Villégiature en Atlantis (Mera)

J'étais de retour sur Terre après quelques crochets obligatoires.
Le premier, indispensable, dans la bulle d'univers qui renfermait la Source.

Elle m'avait envoyé dans un passé très lointain afin de contrecarrer les plans d'invasion d'un certain Uxas, fils de Heggra, qui deviendra par la suite Darkseid, maître incontesté d'Apokolips.
Enfin incontesté est un bien grand mot soit dit en passant vu le nombre croissant de prétendants au trône.

J'avais donc participé à une bataille mémorable entre les forces de ma planête mère et une pleïade de peuples et de "dieux" de l'époque.

Cette bataille à laquelle Atlantis avait participé était immortalisée dans la capitale du monde marin, sur les murs d'une immense salle en forme de coupole dissimulée sous le palais royal.
(si vous voulez des détails, allez voir là : sous l'eau)

J'y avais fait la connaissance de Mera, actuelle souveraine de ce peuple et récupéré au passage une boite-mère, la boite-mère du fameux Uxas qu'il avait perdu lors de sa retraite précipitée.(pour ne pas dire débandade)

J'avais promis à la reine de lui faire parvenir un moyen de me contacter afin de rembourser la dette que j'avais contracté envers elle et finalement décidais de la livrer moi même à domicile.

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Ouvrir un Boom-tube sous l'eau ne pose aucun problème en soit, retenir le poids de plusieurs tonnes de liquide n'est pas plus difficile que de retenir une atmosphère face au vide de l'espace.
Non, le plus gros problème est l'adaptation du transféré à la pression dans laquelle il se trouvait confronté.

C'est un peu comme plonger dans une sorte de mélasse qui vous empêche de vous mouvoir normalement.
Mais ce genre d'inconvénient est vite surmonté par un Neo-dieux, juste quelques instants d'une hésitation musculaire vite compensé par la technologie et une biologie hors norme.

Le vortex se refermait déjà derrière moi que je reprenais une agilité quasi normale aidé en cela par mon harnais qui couvrait une grande partie de mon torse, tel un corset d'or et d'erain.

J'avais programmé mon point de chute pour arriver bien à l'écart de la grande ville d'Atlantis afin de prendre le temps de m'adapter et d'éviter d'avoir une petite armée pour m'accueillir.

C'est donc nonchalant que je me mettais en route, nageant/volant grâce à mes pouvoirs divins comme tout à chacun chez nous, mon petit paquet dans la main.

J'arrivais ainsi aux portes d'Atlantis devant lesquelles je me posais doucement.

Les gardes étaient préparés à mon arrivée, sans doute prévenus par quelques dispositifs et par les guetteurs des tours.

Armés jusqu'aux dents, pointant leurs armes dans ma direction, ils firent un demi-cercle entre moi et la porte fermée pour l'occasion.

Pourtant, certains devaient maintenant reconnaître mon armure, mis à par le harnais qui l'agrémentait maintenant, et ma tête n'avait pas changé, mis à part mes yeux qui avaient repoussé sous les pinces expertes des incubateurs de la Source.

Je levais ma main libre en signe de paix.

Hè les gars (bloup bulles) ! Je viens en paix!(re bulles) J'ai un paquet pour la reine Mera… (et encore des bulles)

C'est vraiment la plaie au début quand vous voulez parler sous l'eau, tout l'air contenu dans vos poumons ne pense qu'à une chose, se barrer et faire de gros bouillons qui sont autant de gros mots pour ceux d'en-dessous, enfin surtout la preuve que vous venez du dessus, donc que vous êtes à priori très suspect.

Du coup les piques se rapprochent menaçantes et les bras se crispent.

Heureusement, le capitaine a plus la tête sur les épaules, c'est sans doute une des raisons pour lesquelles il est gradé.
Je vois son front se plisser puis une lueur éclairer sa face. Il vient de me reconnaître on dirait.

- Repos ! Cet homme est connu, c'est Orion de New-Genesis qui a combattu avec nous et la reine lorsque nous avons été attaqués par les armées des morts ! Retournez à vos postes ! Je m'en occupe !

Grand soulagement général, les troupes font demi-tour et repartent dans leurs postes respectifs alors que le gradé fait quelques pas supplémentaires vers moi.

Il est grand, mais je le dépasse de deux bonnes tête, donc, pour équilibrer un peu le rapport de force, il se soulève du sol et reste suspendu pour avoir nos faces au même niveau.

Je le vois s'étonner et il ne peut s'empêcher de s'esclaffer, passant presque à la suspicion :

- Vos yeux ! Vous avez retrouvé vos yeux ! Quelle magie est-ce là !

Que faire d'autre que les lever au ciel, enfin vers la surface et de soupirer, ce qui vide enfin totalement mes poumons ? Fini les bulles !

J'ai payé le prix pour qu'on me les rende ... C'est de la technologie, pas de la magie mon gars ...
Je suis revenu pour tenir une promesse faite à ta reine ... Mènes-moi à elle, veux tu ?

L'officier me regarde de biais une dernière fois, fixant mes yeux bleus-roi, puis fait volte face et se met en marche vers la cité.

En passant sous l'arche de la grande porte, il fait signe à des soldats qui viennent se positionner derrière nous en bon ordre. Sécurité-sécurité !

Bon, je vous passe le trajet jusqu'au palais, les palabres entre les différents corps armés et mon guide, bref, le genre de trucs qui vous gavent vite et dont vous n'avez qu'une seule envie, vous en passer.

Mais je reste sage, regardant de droite et de gauche en avançant dans la foulée de l'officier, le suivant dans ses bonds d'une travée à l'autre aussi aisément que si j'avais été du coin depuis toujours.

C'est assez saisissant par endroits, on se retrouve au milieu d'une foule occupée à des affaires totalement communes qui nous dévisage un instant avant de reprendre ses activités puis on passe par des coins où il n'y a pas un poisson-chat, même pas une crevette ...

Enfin, une dernière volée de marches, un dernier corps de gardes auquel me confie l'officier avant de retourner à son poste, j'entre dans le palais par la grande porte.

On s'arrête au milieu d'une salle au fond de laquelle il y a une majestueuse porte fermée gardée par des soldats bien plus grands et costauds que ceux rencontrés jusque là et celui qui m'a en charge se met à gueuler d'un coup de là où on est.

- Orion de New-Genesis demande audience à sa majesté !

Un petit bonhomme en toge sort de nulle part, fait un signe de la main et entre-baille un ventail puis disparaît ...

Je n'ai qu'une envie, bousculer tout ce beau monde et ce protocole et aller m'annoncer moi même pour gagner du temps ...

Mais bon, quand on vient en ami, on ne fait pas cela ...

J'en viens d'ailleurs à regretter de n'avoir pas suivi mes premières idées, ouvrir un Boom-tube directement dans le palais ou passer par une fenêtre en douce ...

Mais là encore, cela aurait été que retards et tracasserie si je n'étais tombé immédiatement sur la rouquine ...

Donc, prenant un air dégagé, j'attends ...

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Il ne faut pas longtemps pour que le petit gars en toge revienne et nous fasse signe d'avancer.

Alors que nous avançons donc en bon ordre l'officier devant, moi puis la piétaille, le battant s'ouvre un peu plus et une volée de dignitaires en surgit plus ou moins précipitamment pour s'égayer par petit groupe vers la droite et la gauche.

