Mort d'une souveraine - 2050 [LIBRE]

Il s'agit là de la toute première fois que je pose le pied sur l'île mythique de Themyscira.

Et c'est pour le décès de sa reine bien-aimée.

Un timing d'enfer, comme à mon habitude ! On ne change pas une équipe qui gagne, moi j'vous le dis. Même si, aujourd'hui, ma venue est davantage la conséquence que la cause. La souveraine Hyppolita des Amazones de l'Île du Paradis a été tout bonnement assassinée; un acte atroce, auquel ses héritières ont répliqué par un acte d'amour. En effet, tous ceux qui le souhaitent peuvent venir présenter leurs respects une toute dernière fois. L'on attend également de ces nobles âmes, je suppose, de l'aide. Une aide absolument nécessaire en vue d'élucider le mystère qui plane au-dessus de ce trépas.

Evidemment, je suis de ceux là.

Pas les gens nécessaires, ou les nobles âmes, hein. Pour être tout à fait honnête, je me considère davantage comme un coup de main ambulant, plus qu'un véritable héros. Le genre pratique, bien qu'un brin embarrassant. Ca doit venir des blagues aux pires moments, ça. Au lieu de détendre l'atmosphère, ça fait monter mes interlocuteurs sur leurs grands chevaux. Quoi qu'il en soit, venir n'a pas été une sinécure. Il m'a fallu annuler deux expérimentations d'importance à Ivy Town, entre deux surveillances pointues du Multivers via le macroscope de la Maison des Héros et la garde de mes trois enfants (môman n'est pas toujours dispo). Garde que je dois assurer même ici. Jacob se tient à carreaux, contrairement à mes deux chipies, là. LEAH, JESSICA, LAISSEZ CE TEMPLE GREC, VOUS AVEZ DIX-SEPT ANS MAINTENANT, ET JE ME TUE A VOUS REPETER QU'ON TOUCHE CE QUI NOUS APPARTIENT PAS AVEC LES YEUX, PAS AVEC LES DOIGTS. Faut dire aussi que tout ici donne l'impression de revenir dans le temps. En plus, c'est girl power, de quoi alimenter leurs fantasmes de rébellion anti-papatriarcale pour un bon moment, punaise. Mais je ne pouvais pas faire autrement. Hyppolita a été si importante que ce serait lui manquer de respect que de ne pas venir, même si nous n'avons jamais vraiment eu l'occasion de sympathiser.

En tant que Derek James et que Sideways, je ne pouvais pas m'esquiver, avec ou sans enfant.

Ce sera peut-être un peu dur d'aider ainsi accompagné. Cela dit, les filles et Jacob ont hérité de ma vivacité d'esprit de l'instinct de leur mère. Et, dans ce genre de situations, vaut mieux quatre cerveaux qu'un seul. Précisément trois jeunes cerveaux bien nourris et un vieux tout mou, dans une caboche bien abimée par les années.

Spoiler:

Vous moquez pas hé, j'vous surveille.

C'est pas parce que vous m'avez connu frais comme un gardon à mes 18 ans qu'il faut rire de moi aujourd'hui: le temps passe pour tout le monde: il nous change, il nous modèle, il nous rend meilleur, et pire, et nouveau, et différent à chaque seconde qui passe. Certains s'en sortent mieux que d'autres, il suffit de regarder mon vieux frère Joseph Wilson pour s'en rendre compte (quel BG). D'autres disparaissent, comme la grande dame que ma petite famille est venue honorer aujourd'hui.

Sur le sable d'une plage ayant connu il y a bien des décennies désormais le crash d'un avion militaire, la main de mon fils dans la mienne, mes deux grandes à côté de moi, je commence ce voyage de mémoire dans l'attente qu'on vienne nous chercher. Derrière moi, un rift se referme en grésillant. J'ai averti l'ambassade amazone de Washington de mon arrivée. Manquerait plus qu'on se fasse accueillir à coups de lance dans le derrière, tiens...

Gaboymila, reine des Esquecidas, parle :

" Mes sœurs, des nouvelles préoccupantes nous sont parvenues de nos cousines grecques de Themyscira : la reine Hippolyte est décédée.


Des chuchotements tumultueux parcourent l'assemblée : Qui ? Pourquoi ? Comment ? Que va-t-il advenir des relations entre Themyscira et Akahim ? Que va-t-il advenir des relations entre les Hommes et les Amazones ?

La souveraine chasse les murmures d'un geste calme !

" Nous devons nous rendre sur leurs terres. Nous devons montrer notre solidarité à nos cousines de par-delà l'Océan, comme elles l'ont fait avec nous par le passé.

Les serments échangés doivent être honorés.

Cependant ... "


Son regard, et celui de toutes les Esquecidas, se porta vers la guerrière la plus émérite d'Akahim.

" Yara Flor, tu seras ma représentante à Themyscira. Tu seras là-bas la Reine des Esquecidas. Akahim compte sur toi, qui connaît mieux que quiconque ici les voies des Grecques et des Hommes. Toi qui a suivi les pas de leur Princesse et qui nous représente déjà dans le Monde et dans l'Univers. "



Sur les quais du Paradis Amazone, un navire battant le pavillon au jaguar accoste. Une foule bariolée d'Esquecidas en émerge, couvertes qui de plumes exotiques, qui de peintures tribales, qui d'ornements leur perçant le visage ...

Un assemblage bigarré de lointaines cousines, solennelles, la mine grave, venues présenter leurs derniers hommages à la grande reine des Amazones grecques et à ses sœurs.

Portant sa tenue rouge, or et pétrole maintenant connue, Yara Flor clôt la marche.


Suivie de ses filles jumelles Enayra et Potira, habillées à la mode d'Amazonie pour l'occasion. Toutes deux arrachées à leurs obligations scolaires par une mère peu regardante au protocole. Potira encore perdue dans ses pensées ... ou dans celles des autres ...

Enaira, fidèle à elle-même ; qui avait élevé la voix contre sa mère, devant le proviseur. Contre son "éducation", contre son travail, contre le peu de temps qu'elle passait avec ses enfants, contre son abandon de leur père ...

