Le bonheur était dans le pré [Supergirl]

C'était une mauvaise idée non ?

Non, je demande juste comme ça.


Non, parce qu'il y a tellement de raisons pour lesquelles ça pourrait partir en vrille.

Bon, déjà, voler à découvert. Mais ça, ça va : il suffit de voler à quelques kilomètres d'altitude.



Bon, il y avait les radars humains aussi. Ils se cherchaient encore depuis que les Kandoriens avaient attaqué Metropolis, mais dans l'ensemble, ça ne devrait plus être très long avant que juste "voler" ne se transforme en exercice d'esquive de missiles tirés par une bande de militaires paranoïaques avec des problèmes à brancher leurs neurones ou à ne pas gaspiller l'argent du contribuable.

(Oui, je commence à être concernée par ce genre de choses. Je vais bientôt être contribuable, aussi.)

(J'aimerais bien éviter de me prendre mes propres dollars sur la figure.)

(Je crois que je deviens vraiment comme Kara. Argh.)

("Mais Kara, tu vois les radars, tu peux pas juste esquiver les balayages ?"
Ah, ben si. Je pourrais. Mais les missiles ne me feraient rien non plus, doooonc...

... Ouh là, zou, dehors Power Girl, sors de cette tête !)

Bon, il y avait l'identité secrète aussi. Ça, c'était plus préoccupant. Est-ce qu'elle allait sauter, si Kara Danvers allait voir Clark Kent ?

"Oh mon dieu ! Clark Kent a une cousine ! Et elle est blonde ! Et elle a les yeux bleus sous ses lunettes ! TOUT LE MONDE ! REGARDEZ ! C'EST SUPERGIRL !"

Errrh. Est-ce que ça voulait dire que j'allais devoir ressortir la perruque rousse ?

Errrh. Mais j'ai pas envie. Et puis elle gratte, en plus.

Ouais, enfin bon, tout ça, c'est surtout pour éviter de tourner autour du pot. Yep yep. Martha Kent était morte.

Gros coup dur. Gros, gros coup dur. Et toi, ma grande, t'étais allée de rouler en boule chez un ancien pote que tu n'avais pas vu depuis trois ans, à l'exact opposé de la planète.

Une mission, Kara Zor-El, t'avais eu une mission. Un truc à faire. "Prends soin de Kal". L'aider sur Terre. Et tu fais quoi, à la première contrariété ? Tu paniques et tu fuis !

Ah ben oui ma grande ! C'est clair que c'est tout de suite plus compliqué, quand tu peux pas tirer des lasers sur un problème ou sourire en faisant croire que tu sais comment résoudre le problème.


Ah ben oui, quand la directive numéro 1 sur laquelle Supergirl se reposait jusque-là saute, t'as pas l'air conne, va !

Ah, et j'emmerde les filtres aussi. Et je t'emmerde, moi condescendante à la troisième personne. "Niah niah, Supergirl elle est toute gentille et elle est toute polie !".

Ouais, bah nique-toi hein. Supergirl, elle a surtout fait l'inverse de tout ce qu'elle était censée faire, et elle a pensé à sa mère alitée, et à son père, et à Argo City qui devient invivable, et à tout ce qu'elle a perdue.

Parce que la vérité, ma grande, c'est que Kara Zor-El, c'est une petite chieuse qui ne connait rien à rien et qui abuse de ses pouvoirs pour faire croire qu'elle sait tout mieux que tout le monde.

Ouais, Kara Zor-El, elle aurait bien dû se prendre une paire de baffes dans la gueule, mais comme personne n'a le courage ou la force de le faire, et bien elle continue.


Question du jour : est-ce que je volais vers Hamilton en civil pour protéger mon identité, ou parce que je pensais que Supergirl devait peut-être se calmer un peu ?



La vérité, c'est que j'appréhendais clairement ce qui aller se passer quand je verrais Kal. Qu'est-ce que j'allais dire ? Je n'avais pas été là. Moi, celle qui aurait dû là en premier. Celle qui pouvait et qui devait être là en premier.

J'étais de la famille, quoi. La dernière racine. Plus de Martha Kent. Plus de Jonathan Kent. Plus que la dernière branche paumée des El, qui s'était retrouvée à fuir sa planète quand elle aurait pu rester aider, et qui s'était retrouvée à fuir ce qu'il restait de sa famille quand elle aurait dû aider. Quand elle aurait pu aider. Mais non, juste être là, ça avait trop dur.

