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[Prélude à Crisis on DC-Earth] Si vis pacem parabellum

SHAZAM !
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[Prélude à Crisis on DC-Earth] Si vis pacem parabellum Lun 28 Nov 2022 - 16:26

Droite.

Les murs défilaient autour d’elle, ombres mouvantes de ciment et pierre. Elle ne voyait pas vraiment où elle était, mais ça n’était pas nécessaire. Il fallait seulement qu’elle reste en mouvement. Qu’elle avance. A ce stade, elle ne suivait plus l’itinéraire soigneusement établi qui avait commencé sa course. Elle se déplaçait à l’instinct, s’appuyant sur ses souvenirs de la ville et des années qu’elle y avait passé, ses balades et ses visites innombrables dans les ramifications sans fins de ruelles et de rues.

Gauche, puis par dessus la barrière à droite. Gauche, gauche, tout droit.

Les muscles de ses jambes lui faisaient mal. Elle sentait les brûlures de multiples coupures plus ou moins superficielles à chaque mouvement. Son souffle était court et la pulsation sourde de son sang dans ses tempes rythmait sa course. D’une main, elle attrapa le haut d’une palissade de bois, se propulsa sans ralentir au-dessus de l’obstacle et repris sa course de l’autre côté, presque sans perdre de sa cadence. Ankara n’avait pas le moindre secret pour elle. Elle en connaissait chaque ruelle et chaque recoin, chaque passage secret et chaque mystère. Pourtant, elle ne se sentait pas à l’aise. Son poursuivant avait disparu depuis un moment, mais elle n’avait pas ralenti. Au contraire, même.

Droite. Droite. Sur la benne, puis le rebords de fenêtre, puis le toit de tuiles. Puis une autre rue.

Tout autour d’elle, il n’y avait personne. Pas d’oiseaux dans les ombres, pas de nuages dans le ciel. Pas de vent non plus. Les rues de la capitale de Turquie étaient vides et silencieuses, et elle le savait sur ses pas, son souffle sur sa nuque. Elle allait de l’avant sans ralentir ni s’arrêter : avec un peu de chance, elle trouverait une cachette d’où appeler à l’aide.

Droite. Gauche. Droi...–
Il y eut un bruit strident, comme le gémissement d’un métal que l’on plie et qui cède soudainement, puis le mur à sa gauche explosa. Des morceaux de briques et des tourbillons de poussières traversèrent la rue. Sous l’impact, le goudron se fendit sur toute la longueur du passage. Le souffle de l’explosion projeta la jeune femme sur le côté, dans les volutes de poussières grises. Une douleur brûlante fleurit dans son épaule droite et sa tête tapa brutalement contre le mur de brique.
Une silhouette se détacha dans l’ouverture du mur. Un homme grand, vêtu de noir, aux cheveux blancs. Il chercha quelque chose des yeux, dans le chaos ambiant, puis claqua des doigts. La poussière et les débris s’écartèrent brusquement sur les côtés, jetés sans ménagement pas des mains invisibles, révélant la jeune femme appuyée contre le mur d’en face. Elle se relevait doucement, l’air sonnée. Contre sa poitrine, elle serrait un épais livre, relié de cuir rouge.

- Vous le maniez avec talent, il faut le reconnaître.

La voix de l’homme était tranquille, polie comme un miroir et aiguisée comme un couteau. Son ton était badin et détendu, sa redingote soignée et ses chaussures soigneusement vernies. Ses yeux, en revanche, étaient ceux d’un rapace : sombres, farouches, et avides. Au milieu des débris, c’était une vision aussi étrange que peu rassurante. Lorsqu’il s’avança, les gravillons crissèrent sous ses semelles.

- Mais vous ne l’avez pas écrit et ça fait tout un monde de différence.

Il leva la main, mais Selma Tolon réagit la première, à travers la douleur et le choc. Elle bondit en avant, à une vitesse impossible, engloutissant la distance qui les séparait en deux battements de coeur. Le vieil homme, lui, n’en n’eut besoin que d’un. Il tordit le poignet et elle s’immobilisa en plein vol. Suspendue dans les airs à cinquante centimètres du sol, le tranchant de son cimeterre à cinq de la gorge de son adversaire.
Il sourit avec la même bonne humeur que le prédateur qui montre ses crocs.

- Je le pense sincèrement. Votre technique est merveilleuse.

Le visage de Selma avait été figé en pleine action, dans la concentration intense d’une attaque calculée. Dans ses yeux, l’envie de meurtre n’avait pas varié d’un iota. Une petite étincelle de surprise s’y était installée, cependant. Il avait surgit de nulle part, porté par des plumes de corbeaux, pour lui arracher ce grimoire. Sans plus de problèmes, il l’avait isolée dans une ville immense, avait ignoré toutes ses protections et ses attaques et l’avait terrassée en un temps record. Elle n’avait pas pu le toucher une seule fois, malgré les enchantements sur sa lame ou ceux qu’elle avait tissé lors de leur duel.

Leurs regards se croisèrent. Le sourire s’élargit un peu et quelque chose passa dans les yeux du vieil homme. De l’amusement, peut-être. De la satisfaction, sûrement.

- Vous savez déjà qui je suis, et pourquoi ce livre est à moi.

Il lui parlait doucement, comme à une enfant à qui on enseigne les choses les plus simples du monde. L’étincelle de surprise devint réalisation, puis choc, puis peur. Le sorcier inclina la tête, comme une sorte de révérence : elle l’avait reconnu, et il l’avait bien vu.

- C’est un plaisir de vous rencontrer. Merci d’en avoir pris soin pour moi.

Puis, sans plus de cérémonie, il tendit la main et attrapa l’épais grimoire de cuir rouge. Figée dans les airs, elle ne put rien faire. Il lui fit un clin d’oeil, puis se volatilisa. Elle sentit la force qui la tenait s’évaporer et tomba lourdement au sol. Presque aussitôt, le brouhaha de la vie urbaine lui vrilla les oreilles - les bruits des passants, des oiseaux et du vent, et le crissement soudain de voitures qui pilent à la chaîne. Elle entendit des cris et des bruits des portières, puis elle sentit des gens se précipiter vers elle pour l’aider à se relever. Après tout, pour le reste du monde, l’héroïne connue sous le nom de la Janissaire venait de surgir du néant, au milieu d’une des grandes artères d’Ankara. Sa tenue rouge était lacérée et imbibée de son propre sang et ses yeux un peu hagard.

Au moins lui avait-il rendu sa ville et ses habitants. C’était déjà ça, mais ce n’était pas l’essentiel. Merlin était venu à elle et lui avait arraché le Livre d’Éternité sans plus de considérations. Ce n'aurait pas dû être une mauvaise chose. Mais son regard...

Elle s'humecta les lèvres et son regard passa sur les visages aux traits floues qui l'entouraient. A l'instant où il avait repris son grimoire, il lui avait repris ses sortilèges. Elle sentait une immense fatigue l'envelopper, se glisser entre ses os et ses pensées. Elle se redressa et ignora la pointe de douleur qui en résultat: elle s'adonnerait à son épuisement plus tard. Il fallait passer un message d'abord.

- L-la ligue. Préve...nir la... ligue. La ligue...-

L'obscurité referma ses longues ailes noires sur elle, et sa voix mourut dans sa gorge.

Spoiler:
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