Birdcatcher [Joker - Robin]

Gotham avait grise mine.

Ça avait toujours été le cas. Elle n'avait pas attendu l'époque de l'industrialisation pour se draper dans la morosité. Même le ciel bleu semblait lui être refusé, constamment dissimulé derrière un voile de nuages gris que rien ne réussissait à faire partir. Il ne fallait dès lors pas s'étonner que la ville ait la réputation d'être triste.
Pour être l'un de ses seuls ilots de joie et de divertissement, l'une des seules bribes de couleur dans cette grisaille permanente, Amusement Mile avait toujours été un lieu apprécié de Gotham. Partie intégrante de son patrimoine. L'un des trop rares endroits où la lassitude du quotidien s'atténuait quelque peu pour céder sa place à un semblant de réjouissance, notamment pour les tout petits.
C'est pourquoi c'avait été un véritable crève-cœur lorsque le parc avait fermé à jamais.

Oh, le Joker n'irait pas s'en plaindre : c'avait été l'occasion pour lui de le récupérer pour une bouchée de pain.


Ce cher Sherman l'avait contacté en premier lorsque le terrain était tombé dans son giron, il y a de cela une poignée d'années désormais. Ça tombait sous le sens : quel meilleur endroit où installer le clown prince du crime qu'un parc de loisirs ? Il en venait parfois à se demander s'il n'avait pas eu une ristourne parce que l'occasion était trop belle - pour le fraction de seconde où son esprit daignait s'y attarder.

Non qu'il ait grand chose d'autre à penser dans l'immédiat.
Le Joker était... Surprenamment calme, par rapport à d'habitude. Même à cet instant, assis sur l'une des nombreuses caisses de matériel abandonné à moitié empaquetées que comptait l'endroit, il se contentait de battre inlassablement un paquet de cartes, sans but précis.
D'aucuns diraient que des buts réels, il n'en avait que rarement, chaotique comme il l'était, mais ceux-là se tromperaient ; ce qu'il faisait avait toujours un sens !... Enfin, presque.
Mais ces derniers temps, il était... Quelque peu déprimé, apparemment.
Depuis son évasion - la dernière en date ; il avait depuis longtemps cessé de compter -, il semblait ne plus avoir goût à ce qu'il faisait ; ne cambrioler, poignarder et faire exploser qu'à contrecœur, entre autres activités qui, pourtant, ne manquaient jamais de le réjouir d'ordinaire.
Et à voir comme les dernières semaines n'avaient rien arrangé, bien au contraire, tout portait à croire que quel que soit le mal dont il était atteint, il n'en possédait pas le remède.
Ce pourquoi il prenait des mesures pour que quelqu'un d'autre vienne lui apporter.


▬ Z'êtes sûr qu'il va se pointer, boss ? interrogea Tweedledee - ou était-ce Tweedledum ? - en passant une moitié de sandwich à son frère entre deux cannettes de bière.
▬ Ouais, ça va faire une heure, maintenant... fit le second en acceptant son offrande, consultant une montre au bracelet bien trop serré pour son bras potelé.

Si les jumeaux acceptaient sans rechigner de travailler pour des criminels de renom, ils commençaient à trouver le temps long. Œuvrer pour Joker avait toujours été particulier, mais il les traitait... Pas exactement avec respect, mais de la manière dont ils s'attendaient à être traités. Et surtout, ne faisant pas grand cas de l'argent, il avait tendance à les payer grassement ; c'était leur partie préférée de ces petits arrangements.
Malgré tout, ils n'étaient pas aussi à l'aise que de coutume en sa compagnie, pour la bonne et simple raison qu'il ne cherchait pas à faire rire. Et si, tout bon public qu'ils soient, il ne faisait pas toujours mouche, au moins était-il clair qu'il était fidèle à lui-même lorsqu'il débitait des blagues dans l'espoir d'amuser la galerie. Était-ce sa nouvelle tenue - très chic, mais si différente de ce qu'il avait l'habitude de porter - qui le changeait de cette manière ? Côtoyer un Joker si peu expressif le rendait infiniment plus dérangeant, bien plus que d'habitude.
Aussi n'avaient-ils qu'une hâte : que d'autres personnes - fussent-ils des justiciers - se joignent à la fête pour que l'ambiance se réanime quelque peu. Qu'on leur tape dessus s'il le fallait, mais qu'il se passe quelque chose, pitié !

