au sérieux, maintenant ?¹ "

J'avais probablement ruiné un début de plan mûrement réfléchi. Probablement avec des punchlines assassines pour chacun des petits malins qui voudraient l'attaquer alors qu'elle se poserait avec style et ... Hep hep hep, non, Kara, arrête de lui trouver des excuses ! Arrête de t'imaginer des trucs !

Tu as réglé le problème en moins d'une seconde, tu as nettoyé un site industriel complet en ligotant tout le monde avec des câbles en acier, en neutralisant tous les drones, en arrachant les moteurs de tous les véhicules de fuite et en congelant tous les aliens assez forts pour pouvoir se libérer de la faiblesse des matériaux terriens à disposition immédiate. Tu arrêtes de t'excuser, maintenant !

Oui oui. C'est moi. Je viens de régler en une seconde ce qui aurait probablement pris une semaine de préparation et un bon moment de lutte acharné à la Arrow-clique. En empilant gentiment tout le matériel dans un coin pour la police, et en prenant soin malgré tout de couper le signal des antennes relais du quartier pour éviter que des renforts ne soit appelé.

Ce qui serait de toutes façons improbable, puisque le cerveau humain mettait une seconde à réagir aux stimulis extérieurs, en temps normal. C'est-à-dire quand on ne lui rappelait pas qu'il était juste un simple bout de viande avec des réactions bio-chimiques rigolotes à l'intérieur. Là, il y aurait une période de "Attends, c'est quoi ce boxon ?", suivi de "Hey, mais je peux plus bouger !", avant le "Vite, il fait que j'appelle des renforts !".

Sauf que tu peux pas, parce que tu es attaché, ligoté, bailloné et que ta radio est détruite. Mais vas-y, essayes tant que tu veux, c'est pas tes après-midi gonflette à la salle pour pouvoir remplir ton profil Tinder qui vont te libérer d'une poutrelle en acier d'une tonne et demi.

Ça sonnait personnel et vraiment spécifique ? Tant mieux ! Moi aussi, j'ai de la pression à évacuer !

Et j'allais probablement me faire sermonner, ne serait-ce que pour toutes les alarmes de voitures du quartier qui s'étaient toutes mises à gueuler en même temps, ou parce que je venais de faire le chiffre d'affaire des poseurs de vitre de la ville pour l'année prochaine.

Mais voilà, au moins, moi, on m'avait pas vu.

Je me disais au moins ça.

" J'imagine que c'est ce que tu cherchais, de toutes façons, non ? Parce que je suis juste une gamine. Parce que je m'habille comme Kal, donc je suis forcément une groupie qui ne connaît rien à rien.

Bah voilà, moi aussi je peux en avoir marre. Et là j'en ai marre. Je ne te colle pas au pilori, je n'essaye pas de donner des leçons de vie ... Enfin, si, ça, j'essaye de le faire. Et ça ne marche pas, manifestement.

Mais voilà, je ... T'es de la famille, Kara. T'es ... Je t'aime bien. Oui, je t'admire aussi.

Oui. Voilà, c'est dit.

... Et tu dois me connaître suffisamment bien maintenant pour savoir que je ne dis pas ça pour caresser l'ego ou pour faire ... je sais pas ... ce que Kal fait avec les gens, là. Sourire, être sympa, être parfaite. Parce que là, manifestement, je ne le suis pas. Et que tu n'es pas l'un des gens, là, d'ailleurs.¹ "

Tu peux abréger, sinon, Kara ? Non parce que c'est pas en lévitant à mi-hauteur avec les poings sur les hanches que tu vas te donner l'air plus convaincante. Surtout que tu es en train de faire littéralement ce qu'elle faisait.

" Écoute, je ne sais pas pourquoi tu es aussi désagréable avec moi et ... je dois avouer que je le prends personnellement. J'imagine que ça fait partie de la couche de dure-à-cuire ...

J'espère, en fait. Parce que si c'est vraiment parce que tu peux pas m'encadrer à cause de ... je sais pas ... N'importe quelle foutue raison qui m'échappe ... Ça serait dur.

Mais du coup, j'ai pas ne pas savoir ce qui traîne dans ton cerveau, mais j'aimerais que t'imprime un truc : tu es ma sœur, meuf.¹ "

Bon, alors maintenant, le passage le plus compliqué, ça va être d'éviter de me mettre à chialer parce que je m'ouvre ...

" Et genre, à tous les niveaux ... Et je me tape de ces histoires de dimensions parallèles ou quoi ... On a traversé quasiment la même merde toutes les deux, avant d'arriver ici ... On a les même parents ... à peu près ...