... contre son comportement à l'égard de Potira, dans tous ces moments où elle nécessitait le plus sa présence.

Le proviseur serait probablement intervenu pour questionner les méthodes de Wonder Woman, alors qu'Enaira se tenait une joue rougie en fusillant sa mère du regard. Oui, il y avait songé, et il l'aurait fait ... si la gifle n'avait pas fait voler en éclat tout le verre du bureau.

Zackary, l'ainé, suivait ses sœurs et même s'il faisait semblant, le cœur n'y était pas : il subissait sa nature de fils d'Amazone depuis sa naissance, et ne paraissait pas pouvoir s'ôter de l'esprit qu'il ne serait jamais véritablement le bienvenu dans ce monde ... n'en déplaise à une mère prompte à corriger celles qui le remettait en question, sans se soucier des conséquences d'un tel comportement.
Et cela, s'ajoutant à la terrible humiliation d'avoir à corriger le doyen de l'Université quand "sa sœur" était venue pour lui annoncer la terrible nouvelle du décès d'Hippolyta.

Une drôle de famille, assurément, qui pouvait compter sur le ciment d'un Jerry vieillissant qui faisait tout son possible pour remonter le moral des enfants.

Wonder Woman, elle, portait déjà le regard vers l'avant : vers les funérailles, vers l'enquête, et vers l'avenir des nations amazones, après cette perte inestimable.

Trevor, c'est le militaire qui a du coeur. Il ne s'est pas battu toute sa vie pour un pays, pour de sombres agendas ou la folie de mégalomaniaques assoiffés de conquête. De nobles valeurs chevillées au cœur, son arme a servi à défendre la vie, la vérité, la liberté et l'amour, inspiré par l'exemple d'une certaine personne pour qui il en pince encore. La figure du bon gars, quoi. Le bon gars qui mérite une sacrée accolade lorsqu'on se retrouve face à face, surtout en une période aussi maussade.

Une fois l'étreinte DE BONHOMME (faudra que je me calme avec les revisionnages des films de Schwarzy et Stallone moi) finie, je regarde les hautes fumées s'élevant du cœur de l'île, annonciatrices de bien des pleurs, de bien des chagrins.

- Allons-y, oui.

Jacob me regarde dans les yeux, et je hoche doucement la tête. Il va alors glisser sa petite main toute chaude dans celle de Steve, pour l'aider, pour le réconforter, pour que la marche jusqu'à la veillée funèbre ne soit pas trop dure. C'est ça mon fiston: une boule d'amour qui ne supporte pas les larmes d'autrui. Il pourrait même aller faire un câlin à Darkseid si ce dernier venait à verser une omega-larme. Et non, n'insistez pas, hors de question de tenter l'expérience ! C'est mon p'tiot qu'a même pas treize ans, et le souverain d'Apokolips mange ce genre de gosse pour le petit déjeuner ! J'vous surveille, capische ?

Même si, avec l'effervescence constante des jumelles ravies de poser le pied sur cette terre par essence féminine, ma capacité d'observation s'en trouve grandement impactée. C'est de la faute de leur maman, ça, à leur faire croire que le tour des femmes de dominer le monde est venu. Mais pourquoi plus personne à part moi ne prêche décemment l'égalité dans cette famille ?!

Notre petite troupe ne prend guère plus de temps à rejoindre la foule venue rendre hommage, juste celui qu'il faut pour décoller Leah et Jessica des colonnades éclatantes et des grandes statues exaltant le corps et l'esprit. Vous voyez, je ne mettrais pas ma main à couper que ces dames de marbre nous ont quitté, compte tenu de la longévité dont peuvent faire preuve les protégées d'Héra.

Au milieu d'une place, sûrement fort charmante lorsqu'elle ne sert pas à ce genre de cérémonie, trône le corps immobile d'Hyppolita, légendaire souveraine des Amazones. Bordée de fleurs, vêtue d'or, d'albâtre et d'onyx, elle rayonne, même privée de vie. Autour d'elle, bien sûr, ses proches lui rendent un dernier hommage rendu amer par les circonstances de son décès. Je reconnais plus ou moins chacune des personnes ici, parce que je suis un geek des wikias, mais aussi et surtout grâce à mon intervention auprès de ces formidables guerrières lors de la Révolte des Titans de 2038. Ou bien était-ce 2039 ? Dur dur de se souvenir, au bout d'un moment.

Ce que je n'oublie pas, en revanche, c'est la grande hache de guerre Mistress d'Artemis ! Lorsqu'elle a cru que j'étais l'éminence grise derrière l'insurrection divine, elle a failli fabriquer deux demi-Derek d'un coup d'un seul. Pas le genre de fin dont on rêve. Mais Diana, Donna et Cassandra se sont largement chargées de réhabiliter les enfants de Themyscira dans mon petit cœur. Et v'là t'y pas Yara, tiens ! Je me retiens très fort de lui faire un grand coucou de l'autre côté de la place, mais Jacob et les filles s'en chargent pour moi. Merci les enfants, merci beaucoup, vous faites la fierté de votre papa ! Je salue également ce bon vieux Hal Jordan d'un sobre signe de tête (il nous enterrera tous), ainsi que les deux filles des étoiles venues, elles aussi, saluer la défunte.

- Une petite minute de silence, d'accord ?

Mon air grave suffit à calmer les ardeurs des petits James... du moins, c'est ce que je croyais, jusqu'à... ce que je remarque la disparition de Jacob. Un peu paniqué, mais pas trop (on est au milieu de gens de bien, quand même), je le cherche fébrilement du regard... pour le voir réapparaître derrière Wonder Woman. Discret le mioche, ma parole !

Après la main de Steve, c'est celle de Diana qu'il saisit.

Faudrait pas que ça devienne une habitude non plus ! T'as déjà un papa et une maman, gamin, et tu pourras pas en changer, hé ! Gêné, mais conscient de l'opportunité qu'un tel rapprochement peut offrir (Sideways ramène ses 53 ans sur Themyscira par respect mais aussi pour filer un coup de main pour l'enquête), je me faufile aussi discrètement que possible jusqu'à la Princesse des Amazones et mon fils, prêt à saisir une occasion de lui parler de ce drame.