▬ Mais oui, il va venir, répondit-il sans lever les yeux de son paquet de cartes, multipliant les méthodes de mélange sans même y penser. On lui a envoyé une invitation, non ? Quel genre de gamin n'aime pas qu'on l'invite quelque part ? Malheureusement, je n'ai pas pu nous avoir une réservation chez Chuck E. Cheese, mais je suis sûr qu'il comprendra.

Levant la main, il désigna le signal qu'ils avaient planté dans le ciel une fois certains qu'il était assez noir pour bien l'y voir. Avec le nombre de projecteurs que comportait le parc, il n'avait pas été trop difficile d'en trouver un qui soit encore en état et d'y clouer de quoi former un motif grossier. Il y avait des lettres plus difficile à représenter qu'un simple « R », après tout.


Flottant juste au-dessus du parc et de ses quelques lumières encore allumées, le symbole ne laissait que peu de doute sur sa provenance, rivé sur le toit de ce qu'il avait sobrement renommé « Joker's Funland » au moment de s'installer. Indiquer clairement leur emplacement à l'un des protecteurs de la ville n'était pas vraiment judicieux, même si c'était le petit dernier, mais ils ne pouvaient qu'imaginer - qu'espérer - que leur employeur ait une idée derrière la tête. Ça ne les gênait pas de se faire taper dessus, mais que ce ne soit pas pour rien.

▬ Je ne sais pas si c'est son anniversaire, mais s'il n'y a que ça pour le convaincre, on peut toujours lui organiser une petite fête. Est-ce que l'un de vous deux sait cuisiner les gâteaux ? Non ? Les crêpes, à la limite ? Les deux hommes de main échangèrent un regard circonspect pour toute réponse. Le Joker soupira si fort qu'on aurait pu croire que cet aveu d'incompétence avait tué un peu plus de sa joie de vivre. Bon, tant pis. Espérons qu'il aime... Peu importe ce qu'il reste encore dans le distributeur.

Il était vraiment temps que Robin arrive - lui ou un autre. Quelqu'un. N'importe qui.

Le Jeune Prodige était en patrouille dans les rues de Gotham quand il avait vu le signal dans le ciel. Collé comme un défi à son encontre dans le ciel sombre de la métropole du Chevalier Noir. En temps normal, il aurait dût contacter ce dernier pour lui signaler cette activité suspecte et attendre ses instructions, mais il n’avait jamais été du genre à attendre la permission pour agir et… le Batman n’était de toute façon plus en ville depuis un longtemps.

Le bat-clan avait été bien occupé depuis la disparition de son père. Que ce soit pour couvrir la disparition de Bruce Wayne aux yeux du public, en inventant des excuses et en s’arrangeant pour donner des preuves d’activité du milliardaire hors de Gotham. Également en s’investissant pour remplir les obligations du PDG philanthrope et surtout en maintenant en place des projets qui tenait particulièrement à cœur à leur mentor. Ou encore en remplissant leur fonction de Protecteurs de Gotham dans une ville qui sentait inconsciemment que son principal gardien était aux abonnées absents. La criminalité connaissait une inquiétante recrudescence depuis plusieurs semaines, et les super-criminels se montraient de plus en plus audacieux. Bien que l’un d’entre eux semblait étrangement aux abonnés absents.

