[Abandonné] L'amertume de la trahison Jeu 9 Sep 2021 - 10:16
L'Europe.
Alors que certaines populations gardaient la tête haute face à l'ennemi que représentait la chancellerie, d'autres s'étaient résignées. La tyrannie tuait, massacrait, broyait, elle muselait la presse, les réseaux, la pensée, elle s'était immiscée dans les écoles à l'instar de tout système totalitaire qui avait compris que la jeunesse était le socle du changement, le creuset du monde de demain.
C'étaient des maternels qui apprenaient en dessinant des drapeaux et des soldats ; des primaires écrivant le nom du dictateur pour mieux comprendre les lettres ; des collégiens qui saluaient le drapeau ; des lycéens qui apprenaient l'Histoire au prisme déformant d'un Empire en mal de reconnaissance ; des étudiants qui s'entredéchiraient entre une collaboration complaisante et une résistance mortelle.
Et au milieu, des parents, des travailleurs et des travailleuses pétris de contradictions qui serraient les dents comme les précédentes démocraties le leur avaient si bien appris, regrettaient le temps passé mais devaient travailler pour nourrir leur famille, leurs enfants, leur proches. Au jour le jour survivre, s'interroger sur demain lorsque le temps le leur permettait. Et le temps n'était guère un allié en ces temps infernaux.
La victoire contre la Spider Guild avait redonné un souffle au pouvoir qui basait sa réussite sur un orgueil militaire. L'emprise était simple dans les populations qui rêvaient de grandeur passée, dans ces nations qui avaient une histoire riche, mais un passé proche désastreux. Degaton s'était gravé dans la peur des hommes et des femmes. L'Europe pouvait se nourrir seule et il pouvait encore aujourd'hui assurer à la population "méritante" de quoi subsister, mais l'Europe était en guerre économique avec le reste du monde.
Pour cela, les coupables étaient tout trouvés : les aliens ; les justiciers méta-humains ; l'ONU entre les mains d'américains, de russes et de chinois... L'OMC avait entrouvert récemment les portes du fait du déséquilibre commercial que provoquait la perte de l'industrie Européenne dans l'import-export mondial. Les parts de marchés et les cotations boursières qui dépendaient du vieux continent avaient plongé certaines multinationales dans le marasme. Aussi la lâcheté avait été de mise dans les marchés financiers. La bourse de Paris avait été rouverte. L'argent européen redevenait acceptable pour assurer une stabilité du marché globalisé.
L'attaque récente de Orm et de son équipe n'avait pas amélioré les choses, les billets frappés du profil de Degaton était en passe de devenir une valeur refuge pour les transactions secondaires... Espérer les requins pour sauver les passagers d'un navire naufragé...
Ce qui avait été le début d'une formidable crise économique s'était stabilisé. Petite victoire économique. Si la finance vous acceptait, les démocraties vous toléraient... Vandal Savage, le conseiller de l'ombre, avait comprit qu'en ne remettant pas en cause le capitalisme il s'assurait une stabilité politique et diplomatique. C'était en tout cas le seul héritage de son passage. Depuis sa prison, l'éternel ne pouvait plus guère souffler quelques perles de sagesse à son subordonné devenu maître. L'Europe dégatonnienne qui avait un court laps de temps appartenu à cette époque contemporaine était sur le point de connaitre une terrible chute.
Degaton rêvait de toujours plus de grandeur et pour cela il devait récupérer un atout qu'il avait perdu.
Un atout sous la forme d'une jeune femme : Black Alice.
Anton Arcane, général de la Légion Nibelungen avait échoué à Bruxelles. La ville était revenue entre ses mains mais au prix de milliers de soldats morts inutilement pour une expérience ésotérique initialement déjà douteuse. S'en était suivie la perte de la dernière zone d'influence d'Irlande qui aurait dû devenir la tête de pont d'une reconquête n'avait pas ajouté au tableau des régiments de magiciens qui subissaient présentement une purge sans précédent. Les magiciens et les occultistes n'avaient jamais été en odeur de sainteté pour le chancelier et cela ne s'améliorait pas. Aussi le chancelier avait-il décidé d'en finir avec ces absurdités.
