A la recherche du temps perdu

Humidité, Urines, huiles souillées, pollution, transpiration et déchets en décomposition. Le savant parfum de cette ruelle est un subtil arrangement de fange et de moiteur propre aux grandes villes asiatiques. Et pourtant, moiteur mis à part ce genre de quartier et semblable d’un continent à l’autre.


C’était sous d’autres latitudes, sous d’autres cieux et pourtant il faut croire que tous les déchets du monde ont la même odeur. Le goût du sang sur les lèvres, je me redresse et je commence à s'épousseter un peu. J’arrache la chemise de l’homme que j’ai assommée afin de m’en servir comme torchon pour me nettoyer. Le tissu de mauvaise qualité et loin d’être propre mais pour l’utilité que j’en ai, ce sera bien suffisant. Il s’était montré un peu trop entreprenant et j’avais finis par devoir lui mettre les points sur les i. Même avec des poids à mes chevilles et poignets pour équilibrer les choses il n’a pas vraiment tenu la route.

Je ne fais plus vraiment attention à lui, il fait déjà partie de mon passé, de plus je n’ai aucune rancœur, au contraire. J’ai plutôt de la tristesse à son égard. Il n’a pas fait attention, inconscient il à commencer à faire sa loi sans faire attention à ses cibles : grave erreur. La première fille venue, n’est pas forcément une faible proie. Je continue mon chemin car aujourd’hui je ne suis pas là pour sauver les orphelins et courir après les opprimés. Je ne suis pas là non plus pour voler les sacs à main des vieilles. Non je suis an vacances.

Enfin,

Non, je cherche à voler du temps pour enfin prendre le temps de faire les choses. Voilà.
D’habitude je suis toujours en train de courir à droite et à gauche et au final, je me disperse. Je ne prends jamais le temps de me ressourcer, et franchement j’en ai besoin. Je continue de marcher dans les rues tel un loup sur un nouveau territoire. Les sens à l’affut et en me dépêchant de continuer ma route de peur que ma rapide altercation ne pousse d’autres chien fou à venir tenter le diable.
Mais avant de m’entrainer, avant de me concentrer sur de nouvelles choses j’ai besoin de me mettre dans le bain. A vivre en haut d’une tour en n’en oublie la base. Le danger omniprésent qui finit par rentrer dans votre peau tel un parfum indélébile. L’attention qui finit par faire partie de vous en permanence. La puissance physique que vous devez toujours garder prête au cas où.
Certes ce sport est assez original mais avant d’aller plus loin il me faut redevenir une louve. Alors j’ai été voir des amis, j’ai été leur demander une escapade dans mon propre passé.

Je ne cherche pas à jouer avec un almanach ou à tuer des bébés. Non, je cherche juste à voler du temps pour ne pas être dérangée. Au final, autant tricher.

Alors je suis revenue 6 ans en arrière, à une époque ou Rose et connue et occupée loin d’ici. Je vais prendre mon temps pour mes recherches car de toute façon j’ai si peu à perdre.

Du temps ?

Et alors, j’ai toujours été un cobaye expérimental de toute façon. Combien de temps vais-je vivre si personne ne cherche à mettre fin à mes jours ? (Hypothèse de travail déjà hautement improbable de toute façon.) Alors pourquoi se prendre la tête, quelques années de perdues de plus ou de moins…

Deux mois plus tard,
J’avais fini par faire une erreur. A force de marcher sur les pieds, ne naviguer en eau troubles et à me tailler mon chemin j’avais finis par tomber dans une embuscade contre une horde de Hyènes. Sans armes et sans armures le combat avait été rude. J’aurais aussi pu laisser tomber les poids qui limitaient mes mouvements mais cela aurait été un renoncement. J’avais au final réussi à m’échapper…

Bon,

Je ne sais pas s’ils ne m’ont pas juste cru trop grièvement blessée pour continuer à respirer longtemps ou s’ils étaient juste fatigués de me faire avaler la poussière mais je m’en étais tirée. Alors à la force de mes nerfs j’essaye de retrouver mon chemin jusqu’à ma planque.

Combien de temps ai-je marché tel un zombie, à peine consciente de mon environnement et bougeant plus à l’instinct qu’à la logique. Et dans cette demi-conscience alors que je suis enfin chez-moi, je croise mon reflet dans un miroir et je mon esprit s’égare :

Oui, je suis loin de me sentir plus forte que les autres tous les matins et l’appel séducteur de l’apathie avec le premier café… Laisser tomber la fierté et le courage, le genre de qualités qui ne font qu’inciter les bagarres. Et soyons francs aux yeux d’un mort ce n’est pas franchement utile. Alors pourquoi garder le masque et continuer à tenir un rôle ?

« Laisse tomber, pressait une petite voix dans ma tête. Ils vont faire ce qu’ils peuvent pour te briser. Tu l’as déjà été et tu le sera de nouveau certainement, alors pourquoi ne pas les laisser faire ? Pourquoi s’infliger des épreuves ? Joue le jeu et coule-toi dans le moule. »

Une voix insidieuse et tentatrice, dont une part froidement rationnelle d’elle-même savait pourtant qu’elle avait raison. Rien ne justifiait logiquement de se soumettre à de telles contraintes.
Mais alors que mes idées vagabondent encore avec une étrange lucidité, d’autres arguments, pas tous logiques m’apparaissent sans être moins important pour autant.

Mourir, bon c’est toujours un accident problématique mais même si je disparaissais aux yeux de tous la façon m’importe….à moi. C’était là l’essentiel mais je ne me l’étais jamais formulé. Mon rôle, mon identité font juste partie de moi-même. Ils n’ont d’importance que car c’est important …pour moi et non à cause de ce que les autres pensaient. Résister, se battre incite mes ennemis à la brutalité et à la haine mais rien qu’en l’envisageant, je sens une certaine force me chauffer le sang.

Cela ne ressemble ni à la détermination brutale d’Achille, ni à la haine que je revête parfois au combat comme une armure. Face à mon reflet dans cet étrange instant de lucidité, je me rends compte que la force que j’utilise dans ces occasions était toujours teintée de … pas de bravade, mais quelque chose d’approchant. Il s’agissait d’une force bien réelle, mais destinée aux autres plus qu’à elle-même. D’une certaine façon, c’était un don, un pouvoir qui me viens de l’extérieur. Un mélange de devoir et de responsabilité, de détermination parce que d’autres comptent pour moi, parce que j’ai prêté serment et que je préfère mourir de me parjurer, et parce que les règles du jeu m’impose de jouer la partie jusqu’au bout. Liliane, Slade, Bruce, Dick … combien de fois ai-je porté leur manteau sans même m’en rendre compte ?

Mais la force que je ressens maintenant n’avait rien à voir avec ces sources extérieures, ni le besoin d’accomplir son devoir pour le bien des autres, ni l’envie de gains personnels. Non, ces envies étaient secondaires, subordonnés à mon devoir envers moi-même et leur soutient était aussi devenu secondaire. Ce qui compte désormais, c’était ma force personnelle, la mienne, ni celle de mon père, ni celle de mes collègues. Il m’avait fallu du temps pour enfin comprendre la véritable force. Mais je l’avais enfin trouvée et en la contemplant honnêtement de l’intérieur, je n’en voyais pas ses limites.
Elle peut s’amenuiser, on peut m’en priver un temps, l’écraser encore et encore, mais elle reviendra toujours car elle fait partie intégrante de moi. Je m’assois le corps meurtris, douloureux et je sens la souffrance vibrer en moi mais pour la première fois depuis longtemps mon calme n’est plus qu’un simple masque.