[Arc narratif Batfamily] Le Bat-Corp

Alors que la journée touchait à son terme, et que les éclairages nocturnes s’allumaient peu à peu à travers la ville, une foule importante s’était formée devant l’hôtel de ville de Gotham. Cela n’était en soi pas inhabituel, cette place servant souvent de point de rassemblement pour les groupes d’activistes venant manifester leurs opinions, de lieu pour les cérémonies de la cité ou encore de point de rassemblement de la presse lorsque la municipalité de la cité avait une annonce à communiquer. Ce qui était plus inhabituel, cependant, c’était la présence d’une forte concentration policière alors qu’il s’agissait d’un rassemblement convoqué par le maire lui-même. Il y avait également cette sensation dans l’air que tout véritable journaliste était capable de sentir, cette sensation qui vous prenait aux tripes et vous disait que vous allez assister à quelque chose d’important.


« Bonjour, ici Summer Gleeson pour WBGS. Nous sommes en direct devant l’hôtel de ville où la mairie a convoqué de manière inattendue cette conférence de presse. » commença la journaliste devant la caméra. « Nous n’avons cependant que peu d’informations sur la nature de l’annonce qui sera faite, si ce n’est qu’elle devrait concerner la crise sécuritaire que traverse notre ville depuis quelque mois. En tous cas, ici, la foule se presse sous le pupitre du maire et un dispositif de sécurité très important semble avoir été mis en place. »

En effet, face à la tribune, des représentants de chacun des médias d’informations de Gotham répondaient présents. L’annonce de la mairie les ayant pris de court, certains de ces groupes avaient dû envoyer, toute affaire cessante, certains de leurs meilleurs éléments pour assister à la conférence. En se frayant un chemin dans la foule, Gleeson put reconnaître un certain nombre de collègues de la concurrence, comme des représentants des journaux du très conservateur Gotham Herald, ou du Knight Star, référence absolue pour ce qui est sport et soutien au Batman, ou bien encore Vicky Vale, présente au nom du Gotham Gazette, le quotidien le plus lu de la ville.

Comble de la surprise, même un journaliste de ce canard complotiste qu’était le Midnight Inquisitor avait été convié. L’instinct affûté de Gleeson lui soufflait que certains grands pontes de la presse avaient fait jouer leurs relations pour assurer à cet évènement la plus grande couverture médiatique possible.

La presse écrite n’était bien sûr pas la seule présente. Les chaînes de télé et de radio avaient également envoyé des équipes, et en nombre. En s’installant à sa place, Summer fut surprise de découvrir que son voisin n’était autre que le très virulent Jack Ryder. Le reporter sans peur avait eu une carrière assez mouvementée, son style incisif lui ayant souvent valu des ennuis, au moins autant que sa fâcheuse habitude de rechercher le buzz à tout prix, parfois aux dépends des faits.

« Contente de te revoir, Ryder. Je suppose que pour que tu aies daigné te déplacer, c’est que tu as flairé le scoop. » salua-t-elle son voisin, et ex-collègue.


« Oh tiens, mais ne serait-ce pas cette chère Gleeson ? En effet, en effet. » salua le reporter avec un sourire de prime abord très convenu. « Mon petit doigt m’a dit que les choses allaient devenir très intéressantes. Et si tu regardes bien, tu verras que notre bon maire s’est fait accompagner par du gratin: rien de moins que les plus grosses légumes de la ville. » continua-t-il en montrant le groupe de personnes prenant place sur la tribune. Son sourire jusqu’alors courtois prit une forme à la fois amusée et... sinistre. Comme si toute cette situation le divertissait au plus haut point. « Le comité de sécurité est aussi assez hétéroclite soit dit en passant. »

Le dispositif avait de quoi impressionner, ça oui. Mais Summer Gleeson n’avait pas tout de suite prêté attention au fait que le GCPD ne semblait pas être le seul en charge de l’évènement. Des membres de forces de sécurités privés avaient également pris place, en lourdes armures tactiques. La journaliste n’était pas certaine de reconnaître à quel groupe ils appartenaient, mais elle pouvait noter une certaine antipathie de la part des réguliers à képi.