Merde, il fallait voir tout ceux qu'il y avait eu. Wonder Woman, Kara ... Même Banshee, par Rao ! Et tous les absents avaient des raisons ! Conner était perdu quelque part, Batman était ...

... Ouais, même la copine de Conner était venue. Alors qu'elle ne connaissait presque pas Ma Kent. Elle avait pété la gueule à des gens, parce que c'est littéralement la seule chose qu'elle soit capable de faire ...


Et moi, pourtant, je me pointe là, à Hamilton. Là où Kal et Lois avaient trouvé refuge auparavant, là où Jon avait grandi. Là où il était revenu. Là où il était seul.

Là où il ne voulait manifestement pas être reconnu. Et là où, évidemment, je l'ai retrouvé facilement. Comme d'habitude. La partie "pouvoir" était facile, c'était le "vouloir" le plus compliqué. Voir même juste le "oser".

Et, pour beaucoup de personnes, on aurait pu dire se dire qu'il n'y avait de toutes façons pas le choix, puisqu'on avait fait autant de chemin pour ça mais ... moi ? Je n'avais même pas cette excuse. Je pouvais juste m'esquiver, repartir en volant dans l'autre sens.

Et non. J'étais juste tétanisée. Stupide. A rentrer dans la fête foraine, à me mêler à la foule, à faire semblant de visiter, à réfléchir comment l'approcher ... A m'esquiver donc, comme une voleuse. Wouw, gros niveau pour Supergirl.

Ce n'est finalement que quand un tierce-partie intervient que je peux attraper mon courage à deux mains et faire croire que c'est un heureux hasard.

Avec un peu de chance, ils auront l'amabilité de ne pas appuyer sur la coïncidence. Même s'ils auraient raison.

Surtout que Kathy était télépathe, et qu'elle me connaissait probablement suffisamment assez bien pour reconnaître que je n'étais pas dans mon état normal. Oui, c'était ça d'avoir trainé un peu avec les "Supersons" de Jon et Damian. D'avoir voulu jouer à la super-babysitter.


Oh, regardez ! C'est la cousine avec son accent bizarre et son air gêné ! Bravo Kara.

Trop tard pour reculer, maintenant.

Je rigole un petit peu.

C'est nerveux.

Oui, évidemment qu'ils se connaissent. Ils se connaissaient avant que toi tu ne les connaisse, espèce de tarte !

" Hé-hé ... Hem. Pardon. Je sais ... Ça vient d'une série télé, mais j'ai toujours rêvé de pouvoir la sortir !.. " que j'improvise, en allant de l'un à l'autre avec un grand sourire, " Ça va comment, sinon ? "

...

" Je paye la tournée de barbapapa et de pop-corns ? C'est toujours toi qui tiens le stand, Kathy ? "

"Super-équilibrisme". Ça, c'était pas Kryptonien, comme pouvoir.

Ils se regardent. Ils me regardent. J'ai un sourire niais. Je hausse les épaules. Bref, personne n'a la référence, et j'ai un grand moment de solitude.

" ... C'est un sacré manque à votre culture. Mais je peux comprendre, vous ne vous rendez pas compte de la chance que vous avez ! "

Ça se passe mieux que ce que je croyais. On n'a pas évité le malaise ... Mais c'était complètement ma faute, pour le coup, et pour un truc à peine prévu. Pas pour ... enfin ... voilà quoi.

Alors je me tourne vers Kathy,

" Quand j'étais petite, le seul divertissement qu'on avait, c'était une série qui s'appelait "Mis-Ko et Maris-Ko" ... Et c'était vraiment pas bon. "

Et hop, à toutes fins utiles, c'est encore une histoire abracadabrante de la cousine kryptonienne. Celle qui pourrait pour encore longtemps, régaler son auditoire des mythes et légendes de l'absence totale de fun sur Krypton.
Rao, qu'est-ce que ça avait été mauvais, comme série. Rien que d'en parler, j'en frissonnait de gène.

Enfin ... L'important, c'est que Kal ne m'avait pas activement évité, esquivé, renié ou ... je sais pas. Mais il aurait pu, quoi.

Alors je lui rend son sourire. Il fallait dire que c'était assez communicatif. Kal était communicatif, par nature. J'aurais bien aimé pouvoir dire que j'y avais participé mais ... C'était vraiment tout lui, ça, et tout son temps passé ici. Et toute sa jeunesse. Et tout ce qu'il avait appris ici. Et même ça, c'était communicatif. Il n'y avait qu'à me voir, moi, tiens.

