Cafés, cookies et muffins en terre de glace et de feu [Raven]

A en juger par la joyeuse cacophonie de croassements et de chants d'oiseaux plus ou moins agréables à l'oreille, Zbruh a l'air de très bien s'entendre avec ses nouveaux copains. Semblant ne pas se formaliser de ce gros oiseau sombre qui fait trois fois leur taille, un groupe de macareux l'a accueilli avec enthousiasme, sans parler des jeunes qui entourent Zbruh comme s'il était une curiosité de la nature (ce qui n'est pas totalement faux à vrai dire).

Imperturbable, malgré le bazar sonore ambiant, Raven est installée en tailleur, paupières closes, les pouces joints dans un mudra cher aux maîtres Yogi, flottant à quelques mètres au-dessus du cratère d'un volcan.
A en croire les quelques fumerolles qui s'en échappent, ainsi que la légère odeur de soufre, la montagne semble être en activité. Calme, mais en activité tout de même.

Les paupières d'albâtre doucement posées sur ses yeux tremblent légèrement, comme si ses prunelles cherchaient quelque chose à travers la pénombre qui les recouvre.
Bien... que sait-elle de Derek à l'heure actuelle.

La compassion.
La protection.
L'excitation.
La joie.
L'empathie.
La timidité.
La bienveillance.

Rapidement, l'esprit de Rachel identifie et isole des sentiments différents, les uns après les autres, les ajoutant les uns aux autres au fur et à mesure qu'elle les détecte.
Finalement... c'est un peu comme faire une recherche sur internet. Elle choisit ses mots clés et lance la recherche pour trouver "la" personne qui colle le plus aux critères définis. Et plus il y a de sentiments différents, plus la personne est facile à retrouver. Car même si chaque être de ce monde, et des autres, est capable de ressentir chacun d'entre eux, la signature émotionnelle de chaque personne est différente, unique. Et celui-ci... lui a déjà offert tout un panel d'émotions rien qu'avec ses vocaux et ses sms.
Elle appréhende d'ailleurs un peu la rencontre. Car s'il est aussi volubile en vrai qu'à distance, ce qui risque fort d'être le cas et sans doute même pire, il va pomper toute son énergie jusqu'à la racine.
Heureusement qu'elle n'a pas cours demain... dans un sens.

Rachel rouvre les yeux et esquisse une grimace. Trou-vé.
De tous les lieux paumés de cette île, il a fallu qu'il choisisse... la capitale. L'endroit JUSTE potentiellement le plus fréquenté de ce bout de terre émergée. Bon... nous verrons bien.

- Tu restes là Zbruh ?

CROOOOOOOAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA

- Ok ok, amuse-toi bien. Lance t'elle en riant, tout en levant la main en guise d'aurevoir.

Un portail plus tard, la voilà devant la porte d'un café : le Reykjavik Röst. Elle esquisse un bref sourire. C'est... mignon. Oui, vraiment mignon. Et c'est... isolé, en fait. Il n'y a pas l'air d'y avoir grand monde en plus, si elle en juge par le coup d'oeil rapide qu'elle jette par la fenêtre.
Rabattant sa capuche sur le sommet de sa tête, Raven prend une profonde inspiration tout en poussant la porte battante de verre et de bois. Bon... bah... c'est parti.

C'est petit, c'est cosy, c'est... intimiste. Elle l'aperçoit, enfin... ça doit être lui a priori, si sa mémoire ne lui fait pas défaut. A son arrivée à l'Académie, Ray lui avait fait une présentation des professeurs, et de leurs domaines de compétences, le tout assorti d'une photo pour chacun, afin qu'elle puisse les reconnaitre si elle venait à les croiser. Et... une chevelure comme ça, ça ne s'oublie pas. Non.

- Salut Derek. Dit-elle d'une voix aimable en prenant place sur la banquette de cuir blanche en face de lui.

Il est... un peu tendu. Alors Raven hausse légèrement un sourcil, alors que sa tête se penche légèrement de côté tandis qu'elle le dévisage.

- Tout va bien ?

Elle en était sûre. C'était trop prévisible. Déjà par sms, et même s'il ne lui avait pas laissé quelques messages vocaux. C'était... sûr.
Ce gars là, cet homme là... déborde de sentiments. Il est comme une fontaine jaillissante, dont les gouttelettes seraient en réalité des émotions explosant à la moindre occasion, s'extirpant de chaque pore de sa peau, de chaque cellule de son cerveau, de chaque terminaison nerveuse, en une joyeuse cacophonie style feu d'artifice.

Elle ne peut réprimer le sourire amusé qui monte à ses lèvres. Il l'interprétera sans doute en réponse à son "Hey salut !" presque bondissant, alors qu'il se lève pour l'accueillir -en parfait gentleman, elle le reconnait-. Mais en réalité... la cause de ce sourire est tout autre.
L'empathie est la faculté à percevoir les sentiments de l'autre, mais aussi la capacité à les faire siens. Maintenant, elle contrôle nettement mieux ce second dommage collatéral, et bien qu'il reste encore pas mal de boulot concernant le premier. Mais le fait est que là... à ce moment... c'est en définitive plutôt... agréable. Agréable de se laisser contaminer par lui, oui. Par sa gaité, par son enthousiasme, par son...

Attendez.

Ce sentiment là, c'est quoi ? Elle s'empourpre jusqu'à la racine des cheveux lorsqu'il lâche tout naturellement qu'il est heureux qu'elle soit venue. Tout autant par la gêne que ça engendre chez elle, car vu la façon dont c'est dit... c'est euh... enfin c'est... voilà quoi. Tout autant par ce qu'il ressent lui à cette minute. Cette seconde même. Celle là, précisément. Alors qu'il s'empresse d'ajouter quelque chose.

Le pire dans tout ça... c'est qu'il est vraiment sincère en plus. Il est véritablement content de la voir. Mais... pourquoi ? Ce n'est pas l'effet qu'elle fait à la majorité des gens... la plupart du temps en tout cas. Alors euh... mais pourquoi ?

