La Bataille d'Oa - War of the New Gods

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Bruce ? Je suis sur place.

Il ignorait si son correspondant pouvait encore l'entendre : il lui parlait depuis l'autre bout de l'univers, après tout. Batman était prévoyant, mais peut-être pas à ce point. Ça n'avait aucune importance : il avait essentiellement besoin de son aide pour parvenir jusqu'ici. Dès lors qu'il y était arrivé sans encombres, il devrait pouvoir se débrouiller seul. Il se préoccuperait plus tard du voyage-retour, s'il était encore assez en vie pour en avoir besoin.

La portée des téléporteurs ne cesserait jamais de le surprendre. Un instant il était dans la station spatiale du Chevalier Noir, et celui d'après sur le champ de bataille. Oa, planète-mère des Green Lanterns, étaient celui que les dieux avaient choisi pour déterminer lesquels d'entre eux verraient se lever la prochaine ère. Une lutte pour le paradigme s'était entamée - et heureusement, il n'était pas encore trop tard pour faire pencher la balance.

Perché sur l'une des plus hautes infrastructures que la planète avait à offrir, il scruta ses mains gantées, faisant jouer ses doigts pour s'assurer de leur pleine mobilité. Les articulations du costume n'émirent pas la moindre plainte, s'adaptant parfaitement à chacun de ses mouvements. Batman avait fait du bon travail : il n'en attendait pas moins de sa part. Si ce costume non seulement son premier mais aussi son dernier, au moins serait-il à sa mesure.

Il plongea dans le vide.

Une chute vertigineuse l'accueillit, le faisant descendre de plusieurs dizaines, de plusieurs centaines de mètres en l'espace d'à peine quelques secondes. Le vent cingla son visage malgré sa protection. Il n'avait jamais eu la peur des hauteurs, mais il ne lui aurait pas semblé absurde de commencer maintenant. La combinaison avait intérêt à être aussi réactive qu'on le lui avait laissé entendre, ou il n'en profiterait pas longtemps.

Sa sombre silhouette fendit les cieux d'Oa à toute vitesse, paraissant n'être qu'une ombre à la surface des bâtiments encore debout. Malheureusement, il n'avait pas le temps d'apprécier le décor - d'autant que même s'il en était encore loin, il pouvait voir d'ici que la situation était en train de se corser. Autant dire que ce n'était pas le moment de rater son entrée en allant s'écraser aux pieds des défenseurs, surtout s'il était censé leur prêter main forte.
Bien qu'il n'en connaisse que très peu personnellement, il savait que la plupart d'entre eux étaient de grosses pointures - ce qui ne les empêchait pas d'être bien peu de choses en comparaison d'un combat qui laisserait à jamais ses empreintes sur la galaxie si on ne l'en empêchait pas. Il en avait déjà eu un avant-goût ; plus jamais ça. Oui, tout ce que virent de lui la plupart d'entre eux était une forme rouge et noire, un ange tombé du ciel - ou un diable que Batman avait sorti de sa boite.

Désolé, je suis en retard. lança-t-il en passant à Mister Miracle, s'imposant dans leurs communications - le matériel de Batman était pratique pour ce genre de choses.

Les ailes vermeilles situées sous ses bras se déployèrent de sorte qu'il puisse courber sa trajectoire. Elles ne lui permettraient pas de voler, mais il planerait suffisamment pour se dispenser d'une fin funeste ; les réacteurs intégrés à ses bottes feraient le reste. La tenue comportait une myriade de compartiments qu'il n'avait pas eu le temps d'explorer : il lui faudrait le faire dans le feu de l'action. Il n'était pas vraiment rompu à l'usage des gadgets que produisait le gardien de Gotham, mais devrait pouvoir improviser. Se retrouvant à survoler la légion des Paradémons, il jugea que c'était le moment ou jamais.

La première chose que firent sortir ses manipulations - hasardeuses, bien qu'il tâcha de n'en rien laisser paraître - fut un crochet-grappin, mais ça lui convenait très bien. Projetant celui-ci vers l'un des chefs de file, il en laissa le câble s'enrouler autour de son cou et en rétracta le câble pour être projeté vers lui à toute vitesse, lui écrasant sa semelle en plein visage.
Deux autres eurent droit à ses premiers Batarangs - et si la précision lui manquait, leurs ailes étaient des cibles assez grandes pour que ce ne soit pas un problème, et moins encore quand la paire de projectile se mua en une puissante déflagration. Bondissant de l'un à l'autre en profitant de leur formation serrée, il prit appui sur le dos d'un quatrième et, tout en veillant à le déstabiliser pour l'envoyer s'écraser dans une tour, fit une nouvelle chute libre.