Jacob James est allé vers Diana Prince pour lui prendre la main et celle ci baisse doucement les yeux vers lui pour lui sourire. Le cœur en peine celle qui n’était plus Wonder Woman se faisait plus rare parmi les super héros et pour cause: Diana est désormais une déesse. Il y a quelques années de cela une guerre opposa anciens et nouveaux dieux, une de plus. Ce conflit ne s’est pas arrêté avec la victoire totale d’un camp sur l’autre mais l’Olympe était et de loin plus affaiblie qu’Apokolips lorsque l’armistice fut signée. Des dieux sont morts et parmi eux Arès et Athéna.

“Bonjour Jacob.”


Diana est désormais la remplaçante de cette dernière, la nouvelle déesse de la sagesse et de la stratégie militaire. Son passage sur Themyscira n’est que temporaire les amazones le savent et profitent du temps imparti pour l’honorer.


“Tu veux voir où j’ai grandie?”

S’écartant de ceux qui se sont rassemblé elle pénétre dans le hall d’entrée où jadis demeurait sa mère et une chouette qui jusque là avait veillée discrétement sur l’enterrement depuis un arbre s’envole pour entrer par la fenêtre et se poser sur le rebord d’une fenêtre.


“ Salue mon ami Nyctimène”

La chouette écarta ses ailes en baissant la tête, faisant une révérence à Jacob. Diana entendi Derek James qui venait à leur rencontre et se tourna vers lui.


“Merci d’être venu Sideways. Mère doit apprécier de là où elle est.”

Bien qu’elle souri ses yeux sont triste car la douleur est présente. Diana sait sans doute des choses, des choses qui font mal. Mais ces choses ne veulent pas sortir.


HJ:

Spoiler:

C'est le cœur moins lourd que Jacob accompagne notre Déesse de la sagesse vers ses quartiers personnels, là où pendant si longtemps aucun homme n'a jamais mis les pieds. Comment je le sais ? Concernant mon fils, parce que je sais que quand il se met à trotter comme ça, c'est qu'il est plein d'un enthousiasme communicatif ! Pour le hall de l'ancienne Wonder Woman ? Parce qu'elle me l'a dit il y a bien des années, tout simplement. C'est donc extrêmement honoré que mes pieds avec les mauvais chromosomes foulent le sol de marbre, jusqu'à atteindre mon bout de chou et la fille d'Hippolyta.

Face à elle, je baisse la tête avec humilité, toute celle dont je peux faire preuve. Puis, les yeux encore un peu humides, j'attends d'entendre sa voix pour me redresser.

- Toutes mes condoléances Diana. C'est un moment si difficile pour tout le monde qu'on en viendrait presque à oublier que ça doit être encore pire pour toi.

Moi pas.
Tout le monde perd ses parents un jour ou l'autre.
C'est le cycle naturel de la vie. Mais certaines personnes se les voient arrachés de force avant leur heure finale. Ca a été le cas pour ma mère, puis pour mon père. Et maintenant, cette amie si chère vit la même chose, et peu importe qu'elle ait pu en profiter plus ou moins, ou même qu'elle soit un être presque omnipotent. Quand on perd sa famille, quand on nous l'enlève, c'est dur. C'est toujours dur.

- Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu sais où est la maison, hein.

Ce qui me fait penser qu'il faudrait racheter des filtres à café. Et de la farine pour faire des cookies.
Au moins de quoi sustenter Tim ou J'onn si jamais ils venaient à passer faire coucou.
Donc un placard entier de chaque à prévoir, quoi. Ah la la.

- Et oui, je sais, elle a déjà bougé à cause de mes pouvoirs, mais le problème est réglé maintenant ! Les fondations sont multiverse-proof, hé hé !

Quelle histoire, ça encore !
Si seulement vous aviez été là pour la lire, vous en seriez tombé sur le postérieur. De rire. De larmes. De joie. De peur. D'émotions. De plein de trucs ! Mais je n'en dis pas plus, peut-être que vous tomberez un jour sur le bon numéro, qui sait ?

Mais là n'est pas l'important pour le moment. Nous avons un assassinat sur les bras, donc focus mon vieux. Ton cerveau en gruyère de bon vieux quinqua n'est pas une excuse pour t'éparpiller comme ça. Va falloir être méthodique et efficace. Et donc cesser de gagater sur ton merveilleux enfant. Allez, éloigne le, occupe le, pendant que les adultes travaillent à rendre le monde meilleur.

- Hé Jacob ? Demande donc à Nyctimène de faire des loopings, tu adorais ça quand tu étais bébé.

Un souffle du nez accueille ma remarque.

- Roh papa, j'ai quand même douze ans !

Ce qui ne l'empêche pas de finir par concentrer toute son attention sur la splendide chouette.
Comme quoi, les vieux tours restent les meilleurs. Un animal, ça éblouit toujours l'esprit de ceux qui savent ouvrir les yeux comme il faut.

Maintenant un peu en retrait, l'espoir chevillé au cœur que Jessica et Leah se tiennent à carreaux parmi les Amazones, je viens poser une main chaleureuse sur l'épaule de Diana, en signe de soutien total.

- Tu as envie de parler ?

L'heure est grave.
Encore plus grave que ce que je pensais.
La mort d'Hippolyta n'est en réalité que la face émergée d'un plus gros iceberg que je ne fais qu'effleurer depuis que je suis ici. Des choses qui me dépassent semblent être en jeu, au royaume des femmes les plus opiniâtres que la planète ait jamais connu. Je m'en doutais un peu, mais que l'affaire suinte tant que ma vieille amie peine à en parler sans prendre de multiples précautions... là j'ai peur. Là je m'inquiète. Là je regrette d'avoir amené Jacob, Leah et Jessica sur cette île. Déjà que je n'aurais sans doute pas dû, avec le meurtrier encore en liberté...