Ce qui rendait d'autant plus douloureuse la phrase qui suivit.


Oui, c'était de la gène. Du sourire à la gène en une seconde, la main derrière l'oreille comme pour me protéger. Je n'avais pas été là. Je m'étais débinée, et voilà le retour logique.

Et une fois de plus, c'est Kathy qui me sauve ... Et je ne sais même pas si c'est volontaire.

Est-ce que Jon allait bien ? Bonne question. Est-ce que Lois allait bien ? J'en savais pas plus.


Et Kal ne s'en sortait pas vraiment mieux, pour tout dire. Qu'est-ce qu'il aurait pu dire qui puisse faire sens ? Qui puisse justifier sa présence ici, loin des siens ? Quelque chose qui puisse être compréhensible ? Quels mots pourraient-ils donner à ses sentiments.

... C'était pas à moi qu'il fallait le demander. Je n'en sais rien.



C'est marrant, parce que je me suis toujours dit que Kal les auraient, ces mots. Il avait réussi à calmer mes craintes, à l'époque. A mon arrivée.

" Sssssshhh ! " je viens lui poser une main sur l'épaule, en lui renvoyant le sourire complice et entendu qu'il m'avait adressé le premier, quelques secondes auparavant. Je le taquine " Pas si fort ! C'était un secret ! Jon risque de nous entendre ! "

Et c'est maintenant que je me demandais. Est-ce qu'il avait eu les mots ? Ou est-ce que c'était moi, qui les avaient eu ? Est-ce que ce n'était pas tant lui que moi, qui m'était calmée ?

Je levais mes mains en visière, en faisant mine de plisser les yeux.

" Hmmm... Non, c'est bon. Il vient de se tâcher avec le ketchup de ses frites. On est à l'abri. " je remonte la main pour m'essuyer le front, rassurée, " Pfiou, on est pas passés loin ! "

Est-ce que c'était vrai ? Est-ce que je venais juste de me griller, à dessein ?


" Allez, Kathy, viens ! On a des stands à dévaliser ! "

Je dégaine un billet de la poche avant de mon sac à dos. Je monte à l'assaut des échoppes de sucreries avec toute les valeurs de gourmandises américaines qui ont définitivement imprimés dans mon esprit, avec le temps.

Mais ...




Absent, même ...

" Tu peux m'attendre deux minutes, Kathy ? Je vais chercher Clark. "

Il est atteint. Profondément. On a chacun ses façons de gérer les coups durs, et ça devait bien être la première fois que je voyais ce que ça donnait, pour Kal. Lui qui avait toujours le bon mot pour les autres, qui savait toujours rassurer, relever.

Guider, en un sens.

Hé, c'était toujours plus facile pour les autres.

" Super cousine à la rescousse ! " J'avise, je lui tend un grand sachet de pop-corn prestement acheté en bas de l'allée, " Réflexe ! "

J'attrape un grain de mais soufflé pour le lui catapulter. Il rebondit contre son front, il fait une cloche, je suis la trajectoire, je me recule ... Avant de le récupérer en ouvrant la bouche.

" Ta-daa ! "

C'était le genre de petits tours qui faisait un tabac, dans les soirées étudiantes, tiens !

" Oh la vache ! Il est salé ! Oh-là, c'est abominable ! "


Soupir, donc. Parce que je ne sais pas vraiment comment aborder ce genre de choses.

" Hey, Kal ... Je ... Si tu as besoin de parler, je suis là ...

... J'aurais probablement pas de grandes réponses à donner mais ...

Grand moment d'improvisation. C'était toujours plus facile de parler avec son cœur quand on ... n'essayait pas de le faire avec la personne le plus proche de soi sur la planète !

" Si j'ai pu apprendre un truc depuis le temps, c'est que se morfondre dans son coin, c'est la dernière chose à faire, en ce moment. "

Oui, c'était toujours plus facile pour les autres ... Mais n'était-ce pas justement pour ça que l'on se devait d'être là pour eux ?

" Hey, Kal ... No problemo. Vraiment. " Que je lui sortais, comme ça, en venant lui mettre la main sur l'épaule, " Tu n'as pas à te justifier pour quoi que ce soit. Ni à moi, ni à qui que ce soit. "

Ouais, tiens. C'est moi qui la sortait. Détendue, comme ça, au calme. A Superman. Le réflexe de la détente.