Le brouhaha des discussions se termina de lui-même lorsque le Maire prit la parole, les remerciant d’être venu et lâchant quelques plaisanteries bien choisies pour détendre l’atmosphère. Il était rodé à cet exercice, et pourtant, il appréhendait quand même ce qui allait se passer. À Gotham, certains sujets étaient dangereux à aborder pour un politicien tant il pouvait déchaîner les passions au sein de l’électorat. Plusieurs de ses prédécesseurs s’y étaient déjà cassé les dents, d’autres en avaient payé le prix de leur vie.


« Chers concitoyennes et concitoyens, aujourd’hui est venu l’heure de faire un constat. En dépit des efforts formidables de notre administration, la situation de notre belle ville est bien loin d’être idéale et… je ne vais pas vous mentir, elle est même assez préoccupante. L’attaque extraterrestre qui a détruit la prison de Blackgate s’est révélé un choc pour nous tous. Non seulement à cause de sa violence, mais aussi parce que nous en ressentons encore les effets. Cet attentat odieux a donné naissance à un nouveau pic de criminalité qui n’a depuis fait qu’enfler jusqu’à déborder, comme le siphon d’un évier bouché, hu hu. »

Il se reprit en gardant le silence, lorsque aucun rire ne vint saluer son trait d’esprit. Soit. Que l’assistance digère l’annonce. Il venait de planter le décor, dépeignant une situation propre à faire naître l’anxiété. Il jouait la carte de la « transparence assumée » devant les médias, autant pour se donner une image de respectabilité que dans le but de souligner auprès de son auditoire la gravité de la situation.

« Je vous le dis tout net, notre ville se dirige vers une crise. Une crise durant laquelle elle ne pourra compter sur les prouesses de son protecteur auto-proclamé. C’est pour cela que mon administration et moi-même avons œuvré à chercher de nouvelles solutions, des solutions modernes à des problèmes d’aujourd’hui, qui donneront à notre grande ville la capacité de faire face à tous les défis. C’est ainsi que, grâce à la collaboration de l’une de nos plus éminentes concitoyennes, je suis en mesure de vous affirmer que nous prendrons des mesures inédites, innovantes, extraordinaires ! Des mesures si uniques qu’elles ne peuvent être présentées que par l’esprit dont elles émergent. Mesdames et messieurs, je laisse la parole à Mme. Geraldine Powers, PDG des entreprises Powers International ! »




Géraldine Powers, la PDG de Powers Internationale et représentante d’une des plus anciennes familles de la ville, ne cédant en cela qu’au cinq familles fondatrices, s’était levé à l’invitation du maire et avait prit sa place à la tribune. Elle attendit patiemment que les applaudissements d’usage se turent d’eux-mêmes tout en observant son public. Le maire avait fait du bon boulot et les journalistes étaient pleinement attentifs à ce qui allait se dire.


« Monsieur le Maire, je vous remercie. Gotham a toujours été une ville magnifique, bien plus que ce que les on-dit laissent entendre. Nombreux sont ceux qui ne voient notre cité que comme le foyer d’une criminalité effrénée, un lieu de ténèbres et de misère humaine, comme une sorte de purgatoire terrestre où seuls les fous et les désespérés peuvent accepter de vivre. A ces gens là, savez-vous ce que je leur réponds ? Qu’ils se trompent ! » martela la femme d’affaire en tapant du poing sur la tribune.

Les traits du visage de Geri Powers se radoucirent ensuite. Un fin sourire se forma sur ses lèvres alors qu’elle montrait d’un théâtral signe de la main les bâtiments qui entouraient la place. Il fallait flatter, il fallait sourire et en cela, la PDG excellait. Elle n'aimait pas, mais elle excellait.

« Mais ne nous voilons pas la face. » reprit-elle, beaucoup plus sérieuse. « Si magnifique notre ville puisse être, ses problèmes sont bien réels. Les occasions de s’y élever sont légion, ce qui attire en ses murs. Pour elle, pour nous, un homme s’est dressé contre cela, un homme à relevé le défi d’affronter les criminels en un temps où la police n’était plus en mesure de le faire. Cet homme, c’est le Batman. Une figure qui nous inspire aux heures les plus sombres. Un héros qui incarne, pour beaucoup, l’âme même de Gotham. »

À ces mots, la PDG tourna la tête en direction du commissariat du GCPD à plusieurs pâtés de maison de là, et un maigre bat-signal illumina soudainement le ciel pour faire échos à ses paroles. Sur les nuages se baladèrent les rais de lumière, formant un symbole solitaire mais familier dans le ciel.