Je vais pas te faire la liste parce qu'on y serait encore demain, mais je te considère comme ma grande sœur. Le genre de celles que les humains voient comme cool, à faire de la moto, à picoler et à fumer des cigarettes, ou ... je sais pas ... Celle qui réussit, quoi !

Et du coup ... je vais pas rentrer chez moi, non.

Je vais faire ce que toutes les petites sœurs humaines chiantes font, et je vais rester là, et te suivre, et continuer à essayer de te convaincre jusqu'à t'avoir à l'usure ... Et si tu trouves que c'est débile, t'as qu'à continuer à penser qu'on est clones, cousines, alter-ego ou je sais pas quoi ... Mais ça n'y changera rien.

Parce que ça crève les yeux qu'il y a quelque chose qui cloche, et que je ne m'en irais pas avant que tu n'ailles mieux et que tu n'arrête tes discours à la Black Adam.

Tu veux récupérer ton truc ? Génial. On va aller le récupérer, ensemble. On va régler ça en évitant de montrer qu'on est les grandes méchantes Kryptoniennes ...¹ "

Oui, bon, alors il y ça, certes. Et derrière, ça commence à s'agiter. Prise de conscience des malfrats, passants qui se demandent si un ouragan est passé dans le quartier ...
Je lève donc un index de dédouanement ...

" ...Nonobstant ce que je viens de faire...¹ "

Je le redescends. Et je me rend compte que je n'ai pas précisé, mais je sous-entendais ce que je venais de faire dans l'aciérie. Pas de m'ouvrir à Kara.


... Je réalisais tout juste que c'était peut-être une erreur, ça, d'ailleurs. Elle va piétiner mon cœur d'artichaut ?.. Elle va définitivement piétiner mon cœur d'artichaut. Et il n'est pas indestructible, mon cœur d'artichaut ...

" ... Et on va rentrer dans cet espèce d'abri souterrain plombé pathétique pour mafieux en carton, régler ça en deux secondes en évitant de mettre le pâté de maison sur orbite ... et après on part vraiment discuter.

Autour de milkshakes chocolat-vanille.

Et si t'es pas contente, et bien pas de bol, parce qu'il faudra me tuer pour m'arrêter !¹ "

... Ce qui paraît être une remarque intelligente, dis comme ça. Mais je viens de me souvenir qu'elle a une armure amazone dont je ne connais pas les propriétés ...

Elle ne le tenterait pas, si ?..

---

¹ : En Kryptonien dans le texte, tour-à-tour énervé, puis dégoulinant de bons sentiments.

En une seconde, Supergirl venait de mettre un bazar de tous les diables. Il y a une minute encore elle râlait des dommages collatéraux et là elle envoyait tout valdinguer, avant de se poser devant moi pour me sortir une nouvelle série de tirades. Que je n'écoutai qu'à moitié et encore, parce que je faisais un effort surhumain. Je m'étais littéralement glacée à l'intérieur, d'une colère aussi froide et dure que mon poing droit qui se fermait à en faire fusionner mes phalanges.

L'envie de lui fournir la carte de l'orthodontiste de Stargirl me démangeait.

Je la laissai terminer son petit tour par le menu de ses sentiments, de ses émotions, de ses doutes et de son partage. Chaque "meuf", chaque "soeur", chaque terme qui osait se projeter sur moi sans me demander mon avis sur la question était comme un violent coup de masse dans ma patience déjà mise à rude épreuve.

Dans le hangar, effectivement, les criminels s'agitaient, certains criaient, d'autres restaient d'un calme parfait. La vente aux enchère avait bien annoncé dans les bas-fonds "la vente d'un objet appartenant à Power Girl". Il fallait être la dernière des sottes pour croire qu'ils n'avaient rien prévu contre l'arrivée d'un kryptonienne furieuse...

Une lourde expiration sortit de mes narines. Visiblement, elle avait très mal pris le "potiche", un terme dont j'aurais effectivement pu me passer. Je l'avais, malgré moi et malgré tout, fait sortir de ses gonds. ça je pouvais le comprendre. Elle donc s'était précipitée pour se prouver autant à elle-même qu'à moi ce qu'elle "valait".

Je joignis mes mains devant mes lèvres desquelles un flot de jurons menaçaient de jaillir. Mes yeux se fermèrent. Plus elle parlait et naturellement, plus je me faisais une idée de comment nous en étions arrivées là.