- Diana. Qu'est-ce qui te fait aussi peur ? Qu'est-ce qui effraie Wonder Woman, la Déesse de la Sagesse ?

Du coin de l'oeil, je vérifie que le fiston joue encore avec Nyctimène la chouette, attribut de pouvoir de l'héritière d'Athéna. Ouf. Si complot il y a, il n'a pas encore atteint cet endroit, ou corrompu assez de gens pour m'arracher mon plus jeune enfant. L'inquiétude perdure toutefois; si mes filles sont bien mes filles, elles sont parties se promener entre les colonnades à la recherche de sensations fortes...

- Tu peux tout me dire, hé. Même si c'est toi qui a tué ta mère, même si c'est Yara, même si c'est l'impensable, le pire, on trouvera une solution. Je te le promets. Tu n'es pas seule, ok ma grande ?

"Ok ma grande" ? "OK MA GRANDE" ? Tu sors ça du haut de tes cinquante ans à un être vieux d'au moins deux mille ans ? Plus de deux mille ans, même ! T'as rien trouvé de mieux, mon vieux ? Heureusement qu'à aucun moment ça n'a été prononcé avec un ton paternaliste, ou pire, des intentions patriarcales ! Sur Themyscira, ce serait l'affront le plus terrible à faire à une Amazone. Surtout à THE Amazone. Y a pas plus haut de gamme niveau amazonerie que Diana Prince, c'est une certitude.

Que tu aies vingt-cinq ou cinquante, certaines choses ne changent pas mon bon vieux Derek. Comme le fait de faire des bourdes abyssales de ce genre. Les quiproquos, c'est dans ta nature, comme le chaos qui en naît. A croire que c'est ça mon super-pouvoir, et pas les rifts... m'enfin. Avec calme et beaucoup d'assurance tant dans le regard que dans la voix, je resserre ma prise sur la main de mon amie.

- Ah non, non non non non ! Non Diana. Je ne crois pas en ta culpabilité. Tu n'aurais jamais fait ça. Je le sais jusqu'au fond de mon cœur. Je veux juste te dire que tu peux te libérer de ce qui pèse sur le tien.

Et elle le fait.
Elle me parle des dieux. De leurs plans.
De la guerre contre Apokolips il y a maintenant des années de cela.
De l'ascension de Grail, la fille de Darkseid et d'une Amazone, au rang de Dieu de la Guerre.
Les conséquences de ces événements nous touchent encore aujourd'hui, et elles sont terribles. Quoiqu'on en dise, Arès s'était adouci, s'était amolli. Un bien pour nous, pauvres mortels. Un mal pour lui, qui n'a pas su résister à la puissance d'une impitoyable néo déesse. Depuis, les conflits gagnent en intensité chaque année; la rage a regagné le cœur des hommes, comme un tourbillon que rien ne peut arrêter.

Rien, sauf la force de conviction des Amazones et de leur reine, défenseuses de la paix, protectrice de la Terre, championnes que nous ne méritons plus depuis longtemps. Même si, promis, je cache pas de sous dans des comptes off-shore et je tends l'autre joue quand on me gifle.

Mais pas là.

Pas cette fois.

Car une idée vient de germer.

- ...

Une idée qui demande mon silence, et quelques instants de réflexion. Ma main lâche celle de la déesse, alors que je m'éloigne de quelques pas. Un tour sur moi. Deux. Trois. Quatre. Mon menton enserré par ma paume, mes doigts tapotant sur ma joue.

Et boum, je me lance, dans un éclair si soudain qu'il m'étonne moi-même !

- Allons la chercher.

Sans doute faut-il que je m'explique davantage. Mes yeux brillent d'une lueur semblable à celle de l'acier poli, à la fois vive et tranchante. C'est tout cet air amazone qui me donne des envies de péplums et de nouveaux mythes à même de nourrir l'imaginaire des gens de demain !

- Mon amie, ma chère, ô déesse de la sagesse, abandonne les fripes de ces hypocrites et soyons fous: allons chercher ta mère au royaume d'Hadès, et ramenons la, tels des Orphée modernes mais en mieux.

Une main tendue, vers un lieu que j'espérais ne jamais avoir à visiter.
Moi, Derek James, Sideways, ai visité tant et tant d'endroits, mais jamais celui là.
Il y a une première fois à tout. Et c'est sans retenue que j'accepte les risques, pour Diana Prince.

Un mascara détrempé de larmes dégoulinait comme un torrent de larmes nécrosées sur des joues encore roses de plaisir quelques minutes auparavant. Le rouge à lèvres sanguin bon marché se craquelait alors que le bâillon de fortune composé d'une cravate synthétique violacée tirait les traits si délicats de la quadragénaire. La morve luisante achevait ce portrait de confiance brisée sur fond de terreur, ajoutant des reflets répugnants à ce tableau pathétique. La gorge serrée, à peine revivifiée par quelques reniflements incontrôlés, la victime observait à travers un brouillard d'angoisse la silhouette de son bourreau.

L'individu en question ne paraissait pas plus de quarante ou quarante-cinq ans, comme sa victime. En réalité il avait déjà vécu l'équivalent de quatre-vingt longues années. L'âge n'avait seulement pas pu l'affecter aussi visiblement que d'autre. L'enfer puis le purgatoire et enfin une course sans fin d'un royaume magique à l'autre pour éviter les traques, les ennemis et les nombreuses forces qui avaient mises sa tête à prix avaient suspendu les stigmates du temps.

Sa victime du jour, ou plutôt de la nuit, était attachée fermement à une chaise de bureau. La sienne, celle où elle avait travaillé des heures, des jours, des semaines, des mois, des années, celle où elle s'était usée pour offrir un avenir à des milliers de jeunes filles. Directrice depuis vingt-cinq ans d'un orphelinat... cela en faisait des dossiers traités...

Le si séduisant bourreau venait tout juste de sortir d'une vieille sacoche en cuir usé un hachoir de boucher. Le reflet de ses traits sur la surface si propre révéla un profil qui n'avait plus rien d'humain. Les Royaumes Magiques pouvaient laisser ce genre de traces. Mais le monde féérique notamment, s'entendait très mal avec le fer ou l'acier. Les flétrissures d'une vie de violence, de haine, de trahison et de meurtre ne pouvaient se jouer de tout, et les illusions de Nick Nécro ne pouvaient tout à fait suspendre la dure réalité des règles de la magie.