À un niveau plus personnel, Damian ressentait fortement le vide laisser par son père. Il ne possédait peut-être pas le lien que le reste de sa famille entretenait avec cette cité, mais par contre il voyait bien les effets de l’absence de son géniteur. Le manoir Wayne était très vide en son absence, malgré la présence d’Alfred pour s’occuper de lui, le Fils du Batman se sentait parfois bien seul là-bas. Le majordome de la famille Wayne était sans aucun doute un membre de sa famille que Damian estimait et en qui il avait pleinement confiance, mais ce n’était pas pareil que de passé du temps avec son père. Au moins, les longues sessions à jouer aux échecs contre Alfred avait permis à Damian d’améliorer son jeu, mais sinon le jeune homme tuait son temps libre sur d’autres projets plus lié à Robin qu’à Damian.

Il continuait cependant à veiller sur Gotham, à faire sa part du travail. Mais là encore, il lui arrivait régulièrement d’effectuer ses patrouilles en solo. Il n’avait pas de problème à les faire avec d’autres membres du Bat-Clan, ou plus largement des Chevaliers de Gotham, qu’il s’agisse de Nightwing, Batgirl, Red Robin ou d’autre… mais entre son tempérament qui le poussait souvent à faire les choses par lui-même sans se reposer sur autrui et le fait qu’entre ses obligations à la JLAcademy et ses aventures avec les Supersons, il n’était pas aussi régulièrement qu’il le voudrait à Gotham faisant que souvent ses frères et sœurs avaient leurs habitudes de patrouilles. De plus, les conséquences de la destruction de la prison de Blackgate étaient toujours visible, déjà avec les difficulté qu’avait le système carcérale Gothamite à contenir toutes les vermines que le Bat-Clan et le GCPD mettaient sous les verrou, mais la destruction de la prison avait agit comme un signe auprès de ces même criminel que le vent soufflait dans leur sens. À cause de cela, les protecteurs de la ville devaient être partout, il était parfois tactiquement préférable de couvrir autant de terrain que possible en attendant de trouver des cibles nécessitant que les Chauves-souris rassemblent leurs forces. C’était peut-être exactement ce que Damian venait de trouver.

L’Héritier du Démon se tenait à bonne distance du parc d’attraction abandonné d’Amusement Mile qu’il observait à la jumelle. Cet endroit avait été bâtit dans les alentours de la fin du XIXème et du début du XXème siècle, à l’époque de l’âge d’or de Gotham. Mais ce qui avait jadis été un excellent moyens de contenté la population en lui offrant des distractions accessible avait périclité au fur et à mesure des décennies. Aujourd’hui, il ne s’agissait plus que de ruines malsaines où il ne faisait pas bon de s’y promener la nuit… à dire vrais, le plus souvent, seul les fous et ceux s’érigeant en exclut fréquentaient encore cet endroit. Patiemment, Damian détaillait les différents emplacements du parc abandonné, repérant les points de passage, les impasses, les pièges potentiels, les cibles…

« Tst, c’est définitivement d’ici que ce défi m’est lancé. » affirma le jeune homme alors qu’il observait le projecteur riveté sur le toit d’un bâtiment subtilement nommé « Joker’s Funland ».

Ce criminel ne cherchait visiblement même pas à se cacher. Pourtant, tout la famille avait été mise sur le branle-bas de combat lors de sa dernière évasion, mais en vain. Depuis, le Chaotique prince de l’amusement et mauvais goût n’avait plus fait parler de lui. Initialement, il avait été envisagé qu’il préparait un gros coup, et ils avaient redoublé d’effort pour retrouver sa piste… mais au bout de quelques semaines, toujours rien n’était arrivé. Ils avaient un temps craint que Joker aie décidé de quitter Gotham pour terroriser d’autres villes, mais là encore rien ne s’était passé. Par la suite, d’autres urgences avaient monopolisé l’attention des apprentis du Chevalier Noir, mais le Joker n’était jamais resté loin de leurs pensées… ce monstre avait après tout réussit à leurs infliger des blessures plus cruels et plus souvent que n’importe lequel de leurs ennemis.