Bon, on se calme. J'ai juste témoigné de compréhension sans le juger. Il paraît que c'est normal, dans les familles. On pourra se taper toute seule dans le dos quand je réussirais à le faire avec Lex Luthor.

(Pas gagné.)


" C'est dur genre ... Eh. Vraiment dur ... Et les réactions sont imprévisibles. " Pas en arrière, j'écartais les bras. Ça envoyait valdinguer la poignée de pop-corns que j'avais gardé en main ...

... Je les avaient complètement oublié, eux, d'ailleurs, prise comme j'étais dans le moment.

Je les regardais, là, en train de tomber, dans leur trajectoire désespérément prévisible ... Puis là, par terre. Avec tous les trucs microscopiques par terre qui se moquaient bien de la règle des 5 secondes.

Pas que j'allais les manger, hein. Je suis pas une sauvage.



Je lève un index, me baisse, récupère méthodiquement les grains de maïs échoués pour aller les jeter dans une poubelle, avant de revenir ...

" Bien. On la refait. " J'écarte les bras à nouveau, " Regarde-moi ! Je ne savais pas que ça allait m'affecter autant ... et pourtant ... shit happens, comme on dit dans ton pays ! "

Et en forçant bien l'accent qui me donnait des airs de touriste un brin pataude. Ça allait bien avec ce qu'il venait de se passer. Et peut-être avec la considération qu'il était Kryptonien, certes, au moins de naissance, mais Américain aussi, et surtout ...

... Et pas Kandorien. Du tout.

" Hey. Tu ne sais plus, peut-être. Tu t'es enfuis, oui ... Mais tu es là, maintenant. Et de ce que je vois, tu assumes bien, là ... Parce que tu aurais pu t'enfuir à nouveau, en me voyant, ou faire tout un tas de trucs pour ... je sais pas.

Mais plein de trucs qui n'incluaient pas de parler à ta cousine ... Batman dirait sûrement un truc du genre ... "fuir tes responsabilités" "

J'ajoutais des parenthèses avec les doigts, je dirigeais le regard dans un coin et j'adoptais une bonne grosse bat-moue pour accentuer l'imitation ...

... Avant de revenir à la normale, l'air détendue et compréhensive ... Parce que c'était définitivement ce que j'étais en train d'essayer de faire. Et d'être.

" Bref. Tu es humain ... " Euh, non. Enfin si. Mais pas que. Et puis ... Attendez, il est affreusement raciste, ce mot, en fait, non ? Et moi, je suis quoi ? " ... Enfin, non... Métaphoriquement si, mais ... Pas que ... Excuse-moi, j'aime pas vraiment l'utilisation de ce mot ...

Bref. Tu as des sentiments. Tu n'es pas un automate. Déjà.

Et tu dis que tu ne sais pas quoi faire, ou être, et tu dis que tu as honte de tout ça ... "

Je reviens me placer devant lui, et je reviens lui mettre les deux mains sur les épaules, pour bien le fixer en place. Et puis je le regarde, les yeux dans les yeux. Sur le moment, j'avais face à moi le Clark Kent pataud et plein de doute ... Et j'étais la Supergirl qui ... servait du Superman, à défaut de meilleur qualificatif.

Le genre sans peur, sans reproches et sans doutes, surtout. Le pilier de la justice et de la certitude qui redonnait de l'espoir aux gens.

" ... Et je dis que tu sais exactement qui tu es et ce que tu dois faire. Tu sais ce que tu ressens, même si tu n'as pas de mot à mettre dessus, et tu sais au fond de toi comment tu peux agir pour aller mieux, parce que c'est précisément ce qui est bien. "

Je l'avais pris entre quatre yeux, sans ciller, sans sourire, sans bouger et sans cligner des yeux comme une espèce d'apprentie sociopathe blonde. Pas vraiment ce que je faisais, d'habitude. Pas le genre d'impro dans lequel j'excellais.

Et ça sentais, parce que je relâchais tout de suite la pression pour repartir dans ma logorrhée. Parce que c'était ... je sais pas ... pas assez précis, comme dialogue. Surtout pour ça. Allez-y, critiquez-moi. N'empêche que je suis une scientifique de formation, et que j'ai des sacrés biais de fonctionnement.