Le général Arcane avait donc été mandaté pour une opération de la dernière chance. Le semi-démon avait parfaitement compris que pour sauver sa peau d'une dictature qui employait nombre de magiciens pourris de cette Terre, il devait se maintenir la tête hors de l'eau, être un nécrophage dans un banc de cadavres en devenir.
Dans son uniforme inconfortable, le nécromancien terminait un rapport auprès de Degaton. Seul.
L'immense salle de commandement qui, il y a peu encore, bruissait des tintements de médailles et des froissements des uniformes des officiers de l'armée n'était rempli que de la présence du dictateur qui observait de ses yeux mauvais la silhouette de l'un de ses derniers officiers supérieurs. Lorsqu'il termina son laïus, Arcane tenta de sentir dans son interlocuteur une présence, une tumeur ou une quelconque forme de nécrose qui aurait pu lui permettre de l'achever sur le champ, mais rien. L'homme présent n'était qu'une illusion, un hologramme qui le jugeait.
Le dictateur sombrait dans la paranoïa.
- Je prends l'affaire en main, vous pouvez disposer, trancha Per Degaton en le congédiant d'un geste sec.
***
Scène classique. Un homme sur une chaise. Ligoté, bavant un mélange grumeleux de sang et de salive. Un autre homme, manches retroussées, gants rouges reposés sur une table où traînaient une scie rendue écarlate et une mallette où s'alignaient flacons et seringues. L'un était dans la panique, l'autre dans l'habitude. Le bourreau posa un marteau encore poisseux sur la table qui émit un bruit à faire sursauter la conscience presque euthanasiée du second.
Le cheveux roux du tortionnaire s'agitèrent sous la lumière vive du plafonnier et se tendirent vers le sol lorsqu'il leva la tête pour aligner son regard, sa seringue et l'éclairage de la pièce.
L'injection fut rapide, sans douceur et sans désinfection.
Degaton s'assit ensuite et attendit en mettant un métronome en route. Il tapota sur la table, un air militaire du temps de sa prime jeunesse et observait le mur comme un spécialiste un peu blasé qui attend que son traitement fasse effet. Il aurait pu se fendre d'un petit discours, d'explications diverses, il aurait pu essayer de faire naître un peu de compassion chez sa victime mais non, il attendait, comme si ce n'était qu'une opération dont il se moquait bien du patient.
Ses bottes poussèrent sa chaise au moment où il vérifiait la dilatation de la pupille de sa victime et il s'en repartait, s'étirant un peu comme un professionnel qui se savait presqu'au bout de ses peines. Des sanglots lui firent tourner un regard intéressé. L'homme balbutiait quelques mots, des souvenirs surgit d'une mémoire émotionnelle qui cherchait à donner du sens à tout ceci.
Lorsque la main rude de Per vint se poser sur l'une de ses épaules déboîtées, un flot de suppliques jaillirent de sa gorge brûlée par ses précédents cris. C'était un râle, une agonie différée qui s'exprimait dans la langue du désespoir humain.
- Allons mon cher "Big Shot", il est temps de me parler d'une de vos anciennes protégées...
***
Les asiles psychiatriques se ressemblaient tous. Patients déambulant, personnel qui oscillait dangereusement entre sombrer dans le même mal que leur pensionnaires et penchants suicidaires, noyant leur mal-être dans la grivoiserie et la puérilité. Parmi ces gens, des médecins, pas tout à fait fous, pas tout à fait sains qui projetaient autant qu'ils accumulaient les distorsions de la réalité de leur patientèle.
Un nouveau "docteur" avait été accueilli pour gérer des cas "limites", un homme aux cheveux roux presque rouge, le visage dur, les allures qui dénotaient un passé militaire, qui s'était vu affublé du surnom de "colonel". Après l'agression incompréhensible d'une infirmière par une jeune patiente à la force démesurée, il avait été mandaté pour gérer la jeune "Lori Zechlin".
Mais cet homme avait une double vie. Chaque jeudi soir, dans le dos du médecin chef, il organisait avec des infirmiers et des aides soignants des séances politiques et le week-end en profitait pour les former aux arts militaires. Il ne lui fallut pas plus d'un mois pour que le personnel soignant le suive, pour qu'il intègre des Enfants de Degaton dans l'administration de l'établissement.