« Mais devons-nous accepter cette justice personnelle, unique, vengeresse ? Le vigilantisme doit-il rester impuni ? La réponse est, bien entendu, non. Notre société, notre système juridique, nos institutions, tout repose sur le respect de la loi, sur la séparation des pouvoirs. Trop longtemps, notre police a toléré le Batman comme un mal nécessaire pour répondre à une crise, puis une autre, et encore une autre… avant que cela ne devienne une habitude, une dépendance. Malgré l’admiration que nous portons tous pour le Chevalier Noir, ce dernier opère dans une zone grise, un vide juridique totalement inacceptable. »

Son ton s’était fait plus fort, et pourtant il n’y avait ni agressivité, ni hostilité dans sa voix.

Derrière elle, plusieurs des invités commençaient déjà à commenter le discours. Dans le public aussi, les commentaires allaient bon train.

Vicky Vale avait arrêté de noter, se contentant d'observer tous ces politiciens par essence malhonnêtes d’un air circonspect, comme si elle commençait à entrevoir l’image qui se dessinait sans arriver pourtant à se figurer le résultat final.

Summer Gleeson donnait des instructions à son équipe de tournage avant d’être interrompue par un commentaire malicieux de Jack Ryder.

Ce dernier semblait très amusé par tout ce spectacle, toute cette mise en scène… peut-être même avait-il deviné la chute de cette histoire, allez savoir.

« Le commissaire Gordon m’a une fois confié que lui et le Batman œuvraient pour créer une Gotham où le Batman devrait disparaitre. Ce vœu est noble, mais peut-être la question est-elle traitée dans le mauvais sens. Peut-être ne devrions-nous pas chercher à rendre Batman obsolète mais au contraire chercher le moyen de prendre exemple sur lui dans un cadre légal. Pour un monde meilleur. Pour permettre à nos justiciers hors-la-loi de ranger masques et capes. C’est avec comme base cette idée primordiale que je vous présente aujourd’hui le fruit du travail d’un consortium d’entreprises bien de chez nous: LE BATCORP ! »

D’un geste, Geri Powers invita les présidents et représentants des différentes sociétés impliquées dans ce projet herculéen, ainsi que les membres des différentes branches de l’administration de Gotham à se lever. Des soldats lourdement vêtus d’armures tactiques, dont la forme rappelait bien évidemment le costume du Chevalier Noir, vinrent prendre position entre la tribune et le public dans un ordre impeccable. Leurs visières étaient intégralement fermées et ne laissait aucune possibilité d’identifier les visages. Leur équipement était, à n’en point douter, de la meilleure facture et à la pointe de la technologie.

Tout autour de la place, des Bat-signaux s’allumèrent tour à tour, illuminant le ciel de Gotham. L’un d’entre eux, plus gros que les autres, fut même projeté sur la façade de l’hôtel de ville. Ce soutien sans ambiguïté n’était pas forcément dans les habitudes de la mairie qui gardait une certaine méfiance vis-à-vis des justiciers. Néanmoins, un regard attentif n’aurait aucun mal à remarquer que le logo projeté différait de celui que portait le Chevalier Noir lui-même.


Dans les hauteurs de la mairie, pour le plus grand étonnement des spectateurs, plusieurs silhouettes se détachèrent des ombres suite à l'annonce. L'une d'entre elles se mit plus en avant que les autres, cape flottant au vent, oreilles pointues dans le ciel nocturne. Sa forme ne laissait aucunement place au doute. Batman avait rejoint ce projet aussi surprenant que terrifiant, pour le commun des mortels.

Mais était-ce bien le cas ?

Informations sur l'arc scénaristique:

Alfred Pennyworth était le majordome de la famille Wayne depuis plusieurs décennies à présent. Il avait toujours veillé sur la bonne tenue de l’immense demeure qu’était le manoir Wayne ainsi que sur les besoins de tout les membres de cette prestigieuse famille. Il en considérait chacun de ses membres comme ses propres enfants et, s’il les avait tous soutenu dans la noble et folle croisade initié par le Chevalier Noir, une part de lui avait toujours espéré qu’un jour, ils pourraient raccrocher leurs capes et mener une vie normale. Mais pas ainsi, pas comme cela.

