« Chasse à l'homme » ft. Patty Spivot

_____Mes sorties du mois, loin de la maison des Mystères se comptait sur les doigts d’une main. Je commençais à avoir l’habitude de ce mode de vie en confinement, cacher des autres et de la civilisation. Pour certains c’est un mode de vie impossible à suivre. Pour moi c’est une question de survie. J’avais échappé aux pires grâce à mes amis mais je ne pouvais pas les protéger de moi-même. Il vit toujours avec moi, ce démon, Amy et nous ne pouvions pas nous défaire de cette magie. Chaque nuit, dès que je baissais ma garde, je craignais qu’il fasse quelque chose de mal, qu’il s’agite, se blesse, laisse exprimer cette rage qui l’habitait et qui broyait mon estomac chaque jour.
J’ai causé du tort à énormément de monde, je ne pouvais pas blâmer la faute sur la créature qui avait endossé cette responsabilité. Soumis au régime, j’avais accumulé les crimes contre l’Humanité et je n’avais pas ma place dans mon pays natal. Cela serait difficile de raconter toute l’histoire. Par où commencer ? J’ai perdu la vie, mes pouvoirs ont toujours été ma plus grande faiblesse. Elle me rendait vulnérable et donnait l’opportunité à des esprits néfaste de l’au-delà de prendre le dessus sur moi.

Cesse de pleurnicher, tu m’ennuies. J’ai relevé les yeux, je m’étais perdu dans mes pensées, baissant ma garde. Je me suis légèrement redressé pour surveiller les alentours. Je sens les regards se tourner vers moi, comme si tout le monde savait qui j’étais réellement. Des blonds aux yeux vert, il y en a des tonnes dans ce pays, mais un seul était recherché. Installé sur un banc dans l’un des parcs d’Ivy Town, cela faisait plusieurs minutes que j’attendais. Je ne pouvais même pas rentrer dans une pharmacie sans craindre de me faire filmer par une caméra de surveillance. Je peux manipuler l’esprit des êtres humains qui m’entourent, mais pas leur technologie. J’ai fini par confier mes courses à quelqu’un d’autre.
William Randolph Wintergreen s’était installé juste à côté de moi, un sac en papier en main qu’il ne lâcha pas. Je n’avais pas réellement envie de le mêler à mes histoires personnelles mais il était la dernière personne à qui je pouvais demander ce service ces derniers jours. Il ne s’agissait que de simple anti-douleur mais ils m’étaient indispensable.

« Tu as bien choisis ta pharmacie, il y avait un monde fou là-bas. » William laissa échapper un sourire, heureux de me voir saint et sauf, de pouvoir m’aider. Il me tendit le sac en papier mais recula sa main dès que j’ai tenté de prendre le contenu. « Pas plus de trois gélules par jour, Joseph. » Il me connaissait bien, assez pour savoir que je devenais très rapidement dépendant de ce genre de traitement. J’ai hoché la tête avant de prendre le contenu. « Je suis content de voir que tu vas bien. »

Après quelques secondes d’hésitation, j’ai pu prendre le sac en papier pour en regarder le contenu. Il y avait de quoi tenir quelques mois si je respectais les doses. Le démon qui vivait avec moi possédait une force surhumaine qui ne pouvait pas vivre dans un corps humain si fragile. Les bleus sont fréquents et les douleurs qui vont avec. Je ne compte même pas les migraines que peuvent me procurer mes dons.
J’ai remercié mon parrain, en signant avant de ranger le contenu dans mon sac à dos. Il était un ami de la famille, le témoin de mariage de mes parents et probablement le seul ami de mon père. Il connaissait une partie de mes mésaventures et était parfaitement au courant que quelqu’un m’avait tendu la main. Papa le détestait mais il me protégeait et il était le seul capable de gérer le démon qui m’habitait. Lorsque je croisais le regard du vieil homme, je savais qu’il avait le cul entre deux chaises. Il n’était pas réellement rassuré de me savoir trop proche de la magie occulte mais il n’avait pas de meilleures solutions à me proposer. Toutefois, il se permit de me poser une dernière question avant que nous nous séparions.

