15 ans après ce qui devait être la dernière aventure du Batman, à savoir ce monument de la BD américaine qu'est Dark Knight Returns (
cf. ce que j'ai déjà écrit à ce sujet dans ma review de dimanche dernier) - et alors que la boucle semblait définitivement bouclée - Frank Miller revenait en 2001 avec une suite, à savoir les trois numéros très controversés de Dark Knight Strikes Again...
Nous sommes toujours sur cette terre parallèle, où Bruce Wayne va sur sa soixantaine, où - après une pause de 10 ans - il a décidé de porter à nouveau le costume de chauve-souris et de se mettre hors la loi, où il a recruté une nouvelle Robin (une fille !), où il a fini par régler définitivement son compte au Joker, où il s'est castagné (et a même eu le dessus à un moment !) contre Superman et où en apparence il est mort...
... en apparence seulement, car à la fin de DK1 (Dark Knight Returns), Batman s'est retiré du jeu pour aller construire une nouvelle société dans les souterrains - tout le monde le croyant mort et enterré - en compagnie de Carrie / Robin, de Green Arrow et d'un certain nombre de jeunes gens qui l'ont suivi (les Fils de Batman).
L'histoire reprend, dans DK2 (Dark Knight Strikes Again), 3 ans plus tard... Le monde a bien changé entre-temps : nous vivons dorénavant dans une ère cyberpunk, où le virtuel a pris de plus en plus le pas sur le réel, où les présentatrices télé présentent les titres à poil et où la seule voix contestatrice qui semble s'élever est celle d'un Jimmy Olsen vieillissant.
Les USA sont grosso modo aux mains des grands lobbys financiers, la démocratie n'existe plus, bref un vrai cauchemar futuriste !
Et c'est dans ce contexte que s'ouvre le comics. Dès la première scène ça frappe fort ! Nous voyons en effet Carrie Kelley, la Robin de DK1, devenue depuis Catgirl, se porter au secours du Dr. Palmer, alias Atom, prisonnier d'une boite de pétri et luttant du haut de sa taille microscopique contre des bactéries et autres organismes primaires...
Et là on en sait un peu plus sur ce qui avait amené à la disparition des héros avant DK1 : certains ont été en fait capturés, comme Atom ou comme Flash (que Catgirl délivrera également) qui est enfermé dans un réacteur dans lequel il court comme un hamster, pour alimenter tous les USA en électricité (sinon on lui a dit qu'on tuerait Iris ^^).
D'autres se sont retirés du jeu comme Hal Jordan qui a décidé de vivre... dans son anneau avec des créatures du Green.
D'autres, enfin, sont les pions des véritables maîtres du monde, à savoir Luthor & Brainiac qui sont, en fait, derrière le président des USA... qui n'est qu'un programme informatique. Ainsi, Captain Marvel, Superman et Wonder Woman sont les pantins de leurs ennemis jurés qui menacent respectivement Mary Marvel, la bouteille de Kandor et l'île des Amazones.
Aussi quand Batman revient foutre le bordel, Superman est dépêché par ses maîtres pour aller le raisonner... et il se prend une sacrée dérouillée de la part de Batman ! (pire que dans DK1)
Parce qu'en fait, Batman a un plan pour se débarrasser de Luthor et Brainiac et sauver le monde, rien que ça ^^
Cette série a été démolie par la critique, la trouvant sans commune mesure avec DK1... Et si je suis d'accord avec ce second point (DK1 se suffit à lui-même), DK2 reste quand même une curiosité et un machin sacrément audacieux !
D'abord parce que le graphisme bien que moins beau que dans DK1 et beaucoup plus sommaire et fouillon que ce que peut faire Miller à ses plus grandes heures n'en est pas moins excessivement efficace et impressionnant de dynamisme : DK2 en met réellement plein la vue, les couleurs de Lynn Varley, la femme de l'époque de Miller, y contribuant très clairement.
L'ambiance est géniale : ça commence comme du cyberpunk digne de William Gibson (Carrie Kelley / Catgirl pourrait très clairement être la Molly de Neuromancien ^^) et ça se poursuit en bataille apocalyptique tout le long de la bédé... La castagne avec Brainiac (et la destruction subséquente de Métropolis) fout clairement la chair de poule !
Beaucoup de clins d’œil et d'apparitions de tout un tas de héros : si Batman est clairement le héros de DK1, dans DK2 c'est le retour des héros ! En plus de ceux déjà cités, on voit The Question (qui clairement s'inspire dans DK2 des élucubrations de Rorschach et bosse en binôme comique avec Green Arrow, l'archer étant le fêlé marxiste et The Question le timbré de droite ^^), Martian Manhunter, The Guardian, un Elongated Man vieillissant, un Plastic Man complètement à l'ouest, une fausse Saturn Girl, ...
DK2, c'est aussi une critique des médias et des mouvements de mode : notamment par l'usage des spots d'information (les américains ne voient pas le problème fondamental dans le fait que leur président n'existe pas... et serait prêt à voter pour un hologramme !). Un peu fouillon tout ça, parce que c'est Miller, mais assez jouissif à lire !
En bonus, on a :
- la fille cachée de Superman et Wonder Woman, Lara qui a plein de questions sur les kryptoniens à poser à son père quand elle le rencontrera ^^
- Dick Grayson ! Où l'on apprend qu'il s'est fait virer par Batman, qui trouve que c'est un couard et un nullard et qui l'a jeté comme une vieille chaussette... (on s'attendait tellement à ce que Dick l'ait trahi et tout et tout... mais non il a juste perdu la raison parce qu'il a été rejeté par Bat's qui, pour le coup, est un peu un méchant canaillou ^^)
- une pseudo "Big Barda" incarnée par une actrice porno qui a décidé de se proclamer Dictatrice !
- les SuperChix (avec une fausse Black Canary), girls band de filles déguisées en héroïnes, dont la droite républicaine veut la mort (au sens propre) et dont le dernier concert est le point de départ d'une révolution contre l'ordre établi !
Si DK1 relève de l’orfèvrerie et tire un rideau sur les aventures de Batman, la suite, DK2, est une oeuvre revitalisante : ce n'est plus un Batman au bout du rouleau qui termine l'aventure, c'est un Batman rajeuni qui conclut le dernier volume en indiquant
"qu'il faisait dans le sentiment à l'époque où il était vieux" ^^
Ça a été réédité en français ce mois-ci chez Urban, ça vaut le détour (notamment pour les fans de Miller), il faut le lire avec l'esprit ouvert (notamment pour les fans de DK1) et vous pouvez-même le trouver en VO à vil prix (les trois numéros de 70 pages composant l'édition américaine, j'ai du les payer en import à moins de 10 € le tout) tellement ça n'a pas marché !