Ses trémolos, ses sanglots étouffés, ses révélations parvenaient, malgré leur maladresse, réchauffé un peu la glace qui me gelait les entrailles. Lorsqu'elle termina par son ultimatum je ne sus quoi répondre. Non pas que je réfléchis sérieusement à l'idée de la tuer mais je fus à la fois abasourdie par cette posture présomptueuse tout en devenant plus... compréhensive.

- Supergirl, articulai-je lentement et sans violence.

Rien ne nous obligeait à nous apprécier, ni notre situation quantique, ni le fait que nous ne faisions fondamentalement pas partie de la même famille et même si c'était le cas... cela n'aurait rien signifié, la "famille" n'étant dans le fond qu'une notion vague et surfaite, un schéma somme toute misérable qui ne cachait pas les véritables liens qui devaient unir des individus.

Je lui aurais bien claqué en pleine tête mais pour le moment je luttai pour ne pas la claquer elle... en fait, non, même pas, cette volonté de physiquement la malmener était partie aussi vite qu'elle était venue. Okay, elle avait mis un boxon incroyable, elle s'était lancée dans la bataille, d'un autre côté, je devais admettre que j'y étais pour quelque chose. Elle s'était montrée impulsive, tête brûlée et inconséquente. Tristement, j'y retrouvai une bonne partie de ce que j'avais été et continuai, par certains aspects, d'être. Difficile de flageller quelqu'un pour des défauts que l'on était soi-même bien incapable de toujours juguler.

- Supergirl, repris-je comme pour bien avoir son attention.

Toutes ses paroles allaient et venaient en un ressac incessant alors que j'essayais de mettre au clair ce qui perçait ma colère froide. Autant commencer par le plus simple : tracer les limites.

- Je ne suis pas ta soeur, assénai-je paisiblement puis, plus sèchement, comme si cela ne souffrirait aucune réplique, j'ajoutai : et personne ne m'appelle "meuf". Personne.

Mes yeux s'ouvrirent, l'orage qui avait un temps animé le fond de mon iris se dissipait. Lentement. Mes mains se plaquèrent à nouveau sur mes hanches et mon torse se déploya. De notre hauteur, un vent automnal décida de jouer avec ma cape. Ma voix était calme, même si quelques ponctuations pouvaient laisser entrevoir la fureur qui était passée.

- Que les choses soient claires : oui, nous avons un lien mais ni toi ni moi ne l'avons choisi ; ni toi ni moi ne sommes responsables de ce fait et cela ne nous donne l'une vis-à-vis de l'autre aucune liberté, aucun droit, ni d'entrer gratuitement dans la vie de l'autre, ni de s'immiscer dans ses affaires.

" Nous ne sommes pas amies, nous ne sommes pas de la même famille, nos parents sont différents, notre krypton est différente, notre réalité initiale aussi. Nos peuples sont fondamentalement différents, nous sommes des possibles différents. Rien de plus.

C'était dur, mais c'était la vérité qui m'animait et s'il fallait passer par une discussion aussi difficile pour avancer dans cette étrange relation qui nous liait, alors nous y passerions.

- Alors oui, il y a un problème... j'ai un problème avec toi... avec nous. Pour l'instant c'est comme ça et ce n'est pas en t'imposant dans ma vie que tu vas t'y faire une place. Ce qui me saoule, je le dégage et ça, ça m'a toujours réussi. Je...

Gros soupire de ma part. Je la comprenais naturellement, elle s'était assez ouvertement déclarée sur la relation qu'elle s'imaginait entre nous. Une excuse, même du bout des lèvres sur le fait que j'avais blessé assez durement son égo aurait été de bon aloi, je n'en fis rien. J'étais encore trop déchirée entre mon objectif initial, ma colère toujours en ligne de mire et son état somme toute pathétique.

- ... j'ai autre chose à faire pour l'instant que de gérer tes illusions et tes projections. Nous en reparlerons.

C'était dit sans méchanceté, avec uniquement une teinte de résignation, de la lassitude, comme si elle n'était qu'une groupie déçue comme une autre, une jeune femme chez qui j'avais fait naître des espoirs que j'étais incapable d'incarner parfaitement. Ce n'était jamais agréable même si je m'en détachai de plus en plus, c'était épuisant et, dans le fond, ça donnait envie de tout balancer en hurlant "Pas contentes les filles ?! Eh ben faites mieux, j'en ai ras la cape !".

Au moment où je décollai dans le tumulte des alarmes, prenant consciente de tous les dommages collatéraux, je lui lançai avec un sourire en coin.

- Faudra que tu me rembourses le chèque que je vais devoir faire à la Star City. Viens, tu es dedans jusqu'au cou de toute façon.