En cette soirée fatidique, le vieil homme avait dû interrompre ses activités de la soirée. La manoir avait été déserté par les membres de cette famille qui, soit étaient en patrouille pour veiller sur les citoyens de Gotham, soit avaient affaire dans d’autres villes du pays. En attendant que ses services soient requis, il était allé s’occuper l’esprit en accomplissant plusieurs tâches ménagères. C’est alors que son « téléphone de service » s’était mit à sonner. Cette appareil était en permanence relier au bat-ordinateur et alertait le majordome si l’un des membres du Bat-clan requérait ses services ou si les constantes vitales de l’un d’entres eux devenaient inquiétante. Cela permettait à Alfred ne pas toujours rester le postérieur vissé sur le siège du bat-ordinateur dans cette cave dont l’humidité ne faisait guère de bien à ses vieux os. Il recevait également des notifications s’il advenait que l’une des chaines d’informations diffusait des reportages que l’algorithme du bat-ordinateur jugeait important. Et le discours qui se tenait à la mairie rentrait dans cette catégorie.

Assis dans un fauteuil du salon, il avait allumé la télévision et écouté attentivement chaque choses qui s’étaient dit, les paroles du maire tout comme celles de Geri Powers. Plus le discours avait avancé plus le majordome s’était sentit gagner par un certain désespoir qui avait culminé lorsqu’il vit, par la fenêtre, plusieurs bat-symboles consteller le ciel nocturne de Gotham.

« Bonté divine… » s’exclama le maitre d’hôtel sans pour autant se départir de son flegme tout britannique.

Il ne lui fallut pas longtemps pour faire le lien entre ce « Bat-corp » et les nouvelles qui avaient été rapportée par le jeune maitre Damian et mademoiselle Brown sur l’existence de ces deux « Batman » croisés à la tour Powers. L’un d’entre eux s’étant introduit par effraction et n’était donc, selon toutes vraisemblance, pas lié à cela quant à l’autre… peut-être que la confrontation qui avait eut lieu ce soir là avait poussé Powers International et ses partenaires à accélérer leurs projets… car il ne faisait nulle doute qu’un tel projet ait été préparé de longue date, peut-être même avant la soudaine absence du Batman original.

« Bruce… mon cher enfant, que voici une bien triste façon de dévoyer ta croisade. »

Une milice privée, récupérant l’image du Chevalier Noir. Bien que Geri Powers se gardait de toute condamnation du Batman et de ses alliés, le message restait clair. Malgré tout les sacrifices consentit des années durant par le Bat-clan pour protéger Gotham… leurs services n’étaient plus requis. Et donc que, selon toutes vraisemblance, il ne faudrait pas beaucoup de temps avant que le Bat-clan se voit à nouveau criminaliser. Une bien piètre façon de remercier toutes ces personnes qui s’étaient dressées pour protéger Gotham.

La main du majordome prit son téléphone et composa un numéro. Laissant la sonnerie résonner à deux reprises avant que l’appel ne soit décroché.

« Allo, Lucius. J’ose espérer que je ne vous dérange pas au milieu de quelque chose d’important. Oui, je viens également d’assister à cette triste représentation. Et je crains que tout cela puisse cacher autre chose. Hélas, non, je n’ai toujours pas de nouvelles de lui. Je ne doute pas que les enfants vous contactent bientôt pour avoir votre expertise concernant leurs moyens technologique. Cependant, je vous appels puisque j’aurai besoin que vous vérifiez quelque chose pour moi. »

Lucius Fox, l’un des plus proche alliés et indéfectible soutien du Batman. Sans son génie administratif et ses connaissances techniques et technologiques, la croisade initié par Bruce Wayne aurait vue sa logistique compromise depuis longtemps. La contribution de Lucius aux côté de Bruce permettait la mobilisation des ressources de Wayne Enterprise, que ce soit pour les projets de Bruce Wayne pour Gotham, pour assurer la supériorité technologique du Batman ou tout simplement pour s’assurer que Wayne Enterprise reste l’une des entreprise les plus efficace et rentable au monde.