Les propulseurs prirent aussitôt le relais, lui donnant un nouvel élan. Ce n'était pas sa cible.

...Et il ne fallut que quelques instants pour qu'il s'abatte sur Gilotina comme la misère sur le monde, mettant tout son poids dans le coup de poing qu'il lui décerna en plein visage. Sa force n'était peut-être plus ce qu'elle était, mais celle décuplée que lui conférait le costume devrait néanmoins permettre de faire quelques dégâts. Il savait néanmoins devoir plutôt s'en remettre aux nombreux atouts que celui-ci avait caché dans sa manche - au sens littéral ; ainsi fit-il croître la taille des pointes qui hérissaient son avant-bras, tentant de lui infliger une lacération en plein torse avant que ses alliés n'aient pu réagir... Et en profita pour laisser tomber une paire de billes fumigènes à ses pieds.
Ceci étant fait, il bondit en arrière pour venir prendre place aux côtés d'Orion - ne pouvant néanmoins que regretter la baisse perceptible dans sa vitesse de réaction. Le combat avait été difficile la dernière fois, et elles n'étaient que deux ; maintenant qu'il y en avait quatre face à lui, il se pouvait bien qu'il soit fatal. Le masque du costume se plia à son froncement de sourcils, ses yeux opalescents se plissant pour les fixer avec dureté, la blonde en particulier, tandis qu'il se préparait mentalement au second round.

On a un compte à régler, toi et moi. lui lança-t-il d'une voix méconnaissable derrière son masque - une des nombreuses raisons pour lesquelles Conner détestait en porter.

Mais il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis.

Accompagnement musical:

Concentré qu'il était sur l'affrontement à venir, Conner n'avait pas vraiment prévu de faire la conversation. Aussi, quand Orion se pencha vers lui pour se saisir d'un Batarang - qu'il possédait en telle quantité qu'il se demandait si le costume ne les fabriquait pas au fur et à mesure ; mais à partir de quoi ? -, il ne trouva rien de mieux à faire que de l'observer, incrédule. Que savait-il au fond de son compagnon d'infortune, si ce n'est son nom ? C'était sans raison qu'il avait fusé vers lui, choisissant l'adversaire qu'il connaissait le mieux parmi ces visages inconnus ; il s'était simplement trouvé en train de s'y opposer.
Mais ils étaient ensemble dans cette galère : Orion n'avait aucun intérêt à lui nuire - et il était un héros. C'était une raison suffisance pour croire en lui, et ce malgré sa méfiance. Même si, ne commençant qu'à peine à savoir se servir de ses projectiles, il se demandait s'il était très pertinent de déjà s'éloigner du modèle standard... Plus encore quand celui qu'on lui proposait à la place avait apparemment la possibilité de blesser gravement un allié. Mais avant qu'il n'ait pu aller au bout de son raisonnement, son partenaire improvisé lui remit l'objet entre les mains, ne lui laissant d'autre choix que de l'accepter.

Merci, répondit-il en s'efforçant de cacher un léger trouble dont ses adversaires auraient pu trop facilement profiter.

Le lancer était désormais hors de question : même s'il se montrait plus habile qu'il ne l'aurait cru, son taux de réussite était encore très loin de celui du Batman - du vrai Batman. Comment devrait-il se faire appeler, d'ailleurs ? Il ne pouvait se permettre d'usurper son identité, de marcher sur ses plate-bandes mais Superboy n'était plus vraiment un choix recevable. Mais il ne servait à rien d'y penser maintenant : il y réfléchirait si et seulement si il réussissait à se tirer vivant de cette fichue planète. En attendant, il se contenterait de marcher dans ses traces et ne serait qu'une pâle copie - ce n'était pas comme s'il n'en avait pas l'habitude.