A super-vitesse je partis fouiller le hangar. Pas de trace de Brick, rien que des armes, de la contre-bande classique, des piles de sachets de drogue, des mallettes de billets, un ou deux tableaux d'art, des lingots pour certains ou des métaux précieux pour d'autres...

Rien d'intéressant pour moi.

Mais, soudainement, je tombais sur une caisse qui ne payait pas de mine, une technologie alien. Je l'ouvris comme un écrin précieux en arrachant les différents mécanismes de verrouillage pour y découvrir un mémo-tube, une technologie de pointe qui permettait de stocker des souvenirs. L'objet de tant de convoitises. A ce moment précis, une trappe s'ouvrit dans le sol, lourde, imposante, du genre prévue pour un bunker anti-nucléaire comme les américains avaient si bien su en concevoir, parfaitement plombée et imperméable à ma super-vue. J'eus à peine le temps de plonger sur le côté pour éviter un rayon verdâtre.

- Excès de confiance, jugea la voix de mon agresseur qui lentement s'extirpait des sous-sols du bâtiment.

Je découvris alors le faciès de Metallo qui rayonnait d'énergie de kryptonite, rien que cela... Brick avait protégé ses arrière comme il se le devait.

- Tu m'ôtes les mots de la bouche... murmurai-je autant pour moi que pour Supergirl en plaquant le tube contre moi.

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Les propos de P.G. adressés à Supergirl sont en kryptoniens.
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Aloooors ... Il y avait des tonnes de choses à dire ... Mais avant tout :

" YES !¹ "

C'était de circonstance, et je venais l'appuyer en pompant l'air du poing. Une fois. Enfin, je ramenais mon poing vers moi, quoi. J'étais très forte pour pomper l'air, mais c'était l'une des rares fois où je le faisais physiquement. Enfin, non. J'ai la bougeotte et je suis expansive. Je le fais souvent. Et lâcher des expressions de victoire en terrien avec mon gros accent d'Argo City aussi. En Kara beaucoup plus qu'en Supergirl, dignité du costume oblige ...

Mais là, Power Girl m'avait accepté ! Elle m'avait dit de venir ! Et elle m'avait souri !

Bon, les mèches de cheveux qui s'étaient mises à voleter à la suite de la dépression causée par son départ me signalèrent que je n'aurais pas l'occasion de lui mettre le nez dedans ou de continuer mon speech mais ...

Hey. Encore une victoire pour Supergirl !

"On en reparlera" ... Ahah, tu parles meuf ! On va se la refaire en long, en large et en travers !

Et elle m'avait même pas brusqué émotionnellement ! Elle avait choisi ses mots !.. Enfin, un peu. Mais bon, elle avait factuellement raison. Possibles différents, oui.

Mais si on part de ce postulat-là, mais que je trouve que c'est une super bonne idée et que je comprend parfaitement le cheminement, et que j'ai même des arguments pour l'appuyer alors que ce n'est même pas mon idée ... Est-ce que ça ne veut pas dire qu'on est la même personne ? Il suffit qu'on pense à la même chose pour en arriver aux même conclusions !..

Ou alors c'est moi qui me projette encore trop et elle a raison ? Ou alors ... Pouah ... est-ce que je me retourne le cerveau toute seule en pensant à ce qu'elle m'a dit ?

...

Comment ça, je lui ôte les mots de la bouche ?.. Elle a des pouvoirs psychiques ? Elle lit dans mes pens...

Oh, non, ça va, c'est juste ... Metallo ?!


Je rajoute encore du bitume et de béton armé sur ma note. Ça va, je ne suis plus à ça près. J'arrive comme un boulet de canon vengeur à travers la paroi, yeux ardents en batterie et poings devant pour percuter la Nemesis occasionnelle de Kal dans le dos. L'objectif était clairement d'avoir la première frappe pour essayer de le neutraliser aussi vite que possible.

Oui, je sais, d'habitude, j'étais beaucoup plus portée sur la diplomatie de front ... Mais quand j'étais face à un tête connue qui carburait à la Kryptonite et qui tirait avant de poser des questions, j'étais plutôt du genre à prendre mes précautions !

" Metallo. Comme les puissants tombent ! Voilà que tu t'associes à des petits trafiquants, maintenant ? Et moi qui t'aurais vu rejoindre le Général Lane ... "

En espérant que la diversion permettrait à Power Girl de se reprendre sur pied, de mettre à l'abri sa toute dernière trouvaille... Et en espérant qu'il n'y avait pas d'autres surprises, sous ce sol plombé.