Le fascisme était un mal qui s'épanouissait dans l'ombre des systèmes...
***
Ce fut un matin. Il faisait frais au dehors et les arbres commençaient lentement à perdre de leur verdure estivale. Il frappa deux fois à une porte. Une voix souffreteuse l'envoya paître. Il dut alors lancer un :
- Je suis envoyé par la clinique.
La porte se déverrouilla pour laisser paraître le visage émacié d'un homme faible et malade. Degaton lui lança de son costume trois pièce le sourire de l'homme providentiel. Pas tout à fait rassurant, pas tout à fait menaçant.
- Vous avez, je crois, signé une autorisation pour le test de traitements expérimentaux monsieur Zechlin, est-ce bien cela ?
Dans sa mallette, des médicaments de toutes époques et, dans une fiole parfaitement hermétique, un étrange ver aux propriétés psychiques, réduit par la génétique en une chose imbécile mais qui offrait une prise complète sur le libre-arbitre de son hôte...
***
Plus tôt dans la décennie.
Au collège de Dayton, la reprise des cours fut associée à une tragique nouvelle : l'un de leur professeur d'Histoire avait péri dans un accident de canyoning et il avait dut être remplacé par un nouveau venu. L'air sévère, il portait en lui une aura tragique de dominateur. Tenue marron deux pièces, une cravate stricte, un pantalon aux pinces parfaitement régulière, des chaussures cirées avec un soin maladif.
Ce fut lorsqu'il posa ses affaires pour la première fois dans la salle de cour, qu'il passa une main ganté de daim dans ses cheveux roux coiffés sévèrement et qu'il parla d'une voix sèche que les étudiants comprirent que leur professeur, considéré par beaucoup comme "cool", était définitivement de l'histoire ancienne.
- Je serais votre professeur d'Histoire pour la durée de ce semestre. Je me présente : Anton Dodds.
Au fond de la classe, une jeune fille aux allures gothiques eut droit à un regard dur, le même dont le nouvel enseignant gratifia le reste de la classe.
- Nous commencerons ce semestre comme le prévoit le programme : par la colonisation...
[HRP]Longtemps promis, j'ouvre enfin notre sujet : Degaton est donc en train de manipuler l'Histoire de Black Alice pour la récupérer dans ses rangs.
J'ai choisi les étapes clefs suivants : - Sa vie au sein d'une équipe soutenue par Big Shot, comme je ne connais pas trop j'ai juste fait un interrogatoire de Big Shot du futur pour connaître des choses sur la Black Alice de cette époque ; - Sa vie à l'hôpital ; - Le moment où son père est malade et avant potentiellement qu'Alice rejoigne les Secret Six ; - Sa vie au collège.[/HRP]
Dernière édition par Per Degaton le Mar 23 Nov 2021 - 13:46, édité 1 fois
Black Alice
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Situation : Alice est officiellement morte au service de la Légion. Elle a disparue depuis.
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Re: [Abandonné] L'amertume de la trahison Dim 17 Oct 2021 - 18:59
I believe we make ourselves who we are, the blood is on our hands, not God's.
L'Europe. Continent chargé de remords et presque autant de regrets... Après y avoir passé la moitié de l’année qui venait de s’écouler là-bas, Lori n’avait aucune envie d’y remettre les pieds. Elle en était partie une première fois, pour rejoindre les enfers, ou Banshee l’avait trouvé, rencontre qui l’avait plus ou moins amené à se repentir de ses crimes en aidant la résistance comme elle pouvait, tout en essayant au mieux de ne pas réapparaître sur les radars du Régime de Degaton. Difficile gymnastique, qui s’était finalement soldée par un drame, et la fuite de Lori en Amérique, à se terrer de nouveau en espérant que le monde l’oublierait pour de bon. Hélas, cela n’avait pas été le cas. Ni dans le présent. Ni dans le passé.