Ma venue aurait elle écourté une réunion de plus ou moins grande importance qui ne semblait pas avoir eu les aboutissements voulus par la plupart des dynastes présents.

C'est tout du moins l'effet que je devinais dans leurs attitudes, leurs mines et leurs chuchotements ayant eu l'expérience de l'espionnage de la cours d'Isaya et de ses conseils ...


Tous pareils les coryphées, ils croient détenir le pouvoir et font une tronche jusqu'aux pieds quand on leur rappelle qu'ils ne sont que des loufiats.

Mais si j'étais elle, je veux dire la reine Mera, il y en a certains dont j'écourterais le manda ...
Ca sent bon la révolte et le régicide pour certains ...

Mais bon, je cesse de penser à tout cela au moment où l'officier s'arrête devant moi à quelques pas de la grande porte toujours ouverte, s'écarte puis rebrousse chemin en invectivant ses hommes à le suivre.

Les deux grand guerriers qui montent la garde ne me regardent même pas, du coup, avec leur accord tacite, je passe.

Changement de décors, c'est beau, c'est riche, mais c'est surtout fonctionnel ici. Par contre il n'y a personne de visible ...

Je fais quelques pas, entends la porte qui se ferme discrètement derrière moi, et je la vois enfin, à l'extérieur, appuyée sur la rambarde d'un vaste balcon.

La séance a dû être chaude si elle est sortie s'aérer ainsi.

C'est une des raisons pour lesquelles monter sur le trône d'Isaya ou tout autre ne me tentait guère.

Sûr que si j'avais été à sa place, c'est les sbires qui auraient pris le balcon et bien au-delà !

Mes pensées sont cependant vite dérivées vers d'autres moins protocolaires en la voyant ainsi de dos se découper sur le paysage. Jolie femme où tout était parfait à la place où c'était.

Le son de sa voix me fait légèrement sursauter intérieurement, comme un ado pris la main dans le sac, ou plutôt les yeux un peu trop licencieux.

Heureusement, ma propre voix ne reflète pas le trouble qui m'a traversé quand je lui réponds.

Quand je promets quelque chose, il en faut beaucoup pour que je ne tiennes pas parole ... C'est juste que j'ai eu quelques contretemps ...

En général, je n'aime pas parler à quelqu'un de dos ou à une porte fermée, mais là, cette règle est totalement oubliée.

Quelques instants plus tard, elle se retourne, me faisant penser que je ne perdais rien en plaisir à contempler le côté face plutôt que le côté pile.

Son oeil acéré remarque immédiatement mes nouvelles mirettes ...

C'était le but de mon voyage, souvenez vous, bien que finalement, ...

Je reste sans voix quand elle s'élève du sol et plane jusque devant moi avec une grâce et une aisance royale.

Tout est magnifiquement harmonieux chez elle, pourtant, ...
Je remarque un plis soucieux qui barre son front malgré cette façade qu'elle affiche enjouée pour m'accueillir ...

Finalement, ... Ils m'ont été rendus d'une façon différente à celle que j'attendais, ce ne sont pas ceux que j'avais, juste de nouveaux qui ont repoussé.
Heureux de vous revoir Mera Dis je enfin en m'inclinant également en réponse à son salut.

Et puis j'avais ceci à vous donner comme je l'avais également promis ...

Je lui tends le petit paquet, une simple étoffe liée à la façon d'une bourse abritant le fameux contacteur. J'avais voulu faire quelque chose de propre et de décoratif, et finalement, j'avais trouvé l'idée en un souvenir d'un bas relief de Poseidonis.

C'était une miniature d'à peine 8 cm représentant un dauphin semblant taillée dans une roche cristalline bleue nuit pailleté d'étoiles d'or.

Il suffira de le toucher et de penser mon nom ou de le prononcer pour que je sois averti où que je sois ...
J'arriverai alors aussi promptement que je pourrai suivant l'urgence que vous mettrez dans votre appel.

Je hoche la tête d'un air entendu et espiègle ensuite .

Et si il faut apporter du vin ou quelques gâteries ...
Ajoutez les ensuite à l'appel, je me ferai un plaisir de les amener également.

Si vous l'aviez eu aujourd'hui, c'est ce que j'aurais fait pour vous remettre de cette séance qui m'a semblé être houleuse ...

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Ce n'est pas sans un certain plaisir que je vois que mon petit "cadeau" a fait son effet.
On dirait une petite fille à qui ont vient de faire le présent dont elle rêvait secrètement, enfin presque.
Ses yeux pétillent quand elle les relève sur moi et quelques instants, le plis soucieux qui barrait l'arrête de son nez disparaît.

Ramenez moi du chocolat et je serai la plus heureuse !

Du chocolat ! Voilà comment on séduit ou on soudoie une reine !?! Avec du chocolat ?!?

Un sourire entendu s'esquisse brièvement sur mes lèvres, mais s'estompe en voyant la mine de Mera s'assombrir à nouveau avant qu'elle ne face volte-face et n'aille s'asseoir sur les marches de l'estrade où était son trône.

Je trouve alors touchante sa façon de poser délicatement le petit poisson à côté d'elle alors que je m'approche.

C'est le ton de sa voix qui m'alertèrent et l'empathie que j'avais développé avec les humains qui me firent ressentir le trouble, presque un désarroi, une angoisse, qui la submergeait à ce moment là.

Ne sachant pas de quoi il retournait, je suis suspendu à ses lèvres, fort jolies soit dit en passant, et la laisse s'épancher.

Mais elle coupe subitement court, secoue la tête, et, se composant une façade plus avenante à laquelle je ne suis pas dupe, elle me propose d'accomplir à son tour la promesse qu'elle m'avait fait lors de notre précédente séparation ...

J'en dis que je n'attendais que cela en fait, mais peut-être que le moment est mal choisi ?
A moins que de faire découvrir votre belle cité ne vous fasse oublier quelques temps vos tracas ?

et ne vous donne l'occasion de m'en toucher quelques mots pensais je par devers moi ...

Je serai de toute façon très honoré à déambuler aux côtés d'une aussi estimable et charmante hôtesse ...
La dernière fois je n'ai pas vraiment fait attention au décors, plutôt à ce qui l'enlaidissait ...

Par quoi commençons nous ?

Mon ton se veut léger et désinvolte mais mes questions me brûlaient les lèvres.
Je me contrains à la patience, chose très ardue pour moi au demeurant, car contre nature.

Visiter Atlantis, peut-être goûter à quelques spécialités ? Un peu de vacances au milieu de mon propre chaos, et à priori du sien ... Essayer à ce que quelque chose en sorte de positif en prime ?

Que pouvait être ce qui la perturbait ainsi ?

Il me fallait attendre pour avoir un semblant de réponse, attendre le bon moment et son bon vouloir, et, proposer mon aide si besoin.

Passez devant, je vous suis et suis votre obligé ...

Faisant un pas de côté pour dégager le passage vers la porte, je m'incline respectueusement.

Quand le roi est soucieux, c'est le rôle du fou de faire l'idiot pour lui alléger le coeur.

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C'est curieux comment peuvent être des dirigeants, reines, rois, présidents, impérators ou tout autre haut responsable d'un peuple ou d'un monde quand l'envie ou le devoir les amènent à se rendre parmi leurs sujets.

Certains ne sortiraient pas sans une cour ou une escorte armée, et d'autres aux antipodes comme Mera, se délivrent de leurs apparats pour ne paraître que comme quelqu'un de commun.