« Est-ce que madame Powers aurait-elle solliciter le soutien de Wayne Enterprise ou de l’une de ses filiales pour ce projet ? » interrogea la majordome.

Après tout, Wayne Enterprise était l’entreprise la plus puissante de Gotham et probablement l’un des principaux contributeurs à la prospérité de la ville. Si Geri Powers souhaitait sincèrement améliorer la sécurité de Gotham avec son initiative, il aurait été logique que les Entreprises Wayne fassent partie des sociétés contactées pour cela, du fait de ses immenses moyens et sa technologie de pointe.

« Oh ! Je vous en remercie Lucius. J’admets que c’est bien ce que je craignais. Rappelez moi si vous en apprenez plus. Bonne soirée à vous. Et mes amitiés à votre charmante épouse. »

Lucius Fox venait de confirmer qu’à sa connaissance, Geri Powers n’avait à aucun moment demander le soutien de Wayne Enterprise. Le vieil homme se demandait si cela confirmait sa crainte que le projet Bat-corp puisse avoir des visées plus inquiétantes que celle qui étaient clamées, assez questionnables pour se passer du soutien des entreprises Wayne.

Même s’il était probable qu’ils soient déjà au courant, Alfred envoya un message avec une copie de l’enregistrement de cet évènement à la totalité des membres du bat-clan et autres alliés du Chevalier Noir à Gotham. Car, pour ce qui semblait se préparer, ils devraient y faire face sans la direction de leur mentor.

Assis à son bureau, le commissaire James Gordon était occupé à ruminer ce qui s’était déroulé un peu plus tôt. Cette annonce, cet accord entre la mairie et un conglomérat d’entreprises Gothamite, cette milice privé engagée pour accomplir le travail de la police… comment les choses avaient put en arriver là ?

Au sein du GCPD, le vieux commissaire avait put constater que cette nouvelles avait un effet assez polarisant. Si l’idée de ne plus avoir affaire aux super-vilains en réjouissaient certains, ces derniers ayant causer plus que leur part de mort parmi les agents du GCPD, beaucoup également voyaient en cette initiative de la mairie un désaveux. Parmi les opposant les plus vocaux se trouvait l’inspecteur Bullock qui, fidèle à lui-même, n’avait pas rater une occasion à aller s’expliquer personnellement avec les collègues approuvant l’idée d’une milice privé. Dans les faits, le commissaires savait que son adjoint était aussi remonté contre le principe de faire appel à une milice pour effectuer le travail de la police, que par la façon dont la décision avait été prise. Mais les faits étaient là, le maire avait choisit de miser sur le Bat-corp et non pas sur les forces de polices.

Sur son bureau, Gordon avait posé son insigne et son arme de service. Il se sentait… fatigué, dépassé même. Il envisageait réellement à simplement remettre sa démission étant donné que c’était la seul option qui lui restait pour marquer son désaccord. Cela faisait combien de temps maintenant qu’il se battait pour Gotham ? Entre 20 et 30 ans ? Il avait vu la chute des Falcone, l’émergence des super-criminels, il avait conclu l’alliance avec le Batman, il avait été de toutes les crises de la ville et ce jusque dans l’enfer du No man’s land. Un temps durant, il avait pris sa retraite, seulement pour que la ville le rappel pour ramener l’ordre suite à la plus terrible guerre de gangs de l’histoire de Gotham. Il avait perdu tant de choses, des amis, des collègues, Sarah… même sa nièce et fille adoptive, Barbara avait été prise dans le feu croisé.

Et pourtant, son expérience lui accordait-il seulement l’oreille des dirigeants de la ville en matière de sécurité. Il avait bien été consulté. Le maire, Geri Powers, tous l’avaient interrogé, tous avaient tenter de le convaincre de l’intérêt de ce genre d’unité d’élite qu’ils comparaient à l’Unité de Crime Spéciale de Métropolis. Il avait beau leur avoir souligner son opposition à l’usage d’une milice privé, des problèmes et abus qu’une tel décision pourrait engendrer, et rappeler que les super-vilains auxquels le MPD devait faire face étaient plus souvent des métahumains qu’à Gotham… rien n’y avait fait. Au final, ils s’étaient passés de son soutien et de son expertise pour mettre tout cela en place et le mettre devant le fait accomplis. Il s’était attendu à une telle manœuvre de la part du maire, après tout James Gordon était aux yeux de la population le rocher inamovible qui faisait face aux crises, mais aux yeux des élites politique de Gotham un cailloux dans leur chaussure. Par contre, il n’aurait pas cru que Geri Powers lui ferait un tel coup, cette dernière avait toujours été une personne à l’écoute du commissaire et, avec Bruce Wayne, le principale soutien du commissaire au sein de la haute-société Gothamite.