« S’il s’agit bien de cet odieux personnage, vous ne devriez certainement pas vous y rendre seul, jeune homme. »

« Cela fait des semaines que nous cherchons après la moindre piste menant à lui, Penny-one. C’est la première que nous ayons et il se pourrait très bien que ce soit encore un plan débile monter par certains de ces idiots se réclamant de lui dans le but de prouver quelque chose. » Damian n’y croyait pas réellement, quelque chose dans ses tripes lui disait que ce message venait bien de lui. « De plus, les autres sont plutôt occupé en ce moment, sinon ils auraient déjà rappliqué. Ce n’est pas comme si ce signal n’était pas visible. »

« Il n’empêche que Red Robin, n’est pas si loin de votre position. Il aide actuellement l’inspecteur de Bullock et ses hommes à mettre fin à une opération de contrebande du Ferryman, mais dès qu’il aura terminé… ou alors mademoiselle... »

« Oui, j’ai bien compris Penny-One, on m’a assez répété de ne pas m’attaquer à ce clown seul. Néanmoins, je ne compte pas rester les bras croisé à attendre que l’un des disciples de père fasse de la place dans son programme pour ça. Contacter les si cela vous chante, moi je vais au moins effectuer une reconnaissance pour m’assurer que ce n’est pas une fausse piste. Robin, terminé. »

Damian avait beau être le plus jeune membre de la famille, il n’aimait pas avoir à attendre l’approbation de ses aînées pour la moindre de ses actions. Il avait été plus entraîné que n’importe lequel de ses prédécesseurs, il était déjà capable d’affronter et vaincre la plupart des adversaires de son père en combat singulier. Il n’avait pas besoin d’être couvé ainsi.

L’acolyte du Chevalier Noir commença alors sa progression. Pénétrant de le périmètre du parc, il devait composer avec une des innombrables factions des Jokerz polluant les rues de Gotham. Ce coups-ci, il s’agissait des « Ricanements » ou, comme ils préféraient se nommer, « la meute ricanante ». Ce gang en particulier avait pour marque de fabrique l’usage de molosses sur lesquels ils peignaient des tâches pour les faire ressembler à des hyènes et qu’ils droguaient pour les rendre plus agressif avant de les lâcher sur leurs ennemis pour le contrôle d’un quartier… et plus souvent sur les passants en fait. Ce groupe en particulier avait déjà une vingtaines de cas de meurtre à leur actif et des dizaines d’hospitalisation ainsi que d’innombrables cas de vandalisme. Mais en-dehors de cela, ils étaient assez insignifiant, ils n’étaient pas du tout intégré dans le commerce souterrain de Gotham, pas assez organisé pour garder le contrôle d’un quartier si un vrais challengers se pointait, trop chaotique pour organiser un racket à la protection… il n’en restait pas moins que Damian allait se faire un plaisir d’égaliser les marques.

S’infiltrant dans les ombres, le Jeune Prodige commença son infiltration. Son entraînement faisait qu’il passait totalement inaperçu aux yeux de ses ennemis, pas le moindre son, pas le moindre grincement de planche, pas même le plus léger déplacement d’air ne trahissait sa présence. Parfois, l’un des canidés accompagnant ses ennemis semblait percevoir sa présence, mais ces pauvres bêtes étaient tellement shooté par leurs propriétaires qu’elles ne faisaient plus vraiment la différence entre ce que leurs sens percevaient et les délires naissant des substances qu’on leurs injectait. Un par un, Damian commença à neutraliser les Ricanements, n’hésitant pas à leurs infliger des mutilations chirurgicales dont ils mettraient des années à guérir. Il montrait plus de miséricorde à l’égard des animaux, ceux-ci n’ayant pas choisit cette voie, mais il se demanda si la véritable miséricorde ne consisterait pas à abréger leurs souffrance.