Elle lui dit ou pas ? Qu'elle perçoit ce qu'il ressent comme si des mots s'affichaient en caractères lumineux au-dessus de sa tête, et clignotaient comme un sapin de noël jusqu'à ce qu'elle accepte enfin de les considérer. Non. Mauvaise idée. Pire idée du monde même. C'est le truc le plus foireux à faire, surtout face à quelqu'un qu'elle connait à peine. Et puis... les sentiments de Derek sont ambigus. Ce n'est pas très... clair, en fait.

- Euh oui... Azarath, bien sûr.

Pour éviter de piquer encore un fard d'un autre monde, Raven se plonge dans la contemplation de la carte qu'il lui a tendue. Quand... soudain...

- Je n'ai pas répondu à ta question ! Désolée. Dit-elle en posant les yeux sur lui, tout en le dévisageant peut être un peu trop.

- Ca va. J'ai laissé Zbruh avec les macareux, sans surprise il s'est fait tout un tas de potes. On ira le voir plus tard si tu veux. Je te le présenterai. Lance t'elle dans un sourire amusé.

- Bonsoir bonsoir. Qu'est-ce que je vous sers les tourtereaux ?

Les QUOI ? PAF et encore un fard, un. Dans un mouvement à la délicatesse surfaite et d'une discrétion somme toute relative, Raven rabat sèchement la carte devant son visage, laissant à peine le haut de son front dépasser.
Bah... c'est bon. On se détend... on respire, le mantra, vite le mantra...

- Un euh... chocolat chaud pour moi s'il vous plaît... Dit-elle d'une voix hésitante.

Une fois qu'elle a pris la commande de Derek et qu'elle s'est éloignée, Raven se met en devoir de changer de sujet. Vite. Genre là, maintenant, de suite, sans attendre.

- C'était bien votre sortie au... euh... parc dino ?

Ah ouais. Ok. Génial. Super. Bien..............

Pourquoi est-elle venue... non mais... pourquoi.
Rester seule, à la maison, tranquille avec Zbruh, c'est bien en fait. C'est mieux. C'est plus... calme. Mais. Mais il est vraiment gentil... ce Derek. Son trouble et sa panique sont tellement perceptibles qu'ils lui arrachent un sourire. Ca a quand même l'air d'être bien le bordel là-dedans.
Il est tellement expressif, il pense tellement fort, ressent tellement fort, qu'elle est presque certaine d'avoir entendu un AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH très distinctement, résonner brièvement dans son esprit à elle.

Il sort une phrase. Une ânerie. Et elle sourit, un peu niaisement à vrai dire. Parce qu'il est... attendrissant oui. Rafraîchissant aussi. Il est léger, il est gentil, il est... étonnant. Prévenant aussi.
Ah. Ah. Ah. C'est peut-être un extra-terrestre. Ca expliquerait bien des choses.

Raven enchaîne par une question. Pour passer à autre chose, pour qu'il se détende, et par la même, elle aussi. Lorsqu'il lui répond, un sourcil se hausse. Et elle qui pensait qu'il avait emmené sa classe dans un parce de loisir tout ce qu'il y a de plus banal... un truc sans danger, marrant, un peu fun, pour faire un cours illustré sur un autre monde peut être. Bah non. Non. Non...... il a donné le cours, directement dans le monde en question.

- Mais... c'est pas un peu dangereux d'emmener des gosses là-bas ? Demande-t-elle D'un air légèrement dubitatif.

Certes, tous leurs élèves ont des capacités particulières, et certains possèdent des pouvoirs vraiment hallucinants. Mais s'ils sont étudiants, c'est bien parce qu'ils ne les maîtrisent pas tous ou alors pas bien. Donc... partant de ce principe...

Mais Derek répond bien vite à sa question et là... un nouveau sourire. Les mecs... tous les mêmes. Aussi gentils soient-ils, ils ne peuvent pas s'empêcher de faire les paons et de montrer qu'ils gèrent, qu'ils sont capables de gérer.

Et puis c'est la chute.

Raven le dévisage comme s'il venait de tomber de la lune, en s'écrasant sur la banquette de cuir qui lui fait face. Que deux élèves...? Il est... non il plaisante, forcément qu'il plaisante. Mais elle a un doute. Il est mince, il est léger, mais il est là.
Un sourire. Un peu crispé quand même. Non il plaisante, évidemment. Il est trop gentil ce gars là, il ne peut pas lâcher ça comme ça, genre youhou j'ai largué deux élèves sur une île et ils se sont fait becter par Pyrex le T-Rex. PAS GRAVE. Non, elle a beaucoup trop de mal à l'imaginer.

- Tu plaisantes hein...? Juste pour être sûre. Dit-elle à voix basse, en se penchant au-dessus de la table dans sa direction.

On va demander quand même... juste au cas où. Oui. Au cas où. Pour être sûre. Voilà. Et on n'en parle plus. Comme ça c'est bien.

La serveuse du diable -bien mauvaise comparaison, mais passons- revient avec leurs chocolats chauds. Un sans crème, pour celle qui fait attention à sa ligne. Et avec, pour celui qui s'en fout. Une femme et un homme quoi... Au final, ils ne sont pas si différents des autres.

- Merci madame. Dit-elle poliment, alors que la serveuse lui adresse un clin d'oeil bien lourd et absolument pas discret.

Connaissant en plus les intentions qu'elle envoie au travers de cette expression emplie de malice, car elle ressent un peu trop fort la dame, voilà notre Raven qui pique un nouveau fard. Et le problème des peaux blanches, c'est que ça se voit. BEAUCOUP.
Non mais faudrait pas que ça devienne une habitude à force. Ca va finir par être lassant à la longue.

Inspirant une grande goulée d'air, Raven extirpe un soupir qui se sera probablement entendu jusqu'à l'autre bout de la pièce. C'est ça où elle implose. Donc... On fait avec les moyens du bord.
Elle porte la tasse à ses lèvres et, très vite, un sourire absolument radieux se dessine sur son visage. A cette minute, elle est presque aussi attendrissante qu'un enfant qui découvre le goût du chocolat pour la première fois de sa vie.