Il avait approché stratégiquement cette femme seule. Si seule, désespérément seule à la tête de son orphelinat de jeunes filles abandonnées ou dont les parents avaient succombé aux guerres, invasions et assassinats multiples. Elle s'était perdue dans cette institution en laquelle elle croyait fermement. Elle gardait précieusement les noms de celles qu'elle avait aidées, s'entendait à merveille avec ses pensionnaires et conservait une équipe triée sur le volet. Elle avait une âme hyaline semblable à un linceul, noble, aimable, serviable. Son abnégation allait jusqu'à sa mère et son père dont elle avait supporté la maladie jusqu'à leur dernier souffle. Une sainte.

ça ne faisait que rajouter au plaisir.

Son défaut majeur fut sa perte. Elle avait trop confiante en l'avenir, trop confiante en son prochain.

Beaucoup. Trop.

Nick l'avait sincèrement apprécié tout le temps qu'avait duré son petit jeu. D'abord la rencontre, simple, une soirée au cinéma. Puis une vaine plaisanterie, suivie d'une autre. Premiers rires. Premiers échanges de regards. Il avait vu en elle le gouffre de solitude, l'antre de perdition qui serait la sienne. Elle, elle n'avait probablement rien vu d'autre qu'un charmeur un peu bêta. Un numéro échangé. Un appel, puis un message, de petites attentions, de petites pensées. Puis un café. Un thé. Une collation. Une promenade. La machine était lancée. Il était charmeur, elle voulait être charmée. Les premiers ravages de l'âge la frappait. Une peau qui se marquait, un corps qui vivait le déclin, une vie au service des autres qui découvrait fort tardivement l'étendu de son isolement. Cinéma, théâtre, restaurant.

Il avait du en tuer des hommes et des femmes pour avoir les moyens de cette ambition. Et autant de porte-feuilles volés grâce à ses dons de pickpocket, que d'arnaque, de vol à l'étalage...

Mais c'était un placement qui en valait la peine. Et la savoir si ignorante du mal qui couvrait chacun de ses plaisirs renait le jeu piquant d'ironie.

Elle avait ainsi bu du champagne dans un cadre doré sans se douter du sang et des malversations de son hôte, elle avait rit au théâtre sans imaginer les cris qui avaient précédé la pièce pas plus qu'elle n'avait vu le mal à accepter un SPA tout frais payé grâce à la vaporisation de quelques innocents. Mais lui si. Son demi-sourire, "si séduisant" cachait à sa manière le raffinement sadique de cet homme qui plongeait lentement mais sûrement cette "sainte" dans un enfer très personnel. Il la voyait si insouciante dans un univers plus noir qu'elle ne pouvait l'imaginer.

Elle s'était enfin offerte à lui. Ce n'était absolument pas nécessaire mais Nick savait joindre l'utile à l'agréable et déflorer une femme de cet âge relevait presque de l'anecdote cocasse pour une soirée d'hiver. Il n'avait d'ailleurs jamais su ce qui l'avait le plus excité. Elle, son corps légèrement vieillissant, ou de savoir que son acolyte dans l'ombre les observait depuis la rue... La directrice nourrissait de profonds sentiments à son égard. Et c'était là le principal. Pour la première fois elle avait trouvé une oreille attentive à son quotidien, à son travail, à son institution, elle l'avait même fait entrer, plusieurs fois, pour qu'ils discutent dans son bureau de longues heures.

Ici même où elle était maintenant entravée.

Nécro y avait été sans douceur. Elle était pourtant belle dans sa robe de soirée, l'âge lui donnant des airs de femmes faite, le bonheur ayant un temps réhaussé cette beauté que les légères imperfections naturelles rendaient unique. Le sorcier avait eu un scrupule d'une demi-seconde lorsqu'il avait vu l'échancrure de la robe, lorsqu'il avait deviné les efforts en maquillage, en lingerie et en parfum dont elle s'était fendue. Mais lui avait dû mettre une foutue cravate et sa tenue de pingouin ne l'amusait guère. En moins de temps qu'il ne lui en avait fallu pour poser les billets d'opéra sur le bureau, elle s'était retrouvée avec son bâillon avant d'être assommée sans douceur contre un mur proche.

Une fois réveillée, elle avait sursauté et les larmes avaient commencé. Tout était si silencieux, à peine le frottement d'outils qui sortaient régulièrement de cette sacoche.

Nick n'avait rien dit jusqu'à présent mais aux premiers sanglots, sa tête s'était tournée vers elle. La lumière artificielle jouait avec les traits saillants de son faciès étrangement cadavérique. Ses yeux oscillaient entre le noir profond et le brun si délicieux qu'elle leur avait connu.

- J'te rassurerai bien... fit-il en s'approchant d'elle.

Il paraissait démesurément grand, vu par les yeux dilatés d'effroi. Elle sursauta lorsqu'une de ses mains vint caresser sa cuisse découverte.

- ... mais... c'est pas trop mon genre, lâcha-t-il sur le ton de la conversation.


On se les pelait sur ce cailloux perdu au milieu de la mer méditerranée. Alors oui, y'avait de quoi ravir les yeux d'un naturaliste ou d'un historien, mais c'était venteux, y'avait pas d'immeuble pour vous protéger et encore moins de bar. Au mieux vous aviez là une caillasse pour faire office de banc, là un foutu pin pour servir de paravent et encore fallait aimer avoir des bestioles qui tombaient régulièrement dans vos cheveux ou sur votre blaze.

Et pire que tout, impossible de fumer. Primo on pouvait pas allumer une allumette ou un briquet et deuxio avec la tribu de femelles chargée de chasser les intrus, il valait mieux être prudent.

Nick marcha ainsi sur une pierre et manqua de glisser. Putain, et en plus cette île pas plus grande qu'un quartier de manahattan pouvait pas être droite, des sentiers qui montent et qui descendent et qui montent et qui descendent à n'en plus finir.