Une fois débarrassée de sa couronne, lorsqu'elle se tourne à nouveau vers moi, ce n'est plus une reine soucieuse que je découvre mais une jeune femme, fort jolie soit dit en passant, dont on vient de soulager d'un grand poids.

Lorsqu'elle passe devant moi, altière mais décontractée, méconnaissable vis à vis de la fonction qu'elle occupe, de la charge qu'elle qui pèse sur ses épaules, je ne peux être qu'admiratif.

Sans compter que ce genre de "virée incognito" semble être commune pour elle.

Un bon souverain doit être près de son peuple et à son écoute disait Izaya, Mera était sans doute de cette trempe là ...

"J'espère que vous avez faim parce que j'ai beaucoup de choses à vous faire goûter !"

Là, je souris à mon tour avant d'acquiescer.

Goûter aux saveurs locales est déjà la promesse d'une excellente destination et je vous suivrai jusque dans les ruelles les plus sombres avec la promesse de régaler mon palais ...

Nous nous mettons donc en marche, il ne me faut qu'agrandir un peu ma foulée pour me porter à ses côtés puis à mesurer mes pas pour garder nos trajectoires de concert.

Cependant, je garde toujours à l'esprit de savoir lui faire avouer ce qui la tracasse actuellement tout en écoutant ses indications ou commentaires sur ce qu'elle me fait découvrir, enfin redécouvrir en fait.

Car effectivement, ce n'est pas la première fois que je me promène dans cette belle cité, même si effectivement, la première fois où j'y suis venu, c'était pour notre première rencontre d'il y a peu pour elle ...

Lorsque la Source m'a envoyé dans un passé lointain, immortalisé dans les fresques parant les murs d'une salle sous le palais royal, salle oubliée que Mera ne connaissait pas elle même avant que nous nous y rendions, je fis plusieurs séjours ici en tant qu'ambassadeur extraordinaire.

Tout ceux qui connaissent l'histoire, ou la découvrent, ne voient que le jour de la grande bataille contre l'armée d'invasion venue d'Apokolips du temps du grand roi Orin.

Mais moi, je sais aujourd'hui qu'une planification de grande envergure avait précédé ces jours glorieux, joyeux et funestes à la fois.

J'avais fait la navette entre les différent camps, à cette époque peu enclins à une alliance, avertissant les uns et les autres de la venue d'une grande armée, ce dont ils se doutaient déjà un peu vu les échauffourées qui avaient lieu depuis quelques temps avec des contingents de Paradémons envoyés en éclaireurs un peu partout sur la planète et les oracles qui prédisaient la venue d'un conquérant sans pitié.

Cela mis plusieurs mois, me permettant de faire quelques séjours dans Poséidonis, d'abord reclus dans le palais, puis avec guide et escorte en ville et enfin totalement libre car ayant obtenu la confiance quasi absolue du roi.

En fait ce fut chez les Amazones, où j'ai connu la mère de l'actuelle Wonder-woman qui était alors une enfant, que ce fut le plus difficile. Un mâle libre chez elle était une exception ... Et j'en fus une également là-bas, même si aujourd'hui, cela est très peu divulgué et documenté.

Pour les divinités grecques, ce ne fut pas non plus une partie de plaisir, ils sont prétentieux et ne connaissent que la puissance, ce dont je dus faire une démonstration qui me valut une certaine inimitié de certains hellènes ... Et du coup, les faveurs d'autres ...

Bref, ce n'était pas ma première fois et quand elle m'avait parlé de ces petits plats locaux, le souvenir récent de leur goût avait aiguillonné mon appétit.

Cependant, je garde toujours une attention active de ce qui m'entoure même si mes pensées dérivent un peu vers ces événements.

Je constate que même dépourvue de ses attributs royaux, Mera est reconnue par tous, respectée et appréciée, et qu'elle rends à ses sujets courtoisement leurs saluts déférents tout en leurs signifiant qu'elle est là à titre privé et anonyme. Une belle leçon d'humilité que beaucoup de dirigeants devraient recevoir plus souvent.

"J'aimerai tellement que vous puissiez voir toutes ces couleurs... c'est magnifique..."

Là je souris franchement, et je lui réponds d'un ton badin :

Oh, depuis que j'ai recouvré mes mirettes, les couleurs, c'est pas ce qui me fait défaut, j'en vois autant que quiconque et sans doute même plus ...

Chez les humains et bon nombre de créatures, les scientifiques estiment qu'en moyenne qu'elles peuvent faire la distinction entre plus d'un million de couleurs différentes, mais cette faculté varie d'un individu à l'autre.

Pour nous, Néo-dieux, cette perception peut aller à plusieurs centaines de millions de nuances.

Cependant, nos cerveaux on la faculté d'édulcorer tout cela pour ne pas surcharger nos petites cellules cérébrales, laissant à notre volonté le choix d'affiner ou non la palette détectable.

Ayant toujours à l'esprit d'en savoir plus sur ce qui tracassait Mera, je cherchais à la détendre assez pour qu'elle en vienne à se livrer d'elle même, mais ce faisant, je me prenais à mon propre stratagème.

Je venais de livrer une information sur les miens que peu connaissent, et devais encore me "vendre" l'instant suivant quand nous arrivons devant l'étal d'un marchand de nourriture comme il y en a un peu partout.

Cette pratique me rappela l'Italie, surtout Venise où j'avais traîné mes guêtres quelque fois par le passé.

A tous les coins de rues on pouvait trouver des échoppes souvent munies de roues et surmontées d'une toile pour le soleil, parfois des tabourets hauts, où on pouvait s'installer et manger une bricole et boire un coup tout en conversant avec des inconnus en mal d'une pause.

Lorsque j'étais venu à Poséidonis, il y a quelques semaines pour moi et bien plus à ce jour, j'avais écumé la plupart des vendeurs d'ici, devenant presque un habitué.

Mon péché mignon était une sorte de crème de crustacé enveloppée dans une ou plusieurs feuilles d'algues différentes, un peu comme des rouleaux d'été vietnamiens.

Généralement quand on titille une faiblesse de ce type chez quelqu'un, son attention s'estompe et on le conduit à la faute, je ne fis donc pas exception surtout que je n'étais résolument pas en milieu hostile n'est ce pas ?

Moi, je suis fan des {équivalent en atlante de ces fameux rouleaux d'été évoqué précédemment}, il y en a ? ...

Sans me rendre compte de ma bévue, qui n'en est une que si j'avais une couverture à tenir en fait, je me penchais et cherchais activement mes cibles.

Le gars me regarda le sourcil froncé, sourit à pleines dents et plongea les mains sous son comptoir déjà bien chargé pour en ressortir un plat entier de cet entremet si exceptionnel.

Je reconnais un connaisseur quand il vient chercher une douceur qu'il me lance en me tendant le plat pour que je me serve, la mine réjouie.

Comme un enfant à qui le confiseur autorise de se servir dans un plat de bonbons, j'en prends de chaque main entre l'index et le pouce et j'approche une de mes prises de mon nez pour la humer avec délectation.

Même odeur, enfin presque, on sent quand même un peu l'altération de l'environnement du fait de l'activité des surfaciens par rapport à ceux que j'ai englouti dans un passé proche et lointain, mais la texture et l'odeur est comparable tout de même.

Je ferme les yeux lorsque je porte le premier à ma bouche pour en croquer la moitié et m'en délecter avec force de "Mmmm ..." d'accompagnement.