Alors je me reculais, à nouveau. Et j'étais à nouveau la cousine pétillante et dispersée :

" ... En vrai, j'aurais probablement une espèce de présentation genre TEDTalk de deux heures sur la sociologie, la psychologie et le déterminisme social ... agrémentée de fragments de bons mots de feu Cotor-Al sur les preuves historiques de tout cela sur l'histoire de Krypton - C'était un super-prof d'ailleurs, tu l'aurais adoré - ...

... Mais ça serait long, décousu et ça te perdrait probablement parce que je vais dans tous les sens dès qu'on part sur du scientifique ...

... Alors je vais faire un résumé rapide :

Tu arrêtes de penser à Kandor et au reste comme tu le fais en ce moment. Tu fonces et tu fais ce que tu penses être juste et bon, et ça va te remonter le moral et te rendre la joie de vivre ... Parce que c'est comme ça que tu fonctionnes.
Et c'est dingue. Et je sais pas comment tu fais ça. Et je suis admirative, en vrai.

... C'est pas pour rien que j'essaye de faire pareil. "

Et là-dessus, je me penche, taquine, sur le paquet de pop-corns pour en subtiliser une poignée.

" Et surtout, tu évites de te poser trop de questions, parce qu'après tu finis comme moi ... Et que j'ai déjà suffisamment de complexes d'ado tardive pour devoir supporter mon cousin qui me pique mon style ! "

Wow, c'était intense, ce genre de discussions. Ca me donnait des airs de capitaine de navire perdue en pleine tempête ... Et je n'avais pas plus de chance de savoir comment allait évoluer la situation, en plus ! C'est dingue, comment j'en étais à me dire que j'aimerais bien être télépathe comme Kathy ou Maxima, en ce moment, pour savoir quoi dire ou quoi faire à la perfection.

Ouais, on en était à ce stade où la jeune Kryptonienne se plaignait de ne pas avoir suffisamment de capacités.

Je sens une sensation bizarre dans ma bouche, désagréable ...


Mais c'est infect, les pop-corns salés !

" ... Pour répondre à ta question, je pense que c'est un problème de civilisation avant d'être un problème de sentiments amoureux : le sel, ça va sur les plats et le sucre sur les friandises. Le pop-corn et le sel, ça ne va pas du tout ensemble. Comme les frites et le sucre ... L'ONU devrait prendre des mesures ! "

Rao, je ferais une dictatrice mondiale pitoyable.

" Et sinon ... Rien de bien dingue pour moi. J'essaye de trouver des stages et d'entrer en doctorat proprement, Ray Palmer me fait du chantage à la lettre de recommandation pour que je suive des cours dans son école de héros ... Ah, et si, et euh ... J'ai rendez-vous avec Dick Grayson demain. Et... euh... Je sais pas trop quoi en attendre ni ce qu'il veut d'ailleurs. Et je stresse. Et je crois que je me monte le cerveau et ... euh ... voilà quoi. "

Oh, j'avais la reconnaissance de Kal !

Enfin, je pense que je l'avais souvent celle-là. Mais l'avoir là, maintenant, comme ça, avec la mention de "soutien moral à potentielle vocation pédagogique", ça valait le coup. Ce que j'aurais dû être, que j'ai pas été, yadiyadi-yada. La routine. J'avais arrêté d'y penser. Ou alors je le faisais avec Jon, ce qui était plus compliqué, parce qu'il tenait de ... sa planète, et qu'il était dispersé. Et que j'ai vraiment beaucoup de problèmes à trouver un intérêt au base-ball.

Mais le voir vraiment reconnu et acté. Fiou. Je vais coller ça dans ma collection de badges de scout que j'aurais pu avoir, si j'avais été plus jeune sur Terre !

" ... Oh, j'ai pas de mérite, c'est la partie facile à rattraper, tout ça. J'aurais dû changer tes couches, si j'étais arrivé en même temps que toi ! "

Oui. C'est dingue, quand on y pense. Et encore plus quand on y pense pas. Kara Zor-El, ici pour ruiner vos idoles, à votre service !