Il travaillait vite et efficacement. En une grosse dizaine de minutes, les Ricanements avaient été décimé et leurs corps brisés servaient à présent d’avertissement aux autres, exposé sur divers attraction de la fête foraine, bien que Damian aie veiller à ce que l’alerte ne soit pas donné. Une fois cela fait, Damian progressa plus avant dans le parc d’attraction. Dick l’avait emmené plusieurs fois dans ce genre d’endroit, Brown également une fois ou l’autre. Il n’avait jamais vraiment apprécié l’endroit même qu’il voyait comme un gaspillage de temps, mais toujours le temps passé avec eux. Mais il devait admettre que l’endroit, à l’abandon, était particulièrement glauque, pouvant rivaliser avec les repaires du Cirque de l’Étrange du Professeur Pyg.

Malgré un mauvais pressentiment, Damian poursuivit sa progression, ne faisant toujours qu’un avec les ténèbres l’entourant. Il continuait à avancer en direction du « Joker’s Funland », il finit par entrer à l’intérieur, prudemment. Car, bien que l’actuel Robin n’était pas du genre à se défiler face à un défi, il ne tenait nullement à finir comme Jason Todd et à devenir un autre échec pour son père. Et le Joker avait déjà prouver à d’innombrables reprises êtres un adversaire vicieux. Damian ne comptait pas tomber dans le piège qui lui serait tendu.

Malgré toutes ses précautions, le petit prodige ne vit hélas pas à temps le fil tendu dans la pénombre. Alors qu'il aurait été en droit de s'attendre à en avoir la cheville lacérée - voire pire, à ce qu'il déclenche un explosif -, son rembobinage ne déclencha rien d'autre...
...Que le gloussement mécanique d'une boite à rire de piètre qualité. Une farce puérile, mais qui n'en trahissait pas moins sa position - sans qu'il y ait de raison d'en avoir honte, ledit câble ayant été camouflé avec toute l'adresse d'un professionnel.
Instantanément, les trois occupants du « quartier général » relevèrent la tête, sur le qui-vive. Ils avaient de la visite, finalement. Tant mieux, quand bien même le clown eut préféré que ce ne soit pas alors qu'il était en plein assemblage d'un château de cartes.

Ah... L'oisillon se décide enfin à descendre du nid, on dirait ! Je commençais à me demander si j'allais devoir mettre le feu à l'arbre pour te faire sortir... Ça aurait été dommage, tu ne crois pas ?

Jetant la carte qu'il s'apprêtait à poser sur le reste du palais, il ne prit pas même la peine de regarder celui-ci s'effondrer, entièrement concentré sur son nouvel invité. Certes, l'intéressé n'avait aucune envie d'être là, mais ça ne changeait rien au fait qu'il bénéficiait de son hospitalité dès lors qu'il avait franchi l'entrée du bâtiment - du « royaume » qu'il avait acquis pour trois fois rien.
Où un clown pouvait-il mieux s'épanouir que dans un parc d'attraction ? Oh, il avait bien essayé les fêtes d'anniversaires, mais les parents s'étaient montrés peu convaincus par sa prestation - pour ceux qui avaient survécu à l'expérience, à tout le moins.

De leur côté, ses sbires s'étaient fait forts de saisir les armes à leur disposition - c'est à dire pas grand chose. Leur patron ayant insisté pour qu'ils fassent - relativement - profil bas, ils s'étaient abstenus de dévaliser une armurerie pour refaire le plein, selon la méthode en vigueur. Et puisque ce qu'ils avaient de côté leur avaient été confisquées à leur dernière arrestation... Inutile de dire qu'ils se trouvaient un rien limités dans le choix de leur armement.
Oh, ils possédaient, bien sûr, un pistolet chacun : ce n'étaient tout de même pas des sauvages. Seulement, il leur avait fallu renoncer aux bazookas, lance-roquettes et autres fusils-mitrailleurs, au moins pour pour le moment.
Pour l'heure, leur choix s'était cependant plutôt porté, semble-t-il, sur une barre de fer pour l'un et une batte de base-ball pour l'autre ; « à l'ancienne », pourrait-on dire.
Non seulement de tels articles étaient-ils plus faciles à trouver dans le commerce sans que l'on pose de questions - même avec des têtes comme les leurs, ce qui n'était pas un mince exploit -, mais en plus faisaient-ils moins de bruit, réduisant d'autant les chances qu'ils se fassent remarquer.
Avoir limité leurs activités pour ne pas attirer l'attention ne servirait pas à grand chose s'ils rameutaient un quart des effectifs du GCPD au premier coup de feu. Les yeux rivés sur l'entrée, ils attendirent l'occasion de frapper.