Il était définitivement un citadin. L'odeur même du macadam lui manquait. L'air iodé sans relent de mazout ou de pisse c'était pas pour lui. Bon sang, la trille d'un piaf de merde ne valait pas un bon klaxon ou un coup d'accélérateur de moto. Ça s'était du bruit d'ambiance, là il avait juste l'impression d'être dans une boutique New Age foireuse... Non pas qu'il soit contre voir quelques locales se mettre nues pour danser...

Il regarda sa montre. Il allait encore devoir attendre. Déjà que venir en barque pour "plus de discrétion" l'avait fait royalement jurer, mais en plus venir une ou deux journées en avance, ç'avait de quoi le mettre en rage. Bordel, heureusement que le coup en valait la peine, camper dans une grotte à bouffer du poisson cru pêché le jour même par une espèce de guerrière pas même foutue de lui offrir un café ça relevait du crime. Il pouvait même pas le faire cuire par magie au risque d'attirer une virago et allumer un feu c'était mort.

Dans ce genre de cas, rien ne valait les souvenirs. Posé derrière une roche qui lui offrait un abri et une vue sur la ville des amazones, il sortit une gemme rouge brillante...


Cette même gemme, alors encore blanche, qu'il avait accroché au cou de sa si docile victime.

Il avait tapoté sur cette dernière avant de glisser une main dans les cheveux de la directrice.

- Tu sais ma belle. Toi et moi, on va défier les dieux.

Elle pleura de plus belle, ignorant s'il était totalement fou ou, au contraire, affreusement sérieux. Elle tenta d'articuler un "pitié" mais il ne la laissa pas finir.

- Chut, chut, chut. Là tu te fais du mal. C'est fini. La fin. Finito. La destination finale. Après moi le néant et toute ces conneries. Mais pleure pas, à la fin, toi... toi t'iras là haut !

Et il pointa un index moqueur vers le plafond.

- Mais avant... bah ma p'tit chérie, tu vas salement morfler...

Ses chaussures crissèrent alors qu'il se retourna pour retrouver le bureau où il avait étalé tout son matériel. Il prit une craie et dessina des symboles incompréhensibles sur le sol.

- Tu sais, j'ai bossé avec plein de sorciers, magiciens, nécromants, même des démons et des anges, déclara-t-il plus pour lui que pour elle, la plupart du temps ils luttaient pour trouver des artefacts, des ingrédients, des accessoires et tout le bordel. Mais le plus dur, à ce qu'ils disaient, c'était de trouver des vierges dans le monde moderne. C'te bonne blague ! Alors ouais, trouver une blonde 95D avec des formes à damner satan qui c'est jamais fait prendre bah... ouais, c'est compliqué...

Ses genoux craquèrent alors qu'il se relevait.

- Parce que les démons, les enfers, tout ça, ils aiment les femmes qui n'ont jamais consommé, leur âme est plus... malléable, plus délicate, leur esprit plus aisément corruptible... Et pour racheter l'âme d'une reine... t'imagine pas le taux de change...

Il prit une longue tige de bronze au bout de laquelle était sertie un rubis.

- Hadès est du genre coriace, mais c'est un bon businessman, il sait reconnaître un bon deal, même si je crois qu'il a pas compris ce qui allait lui arriver après... Alors quand on lui propose 79 âme de vierges... il a aucun scrupule à dire "ok".

Le chiffre glaça le sang de la directrice. 79. Le même nombre que ses pensionnaires. Nick eut un sourire affreux et agita un index amusé en la pointant de sa tige.

- J'en connais une qui vient de piger. Ouais, 79 petites têtes blondes, aussi fraîches que le premier jour. Zou, direct dans ton collier avant un voyage tout frais payé vers le Tartare. Elles auront même pas à payer le Charron, c'est pas beau ça ?

Il lui infligea un coup de main sur l'épaule comme si elle partageait son sens de l'humour.

- Enfin... comme j'te disais, ça pas être une partie de plaisir, parce que pour qu'elles finissent là-dedans, expliqua-t-il en faisant tinter le bronze contre la gemme blanche, va falloir les arracher à leur corps et les canaliser là. Et faut un verrou, une âme bonus en somme... et c'est là que t'entres en jeu. Tu vas sentir les 79 âmes te traverser le corps en hurlant d'horreur. Et ensuite tu seras enfermée avec elle jusqu'à ce que j'ouvre. Pas plus de quinze jours... ce qui pour toi te donnera... aller, environ... l'éternité ?

Elle voulut hurler mais personne ne pouvait l'entendre, toutes ses pensionnaires étaient endormies à cette heure-ci. Son équipe médical mangeait, insouciante du drame qui se préparait.

Nick écarta les bras et prononça distinctement une imprécation.

- Estenor' Vallal den ultrim pegrak !

Les talons de sa victime tapaient le sol, ses bras tentaient de se défaire de leurs liens. Vainement. Il arracha son décolleté alors qu'elle hurlait de plus belle. Les doigts du praticien identifièrent les bonnes côtes.

- Là.... Respire ma belle... lui conseilla-t-il amicalement avant de porter la pointe de sa tige contre sa chair.

Elle le supplia puis il enfonça son accessoire directement dans son coeur.

Ce fut, dans tout l'établissement un hurlement unanime et affreux. Les aides soignantes et les assistantes de puéricultures renversèrent leurs repas alors que toutes leurs pensionnaires se tordaient de douleur dans une tempête de cris et de larmes. Certaines courraient inutilement, d'autres s'agitaient dans leur lit, certaines sautèrent dans les escaliers et d'autres par les fenêtres. Ce fut le chaos, une minute durant et Nick, les mains élevées au dessus de sa victime qui hurlait d'être assaillie des tourments des jeunes filles qu'elle avait tenté d'aider, articulait comme un dément les ignobles syllabes de ses imprécations impies. La gemme brillait comme un Soleil naissant, taillant des ombres à même les saillances tranchantes de son visage en contre-plongé.

Puis le silence.