Il considéra en silence le Batarang altéré, ce qui laissa le temps de se reconstituer aux lignes ennemies. Devoir s'en remettre à une arme lui faisait un drôle d'effet. Lui qui n'avait toujours compté que sur ses points devait à présent dépendre du matériel que Batman avait bien voulu lui prêter. Si c'était un coup à l'ego, là n'était pas le seul problème. Bien sûr, il pouvait tout aussi sûrement quelqu'un en lui renfonçant la cage thoracique à l'aide de ses phalanges - mais manier un objet tranchant lui donnait l'impression d'accroître les risques de commettre une erreur. Car ils étaient peut-être dans une situation critique - et lui moins que d'autres -, mais il ne comptait pas pour autant transiger avec ses principes. Personne ne mourrait de sa main.

C'était la première erreur qu'il ferait à bord de cette armure, et elle pourrait bien être la dernière ; car à la guerre, la pitié n'a pas sa place.

Car déjà, il devait se pencher pour éviter in extremis un coup de griffe adressé directement au visage ; organisées et habituées à agir en bande, les quatre jeunes femmes - pouvait-on encore parler de femmes ? - s'étaient répartis en deux groupes de deux pour leur nuire au maximum. Et si elle avait les yeux encore rouges du gaz qu'elle avait dû encaisser, Gilotina se montra aussi mortelle que dans son souvenir quand elle vint pour lui l'instant d'après. La première lacération se contenta de laisser une éraflure dans son costume, mais la seconde mordit plus franchement dans son flanc. On l'avait certainement entraînée à viser les points vitaux, et il ne devait son statut qu'au fait de l'avoir empêchée de voir correctement - même si c'était aussi la raison de sa fureur.

Tentant de se remémorer les quelques cours de corps-à-corps qu'il avait reçu dans sa courte vie, il répliqua d'un uppercut à la mâchoire tandis qu'il destinait un coup de pied aux côtes de sa partenaire. Il ne devait en aucun cas les laisser le prendre en tenaille, sinon elles n'auraient plus qu'à ouvrir son armure comme une boite de conserve ; et une fois dehors, il serait vulnérable. Sa force était peut-être encore multipliée par dix, mais elle restait la force d'un humain : il devait faire en sorte que chaque coup compte s'il voulait pouvoir s'en tirer.
À en juger par le râle de rage et de douleur que lui adressa Gilotina pour toute répartie, elle ne devait pas se rappeler de lui - surtout ainsi vêtu - mais ce n'était pas grave ; lui saurait ce qu'il en était. Il ne pouvait de toute façon pas se permettre d'enlever le masque au milieu du combat. Établir la conversation, en revanche... Tandis que Stompa, le pied en l'air, s'apprêtait à porter un nouveau coup, il tendit le bras dans sa direction et projeta vers elle un grappin qui, en se dépliant, s'agrippa à sa jambe. Tirant dessus de toutes ses forces, il la fit choir en avant, laissant à Orion le luxe de placer un coup décisif avant qu'elle recouvre son équilibre.

Votre cousin ? eut-il tout juste demandé entre deux coups échangés, avant que la question lui sorte de la tête - ce qui arrive assez rapidement quand on tente d'échapper à un sort funeste en parallèle. Mais même avec cette prenante occupation, son esprit de déduction fit lui-même le trajet jusqu'à Mister Miracle, en direction duquel il releva les yeux un bref instant. Continuer la conversation entre deux passes d'armes demandait de hausser un peu le ton, mais il n'avait plus de super-oreilles pour lesquelles craindre désormais : Ah, je vois.

Il savait le Néo-Dieu marié, mais il ne lui était curieusement pas venu à l'esprit qu'ils puissent avoir une famille comme n'importe qui ; il ne savait finalement que bien peu de choses des enjeux de cette guerre qui avait consumé la galaxie. Et il était temps d'y mettre un terme. Avoir voulu aider Orion partait d'une bonne intention, mais ne lui en valut pas moins de sentir les griffes de Mad Harriet se planter au creux de ses reins.
Conner poussa un cri de stupeur et de douleur mêlée en la sentant affluer le long de son dos ; il n'avait pas l'habitude de sentir autant le mal que l'on pourrait vouloir lui faire. Constatant l'effet de son attaque, la Female Fury esquissa un sourire sadique et entreprit de planter les griffes plus avant - mais n'en eut pas le temps ; le jeune homme lui adressa un regard mauvais par-dessus sa propre épaule que même le costume ne réussit à masquer totalement... Et libéra une violente charge électrique.