Étouffant des jurons de frustration dans sa moustache, il fouilla dans les tiroirs de son bureau, à la recherche de quelque chose pour le calmer. Peut-être qu’il ne récoltait que ce qu’il avait semé. Après tout, il était le commissaire de police qui avait accepté de travailler main dans la main avec un justicier masqué. James avait déjà pu constater de ses propres yeux à quel point cela lui avait donné une mauvaise réputation en-dehors des murs de Gotham, à quel point nombres de ses collègues dans les autres villes ne voyaient en lui qu’un incompétent qui avait préféré faire appel à un fou habillé en chauve-souris au lieu de faire son job. Voilà la réputation qu’il se coltinait.

Et pourtant, une part de lui ne regrettait nullement cette alliance. Même s’il n’approuvait pas, et n’approuverait jamais, le principe du vigilantisme. Même si cette collaboration n’avait jamais eu pour autre finalité qu’être une alliance de circonstance… il ne pouvait qu’être reconnaissant au Croisé Encapé pour toutes les fois où son action avait protégé Gotham. Il respectait l’abnégation et le courage dont faisait preuve cet homme ainsi que ses protégés et estimait à leur juste mesure les sacrifices auxquels ils avaient consenti.

La tentation de démissionné devenait forte. Pourquoi s’entêtait-il d’ailleurs. Il avait été complètement court-circuité. Durant l’annonce officiel, malgré la pommade où on louait l’action du GCPD, implicitement on les présentait comme incapable de protéger et servir. Le Bat-corp ne répondait déjà de ses actes que devant une commission mise en place par la mairie, à aucun moment le GCPD n’intervenait pour les encadrer. Le vétéran qu’il était pouvait déjà entrevoir les abus qui en résulterait, les entorses aux procédures pour obtenir des résultat aussi spectaculaires que possible, les passe-droits qui leur serait accordé au nom de la sécurité et le soutien médiatique constant auquel ils auraient droit. Il n’était pas né de la dernière pluie et comprenait bien que toute la mise en scène auquel on l’avait fait participer à son corps défendant n’avait pour but que de vendre le produit aux Gothamite sous un jours aussi favorable que possible. Ça avait d’ailleurs tellement bien fonctionné que déjà plusieurs de ses agents parlaient d’aller postuler au Bat-corp pour intégrer ses rangs.

Finalement, Gordon trouva ce qu’il cherchait, ses patches à la nicotine… et à côté d’eux, sa pipe emblématique. C’est Barbara qui le lui avait offert, un moyen pour arrêter la cigarette. Il passa longuement ses doigts sur l’objet en bois… cela faisait longtemps qu’il la possédait, qu’il la chérissait. Elle lui rappelait pourquoi il persévérait, pour permettre à sa fille, et aux futurs générations de Gotham, de vivre en sécurité dans leur ville. Mais que pouvait-il encore faire maintenant ? Face à la montée constante des violence et l’absence du Batman de ces derniers mois, le peuple de Gotham voudrait des résultat, il était prêt à accepter toutes options, aussi radicale soit-elle, pour retrouver un semblant de sécurité.

Gordon se leva et se tourna vers la fenêtre de son bureau, alors qu’il bourrait de tabac sa pipe. Une fois encore, il délaissait les patches qui étaient sensés l’aider à arrêter cette désastreuse habitude qu’il avait de fumer. Mais la sensation que lui procurait cette pipe entre ses doigts lui détendait au moins autant que l’effet du tabac lui-même. Il observa longuement par la fenêtre, observant les rues entourant le commissariat, observant le ciel… enfin libéré de tout ce bat-signaux. Sa décision était prise.