Je rouvre finalement les yeux et regardant le gars que je ne peux que le féliciter pour sa composition.

Ils sont excellents ! Tout à fait dans la tradition ! Bravo !

Le gars reçoit le compliment en ayant l'équivalent d'un rosissement chez un atlante mais je le vois dévier tout à coup son regard vers ma gauche, là où se trouve Mera, et pâlir en une seconde.

Du coup de me tourne vers elle et je la découvre avec cette figure fermée qu'elle avait à notre première rencontre ...

Quoi ?

J'avais dis quelque chose de mal ? Il est interdit de féliciter le Maître-coq pour son plat ici ? Pas que je sache, enfin vu le temps passé, je crois pas ...

Alors quoi ?!?

Le deuxième rouleaux reste suspendu à quelques centimètre de ma bouche entrouverte pour l'engloutir et mon sourcil remontant au-dessus d'un regard interrogateur vis à vis de Mera pose la question qui ne franchit la barrière de mon esprit embrumé par le plaisir culinaire qu'avec difficulté ...


Qu'est-ce qu'il y a ? J'ose articuler avec une voix plongeant dans les abîmes de l'incertitude ...

"Vous êtes donc un connaisseur ... Intéressant..."

Oups !

Celui qui devait détendre l'autre pour le faire s'épancher se serait-il trop détendu lui même ?
Je crains bien que oui ...
La scène devait être cocasse, un petit bout de femme regardant soupçonneusement un géant qui la dépassait de plus de deux têtes avec un air bien embarrassé sur le visage ...

Mera paye, ce qui me fait penser qu'il allait falloir quelques monnaies du coin si je voulais plus tard revenir piller quelques marchand de victuailles et boire une pinte ou deux de ce qui servait de bière ici dans un troquet, puis après une hésitation que je mets sur le compte de ma bévue et des pensées et interrogations qui devaient fourmiller dans son cerveau.

D'ailleurs elle va droit au but en m'exposant ce qu'elle a déduit de ce simple mot désignant une spécialité locale et coupe court à toute explication fallacieuse que j'essayais déjà de trouver.

Elle me fait signe de la suivre d'autorité, la reine est revenue à la surface, mais surtout une femme plus ou moins dans des humeurs ombrageuses, ce qui est presque pire.

Je lui emboîte le pas sans rechigner, avalant le deuxième rouleau qui me valut d'être démasqué, puis, la regardant de trois quarts, je n'ose m'aventurer tout de suite à me porter totalement à ses côtés comme auparavant, je l'observe du coin de l'oeil tout en cherchant frénétiquement une explication à ce qui est inexplicable ... Du moins pour un non initié.

Je la vois chercher de droite et de gauche, sans doute pour trouver un endroit plus isolé et intime, histoire de me passer un savon plus corsé que ces petits reproches polis qu'elle s'était permise devant le boutiquier.

Je cherche donc moi aussi, et, en bon touriste, me souviens d'une ruelle qui donne sur une placette entourée d'alcôves ombragées où j'avais découvert un soir qu'elle était le rendez-vous des amoureux non officiels, des jeunes en général de milieux souvent différents ou des enfants de la noblesse que les conventions ne destinaient pas à être ensemble.

Un aire de badinage en somme, où ils étaient à l'abris des regards des uns et des autres tout en pouvant garder un oeil sur les issues des fois qu'une parentèle irritée viendrait à venir les déloger.

Je la prends donc par le bras et la tire doucement mais fermement vers ce lieu, la lâchant rapidement pour ne pas encourir ses foudres ou donner à moudre à des rumeurs urbaines.

Une petite fontaine d'eau douce faisait du bruit en son centre, assez pour masquer les éclats de voix ou les murmures passionnés des visiteurs.

Ici, nous pourrions parler sans être dérangés, du moins ni écoutés ni surpris.

Je l'attire dans une des alcôves et me colle le dos au mur afin de la voir et d'observer les alentours comme il se doit.

Il n'y a personne à cette heure, juste un quidam ou deux qui passent, reluquent dans notre direction de loin puis continuent leur chemin.

De dos, Mera peu être prise pour n'importe quelle rouquine d'Atlantide, le roux y est dominant ...

Quant à moi, je suis presque inexistant alors ...

Je me râcle la gorge, puis je me lance, ayant décidé que la vérité valait mieux qu'un mensonge mal fait, même si elle pouvait être aussi incroyable ...

Bon ...
Je vous dois au moins le respect et la vérité, effectivement, je suis déjà venu plusieurs fois ici ...

C'est déjà un bon début, poursuivons ...

La première fois c'était lorsque vos gardes m'ont amené à vous et que nous avons combattu les paradémons ...

Je la vois s'agiter et entrouvrir la bouche, une si jolie bouche, mais je ne lui laisse pas le temps de prononcer un mot quel qu'il soit, je lui mets mon index en travers verticalement une seconde puis je le retire immédiatement en me rendant compte que cette façon peu protocolaire d'agir, comme je le faisais avec Bekka.

Après mon départ, il y a donc quelques semaines, j'y suis revenu plusieurs fois en mission protocolaire, pour rencontrer le roi Orin.

La vérité en douceur, c'est pas évident, surtout quand elle est aussi fantastique suivant les concepts communs.

Cette fois, j'interromps ses envies d'exprimer ses doutes en interposant simplement mon poing index dressé entre nous.

En fait, je suis d'abord rentré chez moi, comme prévu, mais là, j'ai découvert que mon père adoptif venait d'être assassiné et un puissant parmi mon peuple a perdu la boule et voulait une fois de plus tout anéantir.

Comme je ne suis pas du genre à rester les bras croisé, et que j'étais plus ou moins dans une rogne noire, j'ai foncé, nous nous sommes battus, et au moment où j'allais le réduire en cendre, un portail s'est ouvert devant moi et m'a intercepté.

Petite pause, le temps de faire un résumé acceptable pour Mera.

C'était la Source, une entité qui nous a plus ou moins créés et qui mène la barque en coulisses depuis des milliers d'années qui m'a fait venir.

Elle m'a rendu mes yeux, m'a dépouillé de la plupart de mes pouvoirs et outillages et m'a envoyé dans le passé pour aider à la défense de la Terre contre Uxas.

Vous vous souvenez la fresque dans la salle sous le trône, le gars au milieu des amazones, et bien, c'était effectivement moi ...

Mais quand nous l'avons découverte, je ne le savais pas encore, quoique quelques détails que j'avais passé sous silence m'ont mis la puce à l'oreille ...

Tout à coup, un grand poids s'en est allé de dessus mes épaule et me décontractant, je soupire et me redresse.

Voilà, en gros, c'est tout ...
Si vous avez des questions ... Pas de problème.
Je ne mens pas.

Comme je m'y attendais, il y eut un grand silence.

Par contre, je ne savais s'il était annonciateur d'un folie furieuse, de reproches ou d'une volée de questions ...

Le visage de Mera levé vers moi était insondable à cet instant ...

Et voilà !

Quand je vous disais que dire la vérité était pire que le mensonge ! La preuve par quatre et même plus !

Mera ne me croit pas, elle m'accuse quasiment de trahison caractérisée !

Le pire, c'est que je ne peux lui en vouloir et que mon esprit disjoncte totalement quand elle se plante pleine de morgue et de reproches devant moi, les poings sur les hanches, puis je suis complètement désemparé quand elle plante son index sur mon torse.
A ce moment là, elle peut dire tout ce qu'elle veut, c'est une autre rouquine que je vois dans une situation similaire, à savoir m'en prendre plein la tête tout en me sachant de bonne foi.
Ce n'est pas Mera qui est devant moi, c'est Bekka! Ma Bekka qui me manque soudain énormément alors que j'ai tout fait pour chasser son souvenir douloureux de ma mémoire.