Et dire que j'avais sous-estimé le coup du sol plombé ! Évidemment qu'ils avaient toujours des trucs, sous le sol plombé ! Et un Metallo, en plus ! Il fallait que ça soit Metallo !.. Pourquoi Metallo, d'ailleurs ? Il n'était pas censé avoir un minimum de standing ? Se prendre pour un héros ? Travailler pour des vrais méchants, comme Luthor ?

Allez, on croise les doigts. Si ça se trouve, il est tout seul, et y'a personne d'autre dans le placard à clown. Surtout pas de Kryptonite Man. Surtout pas de Reactron ...

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¹ : Absolument pas en Kryptonien dans le texte.

Métallo n'eut pas le temps de réagir à l'uppercut de béton qui vint s'abattre sur son dos. Une partie de sa structure s'ébranla et son squelette métallique vola dans les airs. Sa masse grinçante s'écrasa dans un coin du hangar, brisant caisses, ployant le métal et fendant la chape de béton. Sa trajectoire dessinait au gré de la poussière de béton du coup de Supergirl un bel arc de cercle.

Il s'était attendu à une kryptonienne, assurément pas deux. Un avantage. La remarque de Supergirl gardait cependant tout son sens : Métallo ne se serait jamais limité à aider Brick. Il devait se trouver dans les acheteurs quelqu'un d'autre, certainement un plus gros poisson. L'objet de ma visite était entre mes mains, le reste importait peu. Il n'était pas question de m'attarder davantage. Hélas, le criminel, tout secoué qu'il était de l'introduction très personnelle de Kara, commençait à s'ébranler de nouveau. Dans un concerto de pistons et de tôle froissée, il grognait à sa manière, peinant à retrouver exactement son orientation.

Une frappe de vision calorifère l'empêcha de se relever tout à fait. Je soulevai une lourde caisse métallique proche et la projetai sur lui, puis enchaînai avec un souffle givrant, de quoi le clouer au sol le temps que les troupes de "défense terrestre" viennent l'appréhender.

- Merci, fis-je à l'adresse de Supergirl. Fin de l'opération pour ma part, les "autorités" prendront le relais. C'est bien la dernière chose qu'ils savent encore faire.

Je sortis alors à super-vitesse, laissant derrière moi, je ne l'ignorais pas, un hangar ravagé, des criminels en cavale, un Métallo prisonnier d'une entrave temporaire de glace et quelques groupes militaires sur le qui-vive dans une vague ambiance de maccarthisme alien. Autant dire que je cochais peu de case de l'héroïsme selon la charte des gentils-mignons-tout-plein. Dans un monde aux saveurs de cendre, difficile de prétendre servir de la guimauve sucrée rose bonbon.

Je me posais sur un toit proche. Dans cet immeuble, des gens vivaient de façon plus ou moins insouciante une vie d'aller et venue dans un monde qui bougeait trop vite. Leurs esprits n'imprimaient que très sommairement l'ensemble des problèmes qui bouleversaient leur quotidien. Ces petites vies anonymes lovées dans des appartements étriqués à peine ébranlées par le mouvement pendulaire de leurs existence laborieuses ne comprenaient pratiquement pas pourquoi les pompes se vidaient, pourquoi le prix de leur nourriture flambait, pourquoi l'armée remplaçait la police, pourquoi les pompiers entraient en grève, pourquoi le ciel était devenu pour les hommes politiques une raison de trembler, pourquoi des dispensaires religieux étrange poussaient de terre comme autant de plantes carnivores prêtes à les dévorer.

Et là dedans, je me retrouvai moi-même dans une quête bien égoïste, à côté de toutes ces grandes problématiques qui attendaient de fermes résolutions. Mais parfois, les plus insignifiantes avancées évitaient de plus graves problèmes. Lors d'une précédente opération avec Green Arrow, je m'étais retrouvée aux prises avec Aftermath et sa bande, une histoire quelque peu grotesque où nous avions tous terminés, les unes avec des vêtements d'hommes et les uns avec des vêtements de femmes sur une plage et zéro souvenir. Souvenirs qui étaient renfermés dans ce mémo-tube dont Brick avait eut la possession et qu'il avait entendu revendre, des souvenirs qui pouvaient également contenir des pensées annexes, des identités, des noms, des visages qui devraient rester normalement inconnus, des plans et des projets aussi. Autant d'éléments qui ne devaient pas tomber entre d'autres mains que les miennes...

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Une petite relance pour me remettre en jambe avec P.G. !
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