- C'est vraiment bon. Tu as eu une bonne idée de venir ici Derek. Lance-t-elle d'une voix beaucoup plus enjouée que jusqu'à présent.

Il faut savoir que Raven est une bille en cuisine. Mais vraiment, une énorme bille. Elle sait à peine faire cuir un oeuf. C'est difficile d'être moins douée qu'elle. Et dans la mesure où elle ne sort pratiquement jamais dans les restaurants, les bars ou les cafés, on vous laisse volontiers imaginer son alimentation déplorable. Les nouilles instantanées et les soupes en poudre, c'est la vie.

- Dis moi. Le cours que tu veux que l'on donne ensemble sur Azarath. C'est pour ça qu'il l'a faite venir non ? C'est un cours normal théorique ou... tu envisages de leur faire une visite guidée comme celui d'aujourd'hui ?

Parce que à ce stade c'est plus tout à fait la même chose... Son peuple est sympa, ouvert et très paisible, mais elle ne peut décemment pas débarquer avec toute une tripotée de mouflets de tous les âges et un prof surexcité du bulbe, sans les avoir prévenus avant.

Un franc sourire illumine le visage de Raven alors qu'il reprend la parole. Il est amusant. Vraiment amusant, ce Derek.

- Effectivement... Mais je n'ai pas trop ce problème, Zbruh les becte toutes sans la moindre hésitation. Petite, grosse, poilue ou pas... une araignée qui entre dans son champ de vision est condamnée quoi qu'il arrive. Il est totalement impitoyable...

Elle lance ces quelques mots d'un air amusé, revoyant fort bien le corbeau filer le train d'une araignée jusqu'à ce que mort s'en suive, entraînant dans son sillage la chute d'une partie des bibelots, livres et autres objets de son appartement par la même occasion.

Prenant quelques gorgées supplémentaires de chocolat chaud qui, si on en juge par l'expression qui trône sur ses traits, lui fait toujours autant d'effet, Raven repose si brutalement la tasse dans sa soucoupe, qu'il n'aurait pas été surprenant de la voir se briser en deux.

- Sérieusement ? Meilleur que celui là ??? Lance-t-elle d'une voix plus forte qu'elle l'aurait souhaité.

La scène est assez cocasse. Les paumes de Rachel sont posées, plaquées dirons-nous plutôt, sur la surface polie de la table, son corps a traversé les trois quarts de la distance qui les séparaient, et ses grands yeux d'un bleu très clair sont fichés dans ceux du jeune homme qui ne se trouve plus qu'à une poignée de centimètres.

- Tu voudras bien m'en préparer un un jour ? S'il te plaît ? Demande-t-elle, limite des trémolos dans la voix, en le fixant intensément de ses grands yeux.

La bouffe... c'est le mot magique avec Raven. Il faut dire qu'elle passe tellement de temps à manger des choses... dégueulasses, disons le clairement... que lorsqu'elle a l'occasion de laisser sa gourmandise s'exprimer, il ne faut pas lui dire deux fois.

Cependant, elle semble se rendre compte de l'indélicatesse de sa position et de sa demande, donc elle se rassoit immédiatement, s'adossant si profondément que l'on ne serait pas très étonné de la voir disparaitre au coeur du dossier de cuir blanc.

Un sourcil se hausse lorsqu'il la compare à un Jedi plutôt célèbre de Star Wars. Kenobi... c'est plutôt flatteur comme comparaison, même si elle n'est lancée ici qu'à titre d'humour.
Alors, c'est en arborant une expression presque impérieuse, levant un index vers le plafond tout en fermant les yeux telle une vénérable, qu'elle lui répond.

- Une demande d'agrément il nous faudra, avant que sur Azarath tu n'envisages poser l'ombre d'un pas, jeune Padawan.

Eclatant littéralement de rire, Raven finit son chocolat d'une traite, alors que Derek n'a pas du en boire plus de la moitié encore. Elle hèle joyeusement la serveuse en levant sa tasse.

- Un autre madame s'il vous plaît ! Lance-t-elle avec un certain entrain.

C'est étrange... ça va. Elle va bien, vraiment bien. Non pas que ça n'arrive jamais, il ne faut quand même pas exagérer. Mais... là... enfin. Satisfaisons nous des petits plaisirs qu'arrive encore à offrir la vie. Les questions viendront plus tard.

- Plus sérieusement, je ne pense pas que ça posera problème. Il faudra quand même une heure de théorie avant de partir pour Azarath. Ils doivent connaitre ses lois avant qu'on ne les y emmène. Un impair diplomatique serait ennuyeux, même si mon peuple est plutôt... cool. Dit-elle d'un ton légèrement plus sérieux.

Et là.
Là.
Là.

Il prononce LE nom qu'il ne faut pas prononcé. Dans LE contexte dont il ne faut pas parler.

Il sait.
Il est au courant.
Il. Sait.

Raven se fige. C'est instantané. C'est brutal. C'est sec. C'est inopiné. C'est...
Joey. Pourquoi a t'il fallu qu'il parle de ça... tout allait si bien... C'était une bonne soirée, agréable...

- Oui oui, bien sûr. Dit-elle d'une voix étouffée, en répondant à moitié à côté de la plaque.

Les yeux fixés sur la table, Rachel fait tourner la tasse entre ses doigts dans un mouvement assez rythmé, assez stressé aussi, en attendant que la serveuse lui amène un autre chocolat chaud. Et elle ne dit plus rien.

Raven lève l'index bien haut en l'air, d'un air presque moralisateur.

- Pour votre gouverne, sachez cher ami qu'il n'y a qu'un seul et unique Zbruh en ce monde, et dans les autres d'ailleurs. Il est inimitable, irremplaçable et indétrônable. Dit-elle en ponctuant sa tirade d'un sourire.

Elle a beau lancer ces mots d'un air amusé, tout au fond d'elle-même, elle n'en pense pas moins. Zbruh lui a déjà sauvé la vie plusieurs fois, il est son plus cher et loyal ami. Elle serait bien perdue sans lui, à n'en point douter.