" Enfin, hé, te morfonds pas trop. Tu es un symbole. Toujours le même symbole ! " Et je tends le bras vers l'horizon nocturne pour accompagner mon propos, comme une oratrice de génie au popcorn redoutable, " T'as un coup de moue, là, mais tu vas voir, c'est plus fort que toi. Ça doit être un truc dans la composition chimique de l'air de Smallville. T'as trop pris de bonne humeur quand t'étais petit ! "

C'était du travail. Et entre les enfilages et retirages de casquettes, les mimiques du supposément pataud Clark Kent et l'hyperactivité intrinsèque d'une Kara Danvers qui trouvait toujours une raison de sautiller face à chacun des trésors insoupçonnés de la Terre, c'était une pièce de théâtre permanente. Une espèce de comédie humaine... Comme chacun des habitants de la planète la jouait au quotidien.

Ce qui me fait penser qu'entre deux envolées lyriques ...

" ... En parlant de symbole et d'une autre Krypton, d'ailleurs, j'avais justement un truc à te montrer. "

Quelque chose qui traînait dans mon sac, et que j'ouvris donc après avoir posé, une fois de plus (décidément) les popcorns ... Quelque chose qui resta à l'intérieur, alors que je tenais les deux bouts pour l'ouvrir en le gardant néanmoins suffisamment caché pour ne pas attirer l'attention de trop de badauds ...

... Enfin, si c'était le cas, autant qu'ils me prennent pour une dealeuse de drogue ratée, plutôt que ...



Parce que c'était ma tenue, dans le sac. Pas "une" tenue. La tenue. La vraie. Passée à l'occasion au noir et argent. Le même que celui de la nouvelle tenue de Kal, que j'avais pu voir à Metropolis, la dernière fois.

" ... Pas mal, hein ? " que je demandais avec un grand sourire, mi-satisfaite, et mi-cherchant son approbation, quand même, " Je sais que je parlais de pas empiéter sur les plates-bandes des autres à l'instant ... Mais j'ai trouvé que c'était un beau symbole. Une réappropriation bien capable de les rendre chèvres, les Kandoriens ...

Je l'aurais bien enfilé pour te montrer ce que ça donne mais ... hé ... il paraît qu'il y a ce truc qui s'appelle la discrétion que je crois qu'on est en train d'expérimenter, là ... "

Quelle boute-en-train, cette Kara Danvers ! Allez, referme donc ton sac avec la satisfaction du trait d'esprit bien placé ... Et rattrape plutôt ta bourde avec Ray Palmer.

Il ne manquerait plus qu'il te rajoute une couche parce qu'il penserait avoir été la cible d'une potentielle intimidation népotiste !

" Et ... alors ... en fait " en fait, déjà, on esquive la question "Richard". Quelle idée j'avais eu de l'évoquer, tiens ! " C'est pas du chantage "chantage" ... C'est plus du ... Hem ... Il veut voir de quoi je suis capable, je crois ... En tant que Kara en jupette ... Et moi j'aimerais bien être Kara en jean qui n'a pas le poids du symbole à porter en classe et qui peut faire son doctorat tranquille ... "

Gros soupir las. Joues gonflées, regard pathétique, haussage d'épaules ...

" ... Je sais que je suis Kryptonienne mais ... j'aimerais bien être Humaine, pour changer. Être reconnue pour ce que j'aime faire, pas parce qu'une boule de gaz dans l'espace a décidé que je pourrais cuire des pâtes avec mes yeux ... "

Il l’écoute.

En silence. Sans rien dire.
Il l’écoute ; vraiment.

Il ne fait pas semblant. Il ne le fait pas d’une oreille. Il le fait, réellement – et sincèrement.
Il l’écoute.

Et alors que Kara répond, argumente, enchaîne. Alors qu’elle présente la nouvelle version de son costume, pour montrer elle aussi aux Kandoriens qu’ils ne peuvent pas, qu’ils n’auront pas la primeur de l’héritage de Krypton. Alors même qu’elle allège quelque peu le mécontentement de son cousin envers Ray Palmer. Alors, enfin, qu’elle évoque son envie, son besoin d’exister par elle-même, plutôt que par ses pouvoirs…
Oui.

Il l’écoute. Et alors qu’elle dit tout ceci…
Il sourit.

Il la fixe. Il l’observe.
Il l’écoute.
Et… il aime énormément, ce qu’il entend.

« C’est… une pensée, une envie fort légitimes, Kara. Et j’admets que… si j’ai conscience que Ray Palmer a des responsabilités, et une approche dure des choses et des gens – j’espère, j’attends plus de justice et d’équité de sa part.
Je… j’ai bien envie de te proposer d’intervenir, mais je me doute que tu veux régler ça seule. Non ?
M’enfin, je… ne pourrais pas m’empêcher de demander, innocemment, comment ton séjour dans l’Académie se déroule. Et j’entends… oui, j’entends que sa réponse soit positive.
Car je ne peux imaginer un monde, une Réalité où l’on ne peut se réjouir de bénéficier de l’être formidable qu’est ma cousine. »

Sa voix est douce.
Plus douce qu’avant. Plus calme qu’avant. Plus réconfortante qu’avant, aussi.
Plus… lui.