Solides comme l'étaient les leurs, ce ne serait probablement pas suffisant pour qu'elle en garde des séquelles - mais étant directement encastrée dans le costume, elle n'allait certainement pas apprécier. Ce que son hurlement et le fait qu'elle s'écrase au sol pour ne plus se relever confirma rapidement. Cela avait considérablement entamé les batteries pourtant vastes de son armure dans ce qui semblait parti pour être une guerre d'attrition, mais considérant ce qui aurait pu lui arriver s'il n'en avait pas rapidement mis une hors d'état de nuire, le jeune homme pensait avoir pris la bonne décision.

Une de moins. fit-il en se retournant vers Gilotina - qui, si elle s'était préparée à frapper, s'était curieusement ravisée à l'apparition des premiers arcs électriques. Plus que trois.

Mais le destin a parfois cette étrange manière de vouloir à tout prix vous donner tort. À peine cette phrase prononcée, un Boom-Tube - pour lui affreusement réminiscent de cette attaque sur Terre sur Terre lors de laquelle il avait rencontré Mister Miracle, et qui avait tant coûté à Metropolis, même si guère autant que celle de Brainiac - s'ouvrit en grand pour laisser passer d'autres troupes. Il ne les connaissait pas plus que la créature qu'il venait de mettre à terre, mais était prêt à parier qu'ils n'étaient pas venus pour prendre le thé. Il glissa un regard vers Orion ; leurs chances de succès - et même de survie - diminuaient de minute en minute...

Il ne se découragea pas pour autant. Il avait passé suffisamment de temps à se demander ce qu'il devait faire ou non ; s'il devait ou non retourner sur le champ de bataille. Maintenant qu'il y était, il n'était pas question de faire demi-tour - et il doutait de toute façon que ce soit seulement possible ; il n'avait plus eu de nouvelles du Chevalier Noir depuis son arrivée. Selon toute vraisemblance, celui-ci avait réussi à le déposer sur place, mais il devrait rentrer par ses propres moyens ; c'était une théorie qu'ils avaient envisagé avant qu'il ne se mette en chemin. Ainsi soit-il : si ce devait être son dernier combat, autant y mettre tout ce qu'il avait dans le ventre. Et de la colère contenue, il en avait à revendre.

Voyant une forme d'hallali dans l'arrivée de leurs sinistres maîtres, les paradémons, qui jusque là ceignaient le lieu de leur affrontement sans oser s'en approcher après que leurs troupes aient été amputées en vol, se préparèrent à fondre sur lui comme un seul homme - ou un seul monstre ; qu'importe. De même qu'il se prépara à les recevoir, adoptant une posture de garde : s'il devait tomber, il en emporterait autant qu'il le pouvait dans sa chute.
Toutefois, avant qu'ils n'aient pu déferler sur lui comme les nuées bibliques - Krypton y avait-il un équivalent ? -, le bruit caractéristique d'ouverture de nouveaux passages se fit entendre de part et d'autre du champ de bataille. Deux silhouettes féminines tout en muscle, n'ayant rien à envier ou si peu à sa propre stature se frayaient un passage dans les légions adverses. S'il ne les connaissait pas, la détresse de sa situation lui suffit pour les voir en alliées malgré sa méfiance naturelle.

Mais quoi, encore, à la f- commença à se plaindre une Gilotina excédée - avant que Conner ne saisisse l'occasion pour lui clouer le bec en lui envoyant son poing en pleine mâchoire, avant de lui lacérer le torse de son Batarang enduit sans qu'il le sache de cette matière tant crainte des New Gods - et à raison. Tenant sa plaie - qui, si elle avait été un peu plus profonde, aurait pu lui être fatale -, Gilotina s'effondra à son tour sur le sol, concentrant toute ses forces pour résister à l'empoisonnement. Bien qu'incapable de déterminer exactement la substance, son arme n'ayant guère changé en apparence, Conner n'était pas sans pouvoir établir un parallèle avec leur propre comportement lorsqu'exposés à de la kryptonite... Même si, dans son état, encore fallait-il prouver qu'il reste quoi que ce soit de cette sensibilité. Il se rappelait que Scott Free lui en avait parlé lors de leur propre combat sur Terre ; où son « cousin » en avait-il dégoté ? Sans perdre un instant, il sauta par-dessus la silhouette étendue de son adversaire pour rejoindre la mêlée ; les deux demoiselles ne semblaient pas manquer de force de frappe, mais même à trois, leur nombre était largement dépassé.