« Est-ce que ça va ? » un sous-entendu pour me demander si tout allait bien, si la personne qui m’avait recueilli ne cherchait pas à m’influencer, à me manipuler. « Tu n’as qu’un mot à dire. »

« Je vais bien. » signais-je juste après avoir laisser échapper un long sourire. « Je sais que vous ne lui faites pas confiance, toi et Papa. Je ne vous demande pas de lui accorder votre confiance. » J’ai légèrement détourné le regard. « Promets-moi que tu garderas Papa loin de nous, pour le bien de tout le monde. »

« Je ferais de mon mieux, Joseph. » Il se leva du banc. Pour des raisons de sécurité, il valait mieux mettre rapidement un terme à cet échange. J’étais resté à découvert, à la vue de tout le monde bien trop longtemps. « Mais tu connais ton père mieux que quiconque. »

Ouais, je le connais et c’est pour cela que je comptais sur lui pour tenter de le dissuader, de faire taire cette soif de vengeance avant que d’autres vies ne soient détruites. Lorsque j’ai redressé le regard, il s’était déjà fondu dans la masse. Il était temps pour moi de rentrer à la maison. J’ai refermé mon sac à dos après avoir ranger mon carnet de croquis que j’avais gardé sur mes genoux pendant toute la durée de la conversation. En attendant son retour, je m’étais permis quelques croquis pour patienter et essayer de focaliser mon attention ailleurs que sur les gens qui m’entourent et m’épient.
J’ai refermé la fermeture éclair de mon sac à dos avant de me redresser. Ma main s’est glissée sur mon téléphone pour envoyer un simple message. Un peu plus loin, je savais que la maison me récupérera et que je pourrais rentrer sereinement dans le refuge qui me protégeait des autorités. Malheureusement, malgré tout cela, je ne pouvais pas supprimer cette sensation permanente d’être épié.

_____J’étais resté probablement une petite heure à me promener sur le parc, à profiter des paysages et du beau temps. Si je tenais vraiment à ces petites sorties hebdomadaires, je me devais de les écourter. Au début, c’est un crève-cœur mais au bout de plusieurs mois, c’est tristement devenu un quotidien de vie. Les seuls changements qui sont arrivés au cours de mon retour à la vie, se sont bien les personnes qui me poursuivaient. D’abord mes propres démons, ensuite les quelques criminels qui convoitaient mes pouvoirs et pour finir, mon propre pays. Je crois que je ne pouvais pas descendre plus bas, non ?
J’ai porté mon sac sur mon dos, une main occupée à pianoter sur l’écran tactile de mon téléphone dernier cri. Cette journée c’était plutôt bien passé, j’avais obtenu ce que j’avais demandé et j’allais tranquillement rentrer dans mon repaire sans attirer davantage l’attention.

Cette voix venant de nulle part m’extirpa de l’écran de mon téléphone. J’ai redressé violemment la tête en pensant voir quelqu’un en face de moi me barrant la route mais rien. Surpris, je me suis arrêté en plein élan, jetant un coup d’œil à chaque horizon, cherchant mon interlocuteur. Le stress commençait à monter, aurais-je parlé trop vite ? J’ai passé de longues secondes à scruter la moindre personne qui aurait pu être suspect mais les quelques passants présents dans mon champ de vision étaient bien trop loin de moi. Après avoir laissé cet écho sans réponse, j’ai activé l’émetteur subvocal de mon téléphone, hésitant sur ma répartie.

« Qui êtes-vous ? » la voix retranscrite par mon téléphone était beaucoup trop réaliste, elle tremblait autant que moi. « Je… je suis allé à la pharmacie. » mentais-je.

J’essayais de jouer les personnes innocente, un simple jeune homme faisant sa promenade quotidienne, un citoyen ordinaire. Si c’est une de tes blagues, elle est clairement de mauvais goût, Amy. Aucun intérêt. Sa voix est froide et il semblait d’humeur boudeur. Rester coincé dans un monde psychique qu’il ne contrôlait pas entièrement avait tendance à le rendre de mauvaise humeur. En tout cas, cette voix ne venait pas de lui, j’aurais presque préféré que ça soit le cas.
Le stress commençait à monter de plus en plus. Est-ce qu’ils m’avaient retrouvé ? J’étais encore à plus cinq cents mètres de la porte qui allait me mener à la Maison des Mystères. Je pouvais prendre mes jambes à mon cou, taper le sprint de ma vie en espérant qu’ils ne me rattraperaient pas. J’ai rapidement compris qui était cette personne, où qu’elle soit. Malheureusement, tant que je ne savais pas où elle se trouvait, je ne pouvais pas prendre ce risque. J’avais peur, peur de ce qu’ils allaient me faire, peur de revivre ce que j’avais vécu eu Europe. Doucement, j’ai commencé à perdre mon calme.