Oui.
Il n’en a pas conscience, pas encore ; mais oui.
Ça revient.
Il revient. Un peu.

Grâce à elle.
Sa cousine. Kara. Celle qu’il aime – qu’il a accueillie, sur Terre ; guidée, accompagnée.
Aimée… mais, il doit bien l’admettre, un peu trop comme une enfant.
Ce qu’elle n’est pas. Ce qu’elle n’a jamais été.

Elle est… adulte.

Elle l’a toujours été. Il ne l’a pas forcément compris.
Avant aujourd’hui.
Avant ce moment où… pour la première fois. La première, vraie fois. Oui.

Pour la première fois… c’est juste. C’est ainsi. C’est vrai.
C’est accompli.
L’ordre des choses. Ce qui était prévu ; le devoir, de Kara.

Aujourd’hui.
Elle s’occupe de lui. Elle l’aide. Elle le réconforte. Elle le soulage.
Aujourd’hui.
Kara… aide, et sauve un peu Kal.

Il s’en rend compte – et sourit, encore. Et soupire.
Soulagé.

« Et… merci. Je… ah. Je ne suis pas… pardon.
Merci, Kara.
Je… cela m’aide ; beaucoup. Tes mots. Ta présence. Même ce… costume. Le fait que tu… que tu choisisses cela, que tu assumes… aussi.
Le fait que… ah, oui.
Je ne suis pas seul. Je le sais, maintenant – je ne l’ai jamais été ; mais j’ai pu l’oublier.
Tu me le rappelles.
Je ne suis pas seul. Je ne l’ai jamais été.
Merci… cousine. Merci. »

Il acquiesce ; avec un peu de rouge aux joues.
Il se tourne ensuite, et laisse son regard embrasser la foule – la foire de Hamilton.
Il acquiesce, encore.

« Mais… oui. La discrétion. Même si désormais, les gens savent… oui.
La discrétion. Tu as raison.
Et pour ça… j’ai ma méthode. Un peu old school, mais… je l’aime bien.
C’est… une idée de m’man. Ça… ah. Ça compte, tu vois. »

Clark tremble légèrement, en récupérant l’objet dans sa poche ; où il l’avait placé, durant la conversation avec elle.
Pour qu’elle voit. Pour qu’elle le voit – Kal.
Et pas… et plus… Clark.
Mais là…

Là, il prend l’objet, et le remet ; les remet.
Elles.
Ses amies. Ses bonnes vieilles amies.

Ses lunettes.
Il sourit, encore plus ; et gonfle sa poitrine d’une fierté surprenante, mais agréable.

« Allez… allons manger du pop-corn, rire en nous forçant à perdre à des jeux d’adresse, et nous faire peur dans la maison hantée.
Allez ! C’est… Hamilton. C’est… ce fut chez moi ; chez nous.
Laisse-moi te faire la visite, cousine. Et fais-moi confiance… ça devrait bien se passer ! »

Il glousse. Il rit. Il sourit.
Il… est bien.
Il est mieux. Grâce à elle. Avec elle.

Ils s’enfoncent ainsi dans Hamilton ; dans la foire.
Dans le plaisir, et le soulagement.

Pour un soir. Pour un moment.
Pour une parenthèse, durant la crise de Kandor. Oui.

Juste pour ça.
Juste pour… un instant ; l’équivalent d’une respiration. Mais ça compte. Mais tout compte.

Le bonheur est fait de petites choses – et on le perd bien avant de l’apprécier.
Tous deux le savent bien, après avoir perdu… bien plus que des mots ne peuvent décrire.
Ils essayent d’avancer, alors. Ils essayent de compenser.
Ils essayent de vivre – et d’en profiter.

Ils essayent ce soir, oui. Ensemble. En famille.
Entre cousins.
… et, par Rao, ça fait du bien !

(HJ/ Je te présente d’arrêter là, comme on en a parlé. Merci pour ce bel échange ! J’adore ta Kara, autant mature que fun. C’est un plaisir à lire, et à répondre. /HJ)