Planquant une paire de jumelles sur son regard blasé, Nécro observait la cérémonie. Que de beau monde vraiment. Des amazones du monde entier, même la fameuse Diana Prince et d'autres costumés de la pire façon, là un espèce de sado-mazo dans une combinaison intégrale, et là... ah, là sa complice...


Sacoche à la main, sourire satisfait au visage, Nick avait quitté l'orphelinat alors que le personnel soignant en pleine panique appelait la police, les pompiers et l'hôpital le plus proche. 79 gamines décédées et une directrice torturée en une nuit de cauchemar.

Dans une ruelle attenante, une voiture. Dans cette voiture, une femme qui attendait au volant.

Paisiblement le sorcier s'installa à la place du mort, tout un symbole.

Il lui tendit deux billets d'opéra.

- Nous ne sommes pas là pour ça, siffla-t-elle entre ses dents à la blancheur surnaturelle.

Sa conductrice était pourtant vêtue pour un dîner de Gala. Certes la robe paraissait souffrir de devoir contenir sa musculature. Sa mâchoire forte, son front volontaire, son profil taillé à même la roche méditerranéenne, sa peau blême camouflée par un sortilège de Nécro et ses cheveux d'ébènes, tout appelait à la crainte, mais Nick se sentait à l'aise; elle puait la mort aussi certainement que lui.

- Détends-toi peau d'albâtre, répondit-il en sortant le collier serti de la pierre désormais rougeoyante.

Il pivota légèrement et attacha l'objet au cou de son accompagnatrice. Elle ressentis alors les âmes torturées qui hurlaient de peine et de tristesse dans le joyau. Ce fut pour elle comme le plus beau cadeau du monde.

Donna Troy, alias Dark Angel, avait quitté son monde d'origine, la Terre-7, suite à une malheureuse rencontre avec des voyageurs transdimensionnels et s'était retrouvée sur cette Terre où une autre version d'elle-même s'était révélée une héroïne. Elle n'avait pu accepter ce fait et elle avait subséquemment décidé de la remplacer. En vain. Elle s'était carrément foirée, bien comme il faut. Elle en vint naturellement à maudire sa vie, son existence et les dieux qui se jouaient d'elle.

Mais seule, errante sur une Terre inhospitalière pour une femme aussi violente et colérique, cruelle et vengeresse, elle se perdit dans les recoins du monde mystique où ses défauts étaient au mieux ignorés. Vomissant sa haine des puissants et de l'Olympe, de ceux qu'elle avait un jour vénéré, elle trouva une oreille attentive et très intéressée chez ce Nécro.

Pour elle un pauvre type, un homme, donc au mieux rien, mais qui savait écouter en fumant ses éternelles cigarettes.

Ce même type qui venait de lui offrir un cadeau monstrueux qu'elle trouvait sublime. Ce type qui puait le tabac, aux dent jaunies, au parfum cendreux des enfers. Ce type infect sous tout rapport qu'elle suivait et aidait malgré tout. Il exerçait sur elle une fascination toujours plus grandissante. Tout le monde l'appelait Nick Nécro et son nom répandait autant de peur que d'admiration. Mais il restait dur à cerner. Tantôt charmant, tantôt froid, tantôt séduisant, tantôt répugnant. Un goujat qui se grimait parfois de gentilhommerie.

Elle se pencha vers lui et lui arracha un baiser.

- Allez, te fais pas prier comme une déesse, j'ai buté deux vieux pour avoir ses billets, on va quand même pas gâcher le plan d'épargne retraite qu'ils ont claqué là-dedans...

Il dormit d'abord dans son siège carmin, elle suivit d'un oeil distrait une langue qu'elle ne comprenait pas. Après l'entracte, devant l'ennui manifeste du spectacle, Nick usa de petits sortilèges innocents pour faire glisser une ballerine, changer le son d'un instrument ou infliger des rhumatisme au maitre d'orchestre. Les deux ricanaient dans leur loge privée comme de sales gosses. C'était inutile et vain, mais ils s'étaient bien amusés.

Cette petite pause leur permis d'être d'attaque pour la deuxième partie de leur projet.

Dark Angel avait les manières lorsqu'elle faisait l'effort, la voix et la stature de la Donna Troy de cette terre et pour avoir accès à leur cible, ils allaient devoir s'infiltrer. Remplacer la vraie Donna Troy était parfaitement indiquée. La traque ne fut pas longue, elle ne l'était jamais pour attirer des justiciers. Une victime ou deux dans le pré carré de Wonder Girl, une piste fraîche comme la rosée, rendu légèrement compliquée pour la forme et pour mieux cacher les intentions.

Il fallait faire les choses proprement, avait-il dit à sa partenaire. Le choix du terrain de l'affrontement fut un abattoir en périphérie de la ville de Gateway City, là où un peu plus ou u peu moins de sang ne faisait pas grande différence. Il passa trois jours enteirs en temps qu'intérimaire à enchanter les machines et à graver des symboles au quatre coins de l'usine. Une partie de plaisir...

Le soir de de la confrontation, Dark Angel et Nick étaient en terrain conquis, là où l'héroïne bien établie pêcha par orgueil et précipitation.

Le combat fut violent, au début. Les deux femmes vidaient une querelle qui avait fermenté des années durant et chacune avait mainte raisons d'en vouloir à l'autre. Manquait que de la boue et un public vu les prises qu'elles se firent l'une l'autre.

Donna Troy avait été trop sûre de sa force, croyant à juste titre que les lames rotatives ne lui feraient rien. Ce qui aurait été vrai sans les maléfices de Nécro.

Lorsque qu'un gros morceau de peau de son bras droit fut tranché net, elle gagna en férocité, en désespoir aussi. Savoir que l'on était tombé dans un piège n'aidait pas. Angel, elle, avait eu soudainement des rires de gorge particulièrement impressionnant. Les sorts de Nick furent utiles pour empêcher l'amazone de fuir. Troy était redoutable. Mais entre la télékinésie du sorcier et la détermination de Dark Angle, elle se retrouva tuméfiée au dessus de la fosse où les broyeuses rotatives attendaient leur repas. La façon désespérée qu'elle avait de s'accrocher au rebord, ses articulations bleuies par les coups, son visage aux multiples écorchures, elle avait été un temps l'image même de la justice tombée au plus bas. Elle avait cependant encore de la réserve et de la concentration. Elle pouvait encore repousser Angel et lui faire très mal.