« Je ne veux faire de mal à personne, je vous assure. » affirmais-je, les poings serrés. « Je ne suis pas là pour vous causez du tort, vous ne me croiserez plus. » j’aurais pu supplier, menacer, mais j’avais beaucoup de mal à trouver les mots. « Je n’ai jamais voulu faire tout ça alors, s’il vous plaît, laisser moi partir. Je n’ai fait de mal à personne jusqu’ici et j’aimerais que cela continue et vous aussi, n’est-ce pas ? »

_____Pris la main dans le sac en plein mensonge, j’ai laissé échappé une grimace gêné, comme un enfant attrapé en flagrant délit. Oui, ce n’était pas moi qui m’étais rendu dans la pharmacie mais c’était tout comme, non ? Peu importe, je n’avais rien fait de mal, j’ai payé mes médicaments et j’étais partie pour revenir à la maison. Pourquoi m’arrêter maintenant ? Qui était cette voix ? Était-elle réellement seule ? Mécaniquement, mes yeux ont continué à se balancer de gauche à droite. Derrière les statues, dans les haies, installé sur un banc, ils pouvaient être partout.

Malgré le casier judiciaire que je devais avoir sur le dos, cette petite voix n’avait jamais haussé d’un ton. Je sais que je ne devais pas baisser ma garde, que je ne devais pas lui accorder cette confiance aveugle. Je suis toujours un ennemi public, pour avoir collaborer avec les mauvaises personnes. Je sais que mes actes ne sont pas pardonnables, même si je n’ai pas réellement de souvenirs concernant mes actes. Il suffisait que je daigne jeter un coup d’œil sur les atrocités du régime de Degaton pour avoir une idée de ce que l’on avait bien plus me pousser à accomplir. Non, je n’avais pas réellement eu le courage de lire les articles qui me concernaient. J’aurais beau tout faire pour essayer de me défendre, la vérité était trop compliquée à comprendre.

« Ce n’était pas moi. » Lorsqu’elle a orienté le sujet sur la réellement raison de sa venue ici, j’ai immédiatement répliqué, sans réfléchir. Je sais qu’il est difficile de me croire, mais je le répéterai encore et encore. « Qui êtes-vous ? Je ne vous vois pas, je n’aime pas ça. » J’ai légèrement baissé les yeux, comment lui faire comprendre ça ? « Je ne suis pas avec eux… »

Elle me posait un ultimatum, celle de me rendre sans faire d’histoire, calmement, me promettant qu’on me traitera bien. Est-ce que j’ai envie de la croire ? Oui, mais je savais que cela n’allait pas se passer comme ça, malgré toute la bonne volonté qu’elle aura mise pour que cela arrive. J’ai probablement détruit des vies, brisé la santé mentale de tellement de gens qu’on pourrait facilement me qualifier comme étant une personne dénuer d’humanité, un manipulateur abusant de ses pouvoirs. Je sais ce qu’ils sont capables de faire à des hommes coupables de trahison et de crime contre l’humanité.
D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que j’ai des problèmes avec les autorités. Lorsque j’ai perdu complètement le contrôle pour la première fois, Amy a semé la zizanie à San Francisco et ce n’est pas passé inaperçu. Pour ne pas finir entre quatre murs après ce désastre, on m’avait posé un lourd traitement médical. Je risquais gros si je ne me pliais pas à leurs exigences. Maintenant, on en est là et j’ai la sensation d’être prit au piège et d’être incompris.

« Tu ne comprends pas… Ils ne me laisseront pas tranquille, pas après tout ce que j’ai fait, tous les cerveaux que j’ai retournés… » La voix synthétique de mon téléphone semblait avoir un peu de mal à traduire, mes émotions semblait perturbé l’intelligence artificielle. « Je ne veux pas me battre, je me bats constamment, contre vous, contre eux, contre moi-même. » J’ai reculé de quelques pas, je ne pouvais pas cacher la peur qui commençait à me submerger, par peur que le mal qu’on m’a fait se reproduise. « Même si je vous expliquais, à vous et à vos collègues, ce qu’il s’est réellement passé, vous ne me pourrez pas me croire. »

Je pourrais lui expliquer que je partage mon âme avec un démon, que je ne suis pas atteint de schizophrénie comme beaucoup le pense, que ma place n’est ni dans un asile, ni dans un laboratoire. Aucun d’eux ne pourraient m’aider. Je pourrais lui dire que c’est cette créature démoniaque, sous l’influence d’Arcane, qui avait commis tous ses crimes. Qui pourrais avaler ça ?
Je sais qu’il y a des preuves, quelques parts en Europe, des dossiers décrivant tout ce que j’avais enduré pour que l’on me force à réaliser ces crimes odieux dont je n’avais que quelques brides de souvenirs flou et lointain. J’ignore si mon amnésie est une bonne chose ou non mais elle est toujours là.