Il resterait à son poste, envers et contre tout. Pour éviter que la direction du GCPD ne soit offerte à un commissaire totalement à la botte de la mairie. Pour s’assurer que le GCPD continue sa mission de protéger et servir chaque citoyen de Gotham. Pour que ces derniers soient protégés des violences que cette milice privé ne manquerait pas de provoquer… et peut-être aussi, si le pire arrivait, pour que les membres du bat-clan puisse encore disposer d’un allié au sein des forces de l’ordre lorsqu’ils tenteraient d’empêcher que les innocents soient blessés.

Au Club de l’Iceberg, se trouvait une figure reconnue de la haute société de Gotham ainsi que de sa pègre, qui ne perdait pour ainsi dire pas une miette du discours qui était prononcé. L’actuel chef de la prestigieuse famille des Cobblepot suivait avec attention ce développement qu’il n’avait, il était forcé de le reconnaître, pas anticipé.

« Merveilleux, j’avais bien besoin de ça. » grommela-t-il en posant son verre sur son bureau.

Oswald Cobblepot n’était pas né de la dernière pluie. En tant qu’illustre représentant d’un des clans fondateurs de la ville, il en connaissait bien les secrets et le fonctionnement. Il n’était pas à la fois l’un des rares seigneur du crime dont l’influence pouvait rivaliser avec celle du Black Mask et un membre important des hautes sphères pour rien. L’absence avérée du Chevalier Noir laissait un vide dans l’équilibre des forces, c’était un fait qu’il avait constaté tout comme c’était un fait que la nature avait horreur du vide. De même qu’il avait perçu l’activité accrue des disciples du Batman comme un signe de plus que cette disparition était plus sérieuse qu’on pouvait le penser. Il avait donc avancé les pions à sa disposition pour grappiller du terrain tout en laissant aux idiots plus téméraires le soin de s’attirer les foudres du Bat-clan.

« C’est pas bon patron. Si les poulets se mettent au niveau de Batman… »

« Ce que tu dis démontre bien ton manque singulier de jugement, mon cher. Nous allons probablement subir quelques revers, il est vrai, mais cela pourrait tout aussi être une grande opportunité. Après tout, si la police veut se mettre à niveau, à nous d’en tirer parti. Parmi tout ces types en uniforme, il y en aura forcément qui seront désireux d’arrondir leurs fins de mois. »

Oui, ce cher Gordon n’était jamais parvenu à complètement extirper la corruption des rangs du GCPD, qu’importe ses efforts. De même, le Pingouin possédait ses entrées partout et même l’adjoint du maire avait quelques dettes à son égard dont il pourrait jouer. Néanmoins, le regard acéré d’Oswald Cobbelpot s’attardait avec insistance sur Geraldine Powers. L’aristocrate du crime connaissait bien la famille Powers, puissante, qui ne cédait en ancienneté qu’aux cinq fondateurs et qui avait toujours eu pour souhait de jouer un plus grand rôle. L’absence des Kane et des Wayne de ce projet semblait indiquer que les Powers n’avait pas fait appel à eux, où qu’ils avaient refusé de participer au projet. C’était intéressant, surtout venant de deux familles si… dévouées à « améliorer le sort des habitants de cette ville ». Le plus beau mensonge que les nobles servaient aux manants pour asseoir leur influence.

Tout cela lui laissait dire qu’il y avait probablement autre chose qui se cachait derrière tout cela, bien qu’il ne sache pas encore quoi. Il allait devoir suivre tout cela de très près pour ne pas être pris dans les filets de ce nouvel acteur, quitte à devoirs sacrifier quelques pions. Qu’importe, il en avait assez à sa disposition.

« Je suis cependant curieux de voir quelle politique sera adoptée vis-à-vis des ces gêneurs du Bat-clan. Mais s’ils nous en débarrassent d’une manière ou d’une autre, alors ce spectacle de mauvais goût aura valu le coup. » décréta le Pingouin d’un ton plein d’arrogance.

La vérité, c’était qu’il flairait quelque chose de pas nette dans toute cette histoire. Il ne croyait pas à ce soutien aussi unanime d’autant d’entreprises à la cause du Batman. D’autant plus qu’il était bien placé pour savoir que nombres d’entre elles avaient des cadavres dans le placard qui ne pourraient qu’être révélés s’ils se mettaient dans le viseur du Bat-clan.