Quand Lori ouvrit les yeux, ce matin-là, un sentiment d’empressement ne la quitta pas. Ses rêves avaient essayé de la prévenir qu’un danger la guettait, elle en était presque certaine, mais elle n’avait pas su mettre les mots sur ce qui l’alarmait à ce point, la mettant mal à l’aise, comme si une menace invisible la guettait. Quelque chose était sur le point d’arriver, mais quoi ? C’était étrange comme sentiment, une impression d’urgence qu’on ne pouvait qualifier, ni expliquer. Peut-être aussi tout cela n’était que le fruit de son anxiété qui depuis sa fuite n’avait fait que croître. Oui, si ça se trouve, ce n’était rien de plus qu’une mauvaise impression sans aucun fondement…
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C’est probablement ce qu’aurait voulu croire Bigshot, aussi connu sous le nom de Ralph Dibny, bien qu’à l’époque où il se faisait appeler par ce surnom-là, il avait laissé son costume d’elongated Man derrière lui, prenant l’alias de Damon Wells. C’est sous ce nom que Lori le connu, alors qu’elle avait rejoint les secrets six deuxièmes du nom. Bigshot la prit presque immédiatement sous son aile, et Lori lui montra rapidement une loyauté et une affection toute paternelle, sûrement influencée par la perte de ses parents encore fraîche dans sa tête. Il n’eut pas grand mal à l’apprivoiser, et dès que ce fut chose faite, elle se montra étonnant protectrice envers lui.
Mr. Wells aurait probablement voulu garder les rouages de leur relation pour lui, mais sous l’effet de la drogue ainsi injectée dans son sang, il n’eut d’autres choix que de tout révéler, même si, finalement, il ne connaissait pas Lori si bien que cela… Mais il avait cerné un caractère solitaire, et pourtant sensible à toute marque d’intérêt sincère ou de compassion. Comme toutes les adolescentes bafouées, marginalisées malgré elle, Lori avait probablement enfoui en elle un besoin de reconnaissance et d’attention, qui, même si elle ne le voulait pas, ressortait dès qu’on réussissait à briser sa carapace. D’ailleurs, c’est ainsi qu’il avait réussi à la percer: en se souciant d’elle, de la jeune femme qu’elle était, plus que du potentiel de puissance brute qu’elle représentait… Cette puissance qui d’ailleurs avait eu tendance à l’isoler du reste du groupe, car de son propre aveu, elle ne contrôlait qu’à peine ses pouvoirs. Lori craignait bien souvent de faire du mal aux autres, qu’elle le veuille ou non, et c’était d’ailleurs déjà arrivé : elle avait fini par lui avouer en pleure qu’elle avait été responsable du cancer de son père, dont elle avait juste voulu soigner un problème de dos. Quand bien même il aurait survécu à l’accident de voiture, le cancer agressif qu’elle lui avait donné aurait de toute façon eu raison de lui…
Ses pouvoirs étaient source de malheur, pensait-elle, et d’ailleurs, ils avaient bien fini par tuer. Ils l’avaient tuée. Comment ? Mr. Well n’en n’était pas certain, tout lui avait semblé si chaotique, ce fameux jour… Il s’en souvenait bien, puisque quand il l’avait amené à l’hôpital, son cœur ne battait plus. Malgré cela, Alice était revenue à la vie, sans qu’on ne puisse l’expliquer. Si l’histoire avait fini par être oubliée, elle n’avait pour autant jamais été élucidée…
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Les asiles se ressemblent tous oui. Leur blancheur vieillie par le temps, que la moisissure tache ici et là de quelques couleurs noirâtres, tandis que l’humidité et le froid transperçait tissus et os, faisant frissonner la frêle silhouette allongée sur le lit sans couverture, ses bras se resserrant contre la tenue sommaire qui la couvrait pour essayer de trouver de la chaluer. On lui avait tout retiré, et puis on l’avait enfermé ici, sans même un drap pour se couvrir. « Pour votre sécurité » lui avait-on psalmodié tandis qu’elle se débattait, et qu’on continuait d’affirmer qu’elle était un danger pour les autres mais aussi pour elle-même. Black Alice aurait voulu se débattre, rager, tempêter, déverser sa colère sur chaque personne à sa portée, mais dès que ses pouvoirs revenaient ne serait-ce qu’un peu, et qu’elle se débattait alors, on lui injectait de nouveau de hautes doses de psychotropes qui la rendaient mole, incapable de penser, et surtout incapable de ressentir la magie. Sans ce sens d'une grande importance pour elle, Alice devenait tout bonnement incapable de voler la magie, et était alors réduite à l’état de simple poupée de chiffon, qu’on enfermait de nouveau en isolement pour les jours à venir. Cette fois, ils ne l’avaient pas attachée, mais uniquement parce que les doses avaient été tellement fortes qu’elle n’arrivait même pas à se lever sans être prise de violents vertiges. Quelque chose avait changé dans les traitements qui lui étaient infligés, mais à ses yeux c’était du pareil au même.