Bekka qui avait disparu plus d'une fois, qui était finalement morte comme tous les autres, enfin à deux ou trois exceptions près ...

Bekka dont j'avais su il y a quelques temps qu'elle avait une relation avec ... Bref, l'amour de ma vie et ma femme pour toute l'éternité qui j'avais à supporter ...

J'arrive à peine à balbutier quelques mots sous la pression de sa colère ...
Je ... Je ... Je ne vous ai jamais pris pour une idiote ... Mais je ...

Rien à faire, rien à en tirer pour l'instant, elle est aussi sourde que l'ire qui l'habite et se déverse sur moi.

Pourquoi avoir dit la vérité ! Bougre d'imbécile ...

Je n'ai soudain qu'une envie, ouvrir un boom tube et disparaître pour ne jamais revenir, mais je m'abstiens, l'abcès est percé et suinte son contenu, autant résister et prendre patience. Je n'ai pas menti et presque rien gardé sous silence à ce propos là ...

Je baisse les yeux et le menton en rentrant un peu les épaules.

Finalement, après ce qui me semble un siècle, elle fait volte face et va s'asseoir sur le bord de la fontaine.

Mon instinct m'averti qu'on nous observe et je tourne un peu la tête pour voir du coin de l'oeil un quidam, le même que tout à l'heure, qui assiste à notre "dispute".

Quelle importance.

Mon attention revient sur Mera qui s'est dressée et semble vouloir quitter les lieux, puis, aussi vite, s'arrête en fixant l'endroit où se trouve, correction, ou se trouvait le gars qui a semble-t-il décampé dès qu'elle a bougé.

Elle semble perturbée, mais cette fois, ce n'est plus moi la source de son trouble.

On a été pris en filature ? ... j'ose émettre, mais sa morgue se retourne à nouveau sur moi, injustement, m'accusant de je ne sais quelle conspiration, et là, s'en est presque trop, enfin assez pour que je me redresse de tout mon haut et que je fasse les quelques pas qui nous séparent.

Je ... Vous ai déjà .. assuré que je ne mentais pas, Et d'un, ... Et je n'ai besoin de personne pour faire le sale boulot, je suis assez grand pour cela ! Je ne cachote rien et à part vous aujourd'hui, je ne connais personne ici ! ...

Ja regarde vers l'endroit où se trouvait le gars, puis, après un silence je continue :

Si quelqu'un veut vous tenir à l'oeil, cherchez parmi vos ministres, certains ne sont pas aussi loyaux que ça, du moins ne vous sont pas totalement dévoués ...

Mon instinct de chasseur prend soudain le dessus et je m'avance jusqu'à l'endroit où s'est tenu notre espion, puis, "hume" l'eau comme un chien reniflerait l'air.

Mes capacités qui m'ont values le surnom de chien à une époque me font isoler l'odeur de ma cible au milieu des autres.
Avec un sourire carnassier, je me tourne alors vers Mera et l'apostrophe :
Il est temps de changer la donne, que le chasseur devienne la proie, non ? ...

Et je m'élance alors dans la ruelle à la suite de la trace que laissait l'importun derrière lui sans me soucier vraiment si la reine suivait. Quand la chasse est lancée, la meute devient incontrôlable, et chez moi, chacun sait que si j'en suis, la proie n'a que peu d'espoir, même si elle passe par des tubes ...

Le gars croyait être en sécurité, du moins assez bien caché pour passer inaperçu. Grave erreur, quand il me voit arriver droit sur lui, il détale après un instant de stupeur.

Il file, tournant et contournant, mais je suis sur ses talons sans trop me forcer, je me réjouie de le faire courir, et cerise sur le gâteau, je le rabats peu à peu vers une impasse que je ne connais que trop bien. La ville n'a pas trop changé depuis l'ancien temps, du moins dans ce quartier, et il se retrouve bientôt sous une sorte d'arche longue dont l'extrémité est barrée par des grilles.

Derrière ? Des jardins interdits d'un nobliau local, anciennement une des familles proche du roi.

La grille est fermée et rouillée, aucun moyen de fuir, et moi, je m'encadre dans l'unique sortie possible, une lueur rougeâtre dans l'iris et un sourire de fauve à la bouche.

Alors mon gars, fatigué de courir ? On va attendre la reine bien gentiment pour que tu t'explique ... N'y pense même pas, tu aurais très mal, crois moi ...

*************************

Le contact de sa petite main sur mon épaule fait brusquement faire un tour à mon sang devenu de braise, braises que dispensaient allègrement mes yeux, ces nouveaux yeux dont je n'avais pas encore l'entière faculté de contrôle et dont j'avais bien du mal à refréner les ardeurs incinératrices.

L'eau qui commençait à bouillonner à leur proximité se refroidit d'autant plus vite que mon incertitude augmente.

Je... ce n'est pas lui...

QUOI !?!

IMPOSSIBLE !!!

Mon esprit crie à plein poumons alors que mon entendement retrace la poursuite du "humage" à cet instant.

Non, je ne me suis pas trompé, c'est bien la proie que j'ai identifiée il y a quelques instants avant de la suivre et de la coincer ici ...
C'est de plus bien celui qui nous rôdait autour depuis que nous avions quitté la place du marché où j'avais dégusté ces friandises qui m'avaient amenée à confier mon incursion dans le passé à Méra ...

Mais alors, que se passait-il ?

Pendant que je me lance dans mon introspection, elle libère le vieil homme en se confondant d'excuses alors que même si ce n'était celui qu'elle semblait avoir reconnu, il aurait été plus qu'intéressant de savoir pourquoi il nous espionnait et surtout pour le compte de qui ...

Mais je ressens alors le désarrois de la jeune reine qui après une absence passagère se met à bredouiller quelques mots à peine compréhensibles pour finalement décider de rentrer au palais ...

Quelque chose cloche vraiment chez elle, peut-être le stress de ce dont elle parlait avant que nous ne fassions cette petite escapade.

Je la suis sans rien ajouter au début puis je me décide à agir.

Il faut que nous crevions l'abcès au plus vite et ce en dehors de ces murs qui ont autant d'yeux et d'oreilles que d'habitants.

Pas le temps de la préparer, j'étais légèrement en retrait d'elle, avançant à la même vitesse, et brusquement, j'accélère, lui prends le bras d'autorité et ouvre un boom-tube juste devant elle histoire qu'elle ne puisse s'échapper tout en l'entraînant avec moi.

La luminosité changer du tout au tout.

De la douce luminescence générée par la cité sous-marine, nous passons à la lumière rougeâtre mais puissante d'un coucher de soleil sur les criques escarpées de la Crête.



Nous sommes sur les bords d'une bande de sable fin reliant la grande île à une plus petite.

Pas une âme à des lieues à la ronde, l'endroit idéal pour une discussion à bâtons rompus

Je lui lâche le bras alors que le vortex disparaît et tout de go, faisant les quelques pas me séparant du sable sec, je lui demande sur un ton impératif qui ne suppose aucune contradiction tout en crachouillant l'eau contenue dans mes poumons :

Bon, maintenant ça suffit, vide ton sac et raconte ce qui te perturbe au point d'avoir des alucinations comme celle de tout à l'heure ...