Or, pour ce genre de moment, rien ne valait une petite illusion tirée des souvenirs même de la victime pour la déstabiliser. Aussitôt pensé, aussitôt fait.

Il ignorait qui était le "Dick" dont elle avait soupiré le nom, mais il devrait à l'occasion le remercier, sa simple évocation avait relâché son attention, juste assez pour que Dark Angel la bouscule définitivement et la fasse tomber dans le tube de la machine.

Nécro pouvait maintenant affirmer qu'une amazone avait de la gorge. Il en avait encore des acouphènes tant elle avait crié. Pendant un instant, il crut même que la machine allait se plaindre d'un bourrage. Mais non. Quelques vibrations hurlantes et tout était revenu à la normale. Ce fut à ce moment précis que Dark Angel était tombée amoureuse de lui.

Le visage recouvert du sang de son double temporel, elle était venue, l'oeil pétillant, chercher une cigarette dans la poche de son Clyde et ils avait fumé paisiblement en regardant la machine tandis qu'elle vidangeait des tombereaux de sang dans lesquels ont pouvait deviner des morceaux de tissus et des parures métalliques.

Il avait alors eu une folle envie de boudin...


De ses jumelles donc, il voyait Dark Angel sous les traits de Donna Troy pratiquer les rites funéraires de sa tribu.

Fait intéressant, elle n'avait jamais posé trop de question. Il lui avait simplement expliqué son plan et elle l'avait suivi. Maintenant ils arrivaient au grand moment, le moment fatidique où le barbecue royal allait se lancer.

L'avantage d'avoir travaillé contre et avec le Culte de la Flamme Gelée c'est que niveau feu ils s'y connaissaient bien.

Nick sortit de sa poche de veste le bijoux où 79 âmes attendaient leur délivrance. Il fit craquer ses cervicales et entonna un chant étrange et lancinant. De ses yeux de praticiens, il vit alors au loin la porte vers le Tartare s'ouvrir. Le charron viendrait bientôt récupérer l'âme de la défunte. On venait à peine de poser les drachmes sur les yeux de la souveraine que déjà l'autre avare se pointait. Le service public n'était plus ce qu'il était.

Aussitôt, toutes les âmes furent aspirées par la plaie qui menait au royaume d'Hadès et l'âme flottante de la reine fut piégée en retour dans le cristal qui se teinta d'un jaune radieux.

Et voilà pour le carburant.

Maintenant, le corps.

Sous le bûcher funéraires, pendant les nombreux préparatifs auxquels elle avait participé, Dark Angel avait disséminé de nombreuses pierres plates sur lesquelles Nick avait gravé ou dessiné des symboles ésotériques. Tout s'activa au moment où les flammes touchèrent le corps de la reine.

Pour tout le monde, les flammes carbonisèrent le cadavre comme le rituel l'exigeait, mais pour Dark Angel et Nick, les flammes devinrent bleues et congelèrent de leur froideur surnaturelle le corps de la reine. La fausse Donna Troy se retira alors, la tête basse comme atteinte par les évènements tandis que le corps d'Hyppolita se dissolvait dans le sortilège du sorcier pour réapparaître dans un sous-sol athénien.

Bonnie et Clyde n'auraient alors plus qu'à repartir aussi discrètement qu'ils étaient venus et leur projet pourrait aller de l'avant...

Grâce à la reine, les deux savaient que rien ne se mettrait plus sur leur chemin...

- Je te suis, Wonder Woman.

Wonder Woman et pas "déesse". Wonder Woman et pas "reine". Wonder Woman et pas autre chose. Que l'Olympe le veuille ou non, qu'Apokolips vienne mettre son grain de sel, que les enfers eux-même soient prêts à l'entendre ou pas, ainsi ont été, sont et seront les choses: Diana Prince est une championne de la terre avant tout, et je compte bien la voir reprendre sa juste place. Après avoir porté secours à son auguste maman, bien évidemment. Chaque chose en son temps.

Mais une promenade au royaume des morts, ça ne se prépare pas comme un pique-nique au pied de la Tour Eiffel, même avec des pouvoirs comme les miens. Surtout accompagné de trois enfants mineurs. Alors d'un pas décidé, je m'avance droit vers mes petites chéries, plus si petites que ça maintenant, cela dit. Roh, le vrai papa gaga gâteau, oh !

Heureusement, mes filles ont été super bien éduquées (je suis pas peu fier de leur avoir inculqué la souplesse d'esprit, ça oui !), et comprennent quand il me faut les laisser quelque part pour enfiler masque et bottes, cape (métaphorique vous vous doutez bien, les plus grands stylistes rejettent son utilité intrinsèque) et gants.

- Leah, Jessica ? Diana et moi avons à faire. Si vous pouviez rester ici, avec Jacob et les Amazones le temps que ce soit fait, ça me soulagerait d'un poids terrible, d'accord ? Z'êtes les meilleures mes fifilles.

Un tonitruant "PAPA" lâché en même temps indique qu'il est le temps de fuir. Les mains dans les poches, un pétillement presque joyeux dans le regard, je m'éloigne avec Diana; l'heure est venue, agir devient nécessaire. Maintenant, comment ? J'ai bien des moyens personnels d'entrer chez Hadès, mais aucun ne garantit de retrouver vite fait bien fait l'âme d'une reine amazone fraîchement décédée.

- Tu préfère qu'on emprunte le chemin classique, avec Cerbère et tout, ou je nous taille un passage sur mesure ?

Là est le souci: emprunter la longue route du monde des vivants à celui des morts demande une abnégation sans failles, et le combat contre des obstacles tout bonnement extraordinaires. Rares sont ceux à y être entrés de leur plein gré. Encore plus rares sont ceux à en être ressortis indemnes.