La serveuse revient avec le second chocolat chaud et le regard de Raven s'illumine d'une manière encore plus éblouissante que la première fois.

- Offert par la maison. Dit la dame au charmant sourire, tout en déposant le chocolat chaud devant Raven, qui affiche un air presque estomaqué, comme si c'était la première fois qu'on lui offrait quelque chose de toute sa vie.

- Vraiment ? C'est très gentil, merci.

Bon cette fois ils n'auront pas droit à une envolée lyrique de tourtereaux, c'est déjà ça. Il y a du mieux.

Le regard clair de Rachel se pose sur Derek, alors qu'elle souffle sur sa tasse, visiblement pressée d'engouffrer son breuvage tout aussi rapidement que le premier. Dès ses premiers mots, ses paupières s'écarquillent légèrement. Le mot goûter a été prononcé. Mot magique s'il en est.

Cependant...

Il est bien rapidement suivi d'un concept déjà nettement moins sympa... des gens. Et si l'on parle du personnel de l'Académie entière, ça signifie... tout un tas de gens. Beaucoup de gens. Des gens et toutes les émotions qu'ils se trimballent avec eux.

- Ah euh oui... bonne idée. Finit elle par lui répondre dans un sourire, après un temps de battement peut-être un peu trop long pour la teneur de la réponse.

Il faut bien qu'elle fasse des efforts... qu'elle côtoie d'autres personnes... C'est bien pour ça qu'elle a fini par accepter l'offre de Ray de rejoindre l'Académie en tant que professeur.
Mais l'idée de devoir encore subir tout ce que les autres peuvent ressentir, surtout les uns vis à vis des autres, sans le moindre filtre ni la plus petite pudeur, réussit à balayer les prémices pourtant tellement alléchantes des propositions culinaires qu'il lui cite peu de temps après.

Et puis Joey intervient dans la discussion. Comme ça, sans prévenir, sans raison... presque.
De toutes les personnes qu'il aurait pu citer, il a fallu qu'il choisisse Joey. Alors elle se renfrogne, un peu. Se renferme sur elle même, un peu. Se plonge dans le silence, beaucoup.

Mais cela est sans compter les perceptions qui l'envahissent, et lui font redresser sèchement la tête vers lui. Bien avant qu'il ouvre la bouche, bien avant que sa main se tende dans sa direction, elle le dévisage d'une manière presque gênante tant elle est insistante.
Comment fait-il...? C'est au moins la seconde fois qu'il engendre des sentiments de sa propre volonté. Des émotions qui lui sont destinées à elle. Pour la rassurer elle. Pour la mettre en confiance elle. Pour la réconforter... elle.
Les sentiments sont quelque chose de personnel. On les éprouve pour soi, on les garde aussi précieusement pour soi parfois. Raison pour laquelle elle a toujours eu beaucoup de mal à accepter l'idée qu'elle était capable de rompre l'intimité, la pudeur de quelqu'un aussi facilement et surtout sans son consentement.

Mais là...
Mais lui...
Il le fait exprès.
Il engage volontairement des sentiments très spécifiques, parce qu'il sait qu'elle les ressentira.
On... On n'a jamais fait ça pour elle jusqu'à présent.
Pas aussi bien.
Pas comme ça...

- Je...

Ses prunelles dévient vers la main qui s'approche d'elle. Pourtant elle ne se crispe pas pour une fois. Bien que ça ne sera pas pour autant qu'elle le laissera la toucher, se réadossant le plus délicatement possible contre la banquette, pour éviter le contact tout en ne paraissant pas trop impolie, pour peu que ce soit possible...
Et si elle ne se crispe pas, c'est par ce qu'il fait en sorte de la mettre à l'aise, là aussi. Car son intention n'est ni de la contraindre, ni d'aller au bout de son geste tant qu'elle ne lui aura pas signifié son accord.

Mais...
C'est qui... celui là.

- Je suis désolée... Joey c'est... hum...

Compliqué ? Délicat ? La merde ? Les trois en même temps ?

- ...un sujet sensible. Je ne voulais pas paraître désagréable.

Elle ponctue ses mots dans un léger sourire, comme pour faire redescendre la tension qui s'est accumulée d'un coup, à l'évocation d'un simple nom.

Puis, soudain, Raven avale son chocolat d'une traite et se lève d'un bond en le dévisageant.

- Viens, j'ai quelque chose à te montrer. Dit-elle avec plus d'entrain, alors qu'elle se dirige déjà vers la sortie de l'établissement.

Après avoir salué la serveuse d'un léger mouvement de la main, elle fait le tour du bâtiment et conduit Derek dans la ruelle sombre qui la longe. Après avoir regardé attentivement autour d'eux, et vérifié qu'il n'y a personne à l'horizon, un portail d'énergie violine s'ouvre devant elle, parsemé de légères volutes de fumée sombre.

- Tu n'as rien contre le fait d'emprunter le portail des autres j'espère ? Lance-t-elle d'une voix amusée tout en lui adressant un clin d'oeil.

Et sans même attendre qu'il réponde, Rachel s'engouffre à travers le portail, qui s'effacera comme un songe irréel dès que le jeune homme l'aura traversé à son tour.

Lorsqu'ils réapparaissent de l'autre côté du portail, ils se trouvent toujours en Islande, mais bien plus avant dans les terres, des terres isolées au bord de l'océan et au sommet d'un volcan. Celui là même où Raven avait entrepris de le retrouver, une heure plus tôt.

- On ne pouvait décemment pas venir jusqu'ici sans assister au sublime spectacle des aurores boréales, non ? Lance t'elle d'une voix douce et paisible, alors qu'elle s'assoit sur la terre légèrement tiède au bord du cratère.

- Voilà Zbruh.

Sur ces deux petits mots, elle indique une troupe d'oiseaux qui semblent jouer avec les filaments bleus, verts et mauves qui ondulent dans le ciel. Il ne sera pas difficile à reconnaitre, énorme qu'il est comparé aux macareux qui lui filent le train avec l'énergie du désespoir.