Elle se sentait faible et minable. Elle se sentait triste et seule. Mais surtout, elle se sentait enragée et muselée.
Alors qu’elle fixait le plafond tacheté de moisi de sa chambre, Lori repensa aux autres patients, silhouettes apeurées et dociles qu’elle avait croisé quelques fois, en salle commune, du moins avant qu’elle n’essaie d’énucléer une infirmière à coup de griffes. « Il faut jouer leur jeu. C’est le seul moyen de sortir d’ici. » "D’ici", oui, de cette prison psychiatrique, où les médecins sont seuls détenteurs d'un pouvoir absolu. Ses yeux se ferment, alors que le monde continue de tanguer. Elle veut sortir d’ici, ça oui… Où brûler cet endroit jusqu’à ses fondations, elle ne sait pas encore si c’est la rage qui parle ou un projet abouti qui émerge. Mais elle ne pourra pas le faire tant qu’elle continuera de lutter… Non, il lui faut "jouer le jeu". Il lui faut montrer patte blanche. Montrer qu’elle veut changer, qu’elle veut guérir… Et dès qu’ils baisseront leur garde, leur faire payer chaque journée passée ici. Toutes.
Ses yeux s’ouvrent de nouveau, déterminés, tandis qu’elle se relève, difficilement, manquant par deux fois de vomir le maigre repas dont l’acidité lui revient en bouche, mais malgré tout, elle arrive à poser un pied au sol puis, en s’appuyant de son épaule contre le mur froid d’humidité, à approcher de la porte de sa cellule d’isolement. Elle frappe aussi fort qu’elle peut, ce qui semble assez pathétique au vu de son état, mais elle arrive malgré tout à attirer l’attention d’une infirmière, qui passait justement dans le couloir. Leurs regards se croisent à travers la vitre incrustée dans la porte, et Lori saisit son opportunité. « Dites au médecin que j’veux lui parler. » Elle n'arrive pas à se souvenir de son nom, à cet instant, mais elle se souvient très bien de son regard et de son insupportable suffisance...
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Période un peu moins sombre, mais pas heureuse pour autant. Lori n’est pas là. Non, dans le dos de son père, elle s’informe sur les différents moyens de récolter de l’argent, et ainsi soigner le cancer de ce dernier. Il sait que sa fille cherche un moyen de le soigner, mais il ignore tout de ses méthodes, qu’il désapprouvera quand il apprendra qu’elle a rejoint un groupe de mercenaire pour se faire. Mais tout cela n’est pas encore arrivé pour l’instant. Lori est juste absente, et elle rentrera sûrement dans quelques heures, lui annonçant qu’elle a trouvé un travail pour payer ses frais d’hôpitaux. Mais pour le moment, Carl a autre chose en tête, alors que quelqu’un sonne à la porte. Face à son insistance, et ses propos, Carl soupire, se levant péniblement du canapé dans lequel il passe ses journées, au même moment où Sandra, son épouse morte et revenue en tant que zombie "grâce" aux capacités de sa fille, arrive dans le salon, partagée entre l’errance et le relent d’ancienne hôtesse de maison qui l’incite à aller ouvrir la porte, quand bien même elle ne saurait pas quoi faire ensuite.