C'est pas en gardant ça pour toi comme ça qui va te donner les moyens de remporter une victoire quelconque ...

Tu prêtes le dos à tous tes détracteurs et tu es devenue une proie facile pour ceux que tu sembles vouloir combattre ...

Viens t'asseoir à mes côtés et balance tout, après on verra ce qu'on peut faire pour améliorer tout ça ...

Et joignant le geste à mes paroles, je m'assoie sur le sable, étendant les jambe au maximum et penchant le buste en arrière tout en me retenant de tomber complètement en mettant mes bras tendus comme arc-boutants.

Un vrai vacancier n'aurait pas fait mieux pour savourer le coucher de soleil qui s'amorçait déjà et s'annonçait magnifique.

Le doux ressac de la mer interrompu brièvement par le cri des mouettes curieuses succéda à mes paroles.

Je tapote le sable du plat de la main pour l'inviter à venir à mes côtés, pratiquement convaincu qu'après une explosion de colère inévitable, elle allait se plier à mon invitation.

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Oh que c'est dur de faire sortir ce venin qui la ronge !

Mais elle en a besoin, ce que j'ai tout de suite deviné. J'en suis passé par là, moi aussi, et plus d'une fois vu ma situation.

Déjà, fait extraordinaire pour cette jeune femme de pouvoir, elle s'excuse après s'être assise à côté de moi.

Si j'avais eu une soeur digne de ce nom, sans doute aurions nous eu ce genre de moments entre nous, et c'est dans cet état d'esprit que je l'écoute s'épancher enfin.

Ses confidences sont tellement communes pour des gens comme nous, des gens sur lesquels reposent tant de responsabilités, tant de visions d'avenir qui nous imposent nos décisions et nos actes tout en nous volant nos vies privées et nos amitiés, tout sens social en fait.

Autant elle a les épaules pour remplir le job avec brio, autant celui qu'elle avait choisi comme compagnon ne les avait pas semble-t-il, et sa désertion avait des effets catastrophiques sur son équilibre ...

Quand le Consort fait défaut, tout se casse la G..., figure. Mais en général, ça ne dure qu'un temps, normalement.

Le silence s'installe alors qu'elle entre en contemplation devant la magnificence de la mer sous ce coucher de soleil terrien.

Je pourrais essayer de te consoler avec des lieux communs tels que
"un grand pouvoir implique de grandes responsabilités"
ou
"un monarque se doit à son peuple et à sa couronne avant tout"

, mais je suis très mal placé pour cela ...

Petite pause le temps de ruminer mes paroles un instant.

Je suis putativement héritier légitime de deux mondes et de leurs annexions, celui de mon père légitime, que je hais et que j'ai tué déjà ...

(je compte sur mes doigts)

plusieurs fois disons, et celui de mon père adoptif qui vient de mourir une fois de plus ...

Encore une pause au terme de laquelle j'ai un sourire moqueur.

Mon cousin a déjà refusé plusieurs fois la régence et l'héritage, c'est le fils de mon père adoptif qu'on a échangé avec moi alors que nous étions de tous petits enfants pour conclure un pacte de paix, une sorte de prise d'otage en chassé-croisé, une garantie ...

Je me redresse en tailleur et frotte mes mains pour en ôter le sable qui s'y colle.

Alors que j'étais sorti de l'adolescence, j'ai rencontré ma femme, mon ex-femme en fait ... Un pur moment de bonheur, un merveilleux souvenir ...

Et une interminable torture depuis ...

La dernière fois que je l'ai perdue, c'était entièrement de ma faute à cause de mon incapacité à agir, à réagir.

Les intrigues, le pouvoir, la mort, l'oubli, un autre amour, tout s'est ingénié à nous séparer, à briser ce lien, et moi même, pour mener à bien ce que le devoir me dictait, j'ai accepté cela, je l'ai même béni parfois car si j'avais eu encore cette chaîne, je n'aurais pas osé, je n'aurais pas pu faire ce que j'ai fait pour le bien de mon peuple et celui des autres, dont ceux de la Terre ...

Je suis un combattant, et quand je me bats, rien ne doit venir me perturber, sinon ... je ne serais pas là aujourd'hui

J'ai trouvé un petit coquillage en posant ma main sur le sable et je le contemple pincé entre mon pouce et mon index, résolument émerveillé par sa complexité.

Tout cela pour te dire que si tes responsabilités, tes décisions influencent une autre vie que la tienne, une dimension qui est bien supérieure à ce qui te touche particulièrement, alors il faut laisser de coté toute émotion temporairement et n'y revenir qu'après, lorsque tout est advenu, en bien ou en mal, quitte à découvrir que tu as plus perdu que les autres en les protégeant ...

C'est ça être un bon dirigeant, être un bon monarque. L'inverse ferait de toi un tyran, une abomination, même si ta gloire t'auréolait de lumière.

D'une pichenette j'envoie le coquillage dans l'eau loin de moi.


Tu es en colère, tu es triste, ça prouve que tu es sensible encore à l'intérieur, même si tu doutes d'avoir les épaules assez solides pour régner, je n'ai aucune peine à te dire le contraire, tu es là, tu aimes ton peuple, tu te bâts et tu vas te battre et gagner pour eux, tu es une bonne reine ...

Quant à ton Arthur, il a sans doute eu peur, peut-être s'est-il aperçu que tu n'avais pas vraiment besoin de lui, qu'il t'était plus inutile qu'autre chose. S'il t'aime et que vos destinées sont liées, vous vous retrouverez, sinon, faudra faire avec ...

Et en ce qui concerne le célibat ...

On s'y fait, le désir auquel on s'abandonne parfois le remplace, c'est juste une histoire de temps, d'envie et d'occasion ... C'est comme ça. Du moins en général. {soupir}

Au-dessus de la surface liquide, il ne reste plus qu'un croissant de quelques centimètres et déjà des étoiles, les plus brillantes, commencent à parsemer l'Ether.
Le nez levé, je m'amuse à les compter intérieurement au fur et à mesure de leur apparition.


...

Se remémorer certaines choses, c'est comme se cogner une vieille blessure pas entièrement fermée, ça fait mal.

Ma voix est basse et songeuse quand je brise à nouveau le silence, je me parle plus à moi même qu'autre chose alors.

Trouver ce que je cherche ... J'ai fais ça au début, plus maintenant ...
Quand on a plus rien à chercher, quand on est en quelque sorte l'Oblat, celui qu'on sacrifie au peuple depuis l'enfance, ou qui se sacrifie ensuite de lui-même à tous les peuples qui peuvent en avoir besoin, on se contente de ce qu'on trouve, de l'instant présent, comme ce coucher de soleil sur une plage aux côtés d'une personne qu'on ... estime ...

Mal à l'aise tout à coup, je remue, ramasse un caillou, passe les jambes sous moi et d'un mouvement souple et délié, je me relève entièrement, les yeux fixés sur l'horizon maintenant totalement obscur.

Seules les étoiles et les lumières des bateaux navigants et des villes humaines qui bordent le littoral de loin en loin fournissent un peu de clarté à cette nuit sans lune.

Je la regarde un instant, figure iconique de la beauté alors que son visage est tourné vers le ciel, ses cheveux roux formant une crinière de flammes légères autour de sa tête qu'agite doucement un alizé marin.
Bekka lui ressemblait beaucoup après avoir changé sa noirceur par sa rousseur.