Allons, allons, intervint le clown prince du crime en les voyant prendre une posture offensive - se préparer à frapper. Laissez le temps à notre ami d'arriver avant de vouloir lui fendre le crâne, hm ? D'abord on dit bonjour, et après les commotions cérébrales. Il soupira. Parfois, j'ai vraiment l'impression de devoir tout vous apprendre...

Se levant prestement de son siège d'appoint pour faire quelques pas, il posa la main sur la batte - constellée de clous ; sans doute une touche personnelle - que tenait Tweedledum et appuya dessus pour le convaincre de la baisser. Autrement que sur la nuque du gamin de préférence.
Ce faisant, il approchait également de ce dernier - un choix risqué, considérant la propension accrue de ce Robin à dispenser la douleur physique par rapport aux autres. Une façon comme une autre de montrer patte blanche.

▬ Euh, patron, z'êtes sûr qu-
▬ Shhh. l'interrompit le Joker en plaquant son index sur ses lèvres boudinées, réclamant le silence. Vous savez les garçons, je vous aime bien, mais parler, ce n'est vraiment pas votre fort. Restez dans votre coin en ayant l'air menaçant, ce sera très bien. Allez, zou !

Congédiés d'un geste de la main, les deux gros bras échangèrent un regard circonspect avant de reculer d'un pas, non sans continuer de fixer le partenaire du Chevalier Noir d'un air mauvais.

Voiiilà, parfait ! Excuse-les, ils sont un peu trop habitués à cette... Du doigt, il traça un vague cercle dans les airs. ...Petite routine que nous avons mise en place. Entre toi et moi, poursuivit-il sans pourtant abaisser le son de sa voix, je crois qu'ils n'ont pas vraiment la place pour plus d'un numéro dans le ciboulot. Ce n'est pas comme ça que je vais pouvoir les faire monter sur les planches... Enfin !

Dans un geste grandiose, il écarta les bras, mettant en évidence son environnement - c'est à dire pas grand chose ; ce qu'il restait d'une attraction abandonnée ; poussiéreuse et insalubre, sans doute plus proche de tomber en ruines que d'être un jour rouverte au public.

▬ Sois le bienvenu dans mon humble demeure ! Tu m'excuseras, je n'ai pas eu le temps de passer le balai. Mais au moins... Il humecta de la langue le bout de ses doigts gantés pour remettre bon ordre dans sa chevelure, réajusta sa veste. ...Je suis présentable, c'est encore ça le plus important, pas vrai ? Mais dis-moi plutôt, comment vas-tu, toi, hm ? Ce n'est pas trop difficile, ces derniers temps ? Comment ça se passe, à la maison ? À mesure qu'il posait ses questions, il s'inclinait de plus en plus, mains posées sur les genoux, pour se mettre à la hauteur du rouge-gorge maussade qu'avait attiré son piège à oiseaux. Son regard s'éclaira soudain d'une lueur plus vive, presque fiévreuse. Papa est parti acheter des cigarettes et n'est jamais revenu ? Il a été mordu par une chauve-souris enragée ? Dis-moi tout, tu veux ?

Damian avait poursuivi sa progression, avançant parmi les ombres au sein desquelles il se fondait naturellement. Aucun son n’était émis lorsque ses pas se posaient sur le sol, aucun reflet ne trahissait sa présence. Tout aurait put se passer au mieux, il aurait pu effectuer sa reconnaissance sans que le Joker n’aie seulement conscience de sa présence, peut-être même le neutraliser avant qu’il ne puisse mettre en place le plan que son esprit tordu avait immanquablement concocté. Tout aurait put se passer ainsi s’il ne s’était pas laissé prendre à un stupide piège.
 