Joli coup, adressa-t-il à l'une des deux guerrières - en fait la femme de celui qui l'avait appelé ici - tandis qu'elle jetait à terre celui qu'il ignorait être Bedlam ; joignant les mains au-dessus de sa tête, il retomba de tout son poids pour les faire s'abattre tel un violent coup de marteau sur le crâne de celle qu'il apprendrait plus tard être Granny Goodness. Tant de monde, tant d'inconnus versant leur sang, employant tous les moyens à disposition pour faire pencher ne serait-ce qu'un peu en leur faveur cette ultime bataille dont l'issue déterminerait peut-être le sort de l'univers tout entier.

Ce n'était pas pour le monde qu'ils se battaient aujourd'hui, mais pour tous les mondes ; pour tous ceux que cette guerre avait épargné, pour tous ceux qui vivaient encore parmi les étoiles, mais qui brûleraient comme les autres avant eux s'ils n'y mettaient pas un terme. Pour ceux-là même d'où les braises de ce conflit sanglant prenait sa source, il était déjà trop tard : dans un grondement abominable, les deux planètes venaient de se percuter ; et si ardents soient leurs affrontements, si mortels les ennemis auxquels ils devaient faire face, tous durent lever les yeux avec horreur même rien qu'un instant pour y assister.

Dans le ciel scintillaient les lueurs vertes des Green Lanterns, comme autant de lucioles sur le point de mourir...

Le combat faisait rage - ou fallait-il plutôt parler de massacre ?

Malgré toute l'énergie - toute la volonté - qu'ils mettaient à défendre leur planète, leur dernier bastion, les Green Lanterns tombaient comme des mouches. Non qu'il puisse leur en vouloir : n'était-il pas tous que des insectes face au pouvoir d'un dieu ? Alors que faire quand on a défié tout un panthéon ? Conner avait beau ne pas être porté sur la religion, il aurait eu du mal à ne pas croire ce qui se déroulait devant lui - ce à quoi il prenait part pour retarder l'inéluctable, pour repousser l'anéantissement - ne serait-ce que quelques instants. La différence, s'il devait y en avoir une, ne se ferait pas de leur côté ; ils n'étaient là que pour gagner du temps.
Et ce rôle lui allait très bien.
Il ne cernait que trop peu le contexte dans lequel il évoluait ; il n'avait été témoin - et participant - que d'une bataille après tout, et malgré lui encore bien. Il n'avait pas eu vraiment le temps de demander des explications - et n'en avait en soi pas besoin : quelle que soit la forme qu'elle prend, la fin des temps n'a qu'une seule définition. Et dire que pendant ce temps, presque tout le monde n'avait aucune idée de la tragédie qui était en train de se jouer parmi les étoiles. Aux confins de la galaxie, ils luttaient pour leur survie - pour que la réalité toute entière ne soit pas consumée par des forces qu'il osait à peine imaginer.

Rendant chaque coup, esquivant quand il le pouvait, Conner - ce qu'il restait de lui dans cette armure - avait perdu le compte des victimes, ne prenait plus qu'à peine le temps de discerner les visages. Maintenant que Gilotina avait mordu la poussière, tous ceux qu'il combattait lui étaient parfaitement inconnus ; il était incapable de prévoir une contre-mesure. Il ne pouvait que rester prudent, tenter de survivre, et improviser après avoir vu ce dont ils étaient capables. L'énergie du costume lui donnait l'impression de baisser à vue d'oeil - si prévoyant soit Batman, il n'avait probablement pas anticipé que son prototype se retrouverait sur la ligne de front d'une guerre universelle.

Soudain, des voix retentirent dans l'immensité, surplombant même le chaos général - provenant des seuls êtres à la surface d'Oa à ne pas en être partie prenante. Les Gardiens de l'Univers, rien que ça ? N'ayant que rarement côtoyé les Green Lanterns - pas plus que d'autres représentants du spectre émotionnel -, le jeune homme n'était pas en mesure de savoir que ce titre était loin d'être usurpé.
S'il profita du trouble suscité par leur intervention pour reprendre son souffle - et l'armure pour stabiliser une partie de ses fonctions vacillantes -, il déchanta rapidement en constatant que leur première intervention... Consistait ni plus ni moins qu'à assassiner un de leurs ennemis de sang-froid - et à donner à leurs hommes les moyens d'en faire de même avec ceux de son sang. Kon-El n'aurait peut-être pas été tant troublé s'il n'avait pas eu le temps de reconnaître le visage de Lightray, figé dans une expression de stupeur alors que le rayon le frappait de plein fouet.