Je me détache rapidement de cette vision, passée et présente, comme un collégien voyeur qui aurait été pris sur le fait et regarde à nouveau vers le lointain.

Le soleil s'est couché ...

Simple constatation. Le caillou file dans les airs puis effectue un nombre incalculable de ricochets avant de disparaître sous l'eau, bien après que je ne me sois remis à ma place initiale.

Effectivement, je suis venu quelques fois à Poséidonis, pour apporter mon aide et en demander parfois pour d'autres ...
Merci pour ta proposition de continuer ce qui est presque devenu une tradition de siècles en siècles ...

Sur la mer, les sons portent loin, très loin, et pour un ouïe comme la mienne, cela peut représenter de nombreux kilomètres.

Au milieu du brouhaha constant des activités humaines, je perçois une musique, un air qui m'accroche. Il y a une fête quelque part en bordure de mer.

Appel à mon harnais pour plus d'informations, il localise la chose à Syracuse à quelques 700 kms de nous.

Piratage ponctuel de satellites, il m'envoie les images du dessus d'une sorte de soirée en costume, un carnaval ils appellent ça je crois.

Idéal pour passer inaperçus au milieu des gens pour nous.

Tout y est, bar, restauration avec grillades et salades, piste de danse, tout ce qu'il faut.

Petite anicroche éventuelle, la présence d'un service d'ordre musclé pour filtrer les entrées d'indésirables, mais l'identification se faisant avec un tampon fluorescent aisément copiable et déjà mémorisé, une fois passé ces cerbères, l'endroit est en "open bar", tout à volonté, avec accès à la mer direct au cas où.

J'ai un petit creux et un peu soif, ça te dirait d'aller à une petite fête chez les humains ? Enfin les surfaciens ?

Un vortex s'ouvre devant nous sur la gauche, effleurant l'eau et je me lève puis lui tends la main sur le dos de laquelle scintille déjà le "sésame" pour l'inviter à me suivre.

Rien de tel que ce genre de distractions pour adoucir le vague à l'âme ! Allez !

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Et nous voilà dans l'ombre d'une ruelle adjacante au portail d'entrée d'une villa en bord de mer, bien à l'abris des regards.

A moins d'une vingtaine de mètres lorsque nous en sortons se trouve les gardes qui filtrent les entrées, des balaises pour des humains, visiblement armés et munis des oreillettes réglementaires.

Grâce à mon appareillage technologique qui a plusieurs millions d'années d'avance sur celui existant naturellement sur Terre, et sous les flots, je peux percevoir tout ce qui se passe à l'intérieur, et d'un coup, je doute que ceux qui y sont soient de bonne compagnie.

La musique et ce qui s'y trame me révulsent et ne sont pas du tout ce que j'espérais.

Drogue, sexe, atmosphère glauque d'une partie fine de gens pervertis par l'argent et le pouvoir, pas ce que je pensais faire découvrir ou profiter à ma partenaire dont je gardais encore la main dans la mienne.

Mais une autre fête se déroule ailleurs, plus simple, plus ... populaire et pittoresque.

Viens, je crois avoir trouvé mieux ...

Je conduis Mera au travers d'un dédale de rue qui remontent le rocher sur lequel s'est bâtit la bourgade grecque, toujours en la tenant par la main.

Alors que les derniers sons de la musique nasillarde d'en bas s'estompent, les flonflons d'un orchestre local deviennent perceptibles, se répercutant de murs en murs.

Petite vue plongeante par un satellite espion placé en orbite basse, je découvre une foule bigarrée qui danse et farandole au milieu d'une place.

Je profite d'un coin plus sombre pour m'arrêter et mettre en marche les capacités de camouflage de ma boite-mère.

Fouillant dans une des poches de ma ceinture, j'en extrais une minuscule épinglette que je fixe sur le costume de la jeune femme avant de lancer l'ordre de modification moléculaire.

Nos vêtements se changent en habits plus acceptables pour les terriens, soit en chemises et chemisier blancs et Jean's/baskets, avec pour ma pomme un lifting facial me rendant le visage que j'avais il y a quelques mois, minois plus attrayant que ma tronche d'héritier d'Apokolips.

Quant à Mera, rien à redire sur son physique ni sa couleur de peau, comme dirait quelqu'un que je connaissais bien, rien à jeter, tout à garder !

Voilà, nous sommes plus présentables ainsi, allons y ... Je lui dis alors que nous quittons l'obscurité et que nous nous remettons en route pour les quelques mètres qui nous séparent de la place du quartier en fête.

On nous remarque, et c'est sans complexe ni autre forme de procès qu'une bande de jeunes, hommes et femmes, nous entourent, nous prennent par la main, m'obligeant à lâcher celle de la reine des mers, et nous emporte dans leurs farandoles aux sons joyeux des fifres et des tambourins.

On danse, on tournicote et virevolte avec tous et aucun, dans les rires et la gaieté simple et contagieuse.

Ce n'est qu'au bout de quelques minutes que j'arrive à m'esquiver et à sortir de la ronde, accueilli aussitôt par les plus anciens qui restent sur les contours à boire et manger tout en chantant et reprenant les paroles de la chanson jouée.

On me fourre un verre de vin rouge dans la main, on me présente un plateau ou on m'invite à me servir des friandises charcutières à grands coups amicaux sur l'épaule.

Je les remercie dans la langue du coin, un patois grec assez peu répandu et je me retrouve enserré dans les bras d'un matrone émue juste après que le gars à qui je destinais mes paroles se soit mis à brayer à la cantonade que je parlais leur sabir et que je devais être un expatrié revenu au pays plutôt qu'un européen en vacances.

Du coup, une certaine gène qui subsistait disparu et nous fûmes absorbés par la liesse et une gentillesse débridée.

Mangeant et savourant mon verre de Mandilaria local, je regarde Mera toujours empêtrée dans la danse, me demandant si elle apprécie ou pas ce moment.

Si tu as soif ou faim, arrête un peu ! ... que je lui crie, couvrant brièvement la musique et levant mon verre bien haut alors que ses regards me trouvent.


...

Mera, à l'apparence presque humaine à quelques détails prêts que je suis seul à distinguer, vient s'asseoir à mes côtés.

C'est agréable de se sentir invisible au milieu des gens, à goûter comme n'importe quel mortel les joies d'une musique agréable et du boire et manger.

Je hoche la tête à sa remarque à propos des surfaciens comme elle les appelle.

Moi qui ai connu bien des époques de la Terre et bien des générations de cette humanité, je ne peux qu'oser être d'accord même si je sais qu'ils sont capables du meilleur comme du pire. Ils portent en eux les gènes de tant de peuples différents, ils ont de par leurs ancêtres d'ici ou venus d'ailleurs un tel mélange et une mémoire atavique si diluée qu'on ne peut réellement pas savoir s'il vont tourner en bon cru ou en vinaigre.

Mais c'est ainsi que je les aime, moi. Surtout maintenant que le secret de la prophétie a été révélé ... Ils sont notre avenir, modifiés pour cela il y a des temps immémoriaux.

Mais pour l'instant, je me dois de lui répondre sincèrement à sa question à prpos de leur langage, enfin, en la différant un peu lorsque je vois son teint s'empourprer après avoir bu une rasade du petit vin de pays qu'une jeune femme venait de lui tendre.

Nos convives le boivent comme du petit lait et je le trouve personnellement assez frais et "terreux", râpeux sur la langue et goulu en gorge. Un traquenard pour ceux qui n'ont pas l'habitude, et Mera est sans doute de ceux là.