Dès l’instant où son pied s’était posé sur le fil dissimulé, il avait senti sa présence. L’instant d’après, le fil commença à se rembobiner, enclenchant de manière inexorable le mécanisme auquel il était relié. Sans perdre un instant, le Jeune Prodige bondit en arrière pour tenter de s’écarter de la trajectoire du piège mortel qu’il venait d’enclencher par son manque de vigilance, tout en dégainant dans le même mouvement un batarang. Ce genre d’objet pouvait s’avérer utile pour détruire ou bloquer un mécanisme d’un jet précis… et Damian avait l’un des meilleurs taux de précision du Bat-clan.
 
Mais à l’instant même où il se réceptionna de manière souple, presque félin, il put constater quel était la blague que le clown venait de lui faire. Un rire mécanique s’éleva alors que la boite à rire était enclenchée. De dépit, le Fils du Batman proféra un juron blasphématoire avant de jeter son projectile qui fendit l’air puis se planta dans la boite à rire, sectionnant ses mécanismes internes et lui clouant le bec. Mais le mal était déjà fait, le prince du crime était à présent au courant de sa présence. Pennyworth allait le tuer pour ne pas avoir attendu de renfort, ou plus probablement lui asséner un regard réprobateur dont il avait le secret, mais à présent les dés en étaient jetés.
 
Sachant que sa présence était de toute façon repérée, Damian ne tarda pas à se montrer face à ses ennemis, les observant de dessous la capuche de sa cape. La némésis de son père n’était pas seul, il était accompagné de deux sbires que le jeune héros identifia comme étant les cousins Tweeds… plus connu sous leurs surnoms de « Tweedledee et Tweedeldum ». Des hommes de mains avec plus d’ambitions que de talents, se rêvant comme la prochaine génération de Supervilains. Les voyants approcher, armé d’une barre de fer et d’une batte cloutée, l’Héritier du Démon eut un sourire carnassier alors qu’il craquait ses articulations. Il allait adorer les envoyer faire un tour aux urgences avant qu’ils n’atterrissent dans leurs cellules d’Arkham. Il n’aurait même pas besoin de dégainer sa lame pour cela, rien qu’à leur manière de tenir leurs armes improvisées, il pouvait déjà percevoir l’abîme séparant son niveau du leur.
 
Mais Damian ne perdait pas de vue que le véritable danger n’était pas les deux tas de graisse, mais bien le clown. Lui pouvait représenter un danger et plus d’une fois, le Bat-clan en avait fait les frais. Son style de combat était lui-même complètement chaotique, au point que même Cassandra Cain était incapable de prévoir ses mouvements dans un combat.  Malgré son apparence, son manque d’entrainement évident, Joker était un adversaire que l’actuel Robin ne pouvait se permettre de sous-estimer. Même dans le cas où ce fou ne participerait pas au combat, si Damian devait choisir entre appréhender ces minables de Tweeds, ou le Joker, ce dernier passerait en priorité. Mais encore une fois, le Joker fit appel à son arme la plus dangereuse, son imprévisibilité.
 
Le Jeune Prodige s’était attendu à ce qu’ils passent immédiatement au combat, mais le Joker semblait être d’humeur moins vindicative que le reste des personnes présentes, il força l’un des cousins à baisser son arme avant de commencer à s’approcher du Fils du Batman. Les muscles de ce dernier se tendirent immédiatement, flairant un danger. Sa main se porta instinctivement sur la poignée de l’épée qu’il avait emmené avec lui, prêt à la sortir de son fourreau. Même s’il n’avait pas eu à subir les frasques du clown prince du crime aussi souvent et intimement que la plupart des membres de sa famille, il en savait assez pour sentir le danger que représentait cet être.
 