« Je trouverais les preuves. Je… je prouverais que je n’ai pas commis volontairement tout cela. Je veux juste… qu’on arrête… Je… Je ne veux pas vous suivre. Vous ne comprenez pas… Il y a quelque chose d’horrible qui vit en moi. Je la contrôle à peine et si je la laisse prendre le dessus, il y aura de nouvelles victimes. Ni vous, ni moi ne voulons que cela arrive. Alors… Laissez-moi. Je prouverais mon innocence tôt ou tard. En attendant… je vous le redemande une dernière fois, laissez-moi partir. »

Mes mains se serrèrent, mes pupilles deviennent encore plus colorés que d’habitude. Même si cela risquait d’aggraver ma situation, j’étais prêt à me défendre. Il ne restait qu’une quelques centaines de mètres avant d’atteindre la porte de la maison. Il suffirait d’une petite distraction, d’un sprint et je serais en sécurité, loin de tout ça, si seulement je savais où se cachait cette femme.

_____Pris au piège, j’essayais de dissimuler mon anxiété. Il était hors de question que je finisse entre les mains des autorités. Je sais qu’on me qualifiera de fou. On me diagnostiquerait mille et une maladie mentale, la schizophrénie étant la plus plausible d’entre-elle. Pour des gens rationnels qui n’ont aucune idée du monde de l’occulte et qui ne veulent pas en entendre parler, il est difficile de leur faire entendre raison. Comment les convaincre ? Me jeter de l’eau bénite à la gueule jusqu’à ce que ma peau brûle ? J’ai déjà fait le test avec John et mon corps n’a jamais été sensible aux reliques.

J’ai fini par connaître la personne qui me recherchait depuis plusieurs semaines. Neutrina, pourquoi ce nom ne m’est pas complètement étrangers ? Mes souvenirs sont toujours aussi vagues et ma nervosité ne me facilitait pas la tâche. Je ne peux pas cacher les affolements de mon cœur, ni les gouttes de sueur qui sont en train d’apparaître au-dessus de mon front. J’essayais déjà de cacher mon souffle rapide et anxieux.
Je cherchais les mots, les bons mots qui me permettraient de m’en tirer sans me battre. C’était l’objectif que je m’étais donné, même s’il semblait bien impossible aux vues des charges qu’on avait contre moi. Je ne désespérais pas. Beaucoup m’avaient tendu la main, certains de mon innocence, pourquoi pas elle ?

« C’est difficile à croire, j’en ai conscience. » mes doigts se nouèrent entres eux, mes yeux fixèrent le sol poussiéreux du parc. « Il y a quelque chose de mauvais qui vit en moi. Ce n’est pas une maladie, c’est la simple vérité. Je n’ai jamais voulu faire tout le mal qu’on m’a obligé à faire. » Mes souvenirs sont vagues, voire impossible à déverrouiller mais je sais, au fond de moi qui m’a fait subir tout ça. « Anton Arcane m’a torturé jusqu’à se libérer cet être qui vit en moi. Il maîtrise la magie et les arts occultes, il n’a eu aucun mal à la manipuler pour arriver à ces fins. » Mon regard semblait mécaniquement se refroidir. « Et c’est moi qui prends tout le mal qu’il m’a forcé à faire. »

Ce ne sont que des mots. Je n’ai pas de preuves concrètes de ce que j’avançais mais je savais, au fond de moi, qu’ils existaient. Mes souvenirs ont pratiquement disparu, j’ai supposé que mon cerveau a tenté de me protéger du mal qu’on m’a fait en effaçant complètement ces mois passés en Europe. Lorsque j’essayais de me remémorer, je n’ai le droit qu’à de douloureuses migraines. Je ne peux que lui demander de me croire sur paroles.

« Si vous ne me croyez pas, je ne vous blâmerai pas mais je ne me laisserai pas convaincre qu’on ne me fera aucun mal après tout ce que j’ai fait. » je laissais échapper un soupir. « Je pourrais aussi vous parler des raisons qui m’ont poussé à réclamer la mort il y a plusieurs années de cela. Les membres de Titans à cette époque peuvent en témoigner. » J’ai commencé à reprendre un peu d’assurance dans mes paroles, j’ai redressé les yeux. « Ces créatures d’outre-tombes convoitent mes pouvoirs. Je suis, à leurs yeux, une porte ouverte au monde des hommes. Tant que je ne remédierais pas à ça, je serais une menace. Je dois être plus fort qu’eux et ce n’est pas en me droguant de neuroleptiques que les choses vont s’arranger, au contraire. Je ne peux pas me rendre. »

J’ai joué carte sur table, en laissant parler mon cœur un peu paniqué. Si je ne peux pas lui faire entendre raison maintenant, il faudra que j’en arrive aux poings et ce n’est pas ce que je suis. Je ne ferais qu’aggraver mon cas en plus de cela. Pour ce qui est des preuves de mon innocence quant à mes actes en Europe, c’est une autre histoire.