NON !

Abandonnant tout ce qu'il faisait, le jeune homme aux faux airs de Batman se précipita à son côté - mais il était déjà trop tard. Il n'était pas médecin, mais même lui pouvait dire que l'étincelant Néo-Dieu avait été tué sur le coup ; au moins n'aurait-il pas souffert. S'il n'avait toujours pas pardonné à celui-ci les dommages causés à Metropolis, s'il le tenait en partie responsable de la perte de ses pouvoirs, il n'avait pour autant jamais voulu sa mort ; et pourtant. Ce n'était pas comme si on lui avait demandé son avis, après tout...

Laissant retomber le corps inerte de la première victime des Gardiens - du moins la première qu'ils faisaient en personne ; combien de vies est-ce que leurs soldats avaient massacré ? -, il s'en retourna vers le conflit... Juste à temps pour voir mourir sous ses yeux les deux femmes qui étaient venues à son aide, lâchement mises à mort par une attaque en traître. Un nouveau hurlement mourut dans sa gorge alors que la stupeur cédait sa place à la colère.
Cette rage qu'il s'était efforcé pendant tout ce temps de peur de ce qu'elle pourrait causer, il était temps de la laisser jaillir - ce n'était de toute façon comme s'il avait vraiment le choix. Il ne ferait certes pas autant de dégâts qu'il l'aurait pu à une époque, mais il avait besoin de se laisser aller ; il ne pouvait plus faire autrement.

Aussi se jeta-t-il sur le meurtrier, moins homme qu'animal - impression encore renforcée par son costume qui, bien qu'endommagé, portait toujours fièrement l'image de la chauve-souris, hissant l'étendard de Batman même aux confins des étoiles. Contrairement à lui, même si ce n'était là encore pas réellement de son fait, il choisit de l'attaquer de face - et lui planta le Batarang qu'il avait à la main dans le torse à répétition, ne s'arrêtant qu'en le voyant s'effondrer au sol... Pour mieux se mettre à convulser.
Choqué à cette vue, l'ancien Superboy recouvra un fragment de lucidité ; juste assez pour se rendre compte que l'arme qu'il tenait... N'était autre que celle qui avait été tout spécialement altérée pour attenter à la vie d'un Néo-Dieu. Que celui à qui il s'en était pris, tout tueur qu'il soit, était en train de mourir d'un empoisonnement. Si monstrueux qu'ils soient, qu'ils l'aient été dès le départ ou que ce soit ce que cette guerre avait fait d'eux... Il n'avait pas voulu ça. Rien de tout ça.

Effaré par ses propres actes, il lâcha son arme et voulut se pencher pour voir s'il pouvait encore faire quelque chose - ce qui lui valut de recevoir un coup de hache dans le dos, ce dont il se rendit compte assez tôt pour l'esquiver au moins en partie ; seule une balafre zébrait sa peau, la combinaison ayant cédé sous l'impact. Il peina toutefois à s'en remettre, commençant à ressentir les limites de cette endurance bien inférieure à celle dont il avait toujours eu l'habitude.

Aussitôt, des signaux d'alerte s'allumèrent dans son casque pour signaler la brèche - d'autant qu'il était au beau milieu d'une planète étrangère, même si celle-ci semblait posséder sa propre atmosphère. Si ça n'aurait pas été un problème du temps où il avait encore ses pouvoirs, ça pouvait en poser nettement plus maintenant qu'il n'était plus rien d'autre qu'un humain en armure.
Mais il n'aurait pas le temps de s'en soucier ; une lumière aveuglante était déjà en train de poindre à l'horizon - un véritable soleil de destruction. La Fin des Mondes était là, elle était venue les chercher, et ils en seraient aux premières loges tous autant qu'ils sont. Bientôt, tout ne serait plus que cendres... Non ; bientôt, tout ne serait plus rien, comme si rien n'avait jamais été. Il est dit qu'au terme de chaque bataille, c'est le vainqueur qui écrit l'histoire ; mais que fait-on quand il ne reste plus personne à la fin ?