Je chope une cruche d'eau et un gobelet derrière nous que je remplis et lui tend prestement.

Rince ton gosier avec ça pendant que je dilue le vin de ton verre. Il est fourbe et je ne voudrais pas devoir te ramener chez toi sur mon épaule à chanter à tue tête des chansons paillardes !

J'espère juste que mon air franchement amusé ne va pas la froisser.
Assis tous les deux sur ce banc, nous semblons de vieilles connaissances passant une bonne soirée. Loin de nous les jeux de pouvoir, le monde des reignants, les magouilles nauséabondes de la cours ... Les responsabilités.

Je me penche en arrière, les coudes me retenant à la table et je détourne le regard d'elle pour éviter tout reproche qu'elle pourrait me faire.
Tout en observant les danseurs, je lui réponds sur le ton de la conversation dans la langue d'Atlantis.

Au début, c'est grâce à la technologie que je pouvais communiquer, comprendre et parler. Quel que soit la race et l'idiome, ma boîte*mère se débrouille.
Mais aujourd'hui, et surtout dans ce coin du monde où j'ai passé bien des fois quelques temps au cours de mes voyages, sous un nom ou un autre, je n'en ai plus besoin. J'ai connu le grec d'Achille et de Platon, j'ai vu cette langue vivre au cours des siècles, alors la parler aujourd'hui ... C'est comme revenir à la maison.

Je regarde les étoiles au-delà des lumières des lampions, presque nostalgique.

Mais ces temps sont passés, il faut vivre aujourd'hui. D'ailleurs, j'espère que tu as la permission de minuit, et même de 4 heure, parceque sinon, on va se faire botter les fesses.

La musique endiablée qui animait les joyeux fêtards s'arrête soudain et après quelques instants, une viole commence un air profond et langoureux.

Mon quart d'heure préféré, les slows, allez viens. En tout bien tout honneur ...

Et la débarrassant de son verre, je l'arrache du siège en me levant, l'emporte d'autorité au milieu de la piste déjà encombrée par les couples, puis lui fait mettre une de ses mains au niveau de ma taille comme je mets la mienne sur la sienne, attrape son autre main et la regardant dans les yeux, il faut que je baisse le menton pour cela, je commence à tourner doucement, presque imperceptiblement.

Autours de nous certaines femmes ou filles se nichent contr la poitrine de leur partenaire, d'autres tendent leurs lèvres qui sont prises avec plus ou moins d'expertise, d'autre encore, rougissantes, tentent, et parfois réussissent à garder leurs distances d'avec un cavalier qui l'est un peu trop.

Il y a peu de place entre nous, mais assez pour être convenant. Il s'agit pour moi de danser, rien d'autre, de lui faire entrevoir ce que c'est qu'être en paix, et peut-être heureux aussi, simplement.

La première fois que je suis venu sur Terre, je n'étais pas encore adulte. Et à l'époque, les hommes et les femmes dansaient seuls sauf pour les cérémonies annuelles d'union.
Sur New-Genesis, on ne danse plus depuis des lustres, et je n'ai jamais entendu quelqu'un dire qu'on l'ait fait sur Apokolips. Les dieux sont tristes là-bas ...
Et chez toi ? Il dansent ? Avant ils savaient, le bal annuel des sirènes était célèbre, il existe toujours ?

Nous tournons doucement aux sons de cette musique douce et après avoir hoché la tête avec un sourire entendu, le relève le nez fixant sans le voir l'environnement qui nous entoure.

C'est ce qui m'a toujours fasciné chez les surfaciens depuis que Gal, moi et ceux de ma promotion nous avons débarqué sur Terre pour notre mission d'étude en civilisation.

Même à la veille d'une bataille, ils sont capables de s'amuser, de rire et de danser tant ils sont assoiffés de la vie.

Enfin, c'est ce qu'ils étaient majoritairement jusqu'à il y a peu, avant le grand changement sociétal d'après la dernière guerre en Europe.

Ils ont changé sans avoir mûri, ils se sont rapprochés de notre état d'esprit sans sembler avoir goûté à l'insouciance de la jeunesse comme jadis ...

Et je ne me l'expliquais pas jusqu'à il y a peu.

Aujourd'hui, je sais pourquoi et c'est terrible.


Mon expression s'est fermée, mon visage durci par une contrariété intérieure, les yeux vagues où toute nostalgie à disparu.

Nous tournons encore un peu alors que plus bas, à quelques centaines de mètres de la berge où se déroule à l'autre fête réservée à une élite embourgeoisée et dépravée, cinq pîques trouent la surface suivies de cinq têtes qui émergent lentement de l'onde calme.

Une main apparaît tenant une sorte de cor en forme de conque, le renverse pour le vider de l'eau qu'il contient.
La tête grimace un peu quand l'être vide également ses poumons pour les remplir d'air avant d'emboucher l'instrument et d'y souffler.

Une mélodie s'échappe du cor, imperceptible pour les oreilles humaines mais puissante.

Elle s'élève haute et claire dans toutes les directions et en particulier vers les côtes, appelant quelqu'un, diffusant son message particulier.

Même si je n'en comprends pas le sens sur le coup, mes oreilles perçoivent le son montant de la mer au moment même où ma boite-mère m'avertit du phénomène sans pour autant m'en donner la traduction.

Instinctivement, je tourne la tête vers son origine et je scrute les ténèbres en plissant les yeux.

Comment ont-ils fait pour nous retrouver si vite, tu as un pisteur sur toi ? Je demande à la jeune reine sans détourner le regard car je viens de repérer les cinq excroissances au dessus des flots.

J'avoue être contrarié, et cette pointe d'agacement se perçoit parfaitement dans ma voix mêlée à une certaine inquiétude. Si ceux là peuvent la suivre où qu'elle aille, d'autres moins bien intentionnés peuvent le faire aussi.

Je crois que nous allons devoir nous éclipser discrètement pour aller à leur rencontre avant que ça dégénère. J'ajoute, car les petits points commencent à bouger de concert dans notre direction, droit sur la plage privée où les convives avinés et encocainés se trémoussent sous la surveillance d'une flopée de gardes du corps armés jusqu'aux dents.

Rien que d'imaginer la confrontation entre les deux groupes sans en avoir aucun doute sur l'issue, j'en ai des sueurs froides, ... pour les humains.

Bien heureusement les dernières notes de la chanson douce viennent de s'éteindre dans un trémolo et les fifres annoncent par quelques trilles la reprise d'un rythme plus soutenu et joyeux.

Je la prends par la main et comme un brise-glace sur la banquise, je fends la foule qui commence à s'activer pour la suite en l'entraînant, repoussant poliment mais fermement les invites de quelques uns à rester.

Au passage, juste avant de quitter la piste de danse et la place entre deux étals de boissons et de nourritures, je glisse à la tenancière quelques billets tirés de la poche à malice de mes Jean's, lui signifiant de la tête mes remerciements et d'un signe de la main appuyé d'un "eínai gia tin kalosýni sou" plus ou moins autoritaire que je ne les reprendrai pas face à ses dénégations véhémentes.

Nous voilà dans les ruelles, marchants d'un pas rapide. J'en profite pour échanger moléculairement ma
tenue civile par ma combinaison habituelle.

Appuies sur l'épinglette en pensant fortement à ta tenue pour te changer. Je conseille à Mera sans détourner le regard du chemin.