Il regarda d’un air interdit le Joker congédié ses deux larbins puis s’adresser à lui comme s’ils n’étaient pas ennemis. Ce comportement de sa part n’était pas totalement imprévisible, le Joker ayant toujours eut tendance à avoir une perception de la réalité très distordue, mais n’en apportait pas moins son lot de confusion. Sa position se modifiait, se préparant à devoir esquiver et contre-attaquer un assaut en traitre potentiel. Il était tenté de passer à l’attaque, d’oublier un instant les règles illogiques de son géniteur et de débarrassé Gotham de son plus cruel tourmenteur tout en séparant ledit tourmenteur de sa tête. Il suffirait d’une ouverture, d’un simple instant… mais comme à chaque fois qu’il avait ce genre de pensée se formait dans sa tête, il commençait à entendre la voix de son père ou d’un autre membre de sa famille, lui rappeler que le meurtre n’était pas leurs méthodes.
 
Le Joker poursuivit sa représentation théâtrale, mettant toujours plus à l’épreuve la patience du jeune al-Ghul. Le Jeune Prodige pour sa part observait imperturbable les environs. Pas seulement avec ses yeux, mais il faisait appel à tout ses autres sens. Son entrainement, son éducation, lui avait apprit à se fier à chacun de ses sens pour garder une vue générale du champ de bataille, pour ne pas être pris par surprise. Il ne surveillait pas uniquement le Joker, mais aussi ses deux laquais au cas où ils trameraient quelque chose et également les environs, cherchant piège, ou otages, n’importe quel élément qu’il devrait prendre en compte dans l’affrontement qui arriverait.
 
Mais à l’instant même où le Joker commença à poser des questions, Damian commença à comprendre à quoi rimait ce petit jeu. D’abord des babillages vaguement personnels, comme s’il échangeait avec un gamin de ses connaissances, auxquels le jeune homme opposa un silence froid et résolu, qui dérivèrent progressivement sur des questions concernant le Chevalier Noir. Il était évident que le Joker s’était aperçut de la disparition du protecteur de Gotham… et maintenant il avait attiré à lui l’un des acolytes du Batman pour en savoir plus. L’expression du visage du jeune homme se fit d’un coup beaucoup plus sombre sa main se refermant fermement sur la poignée de son arme.   
 
« Tu le lui demanderas toi-même, bouffon, quand il te rendra visite à ta cellule capitonnée ! » fut la seule réponse du jeune homme.
 
L’instant d’après, il tenta de faucher les jambes du Joker pour le mettre au sol en effectuant une vive action de balayage avec sa jambe. Damian ayant ostensiblement mit en avant la menace d’une attaque armée dans sa gestuelle pour détourner l’attention de par où il porterait son assaut. Une brusque lumière illumina alors la zone quand entra en action les grenades-flash, que l’Héritier du Démon avait libéré. Damian se dégagea immédiatement, voulant éviter l’incontournable coup en traitre avec lequel son ennemi répliquerait.
 
« Et au passage, « bonjours ». » lâcha sardoniquement le Fils du Batman, sous entendant que l’heure des commotions cérébrales étaient venue.
 
Profitant que ses trois ennemis étaient encore désorientés par sa grenade Damian, passa dans le dos du Clown pour s’en prendre directement aux hommes de mains. Une détonation se fit entendre suivit d’un cri de surprise appartenant à Tweedledee. Ce dernier venait d’être emporté dans les airs par un câble enroulé autour de sa jambe, la barre de fer qu’il avait prit comme arme tombant lourdement sur le sol pendant que son propriétaire pendait à plusieurs mètres du sol comme une horrible pinata beuglante.
 
Tweedledum eut à peine le temps de commencer à recouvrer une partie de sa vue qu’il sentit un violent choc sur son front. Le Jeune Prodige avait profité que sa cible utilisait sa batte comme un moyen de défense pour frapper violemment du pied dessus, profitant de son élan et de son poids pour qu’elle aille se fracasser contre le crâne massif de son propriétaire. Pour faire bonne mesure, le jeune homme asséna plusieurs coups à son ennemi pour être sûr qu’il perdrait connaissance. Débarrassé du menu fretin, il allait pouvoir tourner toute son attention vers le clown.
 
« Maintenant, à nous deux, bouffon. »