« Il y a des dossiers, en Europe. Des dossiers qui prouveront ce que j’ai subis là-bas, les cerveaux qu’on m’a poussé à laver et j’en passe. Je sais qu’ils existent, je trouverai un jour le moyen de les reprendre… mais je n’ai rien de plus que des certitudes, rien de plus. » Un ange passa, je finis par me tourner vers elle, les poings serrés. « Doit-on en venir aux mains ? Car je ne compte pas me rendre sans lutter. »

_____Chaque parole que mon téléphone arrivait à retranscrire mon passé depuis que je suis revenu d’entre les morts, enfin de ce que j’arrivais vainement à me souvenir. Il s’est passé tellement de chose après ma résurrection. Il m’arrivait, de temps en temps, de ne plus comprendre comment j’en étais arrivé là. Je connaissais au moins l’essentiel, tout ce qui me permettait de garder mon histoire cohérente. Je ne veux pas me lancer dans un jeu de dupe, encore moins me dédouaner du mal que j’ai pu inconsciemment provoquer. J’étais au moins soulager de ne pas devoir en venir aux mains.
Je sais que je ne gagnerai pas sa confiance avec des mots, mais je pouvais au moins la faire douter. En tant qu’ancien membre des Titans, j’ai toujours cherché à être meilleur que mon père, moralement parlant. Allais-je réellement tout gâché alors qu’on m’offrait une seconde chance de faire le bien autour de moi ? Ce n’est pas logique.

« Je ne remets pas en cause leurs tentatives de m’aider tout en protégeant en priorité les autres. Si je souffrais réellement d’une pathologie schizophrène, j’aurais continué ce traitement mais ce n’est pas le cas. » Mes intuitions pouvaient être trompeuses, mais mes diverses rencontres avec des personnes issus du monde mystique n’ont fait que confirmer mon hypothèse. « Je ne veux pas reproduire ce scénario. C’est une solution de facilité pour eux, mais ce n’est pas ma solution. »

C’était plutôt hypocrite de ma part de refuser un traitement médical alors que je venais de bourrer mon sac de médicament. Difficile de contenir une puissance physique supérieur à celle d’un humain sans en subir les dommages collatéraux. Même si je suis parvenu à semer le doute chez Neutrina, je sens que nous sommes dans une impasse. Elle ne peut pas me laisser tourner les talons aussi facilement et je ne peux pas la laisser. Ai-je réellement envie d’utiliser mes pouvoirs pour arriver à mes fins ? Pas vraiment, mais avec eux, j’étais certain de pouvoir repartir sans avoir à me servir de ces poings.
Est-ce que j’étais prêt à faire face au contenu de ces dossiers si je les retrouvais ? Pas vraiment. Qui peut dire qu’il est prêt à apprendre toutes les horreurs qu’on a infligé et qu’on nous a infligé ? Je ne savais pas vraiment jusqu’où j’étais prêt à assumer le mal que j’avais fait et à cette heure, c’était encore difficile de l’estimer.

« Je ne sais pas vraiment si je suis prêt à en voir le contenu mais je sais que c’est la seule façon pour moi de justifier le fait que mes actes n’étaient volontaires. J’espère simplement que ma situation évoluera. Elle évoluera peut-être dans le mauvais sens pour moi, je serais peut-être interné je ne sais où mais je suis prêt à prendre le risque. Je pense que me cacher cette partie de ma vie… ne m’aidera pas à aller de l’avant. »

Mais j’ai peur, je ne peux pas le cacher. Même si je suis prêt à en assumer une partie, mon regard s’est légèrement dévié pour imaginer les divers scénarios catastrophiques que cela pourrait engendrer. La situation commençait à attirer le regard curieux des civils, j’ai reculé de quelques pas sans pour autant lui tourner le dos, par principe mais surtout pour me protéger.

« Et tu comprendras, avec tout ça, que je ne peux pas me rendre aux autorités maintenant. Je n’ai vraiment pas envie de me battre contre toi, Neutrina. Alors je vais simplement me retourner, rentrer chez moi et ne plus revenir dans les environs jusqu’à nouvel ordre. Je sais que je te demande beaucoup mais c’est la seule chose que je te demande de m’accorder, une chance. »

Mais quel beau parleur, donnez-lui un Oscar.