« Que j’y aille ?... Carl... Tu veux. Tu v... Que j’y aille ? » Elle ressemble à un vieux disque raillé, qui essaierait de faire des phrases. Cela n’aide en rien le mal de Monsieur Zechlin, le minant chaque jour un peu plus alors qu'il se retrouve forcé de vivre avec ce reliquat de femme. Quand Lori est là, il n’a généralement pas à s’en occuper, mais quand elle s'absente, c’est à lui de faire attention qu’elle n’aille pas errer n’importe où et faire peur au voisinage. Comme s’il n’avait pas déjà assez à faire avec sa maladie. D’un geste de la main, Carl rabroue le zombie. « Non, retourne dans la cuisine, on ne doit pas te voir. » Lui ordonne-t-il dans un murmure agacé, alors qu’il va vers la porte, qu’il ouvre pour voir apparaître ce fameux envoyé de la clinique. L’homme ne lui inspire pas confiance, forcément, et cela est probablement dû à l’ombre de la megacorporation pharmaceutique qu’il imagine dans son dos. « Je ne sais pas… Possiblement. » Carl n’en n’est pas certain, aussi cherche-t-il dans ses souvenirs, mais à vrai dire, il a vu tellement de médecins, et tellement de cliniques, ces derniers temps. Des papiers, il en a signé oui, parfois même sur l’insistance de sa fille, alors… Oui, peut-être que oui. Il surveille d'un rapide coup d'oeil que Sandra est bien partie, avant de reprendre la parole. « Entrez, nous seront mieux à l’intérieur pour en parler » Dit-il prudemment, tout en se décalant de l’entrée pour laisser le loup rentrer dans la bergerie, refermant même la porte derrière lui.
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L’époque bénite ou les choses allaient encore presque bien. Lori n’aurait jamais cru qu’elle en viendrait à regretter l’époque ou elle n’avait "que" perdu sa mère, et pourtant… Mais la Lori qui vient de prendre place dans la salle de cours n’a pas encore conscience de tous les malheurs qui la guettent, et à cet instant, cette tragédie qu'est la perte de sa mère est encore trop fraîche, trop présente dans son esprit pour qu’elle s’intéresse à autre chose qu’à ses projets de vengeance. Depuis peu, elle a découvert qu’elle était douée de magie. Il n’en n’avait pas fallut beaucoup plus pour qu’elle commence à réfléchir à des idées de vengeance, de vengeance envers les trafiquants de drogues, ces mêmes trafiquants qui étaient à ses yeux responsables de l’overdose de sa mère. Elle ne pensait plus qu’à cela, si bien que ses notes avaient baissées drastiquement, mais que l'on avait mis cela sur le deuil et les moments difficiles que passait sa famille.
La tête posée dans sa main accoudée à son bureau, Lori tourne un peu la tête pour regarder le nouveau professeur qui vient d’arriver, fustigeant la classe d’un regard dur, auquel la jeune fille répond naturellement par un regard provocateur, souriant narquoisement derrière sa main. Encore un qui confond l’école et l’armée, probablement, ou qui se désole devant la décadence de la jeunesse, pense-t-elle. Croisant ses bras, Lori vient appuyer son dos contre sa chaise, alors qu’elle prend la parole, sans la demander. « M’sieur on devrait pas reprendre où s’en était arrêté feu Monsieur Thomas, plutot ? On était en retard sur l'programme je crois... » En vérité, elle n’en avait bien sûr rien à faire du programme d’histoire, son esprit déjà tout accaparé par ses projets de soirée à chasser les dealers de la ville, mais quand il s’agit de contester l’autorité, Lori n’est jamais la dernière à se manifester… Quelle ironie.
(c) AMIANTE
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Re: [Abandonné] L'amertume de la trahison Lun 15 Nov 2021 - 8:30
L'Humanité portait en elle les germes de sa propre fin. Cette certitude cruelle et pessimiste était au coeur des mécanismes psychologiques qui permettaient à Degaton d'avoir l'ascendant sur des esprits troublés, fragiles, perdus dans une réalité où tout devait avoir un sens. L'esprit déteste l'inconnu si effrayant, si dangereux aussi les âmes en quête de réponses claires et précises trouvaient en lui des affirmations solides, étayées dans des raisonnements simples, assurément fallacieux, mais percutants, d'une clareté mensongère.
Lori Zechlin alias Black Alice ne ferait pas exception. Big Shot eut-il été moins fragile n'aurait certainement pas révélé tant de choses à Degaton ; jamais il n'aurait laissé entre les griffes du futur dictateur des informations aussi capitales que les profondes faiblesses de la jeune adolescente. Après des jours de "traitement" et d'"interrogations", Per avait obtenu de lui tout ce qui l'intéressait. Le plus amusant fut sans doute le moment où il découvrit que l'individu, poussé dans ses ultimes retranchement s'avéra aussi malléable que du caoutchouc. Ralph Dibny avait été entre ses mains. Et pourtant, il le laissa repartir. Il le réintégra dans sa ligne temporelle avec une forte amnésie et le corps meurtri.
Car dans l'avenir, ce dernier avait un rôle à jouer dans des crises qui ne devaient en aucun cas connaître un sort différent. Il n'était pas toujours bon d'ignorer les conséquences de ses modifications temporelles...
***
A l'asile, les choses progressaient doucement. Degaton avait tissé une toile qui se concentrait autour de la jeune pensionnaire. Il avait positionné des infirmières, des infirmiers, des aides soignants, des gardes fous et des internes tout entier acquis à sa cause. Elle ne communiquait plus guère qu'avec des individus qui rendaient compte uniquement au "Docteur". Le moindre signe était révélateur avec ce genre de personnalité.
Il avait commencé à relâcher les entraves physiques pour cette jeune fille instable et dangereuse sans diminuer la sédation, ce serait pour une autre fois. Jusqu'au moment où il eut enfin un signal encourageant.
Elle avait souhaité le voir.
Ils organisèrent donc une "rencontre" dans une salle capitonnée qui n'était pas la cellule de la jeune femme. Alice fut tirée jusqu'à la pièce immensément vide où elle resta cinq bonne minute seule. Le docteur, accompagné de deux infirmiers qui ressemblaient d'avantage à des soldats tant ils paraissaient durs pénétra ensuite dans les lieux et se posta face à elle, les mains dans les poches de son pantalon.
- Mademoiselle Zechlin, commença Degaton. J'ai eu plaisir à apprendre que vous étiez en capacité de vous exprimer.
Il tendit une main et un infirmier lui donna une tablette à pince.
- Vous vouliez me parler je crois, ajouta-t-il en regardant une feuille.
Il planta ensuite son regard dans celui de la jeune fille. Le bourreau surentraîné qu'il était pouvait encore saisir l'étincelle de rage qui bouillonnait en elle , il pouvait sentir qu'elle était encore trop forte pour se soumettre. Lui revinrent alors les éléments que "Big Shot" lui avait transmis. Fragile. Manipulable aussitôt sa confiance gagnée. Attention. A... amour... autant dire une flopée d'éléments que Per était bien incapable de transmettre.
Heureusement, dans le couloir se tenait une jeune femme qui maîtrisait à la perfection ces raffinements émotionnels. Une jeune étudiante, une interne nommée Alice Synner qui, dans quelques années, irait prendre la direction de l'Asile d'Arkham. Une manipulatrice sans pareille qui avait pu lire tout le dossier de la jeune femme et avait compris que le "Docteur" avait les moyens de lui offrir un avenir qui en valait la peine. A condition naturellement qu'elle lui serve une Lori Zechlin sur un plateau...
***
- Monsieur Zechlin, j'ai une superbe nouvelle à vous annoncer/b], déclara Per Degaton en posant sa mallette sur une table non moins minable que le rachitique père de famille.
Le mot "superbe", dans la bouche de Degaton, sonnait hélas d'avantage comme une menace qu'un réel enthousiasme, mais il était face à un vieil infirme agonisant dans une demeure qui n'était que l'écho d'espoirs détruits par une vie de malheurs. Le terreau adéquat pour l'arrivée d'un chevalier blanc, eut-il les cheveux rouge comme le sang.
[b]- Notre clinique, via un partenariat avec un laboratoire de la côté Ouest est parvenu à mettre au point une thérapie d'un nouveau genre pour affronter votre maladie dégénérative.
Il eut un sourire compatissant qui s'estompa rapidement, son visage et lui manquant de se déclarer une guerre ouverte.
- Ce traitement, d'un nouveau genre, nécessite naturellement des essais cliniques sur des patients volontaires.
Et il décrivit le plus précisément possible ce qui était attendu pour rendre plus crédible son mensonge grossier : les tests ; les observations ; les carnets d'observation ; les visites médicales payées par le laboratoire et la clinique. Rien n'était épargné pour donner à cette manœuvre les allures les plus respectables.
Sortant une liasse de papiers de sa mallette, Degaton s'approcha du vieil homme. Il lui montra quelques documents et les dédommagements prévus par une assurance bidon.
- Une occasion unique pour vous, conclut-il en l'assommant d'un solide coup de coude derrière la tête.
Il se saisit alors de sa fiole hermétique et l'ouvrit pour en vider le contenu dans l'oreille de sa victime. Il rangea rapidement ses affaires et réveilla le vieil homme.
- Monsieur ? Vous allez bien ? s'inquiéta-t-il faussement. Vous avez l'air de vous être évanoui.
Puis, le regardant dans les yeux, il prononça les mots qui permettaient d'activer le ver de façon latente.
- Rassurez-vous monsieur, je m'occupe de tout.
Et le ver vénusien dégénéré s'activa...
JE. M'OCCUPE. DE. TOUT.
***
La tête de Degaton pivota sèchement lorsque la rebelle parla. Lori Zechlin, encore et toujours. Ses carnets de notes, les avis de son équipe pédagogique confirmaient tous cet élément : la jeune femme aimait à se confronter. Cela tombait bien. Plus la tête était forte, plus l'esprit était faible. Les logiques qui poussaient à se soulever contre l'ordre étaient nombreuses mais cachaient toutes une faiblesse, une faille.
Celle de Zechlin était une cellule familiale brisée, un manque d'affection. Un mal répandu, une matière de première ordre à faire brûler dans l'industrieuse manufacture du fascisme qui offrait une échappatoire à ceux trop fatigués pour trouver en eux-mêmes des réponses, trop isolés pour espérer un autre salut.
Le dictateur saisit rapidement dans la réaction de la classe la faim du conflit. Il vit dans l'oeil de nombreux la lueur du spectacle de la rébellion sans responsabilité dont ils pouvaient tous espérer des fruits sans se salir les mains. Il vit la mollesse dans la lâcheté que formait la masse silencieuse mais affamée. Il éprouvait presque un soulagement à découvrir en la jeune Alice une force de caractère qu'il ne trouvait finalement pas dans tous les autres. On bâtissait une oeuvre en sacrifiait les plus faibles mais il fallait quelques forts pour tenir les rangs.
Classe piètrement soudée. Forces divisées. Donc manipulable, manoeuvrable à l'envie. Il croisa les mains dans son dos sans perdre un instant son masque de froideur. Il ferma légèrement les yeux et s'inclina comme s'il allait se ranger à l'avis de la jeune femme.
- Vous avez parfaitement raison mademoiselle... il regarda le trombinoscope brièvement, pour donner le change, ...Zechlin.
Il marcha jusqu'au tableau où il avait déjà déployé une carte et la décrocha.
- La rigueur, la capacité à défendre ce que l'on estime être important sont des valeurs auxquelles nous devons tous être sensibles.
Il posa la carte dans un coin, soigneusement, militairement.
- Je demanderais donc à mademoiselle Zechlin de venir au tableau et nous faire un résumé de là où vous étiez avec votre précédent professeur.
Sa main présenta la zone devant le tableau comme un bourreau présentait l'échafaud. Quelques rires furent étouffés.
- A moins naturellement que quelqu'un d'autre ne se dévoue à sa place, rajouta-t-il en fusillant du regard ceux qui osaient émettre le moindre pouffement.
Ainsi il voyait jusqu'où allait l'audace de la jeune femme, il jaugeait la solidarité de cette classe, montrait une inflexibilité dure mais qui se voulait juste car non focalisée, au moins en apparence et pour ses besoins. Trois axes qui lui seraient nécessaire pour embrigader de nouvelles recrues...
Toute stratégie commençait pas une évaluation des forces en présence...