Désormais plus à l'aise à ses côtés, Raven avait laissé sa capuche flotter sur ses épaules, mais ça ne sera que de courte durée. Car dès les premiers mots de Derek, avant même de les apercevoir et tandis que son regard est plongé dans le ciel si coloré au-dessus de leurs têtes, un soupire s'extirpe de sa poitrine et elle la rabat de nouveau presque sèchement sur le sommet de son crâne.

- Zbruh, emmène les macareux en sécurité. Lance t'elle au corbeau qui répond dans un croassement entendu.

Ce n'est pas comme si l'espèce n'était pas protégée en plus... Hors de question de les laisser se faire laminer par cette bande de dégénérés.

Voilà l'une des raisons pour lesquelles elle a beaucoup hésité à revenir sur terre. Il se passe toujours quelque chose... et toujours quelque chose de mauvais, par ailleurs. Des monstres, des ennemis, des envahisseurs -dont son propre géniteur, certes-... bref, la terre, c'est plutôt animé comme endroit.
Cependant... elle a des amis ici, des relations, des connaissances, de la famille aussi, en quelques sortes... donc... eh bien. Voilà.
Et puis les humains sont si fragiles, il faut bien que quelqu'un les protège. Et qui le fera... si ce n'est eux ?

Raven se relève lentement, visiblement peu pressée, en époussetant distraitement les longs pans de sa cape sombre.

- On ne nous a pas envoyé les gravures de mode de l'océan aujourd'hui. Plaisante t'elle, un sourire en coin, alors qu'elle fixe la meute enragée se rapprocher d'eux.

Raven n'a pas l'air de s'angoisser à leur présence, pas plus que Derek, si on en juge le sourire qui se dessine aussi sur son visage.

- Bien sûr. On n'a pas besoin d'eux, on s'en sortira très bien tous les deux, tu verras. Lance t'elle dans un hochement de tête, en allant dans son sens.

Et là il se.... déshabille ? Non mais vraiment ? Là, comme ça, PAF ? D'un coup ?
Raven se tourne d'un bond, rouge jusqu'à la racine des cheveux. Non mais... il pourrait prévenir au moins... Et pendant ce temps, la joyeuse troupe de bestioles dégueulasses approche de plus en plus.
Cette soirée est vraiment... improbable. Et dire qu'elle n'a même pas encore digéré ses chocolats chaud.

Elle se retourne enfin alors qu'il a revêtu sa combinaison. Les mecs... et leurs petites tenues bien moulantes. Superman est pareil. Un sourire amusé illumine de nouveau son visage alors que son regard le balaye de haut en bas. Ca lui va plutôt bien... en fait. Enfin passons.

Ses prunelles azurées se baissent vers la main tendue. Quoi... encore ? Non mais... toujours pas.
Donc non.
Non elle ne saisira pas ta main.

Non.
Non.
NON.

Surtout pas maintenant à vrai dire. Ce n'est vraiment pas le moment de se taper une violente décharge de sentiments qui ne lui appartiennent pas, aussi positifs et bourrés de motivation semblent ils être.
Alors, doucement, lentement, ses bras s'élèvent de part et d'autre de son corps, jusqu'à être parfaitement parallèles à la roche qui s'étend au-dessous d'elle. Les talons de Rachel se détachent du volcan, alors qu'elle s'élève dans les airs, aussi légère qu'une plume.

Les créatures se sont extirpées de l'eau et s'avancent vers eux à grande vitesse. Visiblement, ils ne sont pas vraiment moins à l'aise sur terre que dans l'eau. Mais Derek, lui, risquant peut être de se sentir plus en phase avec ses capacités sur terre, il convient d'attendre un peu. Un tout petit peu.

- Place-toi en dessous de moi quelques secondes, tout de suite. Recommande t'elle alors que son corps irradie d'une légère lueur violine.

L'aura pourpre brille avec plus d'intensité au gré des secondes qui s'écoulent, mais aussi des créatures de la Fosse qui ne sont plus qu'à quelques dizaines de mètres d'eux.

¤ Encore un peu... ¤

Sa voix pénètre alors dans l'esprit de Derek. Claire, limpide, comme si elle se trouvait aussi proche de lui que possible. Les créatures n'étant plus qu'à quelques mètres, et n'étant pas ce que l'on pourrait qualifier de discrète, c'est un véritable capharnaüm qui résonne désormais aux pieds du volcan.

¤ Maintenant ! Pull ! ¤

Une onde de choc se répand alors tout autour du corps de la jeune femme, se déversant sur des centaines de mètres aux alentours et envoyant valdinguer toutes les créatures qui s'étaient rapprochées à moins de dix mètres d'eux. Derek se trouvant au-dessous d'elle, pile dans l'oeil du cyclone, il ne subira rien de l'onde de choc. Il ne lui reste plus qu'à les choper en plein vol, comme le tir aux pigeons (pauvres pigeons...). Parce qu'autant une créature marine peut se débrouiller sur terre, autant dans les airs... c'est plus compliqué. Mais il faut agir vite.

Au cas où cela ne serait pas suffisant, mais aussi pour couvrir son partenaire impromptu si besoin, de lourds pans de roches se détachent du volcan et se mettent à léviter tout autour de la jeune femme, dont les yeux perçants passent de créature en créature. La première qui approche dans le dos du jeune homme, ou la première qui s'éloigne du groupe en direction de la capitale, risque fort de le sentir passer.

- Sérieusement ?! Lance t'elle d'un air presque paniqué.

Pas le temps de balayer les alentours pour vérifier s'il ne va pas devoir se trimballer en costume de super-héros jusqu'au lendemain. Bon d'un côté... ce n'est pas comme s'il n'avait pas l'habitude. Donc un peu plus ou un peu moins... mais la situation est tout de même un peu gênante.
Comme quoi, toujours se tenir prêt, ça évite ce genre de déconvenue. Comme si elle avait besoin de se mettre à poil avant de combattre. Non ? Bon bah voilà.

- Bah c'est pas grave finalement. Les petites tenues moulantes, ça ne plaît pas qu'aux mecs tu sais. Rajoute t'elle, un petit sourire en coin, alors qu'elle envoie toutes les bestioles valdinguer dans les airs.

Cadeau. De rien. C'est un plaisir. Elle en a plein d'autres en réserve juste pour toi si tu veux.

Il ne faut pas imaginer que Raven n'est pas capable d'être espiègle, de plaisanter ou de faire de l'humour plus ou moins noir. Bien au contraire... Simplement, elle est toujours mal à l'aise aux premiers contacts. Il lui faut du temps pour apprivoiser l'autre (ses sentiments, pour être parfaitement exacte) et s'apprivoiser elle-même, face à une nouvelle rencontre.

C'est la première fois qu'elle le voit combattre, et il faut reconnaitre qu'il ne manque pas de style. Pour l'heure, elle n'a rien de plus à faire que de rester vigilante, dans le cas où la situation viendrait à se renverser. Mais pour l'instant, force est de constater qu'il gère sans mal, envoyant valser les créatures des profondeurs à l'aide de... d'une sorte de... bouclier ? Oui, ça en a tout l'air.

Et puis elle les entend. Plutôt, elle les perçoit, car vu le bazar ambiant, entre les vociférations des créatures et les roches qui lévitent autour d'elle, sans même parler des vagues qui se précipitent contre les falaises un peu plus loin, s'il a besoin de lui dire quelque chose elle n'entendra strictement rien.
Alors elle a établi une liaison télépathique entre eux, par simplicité et praticité.

Sur le moment elle ne comprend pas ce qu'il fiche. Un sourcil se hausse. C'est quoi ces "Bonk" qu'il répète à tour de bras ? Puis d'un coup elle comprend. Du moins, elle croit comprendre...
Il n'est vraiment pas comme tout le monde celui là... Décidément et irrémédiablement... pas.

L'un des gros rochers qui lévite autour d'elle se brise en petits morceaux, dont certains viennent se greffer sur le bouclier d'énergie, le recouvrant bientôt comme une fine coque de pierre. Très fine, pas plus épaisse qu'une feuille de papier.

Puis Raven ferme doucement les paupières, pour faire appel à son pouvoir d'altération de la réalité. Mais elle doit rester vigilante quand elle fait appel à cette capacité, car elle découle directement de son père et de son héritage démoniaque. Derek n'a pas besoin d'un ennemi de plus à combattre. Pas un à quatre yeux, avec qui il a partagé un chocolat chaud il y a moins d'une heure qui plus est...
Alors elle se concentre, car même si ce qu'elle entreprend est dérisoire, minime, on ne sait jamais.
Assez vite, la coque de pierre se teinte de reflets métallisés, alors que la roche se transforme en un solide métal, semblant se marier parfaitement avec l'énergie qu'il recouvre, comme s'il n'en était qu'une simple extension.

- Bonk.

La voix clairement amusée de Rachel se distingue dans l'esprit du jeune homme, alors qu'elle rouvre les yeux. Si l'altération ne lui confèrera sans doute aucun avantage supplémentaire, au moins profitera t'il du bruit qui semble tant lui manquer. Quand on peut faire plaisir...

- Merde !

Raven se propulse sèchement en arrière et manque de se prendre une créature marine de plein fouet. Sur ce coup là ça n'est pas passé loin. Et voilà ce qui arrive quand on essaie de mettre un peu de fun dans un combat. On ne peut jamais avoir la paix...

Levant brièvement la paume, une roche percute violemment la créature dans le dos, l'envoyant valdinguer tout droit dans l'océan. Mais cela sera sans compter la chose gluante et absolument dégoûtante qui vient de s'enrouler autour de sa cheville, la catapultant aux pieds du volcan sans délicatesse aucune. L'impact est si fort que Raven reste quelques secondes étalée par terre, comme désorientée.

Les traits de Raven s'illuminent d'un large sourire. La joie de Derek est vraiment communicative. Il est tellement... content de son nouveau joujou. Ou plutôt, de l'optimisation bonkesque de son bouclier, qu'il le balance sur les créatures encore plus allégrement et avec encore plus de plaisir semble t'il.
Pour n'importe qui de normal -mais le sont-ils vraiment...- le spectacle risquerait d'être relativement surprenant.

Mais la joie n'est que de courte durée, quand le gros des bestioles pointe son nez au large de l'île nordique. Légèrement sonnée, Rachel discerne l'ombre de l'énorme tentacule qui s'apprête à s'abattre sur elle, alors qu'elle tente de se relever pour y échapper. Mais elle tangue, la tête lui tournant encore après le choc, et elle se prépare donc à recevoir une baffe monumentale en rassemblant ses bras devant son visage.

Les paupières de Rachel se froissent en ne sentant pas le coup attendu venir, puis se rouvrent en s'écarquillant soudainement. Entre elle et la créature... Derek.
Elle n'a pas le temps de hurler un "NON" puissant, qu'un vortex s'ouvre, happe une partie de la tentacule, puis se referme avant qu'elle n'ait la possibilité de s'en extirper pour la percuter. Bouche bée, la jeune femme dévisage le héros comme s'il venait de tomber de la lune, alors qu'il s'accroupit à ses côtés.

Alors qu'elle est toujours assise à même la pierre, Derek la fixant dans un sourire, et elle ne le fixant pas moins, mais toujours aussi décontenancée, une créature file à grande vitesse vers eux. Entre le triton et le crabe, il semble qu'il n'ait pas été gâté par la génétique celui-ci.

- Deux secondes, je suis occupée là. Dit-elle avec une sévérité qu'il ne lui connait pas -encore- alors qu'elle le toise toujours sans jeter le moindre coup d'oeil à la bestiole qui fonce avec une rage sans cesse renouvelée.

Raven lève brièvement la main, paume dirigée vers la bestiole hybride qui se prend soudainement un énorme rocher en pleine tête, ce qui l'envoie valdinguer plusieurs dizaines de mètres plus loin.

La main de Raven quitte le sol, s'élève, mais semble hésiter, si on en juge par le fait qu'elle stoppe son mouvement quelques secondes, alors qu'elle se dirigeait vers Derek.

Ca va Rachel... y a pas mort d'homme... tu peux le faire... ça ne va pas te tuer...

Saisissant un pan de sa cape, la main finit néanmoins par poursuivre son ascension, pas moins hésitante cependant si l'on en juge par le mouvement peu assuré. Délicatement, le tissu se pose sur son visage, alors qu'elle entreprend de le... débarbouiller ? Oui, il semblerait.

- Merci... Derek. Dit-elle dans un léger sourire, une fois que ses traits ont retrouvé leur couleur normale.

Ne prolongeant cependant pas le contact, même indirect, plus que nécessaire, la main couverte d'un tissu désormais poisseux se retire prestement de son visage.
Rachel se relève tout en fixant la créature tentaculaire d'un air pensif. La spécialité de Derek se sont les portails et le corps à corps visiblement. Donc... partant de ce principe...

- Tu crois que ça vole bien dans l'espace... une pieuvre ? Lance t'elle d'un air amusé en lui adressant un clin d'oeil.

Un aller simple pour le cosmos, c'est bien ça non ?
Sauf que la bestiole ne semble pas très encline à se laisser faire. Non seulement elle est énorme, mais en plus elle possède de nombreuses tentacules qui s'agitent dans tous les sens, multipliant les fronts par ce biais. Alors... dans ce cas...

- Couvre moi, j'ai une idée.

Et sans même attendre une réponse, elle se remet à léviter, mais cette fois vol directement vers la pieuvre géante en fonçant droit vers elle. Il va falloir que Derek fasse en sorte qu'aucun tentacule de la touche pendant que...

Raven se pose sur la tête de la bête et plaque franchement sa paume entre ses deux yeux. Elle a un gros cerveau la bestiole, mais... elle reste une bestiole. Ses barrières psychiques doivent être minces, voire inexistantes. Donc... partant de ce principe...
Les prunelles de Raven irradient d'une lueur rougeoyante, alors qu'elle les plonge dans les yeux globuleux relativement ragoutants du monstre de la Fosse. Son esprit pénètre le sien. Profond, toujours plus profond... Peu à peu, les tentacules ont du mal à se mouvoir. Leur mouvement semble plus lourd, plus lent, alors que la pieuvre lutte contre l'effet autrement plus soporifique que Raven distille en elle.

Fais dodo... p'tite pieuvre de la fosseuh... fais dodo...

Il a réussi. Il y est parvenu. Et ce n'était clairement pas une mince affaire que de propulser cette bestiole dans l'espace et d'ouvrir un portail assez grand pour l'y précipiter.
Mais... il a réussi. Et... au final, elle n'en avait jamais douté. Dans le cas contraire, elle n'aurait pas envisagé cette solution.

Alors elle sourit.
Lorsqu'elle admire le talent.
Lorsqu'elle observe le large portail qu'il ouvre au bon moment avec dextérité.
Lorsqu'il le referme exactement quand il faut, avec tout autant de savoir faire.
Lorsque ses muscles se bandent et qu'il est si...
...que d'un coup elle trouve qu'il est...

BREF.

Secouant vivement la tête de droite à gauche, Raven repose rapidement les yeux sur lui, une fois le calme revenu aux abords du volcan islandais. Elle esquisse un sourire. La sorcellerie n'a pratiquement aucune limite. Alors... partant de ce principe, créer une sphère d'oxygène afin de respirer sous l'eau est de l'ordre du premier niveau des cours qu'elle enseigne à ses élèves. Mais... inutile de le lui dire.
Alors se contente-t-elle d'acquiescer à ses mots en silence.

Il s'affale sur le sol, épuisé. Bien compréhensible après toute l'énergie qu'il a déployée. Ses deux principales techniques de combat, d'après ce qu'elle a pu voir aujourd'hui, sont l'ouverture et la fermeture de portails dimensionnels et le combat physique. Dans la mesure où elle maîtrise également cette première capacité, même si elle ne l'emploie pas de la même manière que lui, elle a conscience qu'ouvrir et fermer des portails à répétition est excessivement éreintant.
Pas étonnant qu'il soit complètement vidé, le pauvre...

CROAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA

Rachel lève les yeux vers le ciel sombre, tandis que Zbruh revient vers eux à tire d'ailes avec toute une tripotée de Macareux sur les basques. Visiblement, tout ce petit monde s'est échappé à temps de la zone du combat et va bien.

Le temps qu'il les rejoigne, Rachel repose les yeux sur Derek et ses sourcils se haussent légèrement.
Rencard ? Ses paupières battent plusieurs fois une mesure imaginaire, tandis qu'elle le dévisage comme s'il tombait de la Lune. Un rencard ? C'en était un ? Vraiment ? Mais... il ne la connait pas. Enfin... du moins ne s'étaient-ils croisés que très peu avant.

Dans ce genre de cas, Rachel a tendance à ne pas y croire. A ne pas vouloir y croire plutôt. Parce que... bah parce qu'elle a toujours du mal à envisager sérieusement la possibilité que l'on puisse s'intéresser à elle. Même lorsque Joey lui a fait part de ses sentiments, du moins... pas directement mais suffisamment clairement tout de même, elle a eu du mal à l'envisager, alors que leur passif est nettement plus important que celui qu'elle entretient avec Derek.
Alors imaginer que "lui", puisse s'intéresser à "elle". Forcément... elle aurait du mal à l'envisager sérieusement.

"Aurait".
Oui.
Car...
Cet homme là... ressent bien trop fort.
Alors si elle s'acharnait à douter, on ne pourrait qualifier cette attitude que d'une seule façon, et ça s'appelle le déni.

Alors elle le regarde, elle le dévisage. Un peu surprise. Un peu gênée. Mais il y a aussi un sourire. Un sourire amusé qui l'observe s'embourber dans la vase qu'il a engendrée tout seul, comme un grand.
Bien sûr que si Derek. "Rencard", c'est bien le mot que tu voulais employer.

- Un peu oui. Lui répond elle en finissant par éclater franchement de rire lorsqu'il lâche d'un air mi-amusé, mi-dépité qu'il s'enfonce tout seul "hein".

Mais ce n'est pas grave. Qu'il continue de s'enfoncer... c'est mignon, c'est gentil, c'est... agréable.

CROAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA

- Ah ! Derek, je te présente Zbruh. Lance-t-elle quand le corbeau se pose sur son épaule.

Evidemment, le corbeau se met immédiatement à fixer Derek avec une certaine insistance.
Rachel lui jette des regards un peu anxieux. Zbruh... c'est pire que le pire des grands frères, dans un sens. Il a une sainte horreur de la majorité des hommes qui approche Rachel de près ou de loin, et peu sont ceux à entrer dans ses bonnes grâces.
Elle sait qu'il est déjà en train d'analyser et de détailler Derek, et elle n'est vraiment pas à l'aise à l'idée qu'il puisse le rejeter. Vraiment pas...

- Derek, je dois te prévenir qu'il est possible qu'il...

Trop tard. Le Corbeau s'envole de l'épaule de la jeune femme pour se poser comme un roi au sommet de la tête de Derek, dont il piétine le masque de ses serres sans la moindre délicatesse.
Rachel esquisse une moue tout aussi gênée que crispée. Verdict...

CROAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA

Le soupir de soulagement qu'elle extirpe à ce moment n'a absolument rien de discret, alors qu'elle repousse sa capuche sur ses épaules.
Zbruh délaisse le crâne qu'il piétinait jusqu'alors, pour se poser à même le sol, alors qu'il case quelques petits coups de bec légers sur le dos de la main du héros.

- Félicitations monsieur. Vous avez adopté par la Team Zbruh ! Dit-elle en levant le pouce, tout en lui adressant un clin d'oeil.

On se gardera bien de dire à Derek ce qu'il se serait passé si le Corbeau l'avait rejeté. Oui. Nous garderons ça pour nous.
Et comme si le clairon de Zbruh sonnait la charge, voilà que toute la tripotée de Macareux saute sur Derek, comme pour sceller définitivement l'accord tacite qui vient d'être conclu entre eux, et surtout pour... jouer. Ce qui provoque un éclat de rire chez Rachel, qui finit par s'assoir sur le sol, les larmes aux yeux, tant elle rigole devant cette improbable scène.

Rachel fixe les macareux qui s'acharnent sur Derek, pour leur plus grand plaisir et son plus grand déplaisir à lui, tout en riant à gorge déployée.
Quelle journée improbable. Un peu déroutante, et pas uniquement à cause de l'intervention inopinée des créatures marines.

- Oui, c'est à peu près ça.

Elle confirme entre deux éclats de rire, une larme allant jusqu'à perler dans son oeil.
Sur le moment elle n'y prend pas garde. Sur le moment elle ne s'en rend pas compte. Mais... depuis combien de temps n'a-t-elle pas ri aussi légèrement, aussi spontanément, comme si... comme s'il n'y avait pas le moindre souci à l'horizon ?
A vrai dire... si l'on ne peut pas non plus estimer que la vie de Rachel est un drame perpétuel qui ne cesse de se renouveler, la famille qui est la sienne et les pouvoirs dont elle est dotée, ne sont pas pour lui faciliter l'existence, c'est évident.

Mais à cette minute plus rien n'existe. Pas de problèmes. Pas de danger. Pas de peine ou de douleur.
Juste l'amusement de la scène. Juste cette tripotée de macareux toute joyeuse qui veut jouer avec un super-héros comme s'il était leur propre compagnon.
Rien d'autre... que ça. Et... ça fait du bien, en fait. Vraiment... du bien.

D'un croassement bien senti, Zbruh rappelle la troupe de macareux à l'ordre, afin de laisser le jeune homme respirer un peu. Libéré de cet encombrant envahissement de plumes, c'est à ce moment que Derek choisit de faire un compliment à Raven.
Un compliment que son rire a empêché d'anticiper, trop occupée qu'elle l'était à gérer le flux impromptu de cette étonnante et joyeuse émotion qui enserrait sa poitrine.

L'effet est immédiat.
Son dernier éclat de rire est stoppé net, refoulé dans sa gorge, et Rachel s'étouffe comme si elle venait d'avaler quelque chose de travers. Toussant à plusieurs reprises, la jeune femme devient aussi rouge qu'une tomate bien mûre. Tout autant à cause de sa toux, que via le gentil compliment qu'il lui adresse.

- C'est... euh... je... ah... merci.

Elle balbutie d'un air un peu pataud, alors qu'elle rabat brutalement sa capuche au-dessus de sa tête, comme si celle-ci allait contribuer à masquer un tant soit peu sa gêne du moment.
Rachel reste quelques secondes à fixer le bout de ses chaussures, ne sachant pas trop quoi dire pour interrompre le silence vraiment gênant qui est en train de prendre ses marques, puis, finalement, elle ouvre un large portail auréolé d'une énergie violine.

- Tu as ouvert trop de portails pour aujourd'hui. Celui-ci te ramènera chez toi. Dit-elle en trouvant enfin le courage nécessaire pour relever la tête, alors qu'elle lui adresse un doux sourire.

- C'était vraiment... sympa. Même avec les... hum... monstres. Merci de m'avoir amenée ici Derek. Commence-t-elle d'une voix légère. Repose-toi d'accord ? Et puis on se tient au courant pour voir quand on organise notre cours commun.

Rachel le regarde s'enfoncer et disparaitre au travers du portail, qui se referme instantanément derrière lui. Elle ne rentrera pas immédiatement à sa suite. Elle décide de prendre un peu de temps pour contempler l'aurore boréale qui illumine le ciel au-dessus d'elle. Alors elle s'assoit tranquillement à même la pierre, tandis que Zbruh marche de son pas mal assuré jusqu'à elle.

CROAAAAAAAA

Rachel tourne le visage dans sa direction, esquissant un sourire.

- Oui, il est gentil c'est bien vrai. Esquisse-t-elle alors que sa main caresse délicatement la tête